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Décisions

CA Colmar, ch. 1 A, 13 septembre 2023, n° 22/02998

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alsaceadom (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mme Robert-Nicoud, M. Roublot

Avocats :

Me Cahn, Me Crovisier

TJ Mulhouse, ch. com., du 3 juill. 2020

3 juillet 2020

Vu l'acte introductif d'instance déposé le 16 novembre 2017 et signifié le 27 novembre 2017, par lequel la SELAS [I] et Associés et la SELARL MJM [D] et Associés, ès qualités de mandataire judiciaire respectivement de la SARL A2micile [Localité 5] et de la SARL A2micile [Localité 7], qui seront également dénommées "les sociétés A2micile", ont fait citer la SARL Alsaceadom, M. [S] [P] et M. [J] [E] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins d'engagement de la responsabilité de MM. [P] et [E] sur le fondement de l'article L. 651-2 du code du commerce et celle de la société Alsaceadom sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun à raison d'une concurrence déloyale,

Vu le jugement rendu le 3 juillet 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a statué comme suit :

- condamne Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL Alsaceadom in solidum à payer à la SELAS [I], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL A2micile [Localité 5] la somme de 75 000 euros (soixante-quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

- condamne Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL Alsaceadom in solidum à payer à la SELARL MJM [D], es qualité de mandataire liquidateur de la société A2micile [Localité 7] la somme de 75 000 euros (soixante-quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

- condamne monsieur [J] [E] à payer à la SELARL MJM [D], es qualité de mandataire liquidateur de la société A2micile [Localité 7] la somme de 31 373,05 euros (trente et un mille trois cent soixante-treize euros et cinq centimes) ;

- déboute Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL Alsaceadom de leur demande reconventionnelle ;

- condamne Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL Alsaceadom in solidum à payer à la SELARL MJM [D], es qualité de mandataire liquidateur de la société A2micile [Localité 7] la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL Alsaceadom in solidum à payer à la SELAS [I], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL A2micile [Localité 5] la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejette la demande de Messieurs [S] [P] et [J] [E] et de la SARL Alsaceadom faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL Alsaceadom in solidum aux entiers dépens ;

- ordonne l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.'

Vu la déclaration d'appel formée par la SARL Alsaceadom, MM. [P] et [E] contre ce jugement, et déposée le 15 juillet 2020 (n° RG 20/1959),

Vu la constitution d'intimées de la SELAS [I] et Associés, ès qualités et de la SELARL MJM [D] et Associés, ès qualités, en date du 31 juillet 2020,

Vu l'ordonnance du 19 avril 2021 par laquelle le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire par application de l'article 526 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance du 24 janvier 2022 ayant rejeté la demande de reprise d'instance,

Vu l'acte de reprise d'instance déposé le 28 juillet 2022 (n° RG 22/2998),

Vu la constitution d'intimées de la SELAS [I] et Associés, ès qualités et de la SELARL MJM [D] et Associés, ès qualités, en date du 20 avril 2023 (changement d'avocat),

Vu les dernières conclusions en date du 13 avril 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL Alsaceadom, M. [S] [P] et M. [J] [E] demandent à la cour de :

RECEVOIR l'appel,

REJETER l'appel incident,

INFIRMER le jugement entrepris et Statuant à nouveau,

DECLARER les demandes tant irrecevables qu'infondées,

REJETER toutes prétentions à l'encontre de la Sàrl ALSACEADOM, Monsieur [S] [P] et Monsieur [J] [E],

SUBSIDIAIREMENT, REDUIRE dans une large mesure les montants mis en compte,

CONDAMNER la SELAS [I] & Associés es qualité, et la SELARL MJM [D] & Associés es qualité, aux entiers frais et dépens ainsi qu'au versement de la somme d'un montant de 5.000,- € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de concurrence entre les deux activités exercées, s'agissant au moins de la société A2micile [Localité 5],

- l'absence de clause de non-rétablissement ou de non-concurrence,

- l'absence de procédés déloyaux, et notamment de débauchage massif, s'agissant de la poursuite d'une activité abandonnée par A2micile, ou de manquement à l'obligation de loyauté et de fidélité, ainsi que de 'racolage' de clients, outre la différence d'objet social et l'absence d'imitation des signes distinctifs,

- l'absence de lien démontré entre la perte du chiffre d'affaires de la demanderesse et les actes reprochés et contestés.

