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Décisions

CJUE, 2e ch., 9 novembre 2023, n° C-376/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Google Ireland Limited, Meta Platforms Ireland Limited, Tik Tok Technology Limited

Défendeur :

Kommunikationsbehörde Austria (KommAustria), Bundesministerin für Frauen, Familie, Integration und Medien im Bundeskanzleramt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Prechal

Juges :

M. Biltgen, M. Wahl (rapporteur), M. Passer, Mme Arastey Sahún

Avocat général :

M. Szpunar

Avocats :

Me Feiler, Me Denk

CJUE n° C-376/22

8 novembre 2023

LA COUR (deuxième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 3, paragraphes 4 et 5, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (JO 2000, L 178, p. 1), et, d’autre part, de l’article 28 bis, paragraphe 1, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018 (JO 2018, L 303, p. 69) (ci-après la « directive 2010/13 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Google Ireland Limited, Meta Platforms Ireland Limited et Tik Tok Technology Limited, des sociétés établies en Irlande, à la Kommunikationsbehörde Austria (KommAustria) (autorité autrichienne de régulation en matière de communication) au sujet de décisions de cette dernière déclarant que ces sociétés sont soumises au Bundesgesetz über Maßnahmen zum Schutz der Nutzer auf Kommunikationsplattformen (Kommunikationsplattformen-Gesetz) (loi fédérale portant mesures de protection des utilisateurs de plateformes de communication) (BGBl. I, 151/2020, ci-après le « KoPl-G »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2000/31

3 Aux termes des considérants 5, 6, 8, 22 et 24 de la directive 2000/31 :

« (5) Le développement des services de la société de l’information dans la Communauté est limité par un certain nombre d’obstacles juridiques au bon fonctionnement du marché intérieur qui sont de nature à rendre moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services. Ces obstacles résident dans la divergence des législations ainsi que dans l’insécurité juridique des régimes nationaux applicables à ces services. En l’absence d’une coordination et d’un ajustement des législations dans les domaines concernés, des obstacles peuvent être justifiés au regard de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Une insécurité juridique existe sur l’étendue du contrôle que les États membres peuvent opérer sur les services provenant d’un autre État membre.

(6) Il convient, au regard des objectifs communautaires, des articles 43 et 49 du traité et du droit communautaire dérivé, de supprimer ces obstacles par une coordination de certaines législations nationales et par une clarification au niveau communautaire de certains concepts juridiques, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. La présente directive, en ne traitant que certaines questions spécifiques qui soulèvent des problèmes pour le marché intérieur, est pleinement cohérente avec la nécessité de respecter le principe de subsidiarité tel qu’énoncé à l’article 5 du traité.

[...]

(8) L’objectif de la présente directive est de créer un cadre juridique pour assurer la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres et non d’harmoniser le domaine du droit pénal en tant que tel.

[...]

(22) Le contrôle des services de la société de l’information doit se faire à la source de l’activité pour assurer une protection efficace des objectifs d’intérêt général. Pour cela, il est nécessaire de garantir que l’autorité compétente assure cette protection non seulement pour les citoyens de son propre pays, mais aussi pour l’ensemble des citoyens de la Communauté. Pour améliorer la confiance mutuelle entre les États membres, il est indispensable de préciser clairement cette responsabilité de l’État membre d’origine des services. En outre, afin d’assurer efficacement la libre prestation des services et une sécurité juridique pour les prestataires et leurs destinataires, ces services de la société de l’information doivent être soumis en principe au régime juridique de l’État membre dans lequel le prestataire est établi.

[...]

