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Décisions

Cass. com., 2 février 1999, n° 96-17.915

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Le Prado, SCP Monod et Colin, SCP Delaporte et Briard, Me Foussard, SCP Richard et Mandelkern, SCP Waquet, Farge et Hazan

Versailles, du 15 mai 1996

15 mai 1996

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu les articles 3, paragraphe 6 bis, de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, dans sa rédaction résultant du protocole modificatif du 23 février 1968, 32, alinéa 2, de la loi du 18 juin 1966 et 99 du Code de commerce ;

Attendu que lorsqu'à la suite de pertes ou dommages résultant d'un transport maritime, le commissionnaire de transport est assigné par son commettant, sur le fondement du dernier de ces textes, en tant que garant du fait du transporteur maritime qu'il s'est substitué, il a qualité pour agir en responsabilité à l'encontre de celui-ci, par la voie d'un appel en garantie, quand bien même le commettant figurerait comme chargeur au connaissement, dès lors que c'est le commissionnaire qui, en tant que chargeur réel ayant conclu le contrat de transport maritime et du fait de la garantie qu'il assume, à ce titre, envers son client, supporte le préjudice ; qu'il ressort des deux autres textes que l'action récursoire du commissionnaire à l'encontre du transporteur maritime peut être exercée, sur ce seul fondement, dans le délai de trois mois à compter de l'assignation à lui délivrée par son client ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Alcatel Les Câbles de Lyon (société Alcatel), assurée auprès du groupement d'intérêt économique Groupe Concorde (l'assureur), a confié à la société LEP International France (société LEP), en qualité de commissionnaire de transport, le soin d'organiser l'acheminement de tourets de câbles électriques de Lyon à Abou X... (Emirats arabes unis) ; que la société LEP, pour la partie maritime du déplacement, a choisi la société Maritime Transport Enterprises, devenue la société Ahlron MTE NV (le transporteur maritime), avec qui elle a conclu le contrat de transport maritime ; que les marchandises ont été chargées au port d'Anvers (Belgique) à bord du navire " Pioneer " suivant un connaissement mentionnant la société Alcatel comme chargeur ; qu'à l'arrivée, le 11 ou 12 juin 1991, après constatations d'avaries, cette société a été indemnisée par son assureur qu'elle a subrogé dans ses droits ; que celui-ci, ainsi que la société Alcatel, qui prétendait conserver à sa charge une partie du préjudice, ont assigné, par acte du 12 mai 1992, la société LEP, laquelle a appelé en garantie, notamment, le transporteur maritime par acte du 7 août suivant ;

Attendu que pour débouter la société Alcatel et son assureur de leur demande à l'encontre de la société LEP, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que celle-ci était garant envers eux du fait de ses substitués, par application des dispositions de l'article 99 du Code de commerce, retient que, n'étant pas porté comme chargeur au connaissement par suite des instructions que lui avaient données son client pour les besoins du crédit documentaire, le commissionnaire n'avait pas qualité pour agir à l'encontre du transporteur maritime et que le commettant n'avait pas lui-même agi avant prescription, comme il l'aurait dû, en sa qualité de chargeur, à l'encontre du transporteur maritime, privant ainsi le commissionnaire de tout recours subrogatoire utile contre ce dernier et en déduit que ce fait du commettant justifie le rejet de sa demande à l'encontre du commissionnaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le commissionnaire pouvait exercer un recours en garantie à l'encontre du transporteur maritime, ce qu'il avait d'ailleurs fait dans le délai utile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.