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Décisions

CA Pau, ch. soc., 21 septembre 2023, n° 21/04206

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 21/04206

21 septembre 2023

AC/SB

Numéro 23/3054

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 21/09/2023

Dossier : N° RG 21/04206 - N° Portalis DBVV-V-B7G-ICP4

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A. SOLOCAL

C/

[B] [E] épouse [T]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 17 Mai 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A. SOLOCAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Maître WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [B] [E] épouse [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 30 NOVEMBRE 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : 20/00107

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [E] épouse [T] (la salariée) a été embauchée par la société anonyme (SA) Pages jaunes, devenue SA Solocal (l'employeur), à compter du 6 septembre 2004, suivant contrat à durée indéterminée portant mention de «'conseiller commercial'», en qualité de Voyageur représentant placier (VRP), conseiller commercial, régi par la convention collective nationale des voyageurs, représentants, placiers.

Différents contrats ont été signés par les parties postérieurement à l'embauche'remplaçant le contrat initial :

un en date du 26 juillet 2011 aux termes duquel le salarié exerce les fonctions de Voyageur représentant placier, «'conseiller commercial spécialiste'»';

un en date du 7 janvier 2014 aux termes duquel le salarié exerce les fonctions de conseiller communication digitale spécialiste, catégorie 3 cadre, niveau 2, régi par la convention collective nationale de la publicité française (convention de forfait-jours 210 jours).

Les fonctions sont exercées au sein de l'agence d'[Localité 8] à [Localité 7].

La société SA Solocal relève employer 3.000 salariés environ.

Le 5 novembre 2019, Mme [B] [E] épouse [T] a été placée en arrêt maladie jusqu'au 15 novembre 2019, puis jusqu'en janvier 2020.

Le 25 novembre 2019, l'employeur envisageant une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, a convoqué à un entretien Mme [E] épouse [T], entretien fixé le 9 décembre 2019.

Le 19 décembre 2019, Mme [E] épouse [T] a été licenciée pour insuffisance professionnelle. Elle a été également dispensée d'exécuter le préavis et relevée de son obligation de non concurrence.

Le 23 novembre 2020, Mme [B] [E] épouse [T] a saisi la juridiction prud'homale de Dax au fond.

Par jugement du 30 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Dax a notamment':

-débouté Mme [E] épouse [T] de ses demandes au titre du licenciement discriminatoire à cause de son état de santé,

-débouté Mme [E] épouse [T] de toutes ses demandes de la nullité du licenciement et donc de sa réintégration à ce titre,

-A titre subsidiaire

-débouté Mme [E] épouse [T] de toutes ses demandes au titre subsidiaire du harcèlement moral,

-A titre infiniment subsidiaire

-requalifié le licenciement de Mme [E] épouse [T] sans cause réelle et sérieuse,

-Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [E] épouse [T]':

-62.506,34 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-24.971,24 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

-2.497,12 euros de congés payés y afférent,

-2. 959,3 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

-295,93 euros de congés payés afférents,

-Condamné Mme [E] épouse [T] à rembourser à la société SA Solocal le montant du paiement des jours de repos payés à tort, soit 7.787,45 euros bruts,

-débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 30 décembre 2021, la société SA Solocal a interjeté appel de ce jugement, par lettre recommandée avec avis de réception compte tenu d'un dysfonctionnement du RPVA.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 23 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société SA Solocal demande à la cour de':

- dire et Juger la société SA Solocal recevable et bien fondée en ses écritures,

Y faisant droit,

> Sur le licenciement

A titre principal

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a :

o Requalifié le licenciement de Mme [T] sans cause réelle et sérieuse,

o Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 62.506,34 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau

- Juger que licenciement de Mme [T] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

A titre subsidiaire

- Fixer le salaire de référence de Mme [T] à la somme de 4.786,50 euros,

- Limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, soit 14.359,50 euros,

> Sur la prétendue discrimination en raison de l'état de santé':

A titre principal

- Juger que Mme [T] n'a pas fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a :

o Débouté Mme [T] de ses demandes au titre du licenciement discriminatoire à cause de son état de santé,

o Débouté Mme [T] de toutes ses demandes de la nullité du licenciement et donc de sa réintégration à ce titre,

- En conséquence, Débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes de ce chef;

A titre subsidiaire

- Fixer le salaire de référence de Mme [T] à la somme de 4.786,50 euros,

- Limiter le montant de l'indemnité pour licenciement nul à six mois de salaire, soit 25.521,68 euros,

- Limiter le montant de la contrepartie pécuniaire des congés payés à cinq semaines, soit 5.522,90 euros,

- Limiter le montant des dommages-intérêts pour discrimination à un mois de salaire, soit 4.786,50 euros,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour estimait devoir Condamner la société SA Solocal à des rappels de salaire :

- Fixer le salaire de référence de Mme [T] à la somme de 4.786,50 euros,

- Déduire les indemnités de fin de contrat perçues par Mme [T] à savoir 28.694,35 euros à titre d'indemnité de licenciement et 14.580,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

> Sur le prétendu harcèlement moral':

A titre principal

- Juger que Mme [T] n'a pas fait l'objet d'une situation de harcèlement moral,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a débouté Mme [T] de toutes ses demandes au titre subsidiaire du harcèlement moral,

- En conséquence, Débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

A titre subsidiaire

- Fixer le salaire de référence de Mme [T] à la somme de 4.786,50 euros,

- Limiter le montant des dommages-intérêts pour harcèlement moral à un mois de salaire, soit 4.786,50 euros,

> Sur le temps de travail':

A titre principal

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a :

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 24.971,24 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 2.497,12 euros de congés payés y afférent,

