Cass. com., 18 octobre 2023, n° 21-25.324
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
A2A (Sasu), Alpes Conseil Bureautique - ACB (SAS), Aquitaine Expérience Bureautique AXP Bureautique (SAS), Axantis Office Center, Axantis Office Networks (SAS), Axantis Office Solution (SAS), Axens (SAS), Axes (SAS), Axilis (SAS), A2X (SAS), Bearn Bureautique (SAS), Bi Networks (Sasu), Bureautique Assistance Conseil (SAS), Burocopy (SARL), Burotec 40 (SARL), Buroteam 64 (SAS), Centre Bureautique (SAS), Docexpert (SAS), Doc'In Networks (SARL), Document Store (SAS), Document Store Ouest (SAS), Document Store Rive Droite (Sasu), Espace Bureau 16 (SARL), Adexgroup (SAS), LD Bureautique 24 (SAS), Limousin Digital Services (SARL), Oxo Document Agency (SARL), Partner Systèmes (SAS), Partner Systèmes 2 (SAS), Sodevco (SAS), Soluti@ (SARL), Solutions Bureautique 77, Vienne Documentique (SAS), AJP-22 (SAS), Xéroboutique Centre (SAS), Xeroboutique 91 (SAS), Xeroboutique 93 94 (SAS), Xeroboutique 95 (SAS), Xeroboutique Ouest (SAS), Xeroboutique Sud (SAS), Actiprint (SAS), AJP 29 (SARL), Espace Solutions (SAS), Excelice 67 (Sasu), AJP 35 (Sasu), AJP 53 (Sasu), Espace Burotic (SAS), Fabre Bureautique Informatique Loire (Sasu), Fabre Bureautique Informatique Rhône (Sasu), FBI Sud (SAS), LBS 33 (SAS), LD Bureautique (SAS), Optima (Sté), Xeroboutique Nord (SAS)
Défendeur :
Xerox (Sasu), RPB43 (Sté), Buroteam (SAS), Buroteam 95 (SAS), Connecting Business Center (SAS), Numérique Center (SARL), Avene Bureautique (SARL), Burosys (SAS), Doc Line Bureautique (Sté), Ace Global Services (SAS), Ebi 34 (Sasu), FBI Auvergne (Sarl), Flexsi (SAS), Axena (Sasu), Le Petit Bureautique Solutions (Sasu), Agecom (SAS), Repro Partner (SAS), Scan d'Oc (SAS), Société de Reprographie Electronique (SARL), Société de Reprographie Electronique Nice (, Xerolab (Sasu), Axsaone (SAS), Axura (SAS), Digital Office Store (SAS), Open (SAS), Oxox Document Agency 89 (SARL), Qualis (SAS), Vip Networks (Sasu), Axior (SAS), Optima (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocats :
SCP Gury & Maitre, SCP Célice, Texidor, Périer
Désistement partiel
1. Il est donné acte aux sociétés A2A, Alpes Conseil Bureautique - ACB, Aquitaine Expérience Bureautique AXP Bureautique, Axantis Office Center, Axantis Office Networks, Axantis Office Solution, Axens, Axes, Axilis, A2X, Bearn Bureautique, Bi Networks, Bureautique Assistance Conseil, Burocopy, Burotec 40, Buroteam 64, Centre Bureautique, Docexpert, Doc'In Networks, Document Store, Document Store Ouest, Document Store Rive Droite, Espace Bureau 16, Adexgroup, LD Bureautique 24, Limousin Digital Services, Oxo Document Agency, Partner Systèmes, Partner Systèmes 2, Sodevco, Soluti@, P. Chanel [B] [U], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Soluti@, Solutions Bureautique 77, Vienne Documentique, AJP-22, Xeroboutique Centre, Xeroboutique 91, Xeroboutique 93 94, Xeroboutique 95, Xeroboutique Ouest, Xeroboutique Sud, Actiprint, AJP 29, Espace Solutions, Excelice 67, P. Chanel [B] [U], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Excelice 67, AJP 35, AJP 53, Espace Burotic, Fabre Bureautique Informatique Loire, Fabre Bureautique Informatique Rhône, FBI Sud, LBS 33, LD Bureautique, Optima et Xeroboutique Nord (les sociétés A2A et autres) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre des sociétés RPB 43, Buroteam, Buroteam 95, Connecting Business Center, Numérique Center, Avene Bureautique, Burosys, Doc Line Bureautique, Ace Global Services, Ebi 34, FBI Auvergne, Flexsi, Axena, Le Petit Bureautique Solutions, Agecom, Repro Partner, Scan d'Oc, Société de Reprographie Electronique, Société de Reprographie Electronique Nice, Xerolab, Axsaone, Axura, Digital Office Store, Mme [I], ès qualités, aux sociétés P. Chanel [B] [U], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Digital Office Store, Open, Oxox Document Agency 89, Qualis, Vip Networks, Axior, Optima.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2021), la société Xerox fabrique et commercialise des équipements de bureau et distribue ses produits et services d'impression tant directement qu'indirectement, notamment par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires, initialement en distribution exclusive et, depuis 2011, en distribution sélective monomarque.
