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Décisions

CA Orléans, ch. com., 26 octobre 2023, n° 21/00865

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Encraje (SARL)

Défendeur :

Projet L (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Lerner, Me Gatefin, Me Moreau

T. com. Tours, du 5 févr. 2021

5 février 2021

EXPOSE DU LITIGE :

La société Projet L, qui exerce une activité d'imprimerie, a acquis en novembre 2016 auprès de la société Encraje une imprimante Mimaki print CJV 150, et s'est fournie, auprès de la société Encraje, d'encre destinée à l'usage de cette imprimante (Mimaki BS4 et SS21).

Le 13 septembre 2017, la société Projet L a conclu avec la société Altavia un marché portant sur des impressions numériques pour supports surgelés.

Cette commande devait être livrée dans un délai court, initialement fixé au 6 octobre 2017 et finalement reporté au 13 octobre suivant.

Exposant que cette commande, dont le montant correspondait à 44 % de son chiffre d'affaires annuel, revêtait un grand intérêt pour elle, que pour y satisfaire, elle avait prévu d'utiliser deux imprimantes, dont l'imprimante CJV150 acquise auprès de la société Encraje, laquelle est tombée en panne dès le 14 septembre 2017, que le technicien de la société Encraje n'a pas réussi à remédier au dysfonctionnement de l'appareil, que l'imprimante de prêt mise à sa disposition s'est désamorcée de sorte qu'elle a été contrainte de sous-traiter une partie des travaux qui lui avaient été confiés, que l'expert privé mandaté par sa compagnie d'assurance a imputé le dysfonctionnement de l'imprimante au caractère défectueux d'un lot d'encre BS4, puis qu'elle a vainement mis en demeure la société Encraje qui avait admis la défectuosité de ce lot d'encre de l'indemniser de son préjudice, la société Projet L a fait assigner son fournisseur devant le tribunal de commerce de Tours par acte du 3 septembre 2019 pour l'entendre condamner à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi à hauteur de 17 348 euros, à titre principal sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, subsidiairement par application de la garantie des vices cachés, encore plus subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Par jugement du 5 février 2021, en retenant que selon l'expert privé sollicité par la société projet L, la société Encraje avait commis « une faute » de nature à engager sa responsabilité contractuelle, le tribunal a :

- condamné la SARL Encraje Eurosystems France à payer à la SAS Projet L la somme de 17 348 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019,

- débouté la SARL Encraje Eurosystems France de toutes ses demandes,

- condamné la SARL Encraje Eurosystems France à payer 2 000 euros à la société Projet L à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la SARL Encraje Eurosystems France de sa demande à ce titre,

- condamné la SARL Encraje Eurosystems France aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros.

La société Encraje a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 23 mars 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Moyens

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2022 par voie électronique, la société Encraje demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, L. 134-6 et L. 134-12 du code de commerce, de :

- déclarer la société Encraje bien fondée en son appel,

- recevoir la société Encraje en ses demandes,

- juger que le dispositif des secondes conclusions d'appel incident de l'intimée ne peut régulariser ses premières écritures notifiées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile ne contenant pas de demande d'infirmation, de réformation ou d'annulation du jugement dont appel,

- juger l'absence d'appel incident régulier,

- juger que la cour n'a été saisie d'aucun appel incident régulier par l'effet des conclusions d'intimée notifiées le 20 décembre 2021,

- déclarer irrecevable l'appel incident formalisée par la société Projet L,

- juger qu'en l'absence de demande de réformation ou infirmation du jugement, la cour n'est pas saisie d'appel incident,

- juger que la cour ne peut statuer sur la demande adverse « condamner la SAS Encraje au payement à la SAS Projet L de la somme de 17 468,80 € HT correspondant au coût du recours à la sous-traitance »,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- condamné la société Encraje Eurosystems France à payer à la société Projet L la somme de 17 348 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019,

- débouté la société Encraje Eurosystems France de toutes ses demandes,

- condamné la société Encraje Eurosystems France à payer 2 000 euros à la société Projet L à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Encraje Eurosystems France de sa demande à ce titre,