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 2.959,3 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 295,93 euros de congés payés afférents,

Statuant à nouveau

- Juger que la convention de forfait annuel en jours de Mme [T] est valable et que celle-ci n'établit pas avoir accompli des heures supplémentaires,

- Débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

A titre subsidiaire

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a :

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 24.971,24 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 2.497,12 euros de congés payés y afférent,

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 2.959,3 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* Condamné la société SA Solocal à payer à Mme [T] 295,93 euros de congés payés afférents,

* Condamné Mme [T] à rembourser à la société SA Solocal le montant du paiement des jours de repos payés à tort, soit 7.787,45 euros bruts,

En tout état de cause

- Débouter Mme [T] de ses demandes visant à Condamner la société SA Solocal à lui verser :

* 31.579,44 euros au titre de l'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé,

* 15.000 euros de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et minimale de repos,

> Sur la prétendue violation du règlement général de protection des données':

A titre principal

- Déclarer irrecevables les demandes nouvelles en cause d'appel formulées par Mme [T],

A titre subsidiaire

- Juger que la société SA Solocal n'a pas violé les dispositions du RGPD ni du code du travail,

- Débouter Mme [T] de ses demandes visant à :

* Ecarter des débats la pièce 26 de la société SA Solocal, obtenue de manière déloyale en violation des dispositions du code du travail et du RGPD,

* Condamner la société SA Solocal à lui verser 3.500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'utilisation, à des fins de surveillance de l'activité du salarié, du logiciel CRM,

> Sur les frais irrépétibles':

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la société SA Solocal de sa demande visant à Condamner Mme [T] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 30 novembre 2021 en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau

- Débouter Mme [T] de ses demandes visant à :

* Condamner la société SA Solocal à lui verser 5.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* Frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

* Condamner la société SA Solocal SA aux entiers dépens,

- Condamner Mme [T] à verser à la Société SA Solocal la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [T] aux dépens.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 30 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [B] [E] épouse [T], formant appel incident, demande à la cour de':

- Débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Faire droit à l'appel incident,

- Fixer comme salaire de référence, pour le calcul des indemnités, la rémunération mensuelle brute de 4.808,18 euros,

> Demandes au titre du licenciement

I ' A titre principal

- Infirmer le jugement et prononcer la nullité de plein droit du licenciement discriminatoire lié, directement ou indirectement, à l'état de santé, déguisé en licenciement pour insuffisance professionnelle,

- Prononcer la réintégration, de droit, sur le fondement de l'article L 1132-4 du code du travail,

- Condamner en conséquence SA Solocal à verser :

- Le montant total de l'indemnité d'éviction sur la période, égale au montant de la rémunération entre le 19 décembre 2019 et la date de réintégration, (intégralité de la rémunération et accessoires de rémunération, congés payés, intéressement, etc..) depuis la date du licenciement jusqu'à la date de réintégration effective et ce, sans déduire les revenus de remplacement, soit :

* 230.793,80,45euros (57.698,15 x 4 ans), dans l'hypothèse où la réintégration serait effective à la date du 19 décembre 2023 (sommes à parfaire),

- La contrepartie pécuniaire des congés payés depuis la date de licenciement du 19 décembre 2019, jusqu'à la date de réintégration, en application de l'arrêt de principe du 25 juin 2020 de la Cour de justice de l'union européenne,

* 24.040,90 euros (20 semaines), dans l'hypothèse où la réintégration serait effective à la date du 19 décembre 2023 (sommes à parfaire)

* 20.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice distinct du fait de la discrimination, directe ou indirecte, liée à l'état de santé sur le fondement de l'article L.1132-4 du code du travail,

II- A titre subsidiaire

- Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l'insuffisance professionnelle n'étant pas imputable à la salariée mais en lien avec les restructurations permanentes, la baisse constante des effectifs, le management toxique, les dysfonctionnements internes structurels, les erreurs stratégiques et les produits inadaptés, ne lui permettant pas d'atteindre des objectifs toujours plus élevés et irréalisables,

- Condamner en conséquence SA Solocal à verser :

' 125.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème MACRON, contraire aux articles 30 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 24 de la Charte sociale européenne, 10 de la convention n°158 de l'OIT et 6$1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou bien en faisant une appréciation du préjudice in concreto, ou à titre infiniment subsidiaire 62.506,34 euros sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail,

> Demandes au titre des rappels de salaire

- Prononcer la nullité des stipulations relatives au forfait en jours de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail de SA Solocal du 20 mars 2000,

- Confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la convention de forfait-jours,

- Infirmer le jugement en ce qu'il condamne l'intimée à rembourser des jours de RTT, les calculs de SA Solocal étant faux et l'intimée contestant la prise effective des repos,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a alloué les heures supplémentaires et les repos compensateurs mais l'infirmer sur le quantum,

- En conséquence, Condamner SA Solocal à verser :

' 34.072,27 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 3.407,22 euros de congés payés afférents, sur le fondement de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,

' 4.487,14 euros, de rappel de contrepartie en repos obligatoire, outre 448,71 euros de congés payés afférents sur le fondement des articles L 3121-30, L 3121-38, D 3121-23 et D 3121-24 du code du travail,

' 31.579,44 euros au titre de l'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L 8223-1 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,

' 15.000 euros de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et minimale de repos sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

> Demandes au titre du harcèlement moral

' 25.000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral sur le fondement de l'article L 1152-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail,

' 10.000 euros de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral sur le fondement de l'article L 1152-4 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement moral et la violence au travail,

' 15.000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé et de préventions des risques psycho-sociaux, sur le fondement des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail,

> Demandes au titre de la violation du RGPD

- Écarter des débats la pièces 26 adverse, obtenue de manière déloyale en violation des dispositions du code du travail et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),

' 3.500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'utilisation, à des fins de surveillance de l'activité du salarié, du logiciel CRM sur le

fondement des dispositions combinées du code du travail et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),

- Allouer à l'intimée 5.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts.