(24) Dans le cadre de la présente directive et nonobstant le principe du contrôle à la source de services de la société de l’information, il apparaît légitime, dans les conditions prévues par la présente directive, que les États membres prennent des mesures tendant à limiter la libre circulation des services de la société de l’information. »

4 L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« La présente directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres. »

5 L’article 2 de ladite directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “services de la société de l’information” : les services au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 98/34/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37)], telle que modifiée par la directive 98/48/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18)] ;

[...]

h) “domaine coordonné” : les exigences prévues par les systèmes juridiques des États membres et applicables aux prestataires des services de la société de l’information ou aux services de la société de l’information, qu’elles revêtent un caractère général ou qu’elles aient été spécifiquement conçues pour eux.

[...] »

6 L’article 3 de la même directive, intitulé « Marché intérieur », est libellé comme suit :

« 1. Chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné.

2. Les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre.

[...]

4. Les États membres peuvent prendre, à l’égard d’un service donné de la société de l’information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2 si les conditions suivantes sont remplies :

a) les mesures doivent être :

i) nécessaires pour une des raisons suivantes :

– l’ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et contre les atteintes à la dignité de la personne humaine,

– la protection de la santé publique,

– la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,

– la protection des consommateurs, y compris des investisseurs ;

ii) prises à l’encontre d’un service de la société de l’information qui porte atteinte aux objectifs visés au point i) ou qui constitue un risque sérieux et grave d’atteinte à ces objectifs ;

iii) proportionnelles à ces objectifs ;

b) l’État membre a préalablement et sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris la procédure préliminaire et les actes accomplis dans le cadre d’une enquête pénale :

– demandé à l’État membre visé au paragraphe 1 de prendre des mesures et ce dernier n’en a pas pris ou elles n’ont pas été suffisantes,

– notifié à la Commission et à l’État membre visé au paragraphe 1 son intention de prendre de telles mesures.

5. Les États membres peuvent, en cas d’urgence, déroger aux conditions prévues au paragraphe 4, point b). Dans ce cas, les mesures sont notifiées dans les plus brefs délais à la Commission et à l’État membre visé au paragraphe 1, en indiquant les raisons pour lesquelles l’État membre estime qu’il y a urgence.

6. Sans préjudice de la faculté pour l’État membre de prendre et d’appliquer les mesures en question, la Commission doit examiner dans les plus brefs délais la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire ; lorsqu’elle parvient à la conclusion que la mesure est incompatible avec le droit communautaire, la Commission demande à l’État membre concerné de s’abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d’urgence aux mesures en question. »

 La directive 2010/13

7 L’article 1er de la directive 2010/13 dispose :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

a bis) “service de plateformes de partage de vidéos” : un service tel que défini aux articles 56 et 57 [TFUE], pour lequel l’objet principal du service proprement dit ou d’une partie dissociable de ce service ou une fonctionnalité essentielle du service est la fourniture au grand public de programmes, de vidéos créées par l’utilisateur, ou des deux, qui ne relèvent pas de la responsabilité éditoriale du fournisseur de la plateforme de partage de vidéos, dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer, par le biais de réseaux de communications électroniques au sens de l’article 2, point a), de la directive 2002/21/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33)], et dont l’organisation est déterminée par le fournisseur de la plateforme de partage de vidéos, à l’aide notamment de moyens automatiques ou d’algorithmes, en particulier l’affichage, le balisage et le séquencement ;

[...] »

8 L’article 28 bis, paragraphes 1 et 5, de cette directive prévoit :

« 1. Aux fins de la présente directive, un fournisseur de plateformes de partage de vidéos établi sur le territoire d’un État membre au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2000/31] relève de la compétence dudit État membre.

[...]

5. Aux fins de la présente directive, les articles 3 et 12 à 15 de la directive [2000/31] s’appliquent aux fournisseurs de plateformes de partage de vidéos réputés être établis dans un État membre conformément au paragraphe 2 du présent article. »

 La directive (UE) 2015/1535

9 L’article 1er, paragraphe 1, sous e) à g), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1), énonce les définitions suivantes :

« e) “règle relative aux services”, une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis audit point.

