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Décisions

CJUE, 3e ch., 9 novembre 2023, n° C-319/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gesamtverband Autoteile-Handel eV

Défendeur :

Scania CV AB

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Jürimäe

Juges :

M. Piçarra (rapporteur), M. Safjan, M. Jääskinen, M. Gavalec

Avocat général :

M. Campos Sánchez-Bordona

Avocats :

Me Macher, Me Sacré, Me Schmitz, Me Hübener, Me Lutz, Me Wendel

CJUE n° C-319/22

8 novembre 2023

LA COUR (troisième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 61, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE (JO 2018, L 151, p. 1), ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, ci-après le « RGPD »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Gesamtverband Autoteile-Handel eV (ci-après « Gesamtverband »), une association professionnelle allemande du commerce de gros de pièces automobiles, à Scania CV AB (ci-après « Scania »), un constructeur de véhicules suédois, au sujet de la mise à disposition, par celui-ci, des informations du système de diagnostic embarqué (OBD) des véhicules, ainsi que des informations concernant la réparation et l’entretien des véhicules.

Le cadre juridique

Le règlement 2018/858

3 Les considérants 50, 52 et 62 du règlement 2018/858 énoncent :

« (50) L’accès libre aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, dans un format normalisé permettant l’extraction des données techniques, ainsi qu’une concurrence effective sur le marché des services fournissant de telles informations, sont nécessaires pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur, en particulier en ce qui concerne la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de services. [...]

[...]

(52) Afin de garantir une concurrence effective sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules ainsi que de préciser que les informations concernées couvrent également les informations devant être fournies aux opérateurs indépendants autres que les réparateurs, de sorte que le marché de la réparation et de l’entretien de véhicules par des opérateurs indépendants puisse dans son ensemble concurrencer les concessionnaires agréés, [...] il est nécessaire de détailler les informations à fournir aux fins de l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules.

[...]

(62) Chaque fois que les mesures prévues dans le présent règlement impliquent le traitement de données à caractère personnel, il convient que ce traitement soit effectué conformément [au RGPD] [...] »

4 L’article 3, points 40, 45, 48 et 49, du règlement 2018/858 est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement et des actes réglementaires énumérés à l’annexe II, sauf dispositions contraires y figurant, on entend par :

[...]

40. “constructeur” : une personne physique ou morale qui est responsable de tous les aspects de la réception par type d’un véhicule, d’un système, d’un composant ou d’une entité technique distincte, de la réception individuelle d’un véhicule ou de la procédure d’autorisation pour les pièces et équipements, de la garantie de la conformité de la production et des aspects relatifs à la surveillance du marché concernant ce véhicule, ce système, ce composant, cette entité technique distincte, cette pièce et cet équipement, que cette personne soit ou non directement associée à toutes les étapes de la conception et de la construction du véhicule, du système, du composant ou de l’entité technique distincte concerné ;

[...]

45. “opérateur indépendant” : une personne physique ou morale, autre qu’un concessionnaire ou réparateur agréé, qui est directement ou indirectement engagée dans la réparation et l’entretien de véhicules, y compris les réparateurs, les fabricants ou les distributeurs d’équipements, d’outils ou de pièces détachées de réparation ainsi que les éditeurs d’informations techniques, les clubs automobiles, les opérateurs de services de dépannage, les opérateurs proposant des services d’inspection et d’essai et les opérateurs proposant une formation pour les installateurs, les fabricants et les réparateurs des équipements des véhicules à carburant alternatif ; sont également désignés par ce terme les réparateurs, concessionnaires et distributeurs agréés au sein du système de distribution d’un constructeur de véhicules donné, dans la mesure où ils fournissent des services de réparation et d’entretien pour des véhicules pour lesquels ils ne font pas partie du système de distribution du constructeur ;

[...]

48. “informations sur la réparation et l’entretien des véhicules” : toutes les informations, y compris tous les changements et compléments ultérieurs apportés à ces informations, qui sont requises pour le diagnostic, l’entretien et l’inspection d’un véhicule, la préparation en vue de la réalisation du contrôle technique, la réparation, la reprogrammation, la réinitialisation d’un véhicule ou qui sont requises pour l’aide au diagnostic à distance d’un véhicule ou pour le montage sur un véhicule des pièces et équipements, et que le constructeur fournit à ses partenaires, concessionnaires et réparateurs agréés ou qu’il utilise à des fins de réparation ou d’entretien ;

49. “informations du [OBD] des véhicules” : les informations générées par un système qui est présent à bord d’un véhicule ou qui est connecté à un moteur, et qui est capable de détecter un dysfonctionnement et, le cas échéant, de signaler sa survenance au moyen d’un système d’alerte, d’identifier la localisation probable du dysfonctionnement au moyen d’informations stockées dans une mémoire informatique et de communiquer ces informations à l’extérieur du véhicule ».