Vu les dernières conclusions en date du 24 décembre 2020, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SELAS [I] et Associés, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL A2micile [Localité 5] et la SELARL MJM [D] et Associés, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL A2micile [Localité 7], demandent à la cour de :

Sur l'appel principal :

Débouter la société ALSACEADOM, M. [S] [P] et M. [J] [E] de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions,

Sur l'appel incident :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 75.000,- € la condamnation prononcée à l'encontre de la SARL ALSACEADOM, M. [S] [P] et M. [J] [E] au bénéfice de la SELAS [I] & ASSOCIES, es-qualité de mandataire liquidateur de la SARL A2MICILE [Localité 5], et a limité à 75.000,- € le condamnation prononcée à l'encontre de la SARL ALSACEADOM, M. [S] [P] et M. [J] [E] au bénéfice de la SELARL MJM [D] & ASSOCIES, es-qualité de mandataire liquidateur de la SARL A2MICILE [Localité 7],

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Condamner Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL ALSACEADOM in solidum à payer à la SELAS [I] & ASSOCIES, es qualité de mandataire liquidateur de la SARL A2MICILE [Localité 5] la somme de 250.000,- € à titre de dommages et intérêts,

Condamner Messieurs [S] [P] et [J] [E] et la SARL ALSACEADOM in solidum à payer à la SELARL MJM [D] & ASSOCIES, es qualité de mandataire liquidateur de la SARL A2MICILE [Localité 7] la somme de 250.000,- € à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause :

Débouter la société ALSACEADOM, M. [S] [P] et M. [J] [E] de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions,

Condamner M. [J] [E], M. [S] [P] et la société ALSACEADOM SARL in solidum à payer à la SELAS [I] & ASSOCIES, es-qualité de mandataire judiciaire de la société A2MICILE [Localité 5], la somme de 5.000,- € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner M. [J] [E], M. [S] [P] et la société ALSACEADOM SARL in solidum à payer à la SELARL MJM [D] & ASSOCIES, es-qualité de mandataire judiciaire de la société A2MICILE [Localité 7], la somme de 5.000,- € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner M. [J] [E], M. [S] [P] et la société ALSACEADOM SARL in solidum aux entiers frais et dépens d'appel principal et incident.

et ce, en invoquant, notamment :

- les manquements de MM. [P] et [E] à leurs obligations de dirigeants des sociétés A2micile [Localité 5] et [Localité 7], en détournant, à l'insu de la société mère A2micile, la totalité de la clientèle, en débauchant massivement la quasi-totalité de leurs salariés, et en encaissant, par l'intermédiaire de la société Alsaceadom, volontairement créée dans le même secteur d'activité et qui reprenait les signes distinctifs d'A2micile, des règlements de clients devant revenir aux sociétés A2micile, dont ils auraient ainsi provoqué la déconfiture en captant leurs actifs,

- l'existence d'un préjudice résultant d'une perte de clientèle et donc de chiffre d'affaires en lien avec leurs agissements eu égard à leur rôle, au débauchage et à la confusion opérés, sans incidence de la gestion ultérieure des sociétés, déjà vidées de leur substance, ou des questions d'agrément, ce dernier ayant toujours été conservé par la société A2micile [Localité 5] indépendamment de la certification Qualicert.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 avril 2023,

Vu les débats à l'audience du 17 mai 2023,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur les demandes principales en dommages-intérêts :

Sur la responsabilité de la société Alsaceadom pour concurrence déloyale :

Aux termes des articles 1240 et 1241 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; et chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Constitue une faute, notamment la commission d'actes de concurrence déloyale qui peuvent se matérialiser par le dénigrement, la confusion, la désorganisation ou le parasitisme économique.

Ainsi, le démarchage de la clientèle d'une société concurrente n'est pas, en soi, fautif, même lorsqu'il est le fait d'un ancien salarié de celle-ci, à moins que ce dernier ne soit tenu envers elle par une clause de non-concurrence. Sous réserve de cette hypothèse, le démarchage n'est fautif que s'il s'accompagne de manœuvres déloyales.

