Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 13 avril 2023, n° 21-24.196

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Abgrall

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard

Saint-Denis de La Réunion, du 27 août 20…

27 août 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 août 2021), par acte authentique du 25 novembre 2014, la société civile immobilière Fen Chong (la SCI) s'est engagée en qualité de caution, avec affectation hypothécaire du bien immobilier lui appartenant, en garantie du remboursement d'un prêt d'un montant de 150 000 euros souscrit par la société Digicam auprès de la Banque de la Réunion.

2. Par jugement du 22 novembre 2017, la société Digicam a été placée en liquidation judiciaire.

3. Par acte du 4 juillet 2019, la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse, venant aux droits de la Banque de la Réunion, a fait délivrer à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière de son bien donné en sûreté, puis, le 3 septembre 2019, a publié ce commandement au service de la publicité foncière de Saint Denis.

4. Se prévalant d'une créance de 89 799,10 euros au titre du cautionnement de la société Digicam, la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse a assigné la SCI devant le juge de l'exécution pour voir ordonner la vente aux enchères du bien.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du « cautionnement hypothécaire » souscrit le 25 novembre 2014 et la nullité du commandement de payer du 4 juillet 2019, alors :

« 1°/ que la conformité à l'intérêt social n'est pas une condition de validité des contrats conclus par une société civile avec un tiers ; qu'en l'espèce, pour annuler le cautionnement hypothécaire consenti le 25 novembre 2014 par la SCI Fen Chong en garantie de la dette de la société Digicam et le commandement de payer délivré le 4 juillet 2019, la cour d'appel a retenu que ce cautionnement était contraire à l'intérêt social de la SCI en ce qu'il était de nature à compromettre son existence car en le souscrivant, la SCI a engagé son seul bien sans aucune contrepartie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du code civil ;

2°/ qu'une sûreté réelle consentie par une société civile immobilière en garantie de la dette d'un tiers n'est pas contraire à l'intérêt social si sa réalisation n'a pas pour effet de faire disparaître le patrimoine social, et de compromettre l'existence de la société ; que tel est le cas si le montant de la dette garantie est inférieur à la valeur du bien immeuble donné en sûreté, de telle sorte que la société pourrait réinvestir le reliquat lui revenant après la vente ; qu'en énonçant, pour annuler le cautionnement hypothécaire, que celui-ci était contraire à l'intérêt social de la SCI même s'il a été donné pour un montant inférieur à la valeur du bien hypothéqué, dès lors qu'il faisait peser un risque de perte physique de la totalité du bien, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la conformité du cautionnement litigieux à l'intérêt social de la SCI, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1849 du code civil ;

3°/ qu'en énonçant que la garantie litigieuse faisait peser sur la SCI un risque de perte de la totalité du bien en valeur d'actif, tout en relevant qu'elle avait été souscrite pour un montant inférieur à la valeur de l'immeuble hypothéqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1833 et 1849 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a énoncé à bon droit, que, pour être valide, la sûreté accordée par une société en garantie de la dette d'un tiers devait être conforme à son objet social ou résulter d'une communauté d'intérêt avec la personne cautionnée ou avoir été adoptée par une décision unanime des associés, et devait en outre être conforme à l'intérêt social, impliquant que le risque pour elle soit proportionné au bénéfice qu'elle pouvait escompter de l'opération garantie.

7. Elle a retenu, que, si l'ensemble des associés de la SCI avait approuvé le cautionnement litigieux par délibération du 5 novembre 2014, la société avait ainsi engagé à titre de sûreté hypothécaire son seul bien sans aucune contrepartie attendue de l'opération financée et que, si le cautionnement avait été limité à une somme inférieure à la valeur du bien hypothéqué, la sûreté consentie appréhendait le bien en son ensemble et faisait peser un risque de perte de la totalité de ce bien en cas de réalisation de la garantie.

8. Elle a pu déduire de ces seuls motifs qu'en consentant la sûreté au profit de la société Digicam, la SCI avait conclu un acte contraire à son intérêt social de nature à compromettre son existence, et a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.