5 L’article 61 de ce règlement, intitulé « Obligation des constructeurs de fournir les informations du système OBD et les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », dispose :

« 1. Les constructeurs fournissent aux opérateurs indépendants un accès illimité, normalisé et non discriminatoire aux informations du système OBD des véhicules, aux équipements et outils de diagnostic ou autres, y compris les références complètes et les téléchargements disponibles du logiciel applicable, ainsi qu’aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules. Ces informations sont présentées d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables. [...]

[...]

2. Jusqu’à l’adoption par la Commission [européenne] de la norme appropriée via les travaux du Comité européen de normalisation (CEN) ou d’un organisme de normalisation comparable, les informations du système OBD des véhicules et les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules sont présentées d’une manière aisément accessible de telle sorte qu’elles puissent être exploitées par les opérateurs indépendants moyennant un effort raisonnable.

Les informations du système OBD des véhicules et les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules sont mises à disposition sur les sites Internet des constructeurs dans un format normalisé ou, si ce n’est pas réalisable en raison de la nature des informations, dans un autre format approprié. Pour les opérateurs indépendants autres que les réparateurs, les informations sont également fournies dans un format lisible par machine qui peut être exploité électroniquement au moyen d’outils informatiques et de logiciels communément disponibles, ce qui permet aux opérateurs indépendants de mener leurs activités dans la chaîne d’approvisionnement du marché des pièces et des équipements de rechange.

[...]

4. Les prescriptions techniques détaillées concernant l’accès aux informations du système OBD des véhicules et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, en particulier les spécifications techniques sur la manière dont ces informations doivent être fournies, sont énoncées à l’annexe X.

[...] »

6 En vertu du point 2.5.1 de l’annexe X dudit règlement, intitulée « Accès aux informations du système OBD des véhicules et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », ces informations comprennent « l’identification non équivoque du véhicule, du système, du composant ou de l’entité technique distincte dont le constructeur est responsable ».

7 Aux termes du point 6.1, troisième et quatrième alinéas, de cette annexe :

« Des informations sur toutes les pièces dont est équipé d’origine le véhicule, tel qu’identifié par le [numéro d’identification du véhicule (VIN)] et par tout critère supplémentaire comme l’empattement, la puissance du moteur, le type de finition ou les options, et qui peuvent être remplacées par des pièces détachées proposées par le constructeur du véhicule à ses concessionnaires ou réparateurs agréés ou à des tiers au moyen d’une référence au numéro des pièces d’origine, doivent être mises à disposition, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables, dans une base de données accessible pour les opérateurs indépendants.

Dans cette base de données doivent figurer le numéro VIN, le numéro de la pièce d’origine, la dénomination de la pièce d’origine, les indications de validité (dates de début et de fin de validité), les indications de montage et, le cas échéant, les caractéristiques de structure. »

Le règlement (UE) no 19/2011

8 L’article 2, point 2, du règlement (UE) no 19/2011 de la Commission, du 11 janvier 2011, concernant les exigences pour la réception de la plaque réglementaire du constructeur et du numéro d’identification des véhicules à moteur et de leurs remorques et mettant en œuvre le règlement (CE) no 661/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions pour l’homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, composants et entités techniques distinctes qui leur sont destinés (JO 2011, L 8, p. 1), qui a été abrogé avec effet au 5 juillet 2022, mais qui demeure applicable ratione temporis au litige au principal, disposait :

« Aux fins du présent règlement :

[...]

2) par [VIN] on entend le code alphanumérique attribué au véhicule par le constructeur afin d’assurer l’identification adéquate de chaque véhicule ».

9 L’annexe I du règlement no 19/2011, intitulée « Prescriptions techniques », contenait une partie B qui prévoyait, à son point 1.2, que « [l]e VIN est unique et attribué sans équivoque à un véhicule déterminé ».