Quant à l'embauche d'anciens salariés d'une entreprise concurrente, elle devient déloyale lorsque sont caractérisées des circonstances particulières caractérisant elles-mêmes la faute du nouvel employeur et causant un préjudice à l'employeur précédent.

Le débauchage du personnel est susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, indépendamment de toute manœuvre déloyale, seulement lorsqu'il est démontré que les embauches dans l'entreprise concurrente ont eu pour objet ou effet de désorganiser l'entreprise dont le personnel est issu.

Sur ce, s'il convient de rappeler que si le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale est uniquement subordonné à l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice, et non nécessairement à l'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées, il y a lieu, en tout état de cause, de relever que les sociétés A2micile [Localité 5] et A2micile [Localité 7], d'une part, et la société Alsaceadom, d'autre part, relèvent bien d'activités les plaçant en situation de concurrence sur le marché du service à la personne, l'extrait kbis de la société A2micile [Localité 5] mentionnant "la fourniture de services aux personnes à leur domicile", et celui de la société A2micile [Localité 7] "dans le cadre de la loi 2005-841 du 26.07.2005 et de ses extensions à venir, fourniture à titre exclusif de services au domicile des particuliers ou dans l'environnement immédiat du domicile pour le maintien à domicile des personnes, relevant de l'agrément simple", l'activité de la société Alsaceadom relevant, aux termes de ses statuts, des "services aux particuliers et entretien de locaux professionnels", tandis que le kbis de cette société fait mention, à la rubrique "activité", de "services aux particuliers : ménage, repassage, garde d'enfants de plus de 3 ans, jardinage, préparation de repas et entretien de locaux professionnels".

Si les appelants entendent faire valoir que "en 2011, le secteur de la dépendance a été retiré ce qui ne permettait plus à Monsieur [P] d'intervenir auprès des personnes âgées, faute d'agrément", le conduisant à créer une nouvelle entité, ce qui ne vise que la société A2micile [Localité 5] et n'apparaît, au demeurant, pas formellement étayé au vu des éléments du dossier, d'autant que les appelants affirment également que "[Localité 6] 2013, A2MICILE [Localité 5] et MULHOUSE se sont désengagées du secteur de la dépendance", il n'en demeure pas moins que l'intitulé de l'activité de la société Alsaceadom apparaît particulièrement large et non se cantonnant à un domaine qui serait expressément exclu de l'objet des deux sociétés A2micile, la perte de la certification "Qualicert", en 2013, soit postérieurement à la création de la société Alsaceadom, n'ayant, par ailleurs, eu aucune incidence démontrée, en l'état du droit applicable, et au vu des éléments versés aux débats, sur la poursuite de l'activité des deux sociétés et dont il ne ressort, en tout état de cause, pas que les sociétés A2micile auraient perdu leur agrément.

À cela s'ajoute une ressemblance certaine de dénomination entre les deux parties, avec une référence partagée à la notion de domicile et l'usage initial de la voyelle 'A', la société Alsaceadom ayant pour spécificité une référence à l'Alsace, ce qui renvoie cependant à un territoire évoquant un secteur géographique également partagé par les trois sociétés, et ce d'autant que la production du fichier client d'Alsaceadom fait apparaître des factures libellées au nom d'une société A2micile Sud Alsace inexistante, ce qui ne peut être que de nature à accentuer une confusion qui ressort également de la forte similarité des logos, employant des couleurs d'une ressemblance flagrante, en mettant en exergue le 'A' majuscule, le premier juge ayant ainsi pu, à juste titre, évoquer "une imitation".

Le recours répété, et donc intentionnel, à la dénomination confuse "A2micile Sud Alsace" dans certaines facturations durant l'année 2014, et la confusion qui ressort des courriers de clients dont l'un évoque plus particulièrement "la reprise" de l'activité d'A2micile par Alsaceadom, apparaissent, outre ce qui précède, de nature à démontrer à suffisance, au-delà d'un simple déplacement de clientèle, tel qu'évoqué par les appelants, l'existence de procédés déloyaux constitutifs d'un détournement de clientèle caractérisé, et ce d'autant plus que les intervenants pouvaient être les mêmes.