- condamné la société Encraje Eurosystems France aux entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros,

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

- débouter la société Projet L de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu'elles ne sont ni fondées, ni justifiées dans la mesure où la preuve d'une non-conformité et la preuve d'un préjudice lié à ce désordre n'est pas rapportée,

- condamner la société Projet L au paiement de la somme de 4 658,80 euros au titre des factures impayées, émises en contrepartie des prestations réalisées à son profit,

- condamner la société Projet L à verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2021 par voie électronique, la SAS Projet L demande à la cour, au visa des articles 1245 et suivants du code civil, à titre subsidiaire 1641 et suivants du code civil, à titre infiniment subsidiaire, 1231-1 et suivants du code civil et 1602 et suivants du même code, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours en date du 5 février 2021,

Y ajoutant,

- condamner la SAS Encraje à régler la somme de 6 000 euros à la SAS Projet L en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Encraje aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Anne-Sophie Lerner membre de la SARL Arcole,

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours en date du 5 février 2021,

- condamner la SAS Encraje au payement à la SAS Projet L de la somme de 17 468,80 euros HT correspondant au coût du recours à la sous-traitance,

- condamner la SAS Encraje à régler la somme de 6 000 euros à la SAS Projet L en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Encraje aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Anne-Sophie Lerner membre de la SARL Arcole.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 novembre 2022.

A l'audience, la cour a invité la société Projet L à bien vouloir préciser, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement sous quinzaine, comment devait être comprise sa demande, pourtant 'subsidiaire' à sa demande de confirmation du jugement déféré, tendant à obtenir en cause d'appel une indemnisation plus élevée que celle allouée par les premiers juges, et a autorisé la société Encraje à transmettre ses observations selon les mêmes modalités.

Par une note transmise par voie électronique le 19 septembre 2023, la société projet L explique qu'elle sollicite à titre principal la confirmation du jugement qui lui a accordé une indemnisation de 17 348 euros qui correspond à une estimation « à dire d'expert » mais que, compte tenu de la contestation élevée par l'appelante sur le montant de cette indemnisation, elle sollicite subsidiairement la réformation partielle du jugement à fin d'obtenir, sur la base de la facture de sous-traitance qu'elle a retrouvée en cours de procédure d'appel, une indemnisation de 17 468,80 euros HT, correspond au montant de cette facture.

La société Ancraje n'a pas transmis d'observations en réplique.

Motivation

SUR CE, LA COUR :

Observations liminaires sur la limite de la dévolution :

Selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

En l'espèce, l'appelant a remis au greffe ses premières conclusions prévues à l'article 908 le 22 juin 2021.

Les seules conclusions que la société intimée Projet L a notifiées dans le délai de trois mois prévus à l'article 909 sont celles qui l'ont été le 2 septembre 2021.

Au dispositif de ces conclusions, la société Projet L sollicite la confirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 5 février 2021 par le tribunal de commerce de Tours et, à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la société Encraje à lui payer la somme HT de 17 468,80 euros correspondant au recours à la sous-traitance.

Le tribunal de commerce de Tours a accordé à la société Projet L, dans son jugement du 5 février 2021, une somme de 17 348 euros.

En sollicitant « subsidiairement » la condamnation de l'appelant à lui régler à titre de dommages et intérêts une indemnité d'un montant plus élevé que celle qui lui a été accordée par les premiers juges, la société Projet L entend manifestement relever appel incident, sans pour autant demander dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont elle recherche l'anéantissement, ni l'annulation du jugement, comme le lui prescrivent pourtant les dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, ainsi que celles de l'article 562 qui, depuis la réforme de la procédure d'appel issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, exclut tout appel implicite en prévoyant désormais que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il en résulte que les conclusions notifiées le 2 septembre 2021 par la société projet L, en ce qu'elles ne comportent à leur dispositif aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement en cause, ne constituent pas un appel incident valable (v. par ex. Civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-10694).