[...]

f) “règle technique”, une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...]

g) “projet de règle technique”, le texte d’une spécification technique, ou d’une autre exigence ou d’une règle relative aux services, y compris de dispositions administratives, qui est élaboré dans le but de l’établir ou de la faire finalement établir comme une règle technique et qui se trouve à un stade de préparation où il est encore possible d’y apporter des amendements substantiels. »

10 L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit :

« Sous réserve de l’article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

Le droit autrichien

11 L’article 1er du KoPl-G dispose :

« 1. La présente loi vise à encourager une prise en charge responsable et transparente ainsi que le traitement sans délai des notifications effectuées par les utilisateurs concernant les contenus des plateformes de communication définis ci-dessous.

2. Les fournisseurs de services nationaux et étrangers qui fournissent des plateformes de communication (article 2, point 4) dans le but d’obtenir un gain économique relèvent du champ d’application de la présente loi, à moins :

1) que le nombre d’utilisateurs inscrits disposant d’un droit d’accès à la plateforme de communication en Autriche ait été inférieur à 100 000 personnes en moyenne au cours de l’année civile précédente et

2) que le chiffre d’affaires réalisé en Autriche au cours de l’année civile précédente du fait de l’exploitation de la plateforme de communication ait été inférieur à 500 000 euros.

[...]

4. Les fournisseurs de services de plateformes de partage de vidéos (article 2, point 12) sont dispensés des obligations prévues par la présente loi en ce qui concerne les programmes (article 2, point 9) et les vidéos créées par les utilisateurs (article 2, point 7) fournis sur ces plateformes.

5. Sur demande déclaratoire d’un fournisseur de services, l’autorité de régulation se prononce sur la question de savoir si celui-ci relève du champ d’application de la présente loi.

[...] »

12 L’article 2 du KoPl-G prévoit :

« Aux fins de la présente loi, on entend par :

[...]

2) “service de la société de l’information” : un service fourni normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle du destinataire de services [...], notamment le commerce en ligne de produits et de services, la fourniture d’informations en ligne, la publicité en ligne, les moteurs de recherche électroniques et les possibilités de récupération de données, ainsi que les services permettant de transmettre des informations sur un réseau électronique, d’accéder à un tel réseau ou d’enregistrer les informations concernant un utilisateur [...] ;

3) “fournisseur de services” : la personne physique ou morale qui fournit une plateforme de communication ;

4) “plateforme de communication” : un service de la société de l’information dont l’échange de notifications ou de représentations présentant un contenu à caractère intellectuel, sous forme orale, écrite, sonore ou figurative, entre utilisateurs et un large cercle d’autres utilisateurs, par voie de diffusion massive, constitue la finalité principale ou une fonction essentielle ;

[...]

6) “utilisateur” : toute personne utilisant une plateforme de communication, qu’elle soit ou non inscrite sur cette plateforme ;

7) “vidéo créée par l’utilisateur” : un ensemble d’images animées, combinées ou non à du son, constituant un seul élément, quelle qu’en soit la longueur, qui est créé par un utilisateur et téléchargé vers une plateforme de partage de vidéos par ce même utilisateur ou par n’importe quel autre utilisateur ;

[...]

9) “programme” : un seul élément autonome d’un service de médias audiovisuels constitué, quelle qu’en soit la longueur, d’un ensemble d’images animées, combinées ou non à du son, dans le cadre d’une grille ou d’un catalogue établi par un fournisseur de services de médias ; cette notion englobe notamment les films longs métrages, les clips vidéos, les manifestations sportives, les comédies de situation, les documentaires, les programmes d’information, les programmes artistiques et culturels, les programmes pour enfants et les fictions originales ;

[...]