- Condamner SA Solocal SA aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I ' Sur le salaire de référence

Au regard des éléments fournis au dossier, notamment l'attestation employeur destinée à pôle emploi et la fiche de calcul de l'indemnité de licenciement, il convient de fixer le salaire de référence à la somme de 4 786,50 €.

II- Sur le licenciement et la discrimination

Par courrier du 19 décembre 2019, la salariée a été licenciée en ces termes':

«'(') Nous vous rappelons que vous avez été recrutée par la société SA Solocal le 8 septembre 2004 et exercez aujourd'hui la fonction de Conseiller Communication Digitale Spécialiste (CCDS) au sein de l'établissement d'[Localité 8] et sur la zone de [Localité 6] statut cadre.

Au titre de votre fonction, vous devez assurer la commercialisation de produits et de services commercialisés par le Groupe SA Solocal auprès de clients existants et de prospects.

Dans ce cadre, vous devez rechercher et poursuivre la fidélisation commerciale de clients existants et, en complément, le développement commercial de clients existants et de prospects. Pour cela, vous devez conduire les actions appropriées au regard de vos missions et de la clientèle concernée, et ce en toute autonomie.

Conformément aux engagements pris, votre action doit viser à la préservation du portefeuille qui vous a été confié, mais également à son développement.

Ainsi, l'observation des engagements contractuels pris doit normalement amener la société SA Solocal à constater un développement du Chiffre d'Affaires et du parc de clients confiés et de nouveaux clients.

Afin de vous aider à atteindre ce résultat, l'entreprise vous a formée sur un processus de vente et vous a régulièrement accompagnée par la communication de sa stratégie. Pour autant, la réussite sur ce poste nécessitait de votre part une réelle maîtrise de la démarche commerciale et une capacité d'adaptation de celle-ci en fonction du secteur d'activité occupé par le client.

Aussi, afin de vous permettre de mener à bien les missions qui vous ont été confiées, dès votre arrivée au sein de notre entreprise, vous avez bénéficié du cursus de formation spécifique à votre poste de commercial le 8 septembre 2004 d'une durée de 105h.

Par la suite, vous avez suivi plusieurs formations afin de vous permettre d'appréhender la démarche commerciale, la prospection, la gestion et le développement d'un portefeuille client.

En outre, vous avez bénéficié régulièrement de formations destinées à vous permettre de mieux connaître les produits et les techniques de vente et vous assurer la meilleure adaptation à votre poste de travail.

Dernièrement en 2018, vous avez reçu des formations sur les produits Booster contact, le pack présence, les sites et enfin la nouvelle gamme. Par ailleurs vous avez participé à une formation sur les NC visant notamment la chasse et la prise de rendez-vous téléphonique. Enfin un atelier relatif à la reprise de chute a été animé.

Depuis 2015, vous rencontrez des difficultés à atteindre vos objectifs avec une performance sur le chiffre d'affaires inférieur à 90% entre 2016 et 2018. Ces résultats ont amené votre responsable hiérarchique à constater lors des différents entretiens annuels une performance à améliorer. Il vous a notamment été conseillé de travailler votre organisation et votre gestion du portefeuille en exploitant les temps faibles via de la prospection, des multi-visites chez les clients afin de concrétiser des ventes additionnelles; ces actions permettant de développer le chiffre d'affaires. Vous avez mis en œuvre partiellement les actions puisque vous avez enregistré en 2017 une performance sur la signature de nouveaux clients avec 20 contrats signés pour une moyenne régionale de 17.

Plus spécifiquement en 2018, votre responsable vous a accompagnée à plusieurs reprises en clientèle en complément des informations et conseils transmis lors des réunions d'équipe et lors des entretiens de pilotage trimestriels. Lors des accompagnements, vous avez travaillé sur un discours de présentation de SA Solocal plus impactant, la préparation et la présentation d'un dossier RSI lors du rendez-vous clientèle et la démonstration de nos produits en direct avec le client. Vous avez également partagé sur l'organisation de votre activité qui est insuffisante pour pouvoir atteindre vos objectifs. L'activité est principalement en retrait sur la mission de prospection alors même que vous connaissez les fondamentaux de la réussite d'une prospection.

Malgré les formations et les apports de votre responsable, vous avez aujourd'hui une performance qui ne répond pas aux attentes de l'entreprise. Vous avez atteint à l'issue du trimestre 3 2019 uniquement 87,48% de l'objectif relatif au chiffre d'affaires; 91,50% de l'objectif parc client; 58,72% de l'objectif chiffre d'affaires digital et 82,54% sur les ventes de produits stratégique. Concernant les clients qui vous ont été affectés et traités en 2018, vous avez perdu 11,8% du chiffre d'affaires engagé initialement.

Force est donc de constater que vous n'avez pas su appliquer les méthodes transmises par votre responsable.

Lors de l'entretien, les explications que vous nous avez apportées ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Votre incapacité à organiser en toute autonomie votre activité, à vendre les produits stratégiques de l'entreprise, et à mettre en application les conseils et apports prodigués démontre que vous n'avez pas les compétences requises pour exercer le métier de Conseiller Communication Digitale Spécialiste au sein de notre société, et ce malgré tous nos efforts de formation et d'accompagnement et des moyens fournis. Votre insuffisance professionnelle est fortement préjudiciable aux intérêts de notre entreprise et a nécessairement eu un impact négatif sur les résultats de l'entreprise.