Dès lors que les secondes et dernières conclusions que la société projet L a notifiées le 20 décembre 2021 ne contiennent encore aucune demande d'infirmation ou de confirmation du ou des chefs du jugement dont elle recherche l'anéantissement, et que ces conclusions ont en toute hypothèse été notifiées au-delà du délai de trois mois prévu à l'article 909 du code de procédure civile, qui expirait le 22 septembre 2021, la cour ne peut que constater qu'elle n'a été valablement saisie par la société projet L d'aucun appel incident.

Il s'en infère que la dévolution n'a pas été étendue par les conclusions de la société Projet L et que les demandes de cette dernière tendant à faire statuer la cour sur des prétentions qui excèdent ce qu'elle a obtenu des premiers juges sont irrecevables.

Sur le fond :

Hormis les cas dans lesquels la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise extra-judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, qu'elle ait été réalisée en présence de celles-ci ou non (v. par ex. Ch. mixte 28 septembre 2012, n° 11-18.710 ; Civ. 2, 13 septembre 2018, n° 17-20.099 ; Civ. 3, 14 mai 2020, n° 19-16.278).

Dit autrement, un rapport d'expertise non judiciaire régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties constitue un mode de preuve admissible, même lorsque la mesure n'a pas été réalisée contradictoirement, si ce rapport est corroboré par d'autres éléments destinés à servir de preuve.

Dès lors qu'en l'espèce la société Projet L offre à titre de preuve d'autres éléments que le rapport d'expertise extra-judiciaire réalisé par l'entremise de son assureur, notamment des courriels échangés entre les parties, rien ne justifie de déclarer ce rapport d'expertise privé inopposable à la société Ancraje, mais sa valeur probante sera à la mesure des éléments de preuve que propose la société Projet L pour étayer ce rapport dont elle ne peut se prévaloir en lui-même à titre de preuve.

- sur la responsabilité

La société Projet L, qui commence par affirmer que la société Encraje aurait reconnu sa responsabilité dans un mail du 29 novembre 2018, soutient à titre principal que, « au titre de la loi sur les produits défectueux », la société Encraje est responsable de plein droit de la défectuosité des produits qu'elle vend, que selon le calcul réalisé par l'expert d'assurance, son préjudice matériel s'élève à 17 348 euros, et en déduit, sans davantage d'explications, que les pannes subies successivement ayant pour origine l'encre fournie par la société Encraje, cette dernière engage sa responsabilité.

La loi sur la responsabilité des produits défectueux à laquelle fait référence la société intimée Projet L est la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 qui transpose en droit interne la directive CE n° 85/374 du 25 juillet 1985.

Le régime de responsabilité spécifique qui en est issu se trouve aujourd'hui codifié aux articles 1245 et suivants du code civil.

Selon l'article 1245-3, un produit est défectueux, au sens de ce régime de responsabilité spécifique, lorsqu'il n'offre pas la sécurité auquel on peut légitimement s'attendre.

En l'espèce, la société Projet L ne justifie ni même n'allègue que l'encre que lui a fournie la société Encraje présenterait le moindre risque pour la sécurité des biens ou des personnes.

Dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe en application de l'article 1245-8, la société Projet L ne peut rechercher utilement la responsabilité de l'appelante sur le fondement qu'elle invoque à titre principal.

A titre subsidiaire, la société Projet L soutient que pour lui avoir fourni une encre défectueuse -au sens commun du terme-, la société Encraje engage sa responsabilité à son égard sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Les articles 1642 et 1643 du même code précisent que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur aurait pu se convaincre lui-même, mais seulement des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce dernier cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

En l'espèce, le mail du 29 novembre 2018 par lequel, selon la société Projet L, la société Encraje a reconnu sa responsabilité, produit en pièces 7 à 9, est un courriel, non pas du 29 novembre 2018, mais du 29 novembre 2017.