12) “plateforme de partage de vidéos” : un service tel que défini aux articles 56 et 57 [TFUE], pour lequel l’objet principal du service proprement dit ou d’une partie dissociable de ce service ou une fonctionnalité essentielle du service est la fourniture au grand public de programmes (point 9), de vidéos créées par l’utilisateur (point 7), ou des deux, qui ne relèvent pas de la responsabilité éditoriale du fournisseur de la plateforme de partage de vidéos, dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer, par le biais de réseaux de communications électroniques au sens de l’article 2, point 1, de la [directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen (JO 2018, L 321, p. 36)], et dont l’organisation (notamment, à l’aide de moyens automatiques ou d’algorithmes, en particulier l’affichage, le balisage et le séquencement) est déterminée par le fournisseur de la plateforme. »

13 L’article 3 du KoPl-G est libellé comme suit :

« 1. Les fournisseurs de services mettent en place une procédure efficace et transparente de prise en charge et de traitement des notifications concernant des contenus prétendument illicites présents sur la plateforme de communication.

[...]

4. En outre, les fournisseurs de services veillent à ce que soit en place une procédure efficace et transparente de réexamen de leurs décisions relatives au blocage ou au retrait d’un contenu ayant fait l’objet d’une notification (paragraphe 3, point 1). [...]

[...] »

14 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du KoPl-G :

« Les fournisseurs de services sont tenus d’établir un rapport annuel ou, pour les plateformes de communication comptant plus d’un million d’utilisateurs inscrits, semestriel en ce qui concerne la prise en charge des notifications concernant des contenus prétendument illicites. Ils transmettent leur rapport à l’autorité de régulation dans un délai maximal d’un mois à compter de l’expiration de la période couverte par celui-ci et le mettent simultanément en ligne sur leur propre site, où il reste facilement accessible en permanence. »

15 L’article 5 du KoPl-G énonce :

« 1. Les fournisseurs de services désignent une personne remplissant les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 4, du Verwaltungsstrafgesetz 1991 – VStG (loi de 1991 sur les sanctions administratives, BGBl., 52/1991). Cette personne :

1) garantit le respect des dispositions de la présente loi,

2) dispose d’un pouvoir d’injonction de manière à pouvoir faire respecter les dispositions de la présente loi,

3) dispose des connaissances nécessaires en langue allemande pour pouvoir coopérer avec les autorités administratives et judiciaires,

4) dispose des ressources nécessaires à l’accomplissement de ses tâches.

[...]

4. Le fournisseur de services désigne une personne physique ou morale en qualité de mandataire chargé des notifications administratives et judiciaires. Le paragraphe 1, point 3, le paragraphe 2, première phrase, et le paragraphe 3 s’appliquent.

5. L’autorité de régulation est informée sans délai de l’identité du mandataire responsable et du mandataire chargé des notifications. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 Les requérantes au principal, Google Ireland, Meta Platforms Ireland et Tik Tok Technology sont des sociétés établies en Irlande qui fournissent, notamment en Autriche, des services de plateformes de communication.

17 À la suite de l’entrée en vigueur, au cours de l’année 2021, du KoPl-G, elles ont demandé à la KommAustria de déclarer, au titre de l’article 1er, paragraphe 5, de cette loi, qu’elles ne relevaient pas du champ d’application de cette dernière.

18 Par trois décisions datées des 26 mars, 31 mars et 22 avril 2021, cette autorité a déclaré que les requérantes au principal relevaient du champ d’application du KoPl-G, au motif qu’elles fournissaient chacune un service de « plateforme de communication », au sens de l’article 2, point 4, de cette loi.

19 Les requérantes au principal ont introduit des recours contre ces décisions devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), lequel a rejeté ces recours comme étant non fondés.

20 Au soutien des pourvois en Revision que les requérantes au principal ont formés contre ces décisions de rejet devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), la juridiction de renvoi, celles-ci font valoir, d’une part, que la République d’Irlande et la Commission européenne n’ayant pas été informées de l’adoption du KoPl-G au titre de l’article 3, paragraphe 4, sous b), et de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2000/31, cette loi ne saurait leur être opposée. D’autre part, les obligations instaurées par ladite loi seraient disproportionnées et incompatibles avec la libre circulation des services et avec le « principe du pays d’origine » prévu par la directive 2000/31 ainsi que, s’agissant des services de plateformes de partage de vidéos, par la directive 2010/13.

