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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 1, 4 mai 2023, n° 21/02881

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

B&H associés (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poupet

Conseillers :

Mme Miller, Mme Colonna

Avocat :

Me Watel

TGI Lille, du 5 déc. 2019, n° 19/04862

5 décembre 2019

Exposé du litige

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 janvier 2023

Mme [P] [M] a confié à la société B&H Associés (ci-après, la « société B&H ») la gestion de deux appartements, situés dans la résidence du Square à Tourcoing, qui ont été loués, respectivement, à compter du 1er mai 2000 à Mme [H] et à partir du 15 juillet 2013 à M. et Mme [L].

Faisant état de manquements de la part de la société B&H dans l'exécution de son mandat, ayant perduré malgré deux mises en demeure des 8 juillet 2016 et 1er mars 2017, elle a fait assigner celle-ci devant le tribunal de grande instance de Lille par acte d'huissier de justice du 20 juin 2019 afin de la voir condamner à lui payer la somme de 11 110,54 euros outre une indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement réputé contradictoire du 5 décembre 2019, le tribunal a rejeté toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens. 

Moyens

Mme [M] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions remises le 15 juillet 2021, demande à la cour, au visa de l'article 12 du code de procédure civile, des articles 1984 et suivants du code civil et de l'article 1343-2 du même code, de le réformer et, statuant à nouveau, de condamner la société B&H à lui payer la somme de 12 218,35 euros à titre de dommages et intérêts, sauf mémoire, d'assortir ladite somme des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2016 et d'ordonner la capitalisation des intérêts. Elle sollicite, en outre, la condamnation de la société B&H aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL B&H, à laquelle ont été régulièrement signifiées la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante le 19 juillet 2021, n'a pas constitué avocat.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'existence des deux mandats de gestion dont se prévaut l'appelante est établie par la production du premier de ceux-ci, en date du 5 janvier 1999, et des baux portant sur les deux appartements évoqués ci-dessus ainsi que d'un certain nombre de courriers.

Par ailleurs, l'article 1993 du code civil dispose que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant. Il est constant qu'à défaut, il engage sa responsabilité.

Mme [M] est donc fondée à exiger de la SARL B&H qu'elle lui rende compte de sa gestion, nonobstant l'ambiguïté de la clause «'reddition 'de compte’ » figurant dans le mandat versé aux débats, à savoir « fréquence des comptes rendus de gestion : tous les ans - modalités de reddition : mensuellement par virement sur compte désigné par le mandant'». Il est raisonnable d'en déduire que le mandataire était tenu de transmettre mensuellement à sa mandante les sommes perçues au titre des loyers et provisions sur charge et de lui rendre compte au moins une fois par an de l'ensemble de sa gestion.

Il y a lieu toutefois de relever que Mme [M] n'exerce pas une action en reddition de compte mais une action en responsabilité en raison des fautes qu'elle impute à la société B&H dans l'exercice de son mandat puisqu'elle demande des dommages et intérêts et non la reconnaissance d'une créance. Il lui appartient donc d'établir la preuve des manquements de son mandataire et du préjudice qu'elle allègue subir.

Elle soutient que l'intimée ne lui aurait pas « restitué’ » l'intégralité des loyers et charges encaissés, n'aurait pas appliqué l'indexation du loyer depuis la signature des baux, n'aurait pas récupéré sur les locataires la taxe sur les ordures ménagères et n'aurait pas répondu à ses demandes d'explication et rappels à l'ordre.

Elle verse aux débats une mise en demeure de s'expliquer sur ces points, chiffres à l'appui, adressée le 8 juillet 2016 à la SARL B&H par son assureur « protection juridique'», dont l'accusé de réception néanmoins n'est pas produit, et une seconde mise en demeure, reprenant les termes de la première, adressée par son conseil à l'intimée et parvenue à cette dernière le 9 mars 2017. Elle produit également d'autres courriers, recommandés ou simples, de diverses années, sur des points spécifiques. L'ensemble de ces pièces, bien qu'émanant de la seule Mme [M], rendent crédible l'existence de manquements de la mandataire.

Il s'avère, à cet égard, que, faute d'avoir comparu en première instance et de comparaître en cause d'appel, la société B&H n'apporte aucun élément justifiant de ses diligences à la cour qui ne dispose que des pièces produites par Mme [M], laquelle se trouve dans l'impossibilité d'apporter la preuve de certains « faits négatifs’ », par exemple l'absence de réponse à ses réclamations.

La somme dont elle demande le paiement à titre de dommages et intérêts, et dont elle détaille le calcul dans des tableaux, correspond à la différence entre’ :

- d'une part, le montant des loyers et charges échus depuis 2013 tels qu'ils ont été fixés initialement, de la somme résultant de l'application annuelle de l'indexation à ces loyers et des taxes sur les ordures ménagères des années considérées,

- d'autre part, le montant qu'elle a reçu de la SARL B&H pendant la même période.

Il doit être relevé qu'une action en paiement de sommes dues par la société B&H pour la période antérieure au 20 juin 2014, soit cinq ans avant l'assignation introductive d'instance du 20 juin 2020, se heurterait à la prescription de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil pour l'exercice des actions personnelles ou mobilières et qu'elle ne saurait en poursuivre le recouvrement par le biais d'une action en responsabilité, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte pour l'évaluation du préjudice de l'appelante.

En revanche, Mme [M] justifie des montants de charges (récupérables) mentionnés dans ses tableaux par les comptes du syndic de la copropriété, des taxes sur les ordures ménagères par ses avis d'imposition, de l'ensemble des versements de B&H par un récapitulatif précis de ceux-ci (pièce 43) assorti de la production de ses relevés bancaires, lequel récapitulatif confirme en outre, eu égard à la constance des montants versés année après année, le défaut de révision automatique du loyer par l'effet de l'indexation et de régularisation des charges.

De l'ensemble de ces pièces, il ressort que les manquements de la SARL B&H à ses obligations allégués par Mme [M] sont établis et que celle-ci subit un préjudice qui n'est pas inférieur à 12'000 euros, somme au paiement de laquelle l'intimée sera donc condamnée.

Il appartient à cette dernière, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile et il est en outre équitable qu'en application de l'article 700 du même code, elle indemnise l'appelante des autres frais que celle-ci a exposés pour assurer la défense de ses intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamne la SARL B&H Associés à payer à Mme [P] [M] les sommes de :

- douze mille euros (12'000 €) à titre de dommages et intérêts,

- trois mille euros (3 000 €) par application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne aux dépens de première instance et d'appel.