Le RGPD

10 L’article 2 du RGPD, intitulé « Champ d’application matériel », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier. »

11 L’article 4 de ce règlement est rédigé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1) “données à caractère personnel”, toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable [...] ; est réputée être une “personne physique identifiable” une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;

2) “traitement”, toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction ;

[...]

7) “responsable du traitement”, la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement ; [...]

[...] »

12 L’article 6 dudit règlement, intitulé « Licéité du traitement », prévoit :

« 1. Le traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie :

[...]

c) le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ;

[...]

3. Le fondement du traitement visé au paragraphe 1, points c) et e), est défini par :

a) le droit de l’Union ; ou

b) le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis.

Les finalités du traitement sont définies dans cette base juridique [...]. Le droit de l’Union ou le droit des États membres répond à un objectif d’intérêt public et est proportionné à l’objectif légitime poursuivi.

[...] »

La directive 1999/37

13 Le point II.5 de l’annexe I de la directive 1999/37/CE du Conseil, du 29 avril 1999, relative aux documents d’immatriculation des véhicules (JO 1999, L 138, p. 57), telle que modifiée par la directive 2003/127/CE de la Commission, du 23 décembre 2003 (JO 2004, L 10, p. 29), précise que le certificat d’immatriculation d’un véhicule doit contenir le VIN, le nom et l’adresse du titulaire de ce certificat, précédés respectivement des codes communautaires harmonisés E et C.

14 Conformément au point II.5 et au point II.6 de cette annexe, une personne physique peut être désignée dans ledit certificat comme propriétaire du véhicule (codes C.2 et C.4) ou comme une personne pouvant disposer du véhicule à un titre juridique autre que celui de propriétaire (code C.3).

La directive (UE) 2019/1024

15 Le considérant 35 de la directive (UE) 2019/1024 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public (JO 2019, L 172, p. 56), énonce :

« Un document devrait être considéré comme étant dans un format lisible par machine s’il se présente dans un format de fichier structuré de telle manière que les applications logicielles peuvent facilement identifier et reconnaître des données spécifiques et les extraire. [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 Scania, qui est l’un des plus grands fabricants de poids lourds en Europe ainsi qu’un « constructeur », au sens de l’article 3, point 40, du règlement 2018/858, accorde aux opérateurs indépendants un accès manuel aux informations sur les véhicules, sur la réparation et l’entretien de ces véhicules et sur le système OBD par l’intermédiaire d’un site Internet. Celui-ci permet d’effectuer des recherches soit à partir d’informations générales sur les véhicules, telles que le modèle, la motorisation ou l’année de construction, soit sur un véhicule donné, en saisissant les sept derniers chiffres du VIN de ce véhicule. Les résultats de ces recherches peuvent uniquement être imprimés ou sauvegardés sur l’ordinateur en tant que fichier PDF, ce qui exclut une exploitation automatisée de données. Les résultats des recherches concernant les informations sur les pièces de rechange peuvent être sauvegardés sous forme d’un fichier XML.

17 Il ressort de la décision de renvoi que Scania ne met pas les VIN à la disposition des opérateurs indépendants. Seuls les réparateurs ont accès à ces données, grâce aux documents d’immatriculation ou à l’indication qui figure sur le châssis du véhicule confié par le client pour l’entretien ou la réparation de celui-ci.

18 Gesamtverband représente, avec ses membres, 80 % du chiffre d’affaires du commerce indépendant des pièces automobiles en Allemagne. Estimant que l’accès aux informations accordé par Scania reste en deçà de ce que lui impose l’article 61, paragraphes 1 et 2, du règlement 2018/858, il a demandé au Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne), la juridiction de renvoi, de condamner Scania à accorder aux opérateurs indépendants autres que les réparateurs, visés à l’article 3, point 45, de ce règlement, un accès aux informations portant sur la réparation et l’entretien des véhicules, au sens de l’article 3, point 48, dudit règlement, par l’intermédiaire d’une interface de base de données, permettant de procéder à des interrogations automatisées et de télécharger les résultats sous forme d’ensembles de données destinés à une exploitation électronique.

19 La juridiction de renvoi considère que l’issue du litige dont elle est saisie dépend de l’interprétation des paragraphes 1 et 2 de l’article 61 du règlement 2018/858. Elle se demande, en premier lieu, si l’obligation que ce paragraphe 1 impose aux constructeurs de véhicules de présenter les informations d’une manière « aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables » vise toutes les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement, ou uniquement les informations portant sur les pièces de rechange, visées au point 6.1, troisième alinéa, de l’annexe X dudit règlement, à laquelle renvoie le paragraphe 4 de l’article 61 du même règlement.