21 À cet égard, premièrement, cette juridiction indique que les pourvois en Revision soulèvent la question de savoir si le KoPl-G ou les obligations qu’il impose aux fournisseurs de services constituent des mesures prises à l’égard d’un « service donné de la société de l’information », au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31. Elle indique nourrir des doutes sur ce point dans la mesure où les dispositions du KoPl-G sont générales et abstraites et où elles imposent aux fournisseurs de services de la société de l’information des obligations générales applicables en l’absence de tout acte individuel et concret.

22 Deuxièmement, dans l’hypothèse où les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, sous a), de la directive 2000/31 seraient remplies, ladite juridiction s’interroge sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 5, de cette directive, afin de déterminer si le KoPl-G est opposable aux requérantes au principal alors même qu’il n’a pas été notifié.

23 Troisièmement, toujours dans l’hypothèse où les obligations imposées par le KoPl-G aux fournisseurs de services de plateformes de communication devaient être qualifiées de mesures prises à l’égard d’un « service donné de la société de l’information », au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, la même juridiction se demande si ces obligations, sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, sous a), de cette directive, s’appliquent, en principe, aux services fournis par les requérantes au principal en tant que fournisseurs de services de plateformes de communication. Le cas échéant, il serait alors nécessaire de déterminer, en ce qui concerne les fournisseurs de services de plateformes de partage de vidéos, au sens de l’article 1er, sous a bis), de la directive 2010/13, si le principe du contrôle dans l’État membre d’origine qui s’applique également dans le cadre de cette directive en vertu de son article 28 bis, paragraphe 1, qui fait référence à l’article 3 de la directive 2000/31, fait obstacle à ce que les obligations imposées par le KoPl G aux fournisseurs de services établis sur le territoire d’un autre État membre s’appliquent aux contenus de ces plateformes lorsqu’il ne s’agit ni de programmes ni de vidéos créées par les utilisateurs.

24 Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 3, paragraphe 4, sous a), ii), de la directive 2000/31 doit il être interprété en ce sens que la notion de “mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information” peut englober des mesures législatives visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en termes généraux (tels que les “plateformes de communication”), ou bien l’existence de telles mesures implique-t-elle une prise de décision au cas par cas (par exemple, à l’égard d’une plateforme de communication nommément désignée) ?

2) L’article 3, paragraphe 5, de la directive 2000/31 doit-il être interprété en ce sens que, en cas d’urgence, le fait de ne pas notifier (a posteriori) de telles mesures “dans les plus brefs délais” à la Commission et à l’État membre sur le territoire duquel le prestataire est établi, ainsi que le prévoit cette disposition, entraîne, à l’expiration d’un délai suffisant pour accomplir cette notification (a posteriori), l’inapplicabilité de ces mesures à un service donné ?

3) L’article 28 bis, paragraphe 1, de la [directive 2010/13] fait-il obstacle à l’application de mesures, au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, qui ne visent ni les programmes ni les vidéos créées par les utilisateurs fournis sur une plateforme de partage de vidéos ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

25 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens que des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services relèvent de la notion de « mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information », au sens de cette disposition.

26 À cet égard, il convient de rappeler que, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union dont les termes ne se réfèrent pas expressément au droit national, il y a lieu, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, de tenir compte non seulement du libellé de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 15 septembre 2022, Fédération des entreprises de la beauté, C 4/21, EU:C:2022:681, point 47 et jurisprudence citée).