Par conséquent, nous vous informons de notre décision de mettre un terme à votre contrat de travail. La date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera le point de départ de votre préavis d'une durée de trois mois, que nous vous dispensons d'effectuer mais qui vous sera néanmoins rémunéré au mois le mois et au terme duquel nos relations prendront définitivement fin (').'»

La salariée sollicite la nullité de son licenciement au motif qu'il serait fondé sur son état de santé.

Selon les articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail, le licenciement motivé par l'état de santé du salarié est nul en raison de son caractère discriminatoire.

L'article L.1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La salariée soutient que son licenciement est discriminatoire car il repose sur une insuffisance professionnelle fictive (1) dans un contexte de déflation des effectifs de l'entreprise en arrêt maladie (2).

1/ Concernant l'insuffisance professionnelle, la salariée considère que celle-ci est fictive en ce qu'elle est fondée sur des objectifs irréalistes, une incohérence de l'employeur (a), l'absence d'accompagnement réel (b) et des dysfonctionnements structurels (c).

a) Sur les objectifs irréalistes et l'incohérence de l'employeur, elle produit les éléments suivants':

des procès verbaux des réunions du CSE de SA Solocal de janvier, mai, juin, juillet, septembre et décembre 2019, dont il ressort que SA Solocal connaît des difficultés organisationnelles et structurelles,

une attestation de Monsieur [M], ancien collaborateur, indiquant que la majorité des commerciaux de [Localité 6] étaient en dessous des objectifs qu'il qualifiait d'inatteignables,

le compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement de la salariée, rédigé par Monsieur [R], représentant du personnel, indiquant que Monsieur [I], son responsable vente, reconnaît ne pas avoir réussi à vendre des produits stratégiques aux clients durant les accompagnements de la salariée en rendez-vous clients,

une attestation de Madame [D], ancienne collègue, indiquant qu'elle a accompagné Madame [T] à plusieurs reprises en clientèle et qu'elle a constaté un grand professionnalisme de sa part ainsi qu'une très bonne relation avec ses clients,

une attestation de Monsieur [C], ancien collègue, indiquant que Madame [T] a toujours eu de très bons résultats et était considérée comme une collègue modèle,

une attestation de Monsieur [P], ancien supérieur hiérarchique de la salariée entre 2014 et 2018, indique qu'il a régulièrement évaluée la salariée, lors d'accompagnement chez des clients ou en entretiens d'évaluation annuels, et qu'elle a toujours su faire preuve de professionnalisme et de rigueur dans ses missions,

une attestation de Monsieur [W], ancien supérieur hiérarchique, relève que la salariée a toujours tenu à réussir ses objectifs qualitatifs et quantitatifs et a pleinement contribué à la croissance du chiffre d'affaires de la région. Elle a également toujours été volontaire pour les différentes formations digitales proposées par SA Solocal ainsi que les challenges incentives de l'entreprise,

des bulletins de paie et l'attestation employeur destinée à pôle emploi démontrant que la salariée a perçu des primes d'objectifs sur les années 2017, 2018 et 2019,

un email de SA Solocal du 29 novembre 2019 adressé à la salariée lui indiquant qu'elle a été sélectionnée pour participer au programme «'Winwin'» sur la base de sa «'bonne performance'».

b) Sur l'absence d'accompagnement réel, la salariée produit les éléments suivants':

le compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement, dont il ressort que':

selon les déclarations de Madame [A], responsable des ressources humaines, SA Solocal ne vérifie pas si les salariés se sont bien appropriés les formations dispensées en e-learning et qu'elle ne dispose pas des feuilles de présence pour les formations en présentiel. Elle précise que la salariée a bénéficié de quatre accompagnements en clientèle avec Monsieur [I] (les 3, 16, 25 et 30 septembre 2019) et qu'elle détient les comptes-rendu de ces accompagnements. Monsieur [R] demande qu'il soit transmis à la salariée une copie de ces comptes-rendus, ce que Madame [A] refuse au motif qu'elle les aurait déjà reçu. Madame [T] affirme avoir uniquement en sa possession le compte-rendu de l'accompagnement du 3 septembre 2019 et soutient qu'il n'y a pas eu d'autres accompagnements. Monsieur [I] indique, quant à lui, ne pas avoir retrouvé sur son ordinateur l'envoi du compte-rendu du 3 septembre mais est certain de les avoir envoyés,

selon les déclarations de M. [I], il n'a mis en place aucun «'plan d'amélioration'» afin de protéger la salariée de toute pression supplémentaire,

la salariée a fait l'objet d'une journée d'accompagnement par Mme [G], responsable vente [Localité 11], mais cette dernière n'a réalisé aucun compte-rendu relatif à la salariée,

l'attestation de Madame [D] indique qu'entre 2018 et 2019, l'équipe de [Localité 6] n'avait plus qu'un seul responsable (Monsieur [I]) pour 17 vendeurs (auparavant 1 pour 6), et qu'en raison de l'arrivée de deux nouvelles recrues, il était concentré sur elles et avait peu de temps pour les autres,

l'attestation de Monsieur [M] indique que la salariée et ses collègues ont été laissés à l'abandon de juillet à décembre 2018 avec un responsable pour 18 collaborateurs, qui était dépassé par le nombre de commerciaux sous sa responsabilité et ne pouvait pas assurer un suivi de chacun. Il n'a effectué qu'un seul accompagnement en six mois.