Ainsi, la comparaison des listes du personnel de la société A2micile [Localité 5] et de la société A2micile [Localité 7], d'une part, et de la société A2micile, d'autre part, fait apparaître de multiples occurrences communes.

Pour autant, en l'état des éléments versés, en particulier par les intimés, dont certains sont des tableaux qu'ils ont eux-mêmes établis sans élément les corroborant de manière suffisante, notamment en ce qui concerne les périodes d'embauche des intéressés, la cour n'apparaît pas en mesure, sous l'angle de l'examen du débauchage invoqué par les intimés, de s'écarter de l'appréciation faite, sur ce point, par le juge de première instance, lequel a, justement relevé que, bien qu'il soit établi que la société Alsaceadom avait procédé à l'embauche de salariés des sociétés alors demanderesses, le contrat de travail type produit, comme également à hauteur de cour, révélait plutôt une embauche, par les sociétés A2micile, à temps partiel et ils avaient, en réalité, cumulé des emplois d'aide à domicile au sein de ces sociétés concurrentes, outre que les démissions de certains de ces salariés étaient intervenues selon lettres produites, en 2016 soit au moment de la liquidation des sociétés requérantes, ce dont il résulte qu'aucun acte de débauchage fautif n'apparaît suffisamment démontré, à défaut de preuve d'une désorganisation des sociétés A2micile [Localité 5] et [Localité 7] ni même de circonstances particulières caractérisant elles-mêmes la faute du nouvel employeur et causant un préjudice à l'employeur précédent, indépendamment des agissements examinés sous l'angle du détournement de clientèle tels qu'ils ont été examinés précédemment.

Dans cette mesure, le jugement entrepris sera confirmé, en ce qu'il a retenu que la société Alsaceadom a commis des actes de concurrence déloyale dans l'exercice de son activité économique entraînant sa responsabilité et ce faisant la réparation des préjudices que sa déloyauté a causés aux sociétés A2micile.

Sur la responsabilité des gérants :

En application de l'article L. 223-22, 1er alinéa, du code de commerce, les gérants des sociétés à responsabilités limitées (SARL) sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Au titre de ces dispositions, le dirigeant est tenu, envers la société qu'il dirige, à une obligation de loyauté et de fidélité lui faisant interdiction d'exercer, à titre personnel ou par l'intermédiaire d'une autre société, une activité concurrente de cette société, sauf s'il a reçu, pour ce faire, l'autorisation unanime des associés, caractérisant un accord préalable de la société aux agissements imputés au gérant (voir Com., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-17.010).

Les parties intimées, demanderesses à la première instance, font, en l'espèce, grief à MM. [P] et [E], en leurs qualités respectives de gérant des sociétés A2micile [Localité 5] et A2micile [Localité 7], d'avoir "agi au détriment de l'intérêt social des sociétés A2MICILE en les vidant de toute substance au bénéfice de la société ALSACEADOM", dont l'objet social aurait été strictement identique à celles dont ils étaient représentants légaux, réfutant tout accord de l'autre co-gérant à cette fin, en invoquant un débauchage massif des salariés et le détournement de la quasi-totalité de la clientèle par le recours délibéré à une confusion dans l'esprit de la clientèle.

Les parties appelantes, au-delà du bénéfice de l'argumentation développée pour contester les agissements de concurrence déloyale, et en réfutant tout débauchage, entendent objecter que les intéressés auraient été investis jusqu'au dernier jour dans leurs responsabilités au sein des sociétés A2micile [Localité 5] et A2micile [Localité 7] et entendent mettre en cause les choix de gestion du groupe A2micile pour expliquer la déconfiture de ces deux sociétés, reprochant plus particulièrement à M. [O], resté "seul maître à bord à partir d'avril 2014", d'avoir "volontairement laissé les deux sociétés filiales péricliter pour des motifs de restructuration".

Cela étant, au vu des conclusions auxquelles la cour est parvenue sous l'angle de l'examen de la responsabilité de la société Alsaceadom pour concurrence déloyale, l'existence d'agissements, imputables respectivement à M. [S] [P] et à M. [J] [E], en leurs qualités, pour le premier de gérant ou de co-gérant de la société A2micile [Localité 5] entre septembre 2006 et novembre 2014, pour le second de gérant ou de co-gérant de la société A2micile [Localité 7] entre novembre 2009 et décembre 2014, et caractérisant des manquements à leur obligation de loyauté et de fidélité, apparait suffisamment démontrée.

