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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3 et 4, 9 février 2023, n° 19/19431

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vermeil (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Petel, Mme Fillioux

Avocats :

Me Alligier, Me Demun

TGI Grasse, du 19 nov. 2019, n° 17/04056

19 novembre 2019

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Le 23 octobre 2003, Monsieur [K] [Y] et Madame [Z] [W] ont constitué la SCI Vermeil, Monsieur [Y] disposant de 10 parts sociales et Madame [W] de 90 parts sociales sur les 100 qui constituent le capital social. Madame [W] a été désignée en qualité de gérante de la SCI.

Le 21 novembre 2003, la SCI Vermeil a acquis un bien immobilier à Isola 2000 moyennant un prix de 50 308euros.

Le 18 août 2017, Monsieur [Y] a mis en demeure la SCI de lui rembourser le solde de son compte courant créditeur dans la SCI Vermeil soit la somme de 40 328euros.

Par ordonnance du 30 juin 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a autorisé Monsieur [Y] a inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur le bien immobilier situé à [Localité 7] pour la somme de 40 000euros. Le bordereau d'inscription d'hypothèque a été déposé le 9 août 2017 et dénoncé le 16 août 2017 à la SCI Vermeil.

Par acte d'huissier du 6 septembre 2017, Monsieur [Y] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Grasse la SCI Vermeil afin d'obtenir le paiement de la somme de 40 328euros au titre du remboursement du compte courant d'associé.

Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la SCI Vermeil et a déclaré Monsieur [Y] recevable en sa demande de remboursement de son compte courant, a condamné la SCI Vermeil à lui payer la somme de 40 328euros à ce titre et ce avec intérêt au taux légal à compter du 22 août 2017, date de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement et aux entiers dépens.

La juridiction a estimé que la SCI Vermeil n'avait jamais fixé les conditions particulières au retrait des sommes mises à la disposition de la société, de sorte qu'il n'existe pas de préalable à la demande de remboursement, que le compte d'associé de Monsieur [Y] est bien créditeur de la somme sollicitée ainsi qu'en atteste l'expert comptable de la société et que l'état de fortune de Monsieur [Y] ne constitue pas un obstacle au remboursement.

Le 20 décembre 2019, la SCI Vermeil a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 14 novembre 2022, elle demande à la cour de :

Dire recevable son appel,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

' rejeté la fin de non recevoir soulevé par la SCI Vermeil et déclaré Monsieur [Y] recevable en sa demande de remboursement de son compte courant, condamné la SCI Vermeil à lui payer la somme de 40 328euros à ce titre et ce avec intérêt au taux légal à compter du 22 août 2017, date de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement et aux entiers dépens et débouté la SCI Vermeil de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile'

A titre principal :

Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [Y] lesquelles sont prématurées, faute de production d'une décision collective sur les conditions et le retrait des comptes courant d'associé ou d'une demande à la gérance de la convocation des associés pour délibérer sur le remboursement de son compte courant,

Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [Y] pour l'absence d'exigibilité du paiement du compte courant d'associé résultant du défaut de notification régulière d'une demande de paiement à la SCI Vermeil ou de clôture de son compte courant,

A titre subsidiairement :

Vu l'article 9 du CPC et l'article 1315 du code civil ;

Dire et juger que Monsieur [Y] ne justifie pas de l'existence ni la réalité du montant du compte courant revendiqué,

En conséquence :

Le débouter de ses demandes, fins et prétentions,

Condamner Monsieur [Y] à payer à la SCI Vermeil la somme de 2 500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alligier.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2022, Monsieur [Y] demande à la cour de :

Vu les articles 1128, 1211, 1855, 1856 et 1231-6 du code civil,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 19 novembre 2019 dans toutes ses dispositions,

Débouter la SCI Vermeil de ses demandes, fins et prétentions,

Condamner la SCI Vermeil à lui payer la somme de 5 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2022.

MOTIFS :

Monsieur [Y] et Madame [W] sont en l'état d'une SCI constituée le 20 octobre 2003 dont ils sont les deux seuls associés et détenteurs respectivement de 10 et 90 parts. Les statuts de la SCI Vermeil disposent en leur article 19 bis relatif aux comptes courant ' les associés peuvent laisser ou mettre à la disposition de la société toutes sommes dont celle ci pourrait avoir besoin. Le montant des dites sommes, les conditions de leur retrait et leur rémunération sont fixées par décision collective des associés'.

Par courrier du 18 août 2017, Monsieur [Y] a mis en demeure la SCI de lui rembourser son compte courant d'associé créditeur.

En l'absence de clause statutaire contraire, un associé est fondé à obtenir à tout moment la restitution des avances en compte courant qu'il a consenties à la société qui s'analyse en un prêt à durée indéterminée qui peut être rompu par chacune des parties à tout moment.

La SCI Vermeil s'oppose à ce remboursement en invoquant l'article 19 bis des statuts sus visés qui imposerait, en préalable à toute demande de retrait, une décision collective d'associés.

Il appartient au juge d'interpréter toute convention selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation et dans le doute la convention s'interprète en faveur du débiteur.

Il est acquis que les conditions du retrait auraient pu faire l'objet d'une décision d'assemblée générale des associés afin d'en fixer les limites ou les contraintes. Mais que tel n'a pas été le choix des associés de la SCI qui depuis 2003 n'ont pas jugé opportun ou utile de statuer sur cette question et d'imposer des conditions au retrait d'un associé. De sorte que l'article 19 bis ne saurait aujourd'hui être analysé comme une condition préalable indispensable rendant irrecevable la demande de remboursement, sauf à trahir la commune intention des parties.

L'attestation de Monsieur [C], expert comptable de la SCI Vermeil, est suffisante à établir la réalité de la somme dont le remboursement est sollicité, la SCI Vermeil ne pouvant arguer d'une absence de remise aux débats des bilans de la société ou des documents comptables dont

elle est elle-même détentrice.

Monsieur [Y] a adressé le 18 août 2017 une lettre recommandée de mise demeure qui a été réceptionnée le 22 août 2017. Toutefois ce courrier dépourvu de toute signature mentionne comme adresse le [Adresse 1] qui ne correspond ni au siège social de la SCI tel que mentionné au registre du commerce et des sociétés soit au [Adresse 2] ni au domicile de la gérante situé [Adresse 6]. Ainsi ce courrier ne constitue pas une mise en demande valable au sens de l'article 1231-6 du code civil.

Toutefois l'assignation délivrée le 6 septembre 2017 vaut demande en justice, et il convient de fixer le point de départ des intérêts à la date de la demande en justice à savoir l'assignation.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement déféré rendu le 19 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts,

Statuant à nouveau sur ce point :

Dit que la somme produira des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2017, date de la première demande en justice et ce jusqu'à parfait paiement,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à l'une quelconque des parties pour la procédure d'appel.

Condamne la SCI Vermeil aux entiers dépens.