c) Sur les dysfonctionnements structurels de SA Solocal, la salariée produit les éléments suivants':

les procès verbaux des réunions du CSE de 2019 relèvent notamment':

une baisse des effectifs, notamment liée à la mise en place d'un PSE en 2018 et au non remplacement de salariés licenciés pour inaptitude,

un taux d'absentéisme global des commerciaux de 12,7% fin 2019, dont un absentéisme élevé à [Localité 7] depuis septembre 2019 qui serait lié à des comportements managériaux,

un stock de requête clients ne parvenant pas à être résorbé,

le lancement de nouveaux produits et solutions engendre une pression supplémentaire sur les salariés,

une baisse des résultats': en novembre 2019, le chiffre d'affaire global a chuté de 9% comparé à 2018, dont décroissance du digital de 2% causé par le manque d'attractivité de certains produits ou activités'; le cumul annuel pour le digital est de -16%,

des modifications régulières et tardives de l'objectif 3, pour lequel il a été demandé aux commerciaux d'atteindre 100% de l'objectif pour toucher la prime en dépit d'une livraison tardive de l'objectif, ce qui a perturbé l'activité des collaborateurs,

une attestation de Madame [D], indiquant que la suppression de postes de commerciaux suite à la mise en place du PSE a entraîné une grande surcharge de travail pour les salariés restants, qui devaient accomplir d'avantage de tâches (administratives, nouvel outil informatique, après-vente...) et une dégradation de la qualité du service client.

2/ Concernant la déflation des effectifs dans l'entreprise, la salariée produit :

les procès verbaux des réunion du CSE de 2019 dans lesquels les représentants du personnel interrogent l'employeur sur les licenciements en cours et sur l'absentéisme constatée dans l'entreprise. Néanmoins, ces comptes-rendus ne permettent pas de déduire, ni ne font référence à l'existence d'un lien direct et certain entre ces situations, à savoir des licenciements en raison d'un état de santé.

La cour, au vu des éléments produits par la salariée pris dans leur ensemble, a l'intime conviction que les faits évoqués laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur son état de santé.

Dès lors, conformément à l'article L.1132-1 du code du travail, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision de la licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'employeur, qui refuse tout licenciement discriminatoire fondé sur l'état de santé, soutient que la salariée a eu une baisse de performances entre 2015 et 2019 (a), résultant d'une insuffisance professionnelle (b).

a/ Concernant la baisse des performances, SA Solocal reproche à la salariée d'avoir des difficultés à atteindre ses objectifs depuis 2015, avec une performance sur le chiffre d'affaire inférieur à 90% entre 2016 et 2018, et des résultats insuffisants au 3eme trimestre 2019': 87,48% de l'objectif relatif au chiffre d'affaires, 91,50% de l'objectif parc clients, 58,72% de l'objectif chiffre d'affaires digital et 82,54% sur les ventes de produits stratégiques.

Il produit les éléments suivants':

le contrat de travail de la salariée, indiquant que sa rémunération se compose d'une part fixe et d'une part variable rémunérée progressivement,

l'annexe 1 du contrat de travail, qui prévoit les quatre critères sur lesquels portent les objectifs relatifs au calcul de la rémunération variable': croissance du chiffre d'affaires, développement du parc clients, qualité et efficacité professionnelle et orientations clés,

pour l'année 2016':

l'entretien d'évaluation de l'objectif «'qualité et efficience professionnelle'»':

1er quadrimestre': l'évaluateur indique dans la section «'évaluation globale'» que la performance de cet objectif est à améliorer': «'[B] est assez autonome dans son quotidien. Certains points méritent d'être améliorés (') avec l'aide qui lui est apportée en Q2 (Business partener + cross canal) je pense que le Q2 peut largement être dépassé (...)'»,

2eme quadrimestre': la performance est conforme aux attentes': «'[B] est assez autonome avec les outils ainsi que dans les organisations qu'elle doit mettre en place (') Je l'encourage à poursuivre ses efforts dans ce sens et suivre les recommandations qui lui sont faites pour être dans une spirale positive. La progression est notable'»,

3 quadrimestre': la performance est à améliorer': «(...) 2016 marque une performance relativement insuffisante malgré le niveau de connaissances acquis en stratégie de communication digitale. Certifiée digitale, j'attends une réelle évolution des résultats pour 2017 ce dont [B] est tout à fait en mesure de démontrer'».

pour l'année 2017':

l'entretien d'évaluation de l'objectif «'qualité et efficience professionnelle'»':

1er semestre': la performance est à améliorer': «'Anabelle a su trouver les clés pour défendre son parc clients. Elle a joué le jeu sur ce point durant le S1. Plus volontaire, elle s'est affirmée pour atteindre l'objectif qu'elle s'était elle-même fixée pour vendre un SRP au cours du Q1 (...)'»,

au 2eme semestre': performance insuffisante': «'[B] a pris un bon départ en Q1/Q2 avec une volonté affirmée pour réussir son année commerciale. Des signaux encourageants ont été observés tant dans l'attitude positive et un réel progrès pour réaliser des NC en concertation avec le pilotage de son BP ce qui constituait un axe de progression fort (') la réussite est partielle pour les sites, ceci est une réelle attente pour 2018. Les résultats se sont dégradés en Q3. Les temps forts et temps faibles doivent être mieux exploités pour favoriser le multi visites et générer du chiffre d'affaire additionnel (...)'»,

les résultats de l'objectif «'croissance chiffre d'affaires'» avec 90,99% de performance sur l'année,

pour l'année 2018':

l'entretien d'évaluation de l'objectif «'qualité et efficience professionnelle'»':

1er semestre': performances à améliorer': «'[B] progresse sur les ventes Upsell et exploite les ressources internes. Elle doit davantage se concentrer sur la gestion des opportunités sites (...)'»,