20 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi relève que, si les paragraphes 1 et 2 de l’article 61 du règlement 2018/858 n’imposent pas expressément au constructeur automobile de mettre en place une interface de base de données, ils exigent, néanmoins, que les informations soient présentées de manière « aisément accessible ». Selon cette juridiction, la consultation manuelle de ces informations, qu’elle considère comme étant un mode d’accès fastidieux, ne respecte pas cette exigence.

21 En troisième lieu, la juridiction de renvoi se demande si l’article 61, paragraphes 1 et 2, du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens qu’il permet au constructeur automobile de limiter l’accès, concernant les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, à des recherches ciblées au moyen du VIN, sans toutefois mettre à disposition des opérateurs indépendants une liste à jour de tous les VIN de ses véhicules.

22 En quatrième lieu, la juridiction de renvoi relève que l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858, en ce qu’il impose de fournir aux opérateurs indépendants les informations qu’il indique sous la forme d’« ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables », n’implique pas que le format de fichier puisse faire l’objet d’une exploitation électronique directe, sans une étape intermédiaire telle que la conversion dans un autre format de fichier. Elle doute, toutefois, que les tableaux et les textes d’un fichier PDF puissent être considérés comme étant conformes à la directive 2019/1024, dont le considérant 35 indique que, afin qu’un document soit considéré comme étant dans un format lisible par machine, il doit se présenter dans un format de fichier structuré, de sorte que les applications logicielles peuvent facilement identifier et reconnaître des données spécifiques et les extraire.

23 En cinquième lieu, la juridiction de renvoi, tout en estimant que, en règle générale, le VIN ne constitue pas une donnée à caractère personnel, se demande si l’article 61 du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux constructeurs automobiles une obligation légale de traitement des données, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du RGPD.

24 Dans ces conditions, le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’exigence énoncée à l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2018/858 [...] comprend-elle toutes les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement, ou cette exigence se limite-t-elle à ce que l’on appelle les informations sur les pièces de rechange [...]  visées à l’annexe X, point 6.1, dudit règlement ?

2) L’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, [et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2018/858] doivent-ils être interprétés en ce sens que le constructeur automobile ne se conforme à ses obligations au titre de ceux-ci qu’en

a) rendant les informations accessibles sur internet par une interrogation automatisée faite par l’intermédiaire d’une interface de base de données, avec la possibilité de télécharger les résultats, ou suffit-il qu’il se limite à permettre une recherche manuelle effectuée sur un site Internet par un utilisateur humain à l’écran en restreignant le résultat de l’interrogation au contenu visible des pages de l’écran ?

et

b) en permettant de rechercher, au moyen des [VIN], qu’il doit mettre à disposition dans une liste distincte, et indépendamment de cela,

– également au moyen d’autres caractéristiques permettant d’identifier les véhicules visées à l’annexe X, point 6.1, troisième alinéa, du règlement 2018/858

– ainsi qu’au moyen des termes qu’il utilise par ailleurs pour les catégories (telles que les catégories de composants, de pièces de rechange, de manuels de réparation et d’entretien et d’illustrations techniques) et au moyen d’autres entrées de base de données combinées à son gré, toutes les informations rattachées, dans la base de données, à ses VIN ou suffit-il qu’il propose la recherche exclusivement sous forme d’interrogation individuelle au moyen du VIN d’un seul véhicule donné, sans mettre en même temps à disposition une liste à jour de tous les VIN de ses véhicules ?

et

c) en mettant à disposition ces ensembles de données dans des fichiers dont le format sert, conformément à la destination de ce format, à l’exploitation électronique directe des ensembles de données que ces fichiers contiennent, en indiquant la description correspondante de l’ensemble de données (pour les textes et les tableaux), ou la possibilité d’éditer la simple vue à l’écran dans n’importe quel format de fichier communément disponible, comme un fichier PDF, suffit-elle à cet effet ?

3) L’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 constitue-t-il, pour les constructeurs automobiles, une obligation légale au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du [RGPD], qui justifie la communication de VIN ou d’informations rattachées à ceux-ci à des opérateurs indépendants en tant qu’autres responsables du traitement au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

25 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens que l’obligation de présenter les informations visées à ce paragraphe d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables, couvre l’ensemble des « informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement, ou uniquement les informations portant sur les pièces de rechange visées à l’annexe X, point 6.1, dudit règlement.