3. Les sociétés A2A et autres sont des commerçants indépendants concessionnaires de la société Xerox, liées à elle par un contrat de concession et par un contrat par lequel la maintenance des appareils est sous-traitée à cette dernière.
4. Le 17 mars 2016 les sociétés A2A et autres ont assigné la société Xerox en annulation de la clause de non-concurrence du contrat de concession et de certaines clauses des conditions générales relatives au contrat de sous-traitance de maintenance des appareils vendus par les concessionnaires, en soutenant, notamment, que cette dernière les avait soumises à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce.
Examen des moyens
Sur les premiers moyens, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et huitième branches, deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident et provoqué
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi incident et provoqué, qui est préalable
Enoncé du moyen
6. La société Xerox fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, ainsi que des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack, alors :
« 1°/ que l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, constitutif d'une pratique restrictive de concurrence, suppose l'existence d'une soumission ou d'une tentative de soumission de son partenaire commercial à ce déséquilibre ; que tel n'est pas le cas lorsque le partenaire peut refuser de conclure ou de reconduire le contrat et réorienter immédiatement son activité avec d'autres marques concurrentes sans difficulté excessive ; que si la cour d'appel a considéré qu'en pratique, les concessionnaires devaient souscrire le contrat de sous-traitance de maintenance auprès de Xerox une fois qu'ils avaient décidé d'entrer ou de rester dans le réseau Xerox, ce contrat formant un tout indivisible avec le contrat de concession, elle a elle-même jugé qu'il n'existait aucune soumission ou tentative de soumission des concessionnaires au contrat de concession dès lors que « les concessionnaires peuvent résilier les contrats les liant avec la société Xerox ou ne pas reconduire les contrats de concession et ils peuvent immédiatement réorienter leur activité avec d'autres marques de copieurs multifonctions […] ; les concessionnaires ne sont nullement dépendants de la société Xerox pour apprécier leur intérêt à rester ou sortir du réseau de cette marque, sachant que cette appréciation leur est offerte régulièrement de par la périodicité des contrats qui leur permet de s'adapter, le cas échéant, au défaut de compétitivité qu'ils dénoncent s'agissant de l'offre Xerox, y compris en tenant compte de la dégradation de la qualité du service après-vente qu'ils déplorent » ; qu'il s'en déduisait l'absence de soumission et de tentative de soumission des concessionnaires au contrat de sous-traitance de maintenance, notamment aux clauses de ce contrat permettant à Xerox de suspendre le service sur tous les contrats en cours et toute nouvelle commande en cas d'impayé du concessionnaire, dès lors que si les concessionnaires refusaient de conclure ou de reconduire le contrat de sous-traitance de maintenance et donc le contrat de concession, ils pouvaient réorienter immédiatement leur activité avec d'autres marques concurrentes sans difficulté excessive, selon les propres constatations précitées de l'arrêt ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
2°/ qu'une clause qui n'est que l'application du droit commun ne peut être regardée comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que le droit commun admet le jeu de l'exception d'inexécution entre des contrats qui forment un tout indivisible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le contrat de sous-traitance de maintenance formait un tout indivisible avec le contrat de concession ; qu'il s'en déduisait que les clauses du contrat de sous-traitance de maintenance permettant à Xerox de suspendre le service sur tous les contrats en cours et toute nouvelle commande en cas d'impayé du concessionnaire, ne faisaient qu'appliquer le droit commun, qui admet le jeu de l'exception d'inexécution entre des contrats qui forment un tout indivisible, et, partant, ne pouvaient être regardées comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, ensemble l'article 1220 du code civil ;