Dans ce courriel, la société Encraje a transféré à la société Projet L les informations que lui avait transmises la veille son propre fournisseur, en réponse à un message par lequel elle lui demandait « s'il y avait une amélioration des encres BS4, notamment l'encre noire », en indiquant que « son client Projet L [voulait] repasser en encre BS4 mais qu'[elle] ne souhait[ait] pas avoir de nouveaux problèmes avec celle-ci ».

Dans le message en réponse transféré, émanant du service technique Mimaki France, il est indiqué à la société Encraje :

« Hier, mardi 28 novembre, un email concernant la BS4-K a été envoyé aux revendeurs.

Une nouvelle version vous est envoyée en remplacement de votre stock actuel, et ce après réception de son certificat de destruction... ».

Ce courriel émanant directement du fabriquant, en tous cas du propre fournisseur de la société Ancraje, qui mentionne que les lots d'encre de type BS4-K devront être détruits, corrobore l'existence d'un défaut affectant cette encre de type BS4, tel qu'il avait déjà été diagnostiqué par la société Encraje dans les messages électroniques qu'elle avait échangés avec la société Projet L entre le mois de septembre 2017 et le mois de mars 2018.

Dans ces échanges, la société Encraje reconnaissait en effet sans équivoque le défaut des encres BS4 affectant les poches d'encre noire et quelques lots de couleur magenta, en expliquant à l'époque à la société Projet L que son propre fournisseur, la société Mimaki, refusait de prendre en charge d'éventuels préjudices d'exploitation, mais que les poches d'encre défectueuse ne seraient pas facturées, et qu'elles seraient échangées ou feraient l'objet d'avoir.

Dès lors que le défaut affectant cette encre de type BSA empêchait l'utilisation des appareils qu'elle était destinée à alimenter, dont elle provoquait la panne, il est établi que l'encre fournie par la société Ancraje à la société Projet L était affectée d'un défaut rédhibitoire au sens de l'article 1641 du code civil.

La société Encraje est dès lors tenue à garantie et, plutôt que d'exercer l'action rédhibitoire ou l'action estimatoire que lui offre l'article 1644, la société Projet L peut choisir d'exercer une action purement indemnitaire, en application de l'article 1645, puisque le vendeur professionnel qu'est la société Encraje est réputé avoir eu connaissance des vices affectant la chose vendue.

- sur le préjudice

Outre que l'estimation de l'expert extra-judiciaire n'est corroborée par aucun élément qui permette de la retenir à titre de preuve, la société Projet L soutient avec une mauvaise foi certaine que l'expert mandaté par sa compagnie d'assurance aurait estimé son préjudice à la valeur de 17 348 euros, alors que cette estimation à hauteur de 17 348 euros correspond à une hypothèse que le technicien a exposée en page 10 de son rapport, mais qu'il a écartée sans équivoque à la page suivante, en expliquant qu'en faisant le choix de recourir à la sous-traitance, la société Projet L avait contribué à aggraver son préjudice, puisqu'il lui aurait été possible d'honorer la commande de la société Altavia et de tenir ses délais en utilisant à partir du jour où elle a été réparée sa propre imprimante en sus de l'imprimante de prêt de la société Encrage, en les faisant fonctionner, non pas avec l'encre défectueuse BS4, mais avec de l'encre de type SS21, dont le prix, même s'il est au double de celui de l'encre BS4, aurait généré un surcoût bien moindre que la dépense générée par le recours, en urgence, à un sous-traitant.

La société Projet L n'établit aucun autre préjudice en lien avec le défaut d'encre en cause autre que le préjudice de jouissance, incontestable, généré par les pannes à répétition de sa propre imprimante et de l'imprimante de prêt que la société Encraje avait mis à sa disposition.

