Cass. com., 17 mai 2011, n° 09-72.862
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 7 décembre 1998, la société Valorum a été mise en redressement judiciaire, cette procédure étant étendue à la société Valorum France (les sociétés débitrices) ; que M. Y... a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire ; que, le 12 avril 1999, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs, en maintenant l'administrateur en fonction pour poursuivre l'action qu'il avait précédemment exercée en vue de l'ouverture, à titre de sanction, d'une procédure personnelle de redressement judiciaire à l'encontre de M. et Mme Z..., anciens dirigeants des sociétés débitrices ; que M. Y... a également repris cette instance en ses nouvelles qualités de commissaire à l'exécution du plan puis de mandataire ad hoc, désigné le 22 avril 2009 ; qu'en ses différentes qualités, il a encore formé une demande subsidiaire tendant à l'application aux dirigeants de la sanction de l'obligation aux dettes sociales ; que l'arrêt, après avoir déclaré recevables les deux demandes, a ouvert la procédure de redressement judiciaire de M. et Mme Z... ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable, comme tardive, leur demande tendant à opposer la péremption d'instance, alors, selon le moyen, que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que si la péremption doit être demandée ou opposée avant tout autre moyen, en matière de procédure orale, le moyen est recevable dès lors qu'il a été soulevé à l'occasion de la première audience utile ; qu'au cas d'espèce, faute d'avoir recherché, comme il le leur était demandé, si la première audience à laquelle ils avaient eu la possibilité d'invoquer la péremption devant le tribunal de commerce n'était pas celle du 27 octobre 2004 ayant conduit au jugement du 7 mars 2005, dès lors que l'audience du 10 décembre 2003, retenue par l'arrêt attaqué, n'avait été consacrée qu'à la question du sursis à statuer et que le jugement rendu le 2 février 2004 à la suite de cette audience avait renvoyé l'affaire à l'audience du 27 octobre 2004, les juges du second degré n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 386 et 388 du code de procédure civile, ensemble l'article 871 du même code ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'aux termes de l'article 388 du code de procédure civile, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen, ce dont il résulte que l'exception de péremption doit être invoquée avant celle de sursis à statuer, l'arrêt retient que, tandis que la péremption était, selon M. et Mme Z..., acquise deux ans après l'adoption du plan, soit le 12 avril 2001, ils n'ont pas, lors de la première audience utile du tribunal de commerce, consacrée, le 10 décembre 2003, à l'examen de leur demande de sursis à statuer, opposé la péremption ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'exception de péremption présentée à une audience ultérieure était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d'office relatif à la recevabilité de l'action tendant à l'obligation aux dettes sociales, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles L. 651-3, L. 652-1 et L. 652-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que l'obligation aux dettes sociales ne peut être décidée qu'au cours d'une procédure de liquidation judiciaire ;
Attendu que pour juger recevable la demande tendant au paiement des dettes sociales, la cour d'appel retient que M. Y... avait qualité pour agir aussi bien en tant qu'administrateur judiciaire maintenu en fonction que de commissaire à l'exécution du plan ou de mandataire ad hoc ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de liquidation judiciaire, M. Y... n'avait, en aucune des qualités invoquées, celle d'agir en vue de l'application de l'obligation aux dettes sociales, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen relatif à l'ouverture d'une procédure collective à titre de sanction, relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles 190 à 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble l'article 1er, alinéa 1er, du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers textes que les instances aux fins de sanction engagées à l'égard des dirigeants des personnes morales sur le fondement de l'article L. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ne peuvent plus être poursuivies si la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires n'a pas été ouverte à l'égard des dirigeants avant le 1er janvier 2006 ; que l'abrogation, avec effet immédiat, de cette sanction, ne prive pas la personne morale débitrice elle-même d'une espérance légitime de créance, pouvant présenter le caractère d'un bien au sens du dernier texte ;
Attendu que, pour accueillir, après le 1er janvier 2006, la demande d'ouverture d'une procédure personnelle de redressement judiciaire à l'encontre de M. et Mme Z..., l'arrêt retient que la suppression, par la loi de sauvegarde des entreprises, de l'action correspondante constitue une ingérence injustifiée du législateur dans l'exercice des droits patrimoniaux des sociétés débitrices ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés débitrices n'avaient ni droit ni espérance légitime de créance à faire valoir contre leurs dirigeants fautifs par l'action litigieuse, laquelle n'est pas exercée en leur nom, la cour d'appel a violé les trois premiers textes susvisés par refus d'application et le dernier par fausse application ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer et les fins de non-recevoir opposées par M. et Mme Z..., constaté l'absence de péremption de l'instance et admis la qualité de M. Y... à agir aux fins d'ouverture d'une procédure collective personnelle en tant que mandataire ad hoc, l'arrêt rendu le 10 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit irrecevable la demande d'obligation aux dettes sociales formée à l'encontre de M. et Mme Z..., par M. Y..., en ses qualités d'administrateur judiciaire des sociétés Valorum et ValorumFrance, commissaire à l'exécution du plan de cession de ces sociétés et de mandataire ad hoc ;
Rejette la demande d'ouverture d'une procédure collective personnelle formée à l'encontre de M. et Mme Z..., par M. Y..., en ses qualités d'administrateur judiciaire des sociétés Valorum et Valorum France, commissaire à l'exécution du plan de cession de ces sociétés et de mandataire ad hoc ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille onze.