26 L’article 61, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2018/858 impose aux constructeurs automobiles de fournir aux opérateurs indépendants un accès illimité, normalisé et non discriminatoire, notamment, aux « informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement. En vertu de l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, dudit règlement, toutes ces informations doivent être présentées d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables.

27 Il découle ainsi du libellé même de cette dernière disposition que l’obligation qu’elle prévoit vise les mêmes informations que celles mentionnées à l’article 61, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, à savoir, notamment, les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules.

28 Si, aux termes de l’article 61, paragraphe 4, du règlement 2018/858, « [l]es prescriptions techniques détaillées concernant l’accès [...] aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, en particulier les spécifications techniques sur la manière dont ces informations doivent être fournies, sont énoncées à l’annexe X », et si le point 6.1, troisième alinéa, de cette annexe ne vise que les informations portant sur des pièces de véhicules qui peuvent être remplacées par des pièces détachées, il n’en demeure pas moins que cette dernière disposition ne régit pas elle-même l’étendue de l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules. Elle ne saurait donc avoir pour effet de réduire ces dernières informations à celles portant sur les pièces de rechange.

29 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens que l’obligation de présenter les informations visées à ce paragraphe d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables, couvre l’ensemble des « informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement, et pas uniquement les informations portant sur les pièces de rechange visées à l’annexe X, point 6.1, dudit règlement.

Sur la deuxième question

30 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux constructeurs automobiles, premièrement, de rendre les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules accessibles par une interface de base de données permettant une interrogation automatisée avec téléchargement de résultats, deuxièmement, de constituer une base de données permettant la recherche en fonction non seulement du VIN mais aussi de moyens supplémentaires et, troisièmement, de mettre ces informations à disposition des opérateurs indépendants dans des fichiers dont le format sert à l’exploitation électronique directe des ensembles de données contenus dans ces fichiers.

31 En premier lieu, ainsi qu’il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 impose aux constructeurs automobiles de fournir aux opérateurs indépendants un accès illimité, normalisé et non discriminatoire, entre autres, aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules et de les présenter d’une manière « aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables ».

32 Cet article 61, paragraphe 2, second alinéa, première phrase, oblige ces constructeurs à mettre les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules à disposition sur leurs sites Internet dans un format normalisé ou, si ce n’est pas réalisable en raison de la nature des informations, dans un autre format approprié. La seconde phrase de ce second alinéa impose auxdits constructeurs de fournir ces informations aux opérateurs indépendants autres que les réparateurs dans un format lisible par machine, susceptible d’être exploité électroniquement au moyen d’outils informatiques et de logiciels communément disponibles, afin que ces opérateurs puissent mener leurs activités dans la chaîne d’approvisionnement du marché des pièces et des équipements de rechange (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel, C 390/21, EU:C:2022:837, point 28).

33 Jusqu’à l’adoption par la Commission d’une norme appropriée, les mêmes constructeurs doivent, en vertu de l’article 61, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement 2018/858, présenter lesdites informations d’une manière « aisément accessible », de telle sorte qu’elles puissent être exploitées par les opérateurs indépendants « moyennant un effort raisonnable ».

34 Toutefois, l’article 61 de ce règlement ne prévoit pas une obligation, à la charge des constructeurs automobiles, de mettre en place une interface utilisable pour l’interrogation des bases de données de ces constructeurs.

35 En deuxième lieu, aux termes du point 6.1, troisième alinéa, de l’annexe X du règlement 2018/858, à laquelle renvoie l’article 61, paragraphe 4, de ce règlement, « [d]es informations sur toutes les pièces dont est équipé d’origine le véhicule, tel qu’identifié par le [VIN] et par tout critère supplémentaire comme l’empattement, la puissance du moteur, le type de finition ou les options, et qui peuvent être remplacées par des pièces détachées proposées par le constructeur du véhicule à ses concessionnaires ou réparateurs agréés ou à des tiers au moyen d’une référence au numéro des pièces d’origine, doivent être mises à disposition, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables, dans une base de données accessible pour les opérateurs indépendants ».

36 Il découle du libellé même de ce point 6.1, troisième alinéa, que, s’agissant des informations sur les pièces pouvant être remplacées par des pièces détachées, les constructeurs sont tenus de constituer une base de données (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Gesamtverband Autoteile-Handel, C 527/18, EU:C:2019:762, point 32) permettant d’effectuer des recherches au moyen non seulement du VIN mais aussi des « critères supplémentaires » prévus par cette disposition.