2eme semestre': performances conformes aux attentes': «'[B] est volontaire et prend son travail à c'ur. Elle s'est montrée disponible pour traiter beaucoup de dépannage (...)'»,

pour l'année 2019':

les résultats de l'objectif «'croissance chiffre d'affaires'»':

1er trimestre': 99,99%,

2eme trimestre': 87,23%,

3eme trimestre': 87,48%,

4eme trimestre 69,30% à la mi-novembre,

le chiffre d'affaires digital sur les nouveaux clients':

1er trimestre': 61,55%,

2eme trimestre': 71,40%,

3eme trimestre': 58,72%,

4eme trimestre': 46,57% (mi-novembre),

les résultats de l'objectif «'développement parc clients'»': 78,14% au 4eme trimestre (mi-novembre),

les résultats de l'objectif «'orientations clés'»':

1er trimestre': 65,13%,

2eme trimestre': 47,41%,

3eme trimestre': 92,54,

4eme trimestre': 22,25% à la mi-novembre,

b/ Concernant l'insuffisance professionnelle, l'employeur produit les éléments suivants':

les entretiens professionnels de 2015, 2016 et 2017 évalués par Monsieur [P] dont il ressort des synthèses':

dans l'entretien professionnel 2015, la salariée est encouragée à suivre deux formations (cursus digital certifiant et Excel niveau 1),

dans l'entretien professionnel 2016, l'évaluateur relève': «'aucun fait marquant particulier ne s'est imposé à [B] (') elle a obtenu sa certification digitale proposée par l'entreprise ce qui lui permet d'être en phase avec les nouvelles exigences liées à sa fonction'». Le diagnostic de compétences montre que celles-ci sont systématiquement acquises au niveau B «'courant'», C «'approfondi'» ou D «'expert'»,

dans l'entretien professionnel 2017, l'évaluateur indique': «'[B] a gagné en efficacité et positionnement en clientèle. Plus confiante, elle sait créer un bon climat avec les clients qui lui sont confiés (') je l'encourage à poursuivre ses efforts qui sont payants (2 quadrimestres réussis). Une écoute des conseils et recommandations qui lui sont faits'». Le diagnostic de compétences montre que celles-ci sont systématiquement acquises au niveau B, C ou D,

l'entretien pilotage individuel de juillet 2019 indique que la salariée a réalisé 12,12 visites hebdomadaires au 2eme trimestre 2019 sur un objectif de 16. Monsieur [I] indique notamment attendre : «'un changement fort au niveau de l'intensité commerciale et un changement d'approche commerciale sur les sujets suivants': conquête, reprise agence publicité, vente de produits à forte valeur ajoutée'» et mettre en place un accompagnement de Madame [T],

les bilans d'accompagnement de la salariée en rendez-vous clients, rédigés par Monsieur [I] pour les journées suivantes':

3 juin 2019': « Pour cette 1ere journée d'accompagnement de juin je note 2 rendez-vous et 1 signature. Du sourire accompagné à de l'aisance naturelle dans la prise de contact et la création de la relation en début d'entretien. Un esprit commercial présent avec une identification des manques du plan de communication en préparation (suivi des audiences en hausse et baisse). Globalement il manquait 2 RDV dommage, Conserve cette qualité de préparation de tes dossiers avant chaque RDV = habitude à ne pas perdre dans le temps. Amplifie ton organisation pour intensifier ton nombre de visites en ce démarrage (SV N-1, retard des SV N, AP confiées etc...), Attention': ton pitch SA Solocal est à parfaire et muscler, Travaille bien sur ta présentation dossier RSI avec Découverte Orientée, afin d'obtenir en reformulation un OUI qui «'pré-close'» ta solution globale'»,

13 juin 2019': 2 signatures sur 2 rendez-vous. Le commentaire de l'évaluateur reprend les mêmes éléments que celui de la journée précédente,

3 septembre 2019': 2 signatures sur 4 rendez-vous. Le commentaire de l'évaluateur reprend les mêmes éléments que celui de la journée précédente,

25 septembre 2019': «'Globalement [B] s'est montrée active et réactive sur la journée. Volonté de donner du rythme et d'avancer. La chasse doit devenir un réflexe (ouvrir les yeux) preuve en est sur le parking du marchand de produits de piscines'»'; «'La présentation SA Solocal devient plus fluide'».

30 septembre 2019': 4 signatures sur 5 rendez-vous. La salariée «'doit persévérer dans la présentation SA Solocal plus fluide'». Le commentaire de l'évaluateur reprend les mêmes éléments que celui de la journée précédente,

les résultats de septembre 2019 de Monsieur [O], ancien collègue, lesquels sont illisibles de sorte que cette pièce est inexploitable,

le récapitulatif des formations suivies par la salariée depuis 2004,

une lettre de SA Solocal à Madame [T] du 31 juillet 2018 relatif à une procédure disciplinaire dont elle a fait l'objet pour irrégularités d'échéances de paiement et d'application de promotions. Ces anomalies ont été expliquées par la salariée mais celle-ci a commis une erreur dans l'application de la promotion print, que l'employeur n'a pas pas sanctionné,

un email du 20 septembre 2019 de Madame [G] adressé à l'équipe de vente relatif à une formation leur ayant été dispensée le 16 septembre 2019,

un email du 3 octobre 2019 de Madame [G] adressé à Monsieur [I] relatif à l'organisation d'une réunion d'équipe à [Localité 6] le vendredi 4 octobre 2019.