27 En premier lieu, s’agissant du libellé de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, il convient de constater que cette disposition se réfère à un « service donné de la société de l’information ». L’emploi du singulier et de l’adjectif « donné » tend à indiquer que le service ainsi visé doit être entendu comme un service individualisé, fourni par un ou plusieurs prestataires de services et que, par conséquent, les États membres ne sauraient adopter, au titre de cet article 3, paragraphe 4, des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services.

28 La circonstance que la notion de « mesures » peut inclure un large éventail de mesures adoptées par les États membres ne remet pas en cause cette appréciation.

29 En effet, en ayant recours à un tel terme large et général, le législateur de l’Union européenne a laissé à la discrétion des États membres la nature et la forme des mesures qu’ils peuvent adopter au titre de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31. En revanche, le recours à ce terme ne préjuge en rien de la substance et du contenu matériel de ces mesures.

30 En deuxième lieu, le contexte dans lequel s’inscrit cet article et, en particulier, les conditions procédurales prévues audit article 3, paragraphe 4, sous b), corroborent une telle interprétation.

31 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de cette directive, les États membres peuvent prendre, à l’égard d’un service donné de la société de l’information relevant du domaine coordonné, des mesures qui dérogent au principe de libre circulation des services de la société de l’information à deux conditions cumulatives (arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C 390/18, EU:C:2019:1112, point 83).

32 D’une part, conformément à l’article 3, paragraphe 4, sous a), de la directive 2000/31, la mesure restrictive concernée doit être nécessaire afin de garantir l’ordre public, la protection de la santé publique, la sécurité publique ou la protection des consommateurs, être prise à l’égard d’un service de la société de l’information qui porte effectivement atteinte à ces objectifs ou constitue un risque sérieux et grave d’atteinte à ces derniers ainsi que, enfin, être proportionnée auxdits objectifs.

33 D’autre part, l’article 3, paragraphe 4, sous b), de cette directive prévoit que l’État membre concerné doit avoir préalablement et sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris la procédure préliminaire et les actes accomplis dans le cadre d’une enquête pénale, non seulement demandé à l’État membre sur le territoire duquel le prestataire du service en cause est établi de prendre des mesures et ce dernier ne les a pas prises ou celles-ci n’ont pas été suffisantes, mais également notifié à la Commission et à cet État membre son intention de prendre les mesures restrictives concernées.

34 La condition énoncée au point précédent tend à confirmer que les États membres ne peuvent pas restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’autres États membres en adoptant des mesures à caractère général et abstrait qui visent une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux.

35 En effet, en obligeant les États membres dans lesquels un service de la société de l’information est fourni qui souhaitent, en tant qu’États membres de destination de ce service, adopter des mesures sur le fondement de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, à demander à l’État membre d’origine dudit service, c’est-à-dire à l’État membre sur le territoire duquel le prestataire du même service est établi, de prendre des mesures, cette disposition présuppose que les prestataires et, par conséquent, les États membres concernés puissent être identifiés.

36 Or, si les États membres étaient autorisés à restreindre la libre circulation des services de la société de l’information au moyen de mesures à caractère général et abstrait s’appliquant indistinctement à tout prestataire d’une catégorie de ces services, une telle identification serait, si ce n’est impossible, à tout le moins, excessivement difficile, de telle sorte que les États membres ne seraient pas en mesure de respecter une telle condition procédurale.

37 En outre, comme M. l’avocat général l’a souligné au point 68 de ses conclusions, si l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 devait être interprété comme incluant des mesures à caractère général et abstrait s’appliquant indistinctement à tout prestataire d’une catégorie de services de la société de l’information, alors la notification préalable prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous b), second tiret, de cette directive serait susceptible de faire double emploi avec celle exigée par la directive 2015/1535.

38 En effet, cette dernière directive requiert, en substance, que les États membres notifient à la Commission tout projet de règle technique dont les règles relatives aux services comportent des exigences de nature générale relatives à l’accès aux activités de services de la société de l’information et à leur exercice.