37 Cette interprétation est conforme à l’objectif de garantir une concurrence effective sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules, tel qu’énoncé aux considérants 50 et 52 du règlement 2018/858. À cette fin, les opérateurs indépendants, tels que les éditeurs d’informations techniques et les fabricants de pièces, doivent pouvoir effectuer, afin de mener leurs activités dans la chaîne d’approvisionnement du marché des pièces et des équipements de rechange, des recherches par tous les moyens énumérés au point précédent du présent arrêt.

38 En troisième lieu, l’obligation des constructeurs de mettre les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules à la disposition des opérateurs indépendants dans un format susceptible de faire l’objet d’un traitement électronique, prévue à l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858, doit permettre à ces opérateurs l’« extraction des données techniques » (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel, C 390/21, EU:C:2022:837, point 27).

39 En outre, il convient de relever que, selon le considérant 35 de la directive 2019/1024, afin qu’un document puisse être considéré comme étant dans un format lisible par machine, il doit se présenter « dans un format de fichier structuré de telle manière que les applications logicielles peuvent facilement identifier et reconnaître des données spécifiques et les extraire ».

40 Or, il ressort de la décision de renvoi qu’une mise à disposition des informations dans un format tel que celui offert par Scania ne se prête qu’à une exploitation électronique indirecte et exige que lesdits opérateurs procèdent à des étapes intermédiaires de conversion de fichiers qui ne permettent pas une exploitation automatisée en un format directement exploitable. Sous réserve des vérifications qu’il incombe en définitive à la juridiction de renvoi d’effectuer, une telle mise à disposition ne saurait être considérée comme respectant l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2018/858.

41 Cette interprétation est conforme à l’objectif de garantir une concurrence effective sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules, tel qu’énoncé aux considérants 50 et 52 du règlement 2018/858. À cette fin, il est essentiel, ainsi que l’a relevé la Commission dans ses observations écrites, que les opérateurs indépendants puissent extraire des données techniques du format par lequel les constructeurs mettent à leur disposition les informations nécessaires et conserver ces données immédiatement après leur collecte aux fins de leur réutilisation.

42 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens que :

– il n’impose pas aux constructeurs automobiles de rendre les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules accessibles par une interface de base de données permettant une interrogation automatisée avec téléchargement de résultats, mais leur impose de mettre ces informations à disposition des opérateurs indépendants dans des fichiers dont le format sert à l’exploitation électronique directe des ensembles de données contenus dans ces fichiers ;

– lu conjointement avec l’article 61, paragraphe 4, de ce règlement et le point 6.1, troisième alinéa, de l’annexe X de celui-ci, il impose aux constructeurs automobiles de constituer une base de données permettant la recherche des informations sur toutes les pièces dont est équipé d’origine le véhicule en fonction non seulement du VIN mais aussi de moyens supplémentaires prévus par cette dernière disposition.

Sur la troisième question

43 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 doit être interprété en ce sens qu’il établit une « obligation légale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du  RGPD, à la charge des constructeurs automobiles, de mettre les VIN des véhicules qu’ils fabriquent à disposition des opérateurs indépendants, en tant que « responsables du traitement », au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement.

44 Afin de répondre à cette question, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, si le VIN relève de la notion de « donnée à caractère personnel », au sens de l’article 4, point 1, du RGPD, qui définit cette notion comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ».

45 Cette définition est applicable lorsque, en raison de leur contenu, de leur finalité et de leur effet, les informations en cause sont liées à une personne physique déterminée [arrêt du 8 décembre 2022, Inspektor v Inspektorata kam Visshia sadeben savet (Finalités du traitement de données à caractère personnel – Enquête pénale), C 180/21, EU:C:2022:967, point 70]. Pour déterminer si une personne physique est identifiable, directement ou indirectement, il convient de prendre en considération l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre soit par le responsable du traitement, au sens de l’article 4, point 7, du RGPD, soit par autrui, pour identifier cette personne, sans pour autant exiger que toutes les informations permettant d’identifier ladite personne se trouvent entre les mains d’une seule entité (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2016, Breyer, C 582/14, EU:C:2016:779, points 42 et 43).