Il résulte de ce qu'il précède que, si l'employeur reproche à la salariée une baisse de performances entre 2015 et 2019, la cour constate qu'il ne produit pas l'ensemble des entretiens d'évaluation et des résultats pour chaque objectif sur la période alléguée. Il ne produit pas non plus les résultats obtenus par d'autres salariés, de sorte que la cour n'est pas en mesure d'analyser et de comparer les résultats de Madame [T]. L'insuffisance de résultats reprochée n'est donc pas caractérisée en sa matérialité et sa durée, de sorte qu'elle ne peut servir de base au licenciement de la salariée.

En outre, les commentaires des évaluateurs dans les entretiens et évaluations professionnels ainsi que les bilans d'accompagnement ne mettent aucunement en évidence une insuffisance professionnelle de Madame [T], mais seulement une performance à améliorer lors de certaines périodes. Plus encore, ils font état de retours positifs et de progrès réalisés par la salariée, lesquels sont par ailleurs confirmés par les attestations produites.

Au surplus, la salariée disposait d'une ancienneté de 15 ans au sein de SA Solocal lorsqu'elle a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Si celle-ci a commis une erreur dans l'application d'une promotion en 2018, non sanctionnée par l'employeur, ce dernier n'a jamais remis en cause ses compétences professionnelles depuis 2004.

Ainsi, les éléments objectifs avancés par l'employeur, à savoir une insuffisance professionnelle résultant d'une insuffisance de résultats, ne sont pas caractérisés.

Par conséquent, celui-ci échoue à démontrer que le licenciement de la salariée est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Seul son état de santé a donc justifié son licenciement, lequel se trouve nul. En effet, les pièces médicales relatives à l'arrêt de travail de la salariée du 5 novembre 2019 attestent d'un effondrement professionnel traité avec des posologies en totale adéquation avec la pathologie. Or, seulement 20 jours après le début de l'arrêt de travail de Mme [T], l'employeur a initié une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle alors même qu'un accompagnement de la salarié avait démarré récemment et allait dans le sens d'une persévérance, élément encourageant quant au travail accompli par Mme [T].

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

III - Sur les conséquences de la nullité du licenciement

1) Sur la réintégration et l'indemnité d'éviction

L'article L.1235-3-1 du code du travail dispose que tout salarié dont le licenciement est nul a le droit de réclamer sa réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, sauf ci celle-ci est matériellement impossible.

Il incombe à l'employeur de démontrer que la réintégration est matériellement impossible.

En outre, le salarié qui demande sa réintégration a droit à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

En cas de nullité du licenciement résultant de la violation du droit à la protection de la santé garanti par la Constitution, le salarié a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus qu'il aurait pu percevoir durant cette période.

En outre, en application des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail, la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé.

En l'espèce, l'employeur soutient que la réintégration de la salariée est impossible, sans toutefois justifier de cette impossibilité par un quelconque motif.

Par ailleurs, la salariée justifie de son inscription à Pôle emploi comme demandeur d'emploi à compter du 20 mars 2020. Elle a été prise en charge par cet organisme jusqu'au 31 octobre 2022. En parallèle, elle a créé son entreprise en avril 2021, structure au sein de laquelle elle n'est pas salariée.

Enfin, la jurisprudence invoquée par l'employeur concernant le non-cumul de l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis avec l'indemnité d'éviction n'est pas applicable au cas d'espèce.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de réintégration de la salariée et il lui sera alloué une indemnité d'éviction d'un montant de 229 752 euros (57 438 x 4 ans), et 16 314,57 euros au titre des congés payés.

2) Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la discrimination

Le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts se cumulant avec l'indemnité réparant le préjudice subi du fait du licenciement nul, à la condition que soit caractérisé le comportement fautif de l'employeur lui ayant causé un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.

En l'espèce, la salariée sollicite en sus de l'indemnité d'éviction, l'octroi de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la discrimination fondée sur son état de santé.

Elle estime que la discrimination dont elle a été victime lui a causé un préjudice moral, aggravant la détresse psychologique dans laquelle elle se trouvait, y ajoutant un stress émotionnel injustifié.

Elle produit plusieurs éléments médicaux :

un arrêt de travail initial du 5 novembre 2019 pour troubles anxieux,

des arrêts de travail de prolongation jusqu'au 1er janvier 2020.

En l'espèce, la salariée démontre l'existence d'un préjudice moral consistant en des troubles anxieux, lesquels sont partiellement en lien avec la discrimination subie.

Dans ces conditions, la salariée établit l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat, de sorte qu'il lui sera allouée, au vu des pièces produites, la somme de 10 000 euros.

IV ' Sur la convention de forfait

1/ Sur la validité de la convention de forfait

Il résulte des articles L. 3121-43, L.3121-55 et L.3121-63 du code du travail que la validité d'une convention de forfait en jours est subordonnée plusieurs conditions. Elle doit :

être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche,

faire l'objet d'un accord exprès du salarié,

d'une convention individuelle établie par écrit,

être conclue par certains types de salariés, notamment les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés.

L'article L.3121-64 du même code dispose que l'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours doit prévoir :

les catégories de cadres intéressés,

la période de référence du forfait,

le nombre de jours compris dans le forfait,

les conditions de prise en compte des absences, des arrivées et départs en cours de période,

les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait,

L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours doit également déterminer :

les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié,

les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise,

les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

Enfin, l'article L.3121-59 du code du travail prévoit que l'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles relatives aux congés payés.

Pour apprécier la validité d'une convention de forfait-jours, le juge vérifie si l'ensemble des conditions énoncées ci-dessus sont remplies, et notamment si le contenu des dispositions de l'accord collectif est de nature à garantir de manière effective le respect des durées raisonnables de travail et des repos ainsi que le suivi de la charge de travail.