39 En troisième lieu, interpréter la notion de « mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information », au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, en ce sens que les États membres peuvent adopter des mesures à caractère général et abstrait s’appliquant indistinctement à tout prestataire d’une catégorie de services de la société de l’information remettrait en cause le principe du contrôle dans l’État membre d’origine sur lequel repose cette directive et l’objectif de bon fonctionnement du marché intérieur poursuivi par celle-ci.

40 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3 de la directive 2000/31 est une disposition centrale dans l’économie et le système mis en place par cette directive, dans la mesure où il consacre ce principe, lequel est également visé au considérant 22 de cette directive, qui énonce que « le contrôle des services de la société de l’information doit se faire à la source de l’activité ».

41 En effet, en vertu de cet article 3, paragraphe 1, chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné. Ledit article 3, paragraphe 2, précise que les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre.

42 La directive 2000/31 repose ainsi sur l’application des principes de contrôle dans l’État membre d’origine et de la reconnaissance mutuelle, de telle sorte que, dans le cadre du domaine coordonné défini à l’article 2, sous h), de cette directive, les services de la société de l’information sont réglementés dans le seul État membre sur le territoire duquel les prestataires de ces services sont établis (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a., C 509/09 et C 161/10, EU:C:2011:685, points 56 à 59).

43 Par conséquent, d’une part, il incombe à chaque État membre en tant qu’État membre d’origine de services de la société de l’information de réglementer ces services et, à ce titre, de protéger les objectifs d’intérêt général mentionnés à l’article 3, paragraphe 4, sous a), i), de la directive 2000/31.

44 D’autre part, conformément au principe de reconnaissance mutuelle, il appartient à chaque État membre, en tant qu’État membre de destination de services de la société de l’information, de ne pas restreindre la libre circulation de ces services en exigeant le respect d’obligations supplémentaires, relevant du domaine coordonné, qu’il aurait adoptées.

45 Cela étant, ainsi qu’il ressort du considérant 24 de la directive 2000/31, le législateur de l’Union a estimé légitime, en dépit du « principe du contrôle à la source de services de la société de l’information », autre expression du principe du contrôle dans l’État membre d’origine visé à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, que les États membres puissent, dans les conditions prévues par ladite directive, adopter des mesures tendant à limiter la libre circulation des services de la société de l’information.

46 L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 permet ainsi, sous certaines conditions, à un État membre dans lequel un service de la société de l’information est fourni de déroger au principe de libre circulation des services de la société de l’information.

47 Toutefois, interpréter cette disposition comme autorisant les États membres à adopter des mesures à caractère général et abstrait s’appliquant indistinctement à tout prestataire d’une catégorie de services de la société de l’information remettrait en cause le principe du contrôle dans l’État membre d’origine énoncé à cet article 3, paragraphe 1.

48 En effet, le principe du contrôle dans l’État membre d’origine engendre une répartition de la compétence réglementaire entre l’État membre d’origine d’un prestataire de services de la société de l’information et l’État membre dans lequel le service concerné est fourni, soit l’État membre de destination.

49 Or, autoriser le second État membre à adopter, au titre de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, des mesures à caractère général et abstrait s’appliquant indistinctement à tout prestataire d’une catégorie de ces services, qu’il soit établi ou non dans ce dernier État membre, empièterait sur la compétence règlementaire du premier État membre et aurait pour effet de soumettre de tels prestataires tant à la législation de l’État membre d’origine qu’à celle du ou des États membres de destination.

50 Il ressort cependant du considérant 22 de la directive 2000/31 que, ainsi qu’il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, dans le système instauré par cette directive, le législateur de l’Union a prévu que le contrôle des services de la société de l’information soit opéré à la source de l’activité, c’est-à-dire par l’État membre d’établissement du prestataire de services, dans le triple objectif d’assurer une protection efficace des objectifs d’intérêt général, d’améliorer la confiance mutuelle entre les États membres ainsi que d’assurer efficacement la libre prestation de services et une sécurité juridique pour les prestataires et leurs destinataires.