46 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 34 et 39 de ses conclusions, une donnée telle que le VIN – qui est défini par l’article 2, point 2, du règlement no 19/2011 comme un code alphanumérique attribué au véhicule par son constructeur, afin d’assurer l’identification adéquate de ce véhicule et qui, en tant que tel, est dépourvu de caractère « personnel » – acquiert ce caractère à l’égard de quiconque dispose raisonnablement de moyens permettant de l’associer à une personne déterminée.

47 Or, il résulte de l’annexe I, point II.5, de la directive 1999/37 que le VIN doit figurer dans le certificat d’immatriculation d’un véhicule, tout comme le nom et l’adresse du titulaire de ce certificat. En outre, en vertu des points II.5 et II.6 de cette annexe, une personne physique peut être désignée dans ledit certificat comme propriétaire du véhicule ou comme une personne pouvant disposer du véhicule à un titre juridique autre que celui de propriétaire.

48 Dans ces conditions, le VIN constitue une donnée à caractère personnel, au sens de l’article 4, point 1, du RGPD, de la personne physique mentionnée dans le même certificat, dans la mesure où celui qui y a accès pourrait disposer de moyens lui permettant de l’utiliser pour identifier le propriétaire du véhicule auquel il se rapporte ou la personne pouvant disposer de ce véhicule à un titre juridique autre que celui de propriétaire.

49 Ainsi que M. l’avocat général l’a fait observer aux points 34 et 41 de ses conclusions, lorsque les opérateurs indépendants peuvent raisonnablement disposer des moyens leur permettant de rattacher un VIN à une personne physique identifiée ou identifiable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ce VIN constitue pour eux une donnée à caractère personnel, au sens de l’article 4, point 1, du RGPD, ainsi que, indirectement, pour les constructeurs automobiles qui le mettent à disposition, même si le VIN n’est pas, en soi, pour ces derniers une donnée à caractère personnel et ne l’est pas, en particulier, lorsque le véhicule auquel ce VIN a été attribué n’appartient pas à une personne physique.

50 S’il résulte de la vérification indiquée au point précédent du présent arrêt qu’un VIN doit être considéré comme une donnée à caractère personnel, il relève du champ d’application du RGPD, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de celui-ci, et doit donc faire l’objet d’un traitement conforme à ce règlement.

51 La notion de « traitement » est définie à l’article 4, point 2, du RGPD comme toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou à des ensembles de données à caractère personnel, telles que la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition. Cette notion couvre donc la mise à disposition d’un VIN par le « responsable du traitement », au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement, lorsque ce VIN permet d’identifier une personne physique.

52 L’article 6 du RGPD fixe les conditions de licéité du traitement de telles données. Conformément au paragraphe 1, sous c), de cet article, est licite le traitement qui est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle est soumis le responsable du traitement.

53 L’article 6, paragraphe 3, du RGPD précise, en outre, que ce traitement doit être fondé sur le droit de l’Union ou sur le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis, et que ce fondement juridique doit définir les finalités du traitement et répondre à un objectif d’intérêt public, ainsi qu’être proportionné à la poursuite d’un tel objectif.

54 Ainsi que l’énonce le considérant 62 du règlement 2018/858, la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel doit être appliquée chaque fois que les mesures prévues par ce règlement impliquent le traitement de données à caractère personnel.

55 C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner, dans un second temps, le contenu et la portée de l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858.

56 Cette disposition, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 26 et 31 du présent arrêt, impose, tout d’abord, aux constructeurs automobiles de mettre à disposition des opérateurs indépendants, entre autres, les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, définies à l’article 3, point 48, de ce règlement comme « toutes les informations, y compris tous les changements et compléments ultérieurs apportés à ces informations, qui sont requises pour le diagnostic, l’entretien et l’inspection d’un véhicule, la préparation en vue de la réalisation du contrôle technique, la réparation, la reprogrammation, la réinitialisation d’un véhicule ou qui sont requises pour l’aide au diagnostic à distance d’un véhicule ou pour le montage sur un véhicule des pièces et équipements, et que le constructeur fournit à ses partenaires, concessionnaires et réparateurs agréés ou qu’il utilise à des fins de réparation ou d’entretien ».

57 En outre, l’annexe X du règlement 2018/858, à laquelle renvoie l’article 61, paragraphe 4, de ce règlement, précise, à son point 2.5.1, que les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules comprennent « l’identification non équivoque du véhicule ». Par ailleurs, conformément au point 6.1, quatrième alinéa, de cette annexe, le VIN doit figurer dans la base de données que le constructeur est tenu de constituer, en vertu de ce point 6.1, troisième alinéa, concernant les pièces dont est équipé d’origine le véhicule et qui peuvent être remplacées par des pièces détachées.