A titre liminaire et contrairement à ce que soutient le salarié, ni l'absence de révision de l'accord collectif, ni le renvoi par cet accord à l'article L.212-3 ancien du code du travail, pas plus que sa prétendue non-conformité aux articles L.3121-18 et L.3120-20 du même code relatifs aux durées maximales de travail, sont de nature à entraîner la nullité de la convention de forfait.

En l'espèce, à la date de son licenciement, la salariée occupait le poste de conseiller communication digitale spécialiste, statut cadre, conformément à son contrat de travail du 7 janvier 2014.

L'article 4 de ce contrat, qui renvoie à l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail du 20 mars 2000, prévoit que la salariée est soumise à un forfait de 210 jours travaillés par an. Ce contrat a été signé par la salariée le 7 janvier 2014, attestant ainsi de son consentement au forfait.

En outre, l'article 7.1 de l'accord du 20 mars 2000 prévoit que :

peuvent notamment conclure une convention de forfait en jours les cadres disposant, en raison de la nature de leur activité et de leur mission, d'une grande latitude dans l'organisation de leur travail et la gestion de leur temps. Pour eux, l'accord prévoit un forfait de 210 jours de travail par an avec une amplitude horaire comprise entre 7h30 et 20h30, sauf période exceptionnelle (projet stratégique d'envergure, travaux urgents),

les réunions ne peuvent être programmées en dehors de la plage horaire 8h30/17h30,

les salariés doivent respecter 11 heures consécutives de repos entre deux séquences de travail et bénéficient, sauf exceptions, de deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche,

le suivi des jours travaillés s'opère via une déclaration manuelle de suivi des jours ou demi-journées travaillés, validée mensuellement par la hiérarchie puis transmise à la direction des ressources humaines. Ce décompte est repris sur les bulletins de paie du salarié,

les salariés au forfait jours disposent d'un droit d'alerte leur permettant de saisir la hiérarchie en cas de difficulté liée aux horaires de travail.

La cour estime que ces dispositions sont conformes aux exigences légales précitées.

Par conséquent, la convention de forfait en jours est valide.

2/ Sur l'opposabilité de la convention de forfait

Une convention de forfait est inopposable au salarié dès lors que l'employeur ne l'a pas exécutée conformément à ses sources.

Il résulte des articles L.3121-64 et L.3121-65 du code du travail qu'à défaut pour l'accord collectif de prévoir les modalités selon lesquelles l'employeur : 1) assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié et 2) communique périodiquement avec le salarié sur sa charge de travail, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise, une convention individuelle de forfait peut être valablement conclue dès lors que :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

En outre, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés conformément à l'article L.4121-1 du code du travail. Il lui incombe de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations, légales ou conventionnelles, destinées à protéger la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.

Est ainsi inopposable la convention de forfait en cas de non respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié, de la non-application des modalités de contrôle des jours travaillés prescrites par l'accord collectif, ou de l'absence d'organisation d'un entretien portant sur la charge et l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et la rémunération du salarié.

En l'espèce, l'accord collectif du 20 mars 2000 prévoit :

un droit d'alerte permettant à la salariée de saisir en cas de difficulté son responsable hiérarchique et le directeur des ressources humaines, qui examinent conjointement et avec le salarié et de manière objective la situation,

une déclaration mensuelle de suivi des jours et demi-journées travaillés, réalisée via un logiciel de décompte, validée mensuellement par la hiérarchie. La hiérarchie s'attache conjointement avec la salariée, au travers des récapitulatifs trimestriels à examiner sa charge de travail et le cas échéant à la régulariser.

S'agissant du suivi des jours travaillés, la cour constate que l'employeur se contente de produire un extrait de son logiciel Octime, lequel reprend les jours et demi-journées travaillés par la salariée sur la période d'octobre 2019 à mars 2020, ainsi qu'un extrait du CRM reprenant ses rendez-vous professionnels de 2019. Toutefois, il apparaît que le décompte des jours travaillés figure sur les bulletins de paie, ce qui démontre qu'un suivi est effectivement réalisé.

En revanche, l'accord collectif n'envisage pas les modalités selon lesquelles l'employeur et la salariée communiquent périodiquement sur la charge de travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail, et que l'employeur ne prévoit pas l'organisation d'un entretien annuel avec la salariée visant à évoquer ces thématiques, ni celles selon lesquelles l'employeur s'assure que sa charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires

L'employeur, qui soutient que ces modalités sont évoquées lors des entretiens professionnels, produit uniquement les entretiens des années 2015, 2016 et 2017, dont il apparaît que la grille d'évaluation utilisée ne prévoit pas de temps spécifique dédié à l'évaluation de la charge de travail. En effet, cette grille traite uniquement de l'historique et des besoins en formation, des compétences et du projet professionnel de la salariée. C'est seulement dans la partie finale «'synthèse collaborateur'» de l'entretien, et entre parenthèse, que la charge de travail et la compatibilité de celle-ci avec la vie personnelle et familiale de la salariée sont susceptibles d'être évoquées.

Ainsi, l'employeur n'a pas respecté les dispositions relatives à la protection de la santé et de la sécurité. La convention de forfait en jours est donc privée d'effet, entraînant l'application des règles relatives aux heures supplémentaires.

V- Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles';

En l'espèce, la salariée soutient avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées. Pour en justifier, elle produit':

ses bulletins de paie des années 2018, 2019 et 2020 faisant apparaître le décompte des jours travaillés,

l'attestation de Madame [D], indiquant qu'à la suite du PSE de 2018, l'équipe de [Localité 6] dont faisait partie la salariée a connu une augmentation de leur charge de travail liée à des suppressions de postes et à l'augmentation de tâches administratives, ainsi que des clients supplémentaires à prendre en charge,

un tableau