Ainsi, les deux intéressés, créateurs d'une société, ayant débuté son activité le 1er juillet 2011 et opérant dans le même secteur d'activité, et sur la même zone géographique que les sociétés dont ils assuraient, par ailleurs, la gérance, sans qu'il ne soit établi que lesdites sociétés, et en tout cas la société mère A2micile Europe, associée à 60 % des deux entités, auraient donné leur assentiment, de manière claire et non équivoque, ni même auraient eu connaissance de cette création, l'absence de réaction du co-gérant, M. [O], à cette création étant, en conséquence, sans emport, ont, de ce seul fait, manqué à leurs obligations telles qu'elles viennent d'être rappelées, peu important, également, qu'ils aient continué à exercer leurs fonctions, même de manière effective et impliquée, dans les autres sociétés, et ce alors que, comme le relève à juste titre le premier juge, l'existence, sous leur responsabilité, d'agissements caractérisant des faits de démarchage actif et déloyal de clientèle au profit de la société Alsaceadom met également en cause leur devoir de loyauté.

Sur les préjudices :

Il convient de rappeler que s'infère nécessairement d'actes de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, à charge pour la victime des actes déloyaux d'apporter les éléments de nature à établir l'étendue du préjudice dont elle demande réparation.

En l'espèce, les parties intimées et appelantes à titre incident entendent contester l'évaluation faite de leur préjudice par le juge de première instance, et sollicitent, à ce titre, l'octroi d'un montant de 250 000 euros, en faisant, notamment, référence au chiffre d'affaires, selon elles régulièrement réalisées par les deux sociétés A2micile, et rappelant également le montant du passif de ces deux sociétés, à savoir 118 054,35 euros pour la société A2micile [Localité 7] et 146 430,57 euros pour la société A2micile [Localité 5], qui devraient conduire à une clôture pour insuffisance d'actif, ainsi que le lien de causalité qu'elles estiment établis entre les agissements des intéressés, notamment par la confusion entretenue et le rôle des salariés, tout en contestant l'incidence de la perte de la certification Qualicert et l'incidence de la gestion de M. [O].

Pour leur part, les parties appelantes principales réfutent l'existence d'un lien démontré entre la perte du chiffre d'affaires de la demanderesse, désormais intimée, et les actes reprochés aux intéressés qui les contestent, évoquant, par ailleurs, la présence, dans le passif de la liquidation judiciaire, de condamnations prud'homales pour plus de 30 000 euros, ainsi qu'une créance du groupe à A2micile Europe pour plus de 33 000 euros.

Cela étant, compte tenu des manœuvres utilisées, telles qu'elles ont été caractérisées ci-avant, de la clientèle détournée et de la confusion qui en a résulté sur le marché local du service à la personne, tout en écartant l'incidence d'un débauchage qui n'a pas été caractérisé ou de celle du positionnement ou de la gestion de M. [O] dont les défaillances ne sont pas davantage établies, c'est à bon droit, et par des motifs pertinents et circonstanciés, qui seront approuvés, que le premier juge a fixé à la somme de 75 000 euros le quantum du préjudice subi à ce titre par chacune des deux sociétés A2micile, de même qu'il a été retenu la mise en compte, par M. [J] [E] personnellement, en lien avec des prélèvements personnels qu'il ne conteste ni n'explique davantage la cause qu'en première instance, la somme de 31 373,05 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les parties appelantes, succombant pour l'essentiel, seront tenues, in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge des appelants, in solidum, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de chacun des intimés, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ces derniers, et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Mulhouse à compétence commerciale,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [S] [P], M. [J] [E] et la SARL Alsaceadom aux dépens de l'appel,

Condamne in solidum M. [S] [P], M. [J] [E] et la SARL Alsaceadom à payer à la SELARL MJM [D] et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société A2micile [Localité 7], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [S] [P], M. [J] [E] et la SARL Alsaceadom à payer à la SELAS [I] et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL A2mici1e [Localité 5], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [S] [P], M. [J] [E] et la SARL Alsaceadom.