Dès lors que, ainsi que la société Encraje l'avait elle-même reconnu dans un courrier électronique du 26 septembre 2017, la société Projet L a été privée de l'usage d'une imprimante fonctionnelle, du fait du défaut de l'encre en cause, durant six jours, il sera accordé à l'intimée, en réparation de son seul préjudice établi, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Encraje :

La cour observe à titre liminaire que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande reconventionnelle en paiement que la société Encraje avait formulée devant eux à hauteur de 4 658,80 euros, étant si besoin rappelé qu'en dépit de la formule générale du dispositif de leur jugement qui « déboute la société Encraje de toutes ses demandes », les premiers juges n'ont pas statué sur ce chef de demande puisqu'il ne résulte pas des motifs de leur décision qu'ils l'aient examinée (v. par Cass. ass. Plén. 2 novembre 1999, n° 97-17.107).

Dès lors que l'appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, il appartient à la cour, en application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, de réparer cette omission en statuant sur cette demande reconventionnelle dont elle est saisie en raison de l'effet dévolutif.

Au soutien de la demande reconventionnelle qu'elle réitère à hauteur de 4 658,80 euros en cause d'appel, à laquelle la société Projet L ne répond pas, la société Encraje expose que l'intimée s'est abstenue de régler quatre factures représentant un montant total de 3 958,80 euros et que, à cette somme, doivent être ajoutés les frais de déplacement liés à ses interventions, à hauteur de 350 euros pour chacun de ses déplacements du 14 et du 20 septembre 2017.

La société Encraje, qui s'était expressément engagée, dans un courrier électronique du 20 février 2018, à conserver à sa charge les factures de ses interventions n'a, de fait, établi aucune facture pour ses interventions des 14 et 20 septembre 2017.

Même à admettre que la demande qu'elle forme désormais à hauteur de 750 euros au titre de ses frais de déplacement soit une demande de dommages et intérêts, elle en sera déboutée dès lors qu'il est établi que ces deux interventions n'avaient pas d'autre objet que de tenter de remédier au vice caché qui affectait l'encre qu'elle avait fournie à l'intimée.

Les quatre factures que la société Encraje produit aux débats en pièce 9 et dont elle réclame paiement à hauteur d'un montant total de 3 958,80 euros sont des factures qui ont été établies par une société dénommée Société Nouvelle Eurosystems France.

A supposer que la société Encraje exerce sous l'enseigne Eurosystems France, ce qui ne résulte d'aucune production, les factures produites ont été établies par une société dont le numéro de Siret (750 536 676 00019) est sans rapport avec le numéro de Siren de la société Encraje, tel qu'il figure aussi bien dans sa déclaration d'appel que sur ses dernières conclusions (520 289 034), ce dont il s'infère que les sociétés Encraje et Eurosystems France sont des personnes morales distinctes.

Dès lors qu'elle n'établit pas à quel titre la société Projet L pourrait être débitrice à son égard de factures émises par une société tierce, la société Encraje ne peut qu'être déboutée de la demande en paiement de ces factures, qu'elle fonde sur les dispositions de l'article 1103 du code civil selon lesquelles les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sur les demandes accessoires :

Les parties, qui succombent respectivement au sens de l'article 696 du code de procédure civile, conserveront chacune la charge des dépens de l'instance d'appel dont elles ont fait l'avance, et seront respectivement déboutées, en conséquence, de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a en revanche pas lieu de revenir sur les chefs du jugement déféré ayant statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance qui, compte tenu de la solution apportée au litige, apparaissent devoir être confirmés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Constate que la société Projet L n'a valablement formé aucun appel incident,

Confirme la décision entreprise, uniquement en ses dispositions ayant statué sur les dépens et les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la société Encraje à payer à la société Projet L, à titre de dommages et intérêts, une somme de 5 000 euros,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables, faute d'appel incident valablement formé, les demandes « subsidiaires » de la société Projet L tendant à voir condamner la SAS Encraje à lui payer une somme de 17 468,80 euros HT,

Réparant l'omission de statuer des premiers juges :

Déboute la société Encraje de sa demande reconventionnelle en paiement,

Déboute la société Encraje de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Projet L formée sur le même fondement,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens d'appel dont elle a fait l'avance,

Dit n'y avoir lieu d'accorder à Maître Anne-Sophie Lerner le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.