3°/ que pour apprécier si une clause instituant une mesure de sanction d'une inexécution contractuelle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, le juge doit tenir compte du caractère automatique ou non de l'application de cette sanction ; qu'en décidant que les clauses litigieuses étaient disproportionnées et créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au motif qu'elles permettaient à Xerox de suspendre l'exécution de tous les contrats en cours et toute nouvelle commande tandis que les impayés pouvaient seulement concerner une minorité des contrats, voire un seul, sans tenir compte de ce que cette suspension était dépourvue de tout caractère automatique tant contractuellement que dans la pratique, l'exposante ayant accordé des moratoires à de nombreux concessionnaires défaillants, ainsi qu'elle le faisait valoir et en justifiait dans ses conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 ;
4°/ que pour retenir que les clauses permettant à Xerox de suspendre le service sur tous les contrats en cours et toute nouvelle commande en cas d'impayé, étaient disproportionnées et créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, qu'en dépit de l'organisation avec un compte unique par concessionnaire, aucune impossibilité technique ne s'oppose à ce qu'en cas d'impayé, Xerox arrête la prestation de maintenance uniquement pour le compte d'utilisateur affecté, et non pour d'autres, sans répondre aux conclusions par lesquelles elle faisait valoir que ce ne sont pas les clients utilisateurs qui sont en défaut de paiement vis-à-vis d'elle mais le concessionnaire qui ne règle pas ses prestations de sous-traitance de maintenance, de sorte qu'il serait illégitime de suspendre les prestations pour tel ou tel client utilisateur plutôt qu'un autre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est exclu si l'obligation mise à la charge du partenaire commercial est compensée par d'autres clauses du contrat ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les concessionnaires facturent aux utilisateurs le prix de la maintenance augmenté de leur marge et l'encaisse, sans réaliser aucune prestation ni livrer aucun consommable, que la marge qu'ils réalisent sur la maintenance a augmenté, passant de 25 % en 2015 à 29 % en 2019, qu'ils bénéficient d'un encours de trésorerie et d'un délai de paiement à 30 jours des factures de maintenance, que les machines qu'ils placent peuvent continuer à fonctionner, au moins un certain temps, sans maintenance et que cette dernière est certifiée ISO 9001 ; qu'en énonçant que Xerox ne démontrait pas que les clauses litigieuses relatives à la maintenance, en elles-mêmes disproportionnées, seraient rééquilibrées par d'autres stipulations du contrat de concession (arrêt p. 26 § 6), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019. »
Réponse de la Cour
7. En premier lieu, l'arrêt relève que, bien que les concessionnaires aient contesté conjointement le régime des prestations de maintenance de la société Xerox, et notamment de la clause litigieuse, ils ont été contraints d'intenter une action en justice, faute pour la société Xerox d'avoir négocié une modification de ces clauses.
8. Il ajoute que si les concessionnaires, en fonction de leur intérêt, peuvent résilier les contrats de concession ou ne pas les reconduire, dans l'hypothèse où ils décident de rester dans le réseau, ils doivent, pour que perdure leur activité en qualité de revendeurs exclusifs de produits Xerox, souscrire auprès de la société Xerox le contrat de sous-traitance qui forme un tout indivisible avec le contrat de concession, de sorte qu'ils sont dépendants du refus de principe de cette société de toute négociation des clauses litigieuses.
9. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'absence de négociation par les concessionnaires de la clause litigieuse, la cour d'appel a exactement déduit qu'en insérant les clauses ayant pour objet de sanctionner un impayé par la suspension du service sur l'ensemble des contrats, y compris ceux dont les échéances ont été payées dans les conditions générales de vente PagePack annexées au contrat de concession, la société Xerox avait imposé ou tenté d'imposer à ses concessionnaires ces obligations.
10. En second lieu, l'arrêt relève qu'en application de ces clauses, la société Xerox peut interrompre ses prestations de maintenance pour l'ensemble des contrats en cours, au motif qu'une société concessionnaire est redevable du paiement d'une ou de plusieurs factures, et ce, pour la durée de l'impayé, le concessionnaire demeurant, pendant le temps de suspension, tenu de s'acquitter auprès de la société Xerox des factures afférentes aux prestations dont l'exécution est suspendue. Il ajoute qu'il n'est pas démontré que le concessionnaire pourrait facilement procurer autrement à son client la prestation de maintenance requise, voire la simple fourniture de consommables, et déduit que ces clauses, qui obligent les concessionnaires, pendant l'interruption de service, à assurer eux-mêmes les prestations de maintenance pour leurs clients tout en s'acquittant auprès de la société Xerox de prestations inexistantes, les pénalisent.
11. L'arrêt retient ensuite que l'application de l'exception d'inexécution à l'ensemble contractuel comprenant les contrats de maintenance ne modifie pas le caractère déséquilibré du dispositif contractuel qui permet d'exiger le paiement de prestations non fournies.
12. Il retient qu'en dépit de l'existence d'un compte unique par concessionnaire, qui a été déterminée par la seule société Xerox, aucune impossibilité technique ne s'oppose à ce qu'en cas d'impayé, la société Xerox arrête la prestation de maintenance uniquement pour le compte d'utilisateur affecté, et non pour d'autres.
13. Il observe que ni l'existence d'impayés, auxquels la société Xerox doit faire face, ni la facturation par le concessionnaire aux utilisateurs du prix de la maintenance augmenté de sa marge et de l'encaisse sans réalisation de prestation ou livraison de consommables, ne conduisent à un rééquilibrage en faveur des concessionnaires. Il ajoute que si le concessionnaire est rémunéré par une commission sur le prix de la maintenance effectuée par la société Xerox, la preuve du caractère particulièrement avantageux de la rémunération, qui pourrait justifier un rééquilibrage, n'est pas rapportée. Il retient enfin qu'aucun rééquilibrage ne peut résulter du fait que la société Xerox ait institué un paiement à trente jours au-delà d'un certain encours de trésorerie, dans la mesure où le délai de paiement est de faible durée et où l'encours est établi à la discrétion de la société Xerox, ni du fait de l'existence d'une certification ISO 9001, ni du fait que les machines puissent continuer à fonctionner au moins un temps, sans maintenance.
14. En l'état de ces constatations et appréciations, peu important le caractère automatique ou non de la sanction, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir l'existence d'un déséquilibre entre les obligations.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa première branche, de ce pourvoi
Enoncé du moyen
16. La société Xerox fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des articles 15.7 des conditions générales PagePack, 13.11 des conditions générales eClick et 10.7 des conditions générales ServicePack, alors « que l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, constitutif d'une pratique restrictive de concurrence, suppose l'existence d'une soumission ou d'une tentative de soumission de son partenaire commercial à ce déséquilibre ; que tel n'est pas le cas lorsque le partenaire peut refuser de conclure ou de reconduire le contrat et réorienter immédiatement son activité avec d'autres marques concurrentes sans difficulté excessive ; que si la cour d'appel a considéré qu'en pratique, les concessionnaires devaient souscrire le contrat de sous-traitance de maintenance auprès de Xerox une fois qu'ils avaient décidé d'entrer ou de rester dans le réseau Xerox, ce contrat formant un tout indivisible avec le contrat de concession, elle a elle-même jugé qu'il n'existait aucune soumission ou tentative de soumission des concessionnaires au contrat de concession dès lors que « les concessionnaires peuvent résilier les contrats les liant avec la société Xerox ou ne pas reconduire les contrats de concession et ils peuvent immédiatement réorienter leur activité avec d'autres marques de copieurs multifonctions […] ; les concessionnaires ne sont nullement dépendants de la société Xerox pour apprécier leur intérêt à rester ou sortir du réseau de cette marque, sachant que cette appréciation leur est offerte régulièrement de par la périodicité des contrats qui leur permet de s'adapter, le cas échéant, au défaut de compétitivité qu'ils dénoncent s'agissant de l'offre Xerox, y compris en tenant compte de la dégradation de la qualité du service après-vente qu'ils déplorent » ; qu'il s'en déduisait l'absence de soumission et de tentative de soumission des concessionnaires au contrat de sous-traitance de maintenance, notamment à la clause de ce contrat prévoyant le régime de contestation des factures de Xerox, dès lors que si les concessionnaires refusaient de conclure ou de reconduire le contrat de sous-traitance de maintenance et donc le contrat de concession, ils pouvaient réorienter immédiatement leur activité avec d'autres marques concurrentes sans difficulté excessive, selon les propres constatations précitées de l'arrêt ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »
Réponse de la cour
17. Après avoir relevé que le régime de contestation des factures de maintenance prévu à l'article 15.7 des conditions générales n'avait pas donné lieu à une négociation avec les concessionnaires qui s'en plaignaient, l'arrêt retient, par référence à son analyse de la clause de sanction des impayés, que si les concessionnaires, en fonction de leur intérêt, peuvent résilier les contrats de concession les liant à la société Xerox ou ne pas les reconduire, dans l'hypothèse où ils décident de rester dans le réseau, ils doivent, pour que perdure leur activité en qualité de revendeurs exclusifs de produits Xerox, souscrire auprès de la société Xerox le contrat de sous-traitance qui forme un tout indivisible avec le contrat de concession, de sorte qu'ils sont dépendants du refus de principe de toute négociation de la clause de non-contestation des créances.
18. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d‘appel a pu déduire que la soumission ou tentative de soumission relativement à l'obligation de souscrire la clause de non-contestation des créances était caractérisée.
19. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
20. Les sociétés A2A et autres font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de l'article 1. 4. b) du contrat de concession les liant à la société Xerox, alors « que dans le cadre d'une relation commerciale, la clause par laquelle une partie a soumis ou tenté de soumettre l'autre partie et qui crée entre elles un déséquilibre significatif encourt la nullité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé, pour rejeter la demande d'annulation de la clause de non concurrence, que les concessionnaires ne pouvaient s'être trouvés dans un état de soumission dans la mesure où ils avaient la faculté de ne pas reconduire le contrat à son échéance ; qu'en statuant ainsi, par un motif seulement relatif à la possibilité de ne pas renouveler un contrat de concession, et dès lors impropre à exclure la soumission des concessionnaires à une clause créant un déséquilibre significatif pendant la durée du contrat, c'est à dire sur la période au cours de laquelle les concessionnaires y sont effectivement soumis, ce que soulignaient les exposantes dans leurs écritures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-354 du 24 avril 2019 :
21. Aux termes de ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
22. Pour rejeter la demande d'annulation de la clause 1.4 b) du contrat de concession, l'arrêt relève qu'en l'absence de disposition contractuelle contraire, les concessionnaires peuvent résilier les contrats de concession les liant à la société Xerox ou ne pas les reconduire et immédiatement réorienter leur activité avec d'autres marques de copieurs multifonctions. Il ajoute que les concessionnaires ne sont pas dépendants de la société Xerox dans l'appréciation de leur intérêt à rester ou sortir du réseau de cette marque et que cette possibilité leur est offerte régulièrement par la périodicité des contrats, pour s'adapter, le cas échéant, au défaut de compétitivité de l'offre Xerox qu'ils allèguent, et qui résulterait de la dégradation de la qualité du service après-vente.
23. En statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser la soumission ou la tentative de soumission des concessionnaires à une disposition contractuelle, dès lors qu'il ne portait pas sur la possibilité, pour ceux-ci de négocier la disposition litigieuse avant la signature du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande d'annulation de la clause de non-concurrence et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.