58 Ces dispositions du droit de l’Union imposent ainsi aux constructeurs automobiles l’« obligation légale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du RGPD, de mettre à disposition des opérateurs indépendants, entre autres données, les VIN. Une telle « obligation légale » répond à la première condition de licéité du traitement des données à caractère personnel énoncée au point 52 du présent arrêt.

59 Ensuite, l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 définit la finalité de cette obligation de traitement des données, qui est de fournir aux opérateurs indépendants un accès illimité, normalisé et non discriminatoire aux informations, notamment, sur la réparation et l’entretien des véhicules, au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement. L’« obligation légale », pour les constructeurs, de mettre les VIN de leurs véhicules à disposition des opérateurs indépendants répond ainsi à l’objectif, énoncé au considérant 52 dudit règlement, de garantir une concurrence effective et non faussée sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules.

60 Selon le considérant 50 du règlement 2018/858, une telle concurrence est nécessaire pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur, en particulier en ce qui concerne la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation des services. Partant, l’objectif mentionné au point précédent est d’intérêt public et, par suite, légitime (voir, par analogie, arrêt du 1er août 2022, Vyriausioji tarnybinės etikos komisija, C 184/20, EU:C:2022:601, point 75). La deuxième condition de licéité du traitement des données à caractère personnel énoncée au point 53 du présent arrêt est ainsi remplie.

61 S’agissant, enfin, de la troisième condition de licéité du traitement des données à caractère personnel, prévue à l’article 6, paragraphe 3, du RGPD et exigeant que ce traitement soit « proportionné à l’objectif légitime poursuivi », il suffit de relever, à l’instar de M. l’avocat général, au point 52, quatrième tiret, de ses conclusions, d’une part, que seule la recherche au moyen du VIN permet une identification exacte des données correspondant à un véhicule en particulier et, d’autre part, que le dossier dont dispose la Cour ne fait pas état d’autre moyen d’identification moins contraignant qui, en même temps, serait aussi efficace que la recherche à partir du VIN et permettrait de poursuivre l’objectif d’intérêt public identifié au point précédent. L’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 remplit ainsi la troisième condition visée au point 53 du présent arrêt.

62 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que le paragraphe 1 de l’article 61 du règlement 2018/858, lu en combinaison avec le paragraphe 4 de cet article et le point 6.1 de l’annexe X de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il établit une « obligation légale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du  RGPD, à la charge des constructeurs automobiles, de mettre les VIN des véhicules qu’ils fabriquent à disposition des opérateurs indépendants, en tant que « responsables du traitement », au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement.

Sur les dépens

63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1) L’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE,

doit être interprété en ce sens que :

l’obligation de présenter les informations visées à ce paragraphe d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables, couvre l’ensemble des « informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », au sens de l’article 3, point 48, de ce règlement, et pas uniquement les informations portant sur les pièces de rechange visées à l’annexe X, point 6.1, dudit règlement.

2) L’article 61, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2018/858

doit être interprété en ce sens que :

– il n’impose pas aux constructeurs automobiles de rendre les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules accessibles par une interface de base de données permettant une interrogation automatisée avec téléchargement de résultats, mais leur impose de mettre ces informations à disposition des opérateurs indépendants dans des fichiers dont le format sert à l’exploitation électronique directe des ensembles de données contenus dans ces fichiers ;

– lu conjointement avec l’article 61, paragraphe 4, de ce règlement et le point 6.1, troisième alinéa, de l’annexe X de celui-ci, il impose aux constructeurs automobiles de constituer une base de données permettant la recherche des informations sur toutes les pièces dont est équipé d’origine le véhicule en fonction non seulement du numéro d’identification du véhicule (VIN) mais aussi de moyens supplémentaires prévus par cette dernière disposition.

3) Le paragraphe 1 de l’article 61 du règlement 2018/858, lu en combinaison avec le paragraphe 4 de cet article et le point 6.1 de l’annexe X de ce règlement,

doit être interprété en ce sens que :

il établit une « obligation légale », au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), à la charge des constructeurs automobiles, de mettre les VIN des véhicules qu’ils fabriquent à disposition des opérateurs indépendants, en tant que « responsables du traitement », au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement.