CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 18 octobre 2023, n° 21/12376
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Trustweb (SAS)
Défendeur :
Helloasso (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
Avocats :
Me Haas, Me Regnier, Me Hazan
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Trustweb est une société française éditrice d'un service de billetterie en ligne accessible via le site billetweb.fr depuis 2014.
La société Helloasso est une société française créée en 2009 qui gère le site Helloasso.com, site de paiement sur internet dédié aux associations.
Reprochant à la société Helloasso de présenter ses services comme gratuits alors qu'un paiement qualifié de 'contribution au fonctionnement' serait demandé au consommateur lors de l'achat du billet, et que ce paiement aurait un caractère obligatoire compte tenu de la difficulté à pouvoir le refuser, la société Trustweb a mis en demeure la société Helloasso le 17 décembre 2019 de cesser ses pratiques commerciales trompeuses en supprimant toute référence à la gratuité de ses services.
La société Helloasso a par la suite mis en demeure le 11 février 2020 la société Trustweb de supprimer un prétendu comparatif des prix des différentes plateformes. La société Trustweb a retiré cette page de son site.
C'est dans ce contexte que la société Trustweb a assigné la société Helloasso le 13 mars 2020 en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Paris.
Dans un jugement rendu le 31 mai 2021, dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la SAS Helloasso à payer à la société SAS Trustweb la somme de 5.000 euros en réparation de ses préjudices ;
- condamné la SAS Helloasso à payer à la société SAS Trustweb la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la SAS Helloasso aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA ;
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
La société Trustweb a interjeté appel de ce jugement le 1er juillet 2021.
Par ordonnance d'incident rendue le 9 mai 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par la société Trustweb le 10 mai 2022, mais uniquement en ce qu'elles répondent à l'appel incident, et l'a invitée à conclure à nouveau en excluant les passages tendant à répondre à l'appel incident formé le 27 décembre 2021.
Vu les dernières conclusions récapitulatives, numérotées 3, notifiées par RPVA le 22 mai 2023, par lesquelles la société Trustweb demande à la cour :
d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- limité la condamnation de la société Helloasso à 5.000 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel et d'image ;
- débouté la société Trustweb de l'ensemble de ses demandes visant à voir :
°ordonner à la société Helloasso qu'elle cesse de présenter son service de billetterie en ligne offert via le site web comme un « service gratuit » ou tous termes ou expressions équivalents, apparaissant comme tel notamment sur le moteur de recherche Google en réponse à la requête de tout internaute recherchant une « billetterie en ligne » ou « don en ligne » sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée, à compter du 5ème jour suivant la signification du jugement à intervenir ;
°ordonner la publication, aux seuls frais de la société Helloasso, d'un encart sur son site internet reprenant le dispositif du jugement à intervenir en ce qu'il a condamné la société Helloasso pour pratique commerciale trompeuse constitutive d'un acte de concurrence déloyale, dans un encadré rouge sur fond blanc figurant sur le tiers supérieur de la page d'accueil du site internet précité, au centre, en police de caractère de taille 16, pour une durée minimum d'un mois à compter du 5ème jour suivant la signification du jugement à intervenir et autoriser la Société Trustweb à en faire de même sur son propre site web accessible par l'URL pour la même durée ;
- et statuant à nouveau,
A titre principal,
- condamner la société Helloasso à verser la somme de 2.650.957 euros à la société Trustweb au titre du préjudice économique subi au titre des actes de concurrence déloyale ;
- condamner la société Helloasso a versé la somme de 50.000 euros à la société Trustweb au titre du préjudice moral subi au titre des actes de concurrence déloyale ;
- ordonner à la Société Helloasso qu'elle cesse de présenter son service de billetterie en ligne offert via le site web comme un « service gratuit » ou tous termes ou expressions équivalents, apparaissant comme tel notamment sur le moteur de recherche Google en réponse à la requête de tout internaute recherchant une « billetterie en ligne » ou « don en ligne » sous astreinte de 50.000,00 euros par infraction constatée, à compter du 5ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner la publication, aux seuls frais de la société Helloasso, d'un encart sur son site internet reprenant le dispositif de l'arrêt à intervenir en ce qu'il a condamné la société Helloasso pour manquement à l'obligation d'information précontractuelle, pratiques commerciales déloyales, pratiques commerciales trompeuses, pratiques commerciales agressives, non-respect de la réglementation fiscale quant à l'exonération de la Taxe sur la Valeur Ajoutée, tous ces actes étant constitutifs d'actes de concurrence déloyale, dans un encadré rouge sur fond blanc figurant sur le tiers supérieur de la page d'accueil du site internet précité, au centre, en police de caractère de taille 16, pour une durée minimum d'un mois à compter du 5ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir et autoriser la société TRUSTWEB à en faire de même sur son propre site web accessible via l'URL pour la même durée;
- se réserver la liquidation de l'astreinte ;
En tout état de cause,
- débouter la société Helloasso de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et prétentions;
- condamner la société Helloasso à payer à la société Trustweb la somme complémentaire de 9.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Gérard HAAS pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Vu les dernières conclusions récapitulatives, notifiées par RPVA le 27 décembre 2021 par lesquelles la société Helloasso demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2021 en ce qu'il a condamné la SAS Helloasso à payer à la SAS Trustweb la somme de 5.000 euros en réparation de ses préjudices et la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2020 en ce qu'il a débouté la SAS Helloasso de sa demande de dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale ;
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2020 en ce qu'il a débouté la SAS Trustweb de ses plus amples demandes ;
Statuant à nouveau :
- débouter la société Trustweb de l'ensemble de ses demandes et notamment en ce qu'elle sollicite la condamnation de la société Helloasso au paiement de dommages intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale ;
A titre reconventionnel :
- juger que le comportement de la société Trustweb est constitutif d'actes de concurrence déloyale par application du code de la consommation et de la jurisprudence ;
En conséquence :
- condamner la société Trustweb au paiement de dommages intérêts à hauteur de 30.000 euros en réparation des préjudices économiques et moraux subis par la société Helloasso ;
En tout état de cause :
- condamner la société Trustweb au paiement de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Helloasso
La société Trustweb reproche à la société Helloasso un manquement à son obligation précontractuelle d'information, des pratiques commerciales trompeuses, des pratiques commerciales agressives, et le non-respect de la réglementation fiscale applicable aux contributions volontaires des consommateurs, ces actes déloyaux constitutifs de concurrence déloyale lui conférant un avantage concurrentiel indu occasionnant un préjudice.
La société Trustweb fait valoir qu'une somme d'argent est réclamée par défaut alors même que le service est présenté comme gratuit ; que le consommateur doit effectuer 2ou 3 actions pour ne pas payer la contribution imposée par Helloasso ; que le fait de faire cocher au consommateur une case « j'ai compris et confirme vouloir apporter un soutien financier à Helloasso en finalisant mon paiement » avant qu'il ne puisse en modifier le montant tout en présentant ce service comme gratuit apparaît comme une manœuvre dolosive ; que l'internaute ne dispose pas de la possibilité de directement refuser la contribution lors du récapitulatif de la commande ; qu'il est forcé de cliquer sur la case « modifier » pour découvrir qu'il est possible de refuser de « participer » et doit pour cela cocher une nouvelle case ; que les modalités de calcul du montant réclamé par défaut ne sont pas précisées ; qu' Helloasso instaure par défaut une « contribution volontaire » qui a augmenté de 125% sans qu'elle informe le consommateur quant au mode de calcul employé pour la détermination de cette somme ; qu'à titre de comparaison, les tarifs fixés par la société Trustweb restent eux inchangés soit 1% du prix du billet ; que la commission perçue par Helloasso pour le même service est sept à huit fois supérieure à celle perçue par Trustweb ; que ce manquement à l'obligation d'information précontractuelle est d'autant plus criant qu'en tant qu'intermédiaire en financement participatif, la société Helloasso est légalement tenue d'être transparente quant aux modalités de sa rémunération.
La société Trustweb ajoute qu'en n'intégrant pas le refus de participer à la contribution «volontaire » au même niveau que l'acceptation dans le récapitulatif de commande, en présentant ladite contribution « volontaire » comme un don alors que celle-ci est proposée par défaut, en présentant un discours culpabilisateur auprès du consommateur pour l'amener à contribuer, en se présentant comme une association alors qu'elle est une société commerciale, et en attendant le dernier moment dans le processus d'achat pour « proposer par défaut » un montant aléatoire de contribution « volontaire », la société Helloasso biaise le consentement des consommateurs; qu'il importe peu que cette contribution financière soit payée par chaque consommateur à partir du moment où le processus de vente est construit sur des pratiques destinées à attirer ces derniers sur son site, prétendument gratuit, alors que le parcours pour parvenir à cette gratuité est de nature à tromper la vigilance d'un consommateur d'attention moyenne en altérant substantiellement son comportement.
La société Trustweb ajoute que lorsque le consommateur souhaite modifier le montant afférent à la contribution volontaire, une fenêtre s'ouvre avec la mention suivante : « Helloasso est une entreprise solidaire d'utilité sociale. Nous fournissons nos technologies de paiement gratuitement à des dizaines de milliers d'associations. Nous ne pouvons le faire qu'avec votre soutien. » ; qu'en présentant aux consommateurs leur participation financière comme seule source de revenus alors qu'Helloasso est une société commerciale mue par une vocation lucrative par essence, la société Helloasso se rend autrice de pratiques commerciales agressives dont l'objectif est de soutirer aux consommateurs une contribution financière.
Elle soutient enfin que la société Helloasso entretient délibérément le flou sur la qualification de la « contribution volontaire » des consommateurs pour justifier l'inapplication de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que ladite contribution intervient en rétribution d'un service, celui de la vente de billets en ligne pour permettre au consommateur d'assister à un événement ; que l'application de la TVA aux contributions « volontaires » ne fait aucun doute ; que le fait pour cette dernière de s'en dégager constitue un manquement grave aux règles fiscales qui lui sont applicables constitutif de concurrence déloyale.
La société Helloasso soutient que le système qu'elle a mis en place donne une gratuité totale à l'association (vendeuse du ticket) et laisse à l'acheteur du ticket toute liberté de verser ou non une contribution, c'est-à-dire de contribuer ou non au fonctionnement de la plateforme ; qu'elle ne contraint à aucun paiement : ni les associations ni les acheteurs de tickets n'étant tenus d'acquitter une quelconque facture ; que le caractère facultatif de la contribution volontaire ne saurait être remis en cause dès lors que l'acheteur qui ne souhaite pas contribuer peut refuser de le faire, sans que cela l'empêche d'obtenir le ticket ; que le caractère facultatif de la contribution volontaire ressort des statistiques démontrant en septembre 2019 un taux de contributeurs de 55,25 %, alors qu'une contribution obligatoire aurait donné lieu à un taux de 100% ; que le processus de validation de commande dénoncé par la société Trustweb a été lancé en parfaite concertation avec la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) de la Gironde, affilié à la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence Consommation, et Répression des Fraudes), et avec son aval quant à sa conformité avec l'ensemble des dispositions relatives à la protection du consommateur ; qu'il est totalement erroné d'affirmer que le processus d'achat impose au consommateur de cocher la case 'j'ai compris que Helloasso est une entreprise sociale et solidaire et confirme vouloir lui apporter un soutien financier en finalisant mon paiement'avant qu'il ne puisse en modifier le montant; que ce montant proposé aux utilisateurs est calculé par un algorithme sur la base du prix de l'association, en suivant une logique dégressive ; que pour un billet dont le prix se situe entre 0 et 15 euros, la contribution suggérée sera approximativement égale à 23 % du prix du billet ; qu'à mesure que le prix du billet augmente, la contribution proposée représente une part plus faible de ce prix, tout en restant plafonnée à 25 euros dès lors que le prix du billet proposé par l'association excède 1000 euros; qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucune violation de son obligation précontractuelle d'informations, les consommateurs étant parfaitement informés à l'avance de la gratuité de ses services et de leur possibilité de ne pas verser de contribution ; que seuls 27% des utilisateurs choisissent de payer le montant de contribution suggérée ; qu'une contribution à zéro n'empêche pas le consommateur d'obtenir son billet.
Elle fait valoir qu'Helloasso est l'une des premières entreprises à avoir réussi le pari d'engendrer des bénéfices commerciaux, assurant notamment ses frais de fonctionnement, tout en proposant un service gratuit ; que c'est cette même gratuité qui lui a permis de rencontrer son succès économique, tant auprès des associations que des utilisateurs ; qu'en 2016, les pouvoirs publics renouvelaient leur confiance à travers l'octroi d'un financement à hauteur de 279.794 euros via la Banque Publique d'Investissement ; qu'en mai 2019, l'État français lui a accordé l'agrément d'Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale (ESUS).
Elle ajoute, s'agissant du non-respect allégué de la réglementation fiscale relativement au non-paiement de la TVA que ses opérations n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA puisque la contribution versée par le consommateur à Helloasso est facultative, modulable, et fonction, non pas d'une prestation de service, mais de considérations subjectives ; que les sommes perçues ne constituent pas la contre-valeur effective d'un service fourni au bénéficiaire; que les utilisateurs de la plateforme Helloasso sont libres de verser ou non, sur le fondement de critères qui leur appartiennent, une contribution au fonctionnement de la plateforme ; qu'il n'y a donc pas de lien nécessaire entre le versement de la contribution volontaire, fût-elle suggérée aux consommateurs, et la mise à disposition de la plateforme par Helloasso.
Sur ce,
L'article L. 121-1 du code de la consommation interdit les pratiques commerciales déloyales, définies comme toute pratique contraire aux exigences de la diligence professionnelle altérant ou susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.
L'article L. 121-2 du code de la consommation dispose que 'Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
(...)
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
(...)
b)le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service.'
L'article L. 121-3 du code de la consommation dispose 'Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.
Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes : (')
3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance.'
L'article L. 121-4 du code de la consommation énonce : « Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet :
(...)
19° De décrire un produit ou un service comme étant " gratuit ", " à titre gracieux ", " sans frais" ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l'article ; (...)».
L'article L. 121-6 du code de la consommation énonce : 'Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent :
1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ;
2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ;
3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur'.
L'article L. 121-7 du code de la consommation précise : « Sont réputées agressives au sens de l'article L. 121-6 les pratiques commerciales qui ont pour objet :(')
6° D'informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés. »
En l'espèce, il résulte des captures d'écran du site Helloasso versées à la procédure que lorsque l'acheteur d'un billet se connecte sur Helloasso.com apparaît en haut de la page un encart indiquant 'Helloasso vit exclusivement grâce aux contributions volontaires des particuliers comme vous. Nous fournissons nos technologies de paiement gratuitement à des dizaines de milliers d'associations sans frais ni commission. Pour soutenir notre modèle économique et permettre aux associations de profiter d'outils toujours plus performants vous pouvez nous laisser une contribution volontaire. Elles sont notre unique source de revenus'.
Une fois l'événement recherché sélectionné, apparaît une page présentant les services proposés par l'association et leur prix, en bas de laquelle il est mentionné 'Helloasso est une entreprise sociale et solidaire qui fournit gratuitement ses technologies de paiement à (...)' suivi du nom de l'organisateur de l'événement. 'Une contribution au fonctionnement de Helloasso modifiable et facultative vous sera proposée dans la validation de votre paiement', cette mention figurant à nouveau dans la page suivante après sélection du nombre de places pour ledit événement.
Après que l'utilisateur a renseigné ses informations d'identification, apparaît une page intitulée « récapitulatif » sur laquelle est mentionné le montant des billets, puis en dessous dans un encadré rouge 'Votre contribution au fonctionnement de Helloasso' en caractères gras, puis à droite 'Modifier' écrit en rouge dans un encadré rouge sur fond blanc, puis tout à côté à droite un montant, et en dessous dans un encadré rouge le montant total TTC. Il est également mentionné en bas un champs obligatoire « j'ai compris que Helloasso est une entreprise sociale et solidaire et confirme vouloir lui apporter un soutien financier en finalisant mon paiement ».
Lorsque l'acheteur clique sur modifier, apparaît un encart indiquant 'Nous rendons possible le paiement à cette association', rappelant qu'Helloasso est une entreprise solidaire d'utilité sociale, mentionnant 'Nous ne pouvons le faire qu'avec votre soutien', puis indiquant 'Nous soutenir à hauteur de 'avec un curseur placé au milieu de la ligne et qui peut être déplacé dans un sens ou dans l'autre, au-dessous duquel est indiqué un chiffre en euros, puis, en dessous, la mention tout à fait lisible 'je ne souhaite pas soutenir Helloasso'.
Lorsque le consommateur sélectionne l'option 'je ne souhaite pas soutenir Helloasso' , apparaît une page intitulé 'Récapitulatif' qui mentionne le prix du billet, l'encadré rouge indiquant 'Votre contribution au fonctionnement de Helloasso 0 euros', et le prix TTC dans un bandeau rouge.
S'agissant des manquements allégués à l'information du consommateur sur les prix, la cour considère comme le tribunal de commerce, que la communication sur la gratuité de la société Helloasso est un élément essentiel de son positionnement expliqué clairement sur son site à de multiples reprises, le service rendu étant gratuit et seule une contribution volontaire au fonctionnement étant proposée 'Helloasso vit exclusivement grâce aux contributions volontaires des particuliers (...)', les termes de 'contribution volontaire' répétés à deux reprises, qualifiée de 'modifiable et facultative', adjectifs également reproduits deux fois, outre la mention à cocher obligatoirement en cas d'acceptation du paiement de ladite contribution, « j'ai compris que Helloasso est une entreprise sociale et solidaire et confirme vouloir lui apporter un soutien financier en finalisant mon paiement » permettant au consommateur moyen normalement attentif de comprendre qu'aucun prix n'est exigé par la société Helloasso qui se rémunère exclusivement par des contributions volontaires.
Il s'ensuit que les dispositions du code de la consommation relatives aux informations pré-contractuelles sur le prix ne sont pas applicables à la contribution proposée dont les internautes peuvent modifier le montant et la ramener à zéro en ne contribuant pas au fonctionnement de la plateforme, la valorisation à zéro n'empêchant pas l'utilisateur d'obtenir son billet ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal de commerce.
La présentation par la société Helloasso de son service comme gratuit n'est donc pas trompeuse pour le consommateur, alors qu'il est constant que ce service est gratuit pour les associations et qu'il vient d'être démontré qu'il est également gratuit pour les consommateurs à qui aucun prix n'est facturé en contrepartie du service rendu, seule une contribution volontaire et facultative qui peut être ramenée à zéro par ledit consommateur, étant proposée.
De même, lorsque l'acheteur clique sur 'modifier' à côté du montant de la contribution, apparaissent les mentions 'Helloasso est une entreprise solidaire d'utilité sociale. Nous fournissons nos technologies de paiement gratuitement à des dizaines de milliers d'associations' et 'Nous rendons possible le paiement à cette association'. Si ces mentions peuvent paraître insistantes pour solliciter une contribution de l'utilisateur, elles ne sont cependant pas de nature à exercer sur lui une contrainte morale ni à altérer de manière significative sa liberté de choix, ce dernier, à qui ont été clairement expliqués le fonctionnement de la plateforme et sa gratuité pour les associations adhérentes, pouvant librement consentir ou non au paiement de la contribution, sans qu'aucun chantage soit proféré ni même suggéré sur le fait que l'absence de contribution volontaire menacerait les moyens d'existence de la plateforme Helloasso.
La cour observe enfin que l'inspectrice de la Direction Générale de la Concurrence Consommation, et Répression des Fraudes, intervenant au sein de la Direction Départementale de la Protection des Populations de la Gironde, dans le cadre d'une procédure de contrôle, a indiqué par mail du 15 novembre 2019 'J'ai procédé à l'examen du logiciel de paiement proposé par la société Helloasso. Cet examen n'appelle pas de remarque de ma part. Par conséquent, je vous informe procéder à la clôture de la mesure d'injonction'.
Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que les griefs de manquements à l'information du consommateur, de pratiques commerciales trompeuses, de pratiques commerciales agressives prétendument constitutifs de concurrence déloyale ne sont pas caractérisés.
La société Trustweb échoue enfin à démontrer, en l'absence de toute procédure de nature fiscale ou même de toute production de la consultation d'un fiscaliste, le non-respect par la société Helloasso de la réglementation fiscale de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale, la contribution versée par le consommateur à la société Helloasso étant facultative, variable et ne constituant pas la contre-valeur effective d'un service fourni, les utilisateurs de la plateforme étant libres de verser ou non, sur le fondement de critères qui leur appartiennent, une contribution à son fonctionnement.
Les faits de concurrence déloyale ne sont dès lors pas démontrés. La société Trustweb sera déboutée de l'ensemble de ses demandes de ce chef, et le jugement infirmé en ce qu'il a condamné la société Helloasso sur ce fondement à payer une somme de 5 000 euros à la société Trustweb.
Sur la demande reconventionnelle de la société Helloasso en concurrence déloyale
La société Helloasso fait valoir que la société Trustweb a diffusé des informations mensongères quant à son mode de rémunération ; qu'apparaissait sur le site de Trustweb une page comparative des tarifs prétendument pratiqués par des billetteries ; que dans ce comparatif, Trustweb ne faisait pas apparaître que le consommateur pouvait choisir de ne pas verser de contribution à Helloasso, et qu'en conséquence, le coût final pour un consommateur pouvait atteindre une somme nulle; que si la société Trustweb a retiré cette page, c'est bien parce qu'elle était consciente de son caractère illicite ; qu'un préjudice qui a cessé est nécessairement un préjudice qui a existé ; que la société Trustweb a fait croire aux consommateurs que l'achat d'un billet sur le site Helloasso était subordonné au paiement d'un prix à cette plateforme, ce qui est inexact ; que cela a « altéré de manière substantielle le comportement économique du consommateur » ; que les conditions posées par l'article L.121-2 du code de la consommation sont réunies et permettent de constater que Trustweb est responsable d'actes de concurrence déloyale.
La société Helloasso soutient en outre que le fait de prétendre qu'Helloasso est payante, et de surcroît plus chère que ses concurrentes, est particulièrement dénigrant alors qu'elle met un point d'honneur à défendre sa gratuité ; que la diffusion d'une telle information mensongère laisse à penser que la société Helloasso ment et « arnaque » ses utilisateurs et ses clients finaux alors que la plateforme Helloasso est gratuite ; que le caractère dénigrant de la page comparative mise en ligne est incontestable ; qu'en orientant fallacieusement le choix des consommateurs, Trustweb l'a empêchée d'étendre sa clientèle et demande sa condamnation au paiement de 15.000 euros de dommages intérêts, outre 15.000 euros au titre du préjudice d'image.
Sur ce,
La cour rappelle qu'en application des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation invoqués par la société Helloasso au soutien de sa demande, une pratique commerciale n'est trompeuse que lorsqu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.
Il est en outre acquis que la publicité comparative n'est trompeuse, et donc illicite, au sens de l'article L. 122-1 du même code, nonobstant le fait qu'elle soit objectivement inexacte, que si elle est susceptible d'avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elle s'adresse. (Cass.Com. 22 mars 2023 21-22.925).
En l'espèce, il résulte du procès-verbal dressé le 13 février 2020 que lorsque l'huissier de justice clique les mots de recherche 'Helloasso Billetweb', il ouvre une page sur laquelle est affichée une comparaison entre Helloasso et Billetweb, pour 1 000 inscriptions à un prix moyen de 20 euros, la première ligne affichant 'prix annoncé' 'Gratuit'pour Helloasso et '0,29 euros + 1 %' pour Billetweb, et la seconde ligne affichant le 'coût final', 490 euros pour Billetweb et 800 euros pour Helloasso, et que lorsqu'il clique sur les onglets 'tarifs', puis 'comparer nos prix' apparaît une page 'comparatif des solutions de billetterie en ligne' faisant apparaître sur la ligne intitulée 'commission pour un billet à 20 euros', 3,20 € dans la colonne Helloasso, et 0,49 € dans la colonne BilletWeb.
Si ces informations sont inexactes en ce que la société Helloasso n'annonce aucun prix, ne dispose pas de tarifs ni ne pratique aucune commission, les montants réglés à la société Helloasso correspondant non pas à des prix ou à des commissions mais à des contributions volontaires de ses utilisateurs, la société Trustweb ayant artificiellement présenté comme 'coût final' et comme 'commission' lesdites contributions, il n'est cependant pas démontré que ces seuls éléments seraient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, et ce d'autant que la société Trustweb les a retirés dès la mise en demeure effectuée par la société Helloasso le 11 février 2020.
En outre, ces seuls éléments chiffrés sont insuffisants, en l'absence de tout commentaire, à jeter le discrédit sur le site Helloasso et à caractériser des actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale.
Il résulte des développements qui précèdent que les actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Trustweb ne sont pas caractérisés. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Helloasso de sa demande sur le fondement de la concurrence déloyale,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Trustweb de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale,
Condamne la société Trustweb aux dépens de première instance et d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile la condamne à verser à ce titre à la société Helloasso pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel une somme de 9 000 euros.