51 Par conséquent, en remettant en cause le principe du contrôle dans l’État membre d’origine prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2000/31, l’interprétation de cet article 3, paragraphe 4, énoncée au point 47 du présent arrêt porterait atteinte au système et aux objectifs de cette directive.

52 Ainsi que la Commission l’a souligné, la possibilité de déroger au principe de libre circulation des services de la société de l’information, prévue à l’article 3, paragraphe 4, de ladite directive, n’a pas été conçue pour permettre aux États membres d’adopter des mesures générales et abstraites visant à réglementer une catégorie de prestataires de services de la société de l’information dans son ensemble, et ce quand bien même de telles mesures lutteraient contre des contenus portant gravement atteinte aux objectifs énoncés à l’article 3, paragraphe 4, sous a), i), de cette même directive.

53 Par ailleurs, permettre à l’État membre de destination d’adopter des mesures générales et abstraites visant à réglementer la prestation de services de la société de l’information par des prestataires qui ne sont pas établis sur son territoire saperait la confiance mutuelle entre les États membres et serait en contradiction avec le principe de reconnaissance mutuelle, sur lequel, comme cela a été rappelé au point 42 du présent arrêt, la directive 2000/31 est fondée.

54 En outre, s’agissant toujours d’une interprétation téléologique de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, et de la notion de « mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information », il découle de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, lus à la lumière du considérant 8 de celle-ci, que l’objectif de ladite directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres.

55 Dans cette optique, comme il ressort des considérants 5 et 6 de la même directive, celle-ci vise à supprimer les obstacles juridiques au bon fonctionnement du marché intérieur, à savoir les obstacles qui résident dans la divergence des législations ainsi que dans l’insécurité juridique des régimes nationaux applicables à ces services.

56 Or, permettre aux États membres d’adopter, au titre de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, des mesures à caractère général et abstrait visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services reviendrait in fine à soumettre les prestataires de services concernés à des législations différentes et, partant, à réintroduire les obstacles juridiques à la libre prestation que cette directive vise à supprimer.

57 Enfin, il convient de rappeler que l’objectif de la directive 2000/31 d’assurer la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres est poursuivi au moyen d’un mécanisme de contrôle des mesures susceptibles d’y porter atteinte, permettant à la fois à la Commission et à l’État membre sur le territoire duquel le prestataire du service de la société de l’information concerné est établi de veiller à ce que ces mesures soient nécessaires pour satisfaire à des raisons impérieuses d’intérêt général (arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C 390/18, EU:C:2019:1112, point 91).

58 Toutefois, considérer que des mesures à caractère général et abstrait qui visent une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux ne relèvent pas de la notion de « mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information », au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, n’a pas pour effet de soustraire de telles mesures à ce mécanisme de contrôle.

59 Une telle interprétation a, au contraire, pour conséquence que les États membres ne sont, par principe, pas autorisés à adopter de telles mesures, de telle sorte que la vérification que ces mesures sont nécessaires pour satisfaire à des raisons impérieuses d’intérêt général n’est même pas requise.

60 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens que des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services ne relèvent pas de la notion de « mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information », au sens de cette disposition.

 Sur les deuxièmes et troisièmes questions

61 Il ressort de la décision de renvoi, telle que résumée aux points 22 et 23 du présent arrêt, que la juridiction de renvoi ne pose les deuxième et troisièmes questions que dans l’hypothèse où la Cour estimerait devoir répondre de manière affirmative à la première question.

62 Or, ainsi qu’il est conclu au point 60 du présent arrêt, cette première question appelle une réponse négative.

63 Il s’ensuit que, compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxièmes et troisièmes questions.

Sur les dépens

64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur,

doit être interprété en ce sens que :

des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services ne relèvent pas de la notion de « mesures prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information », au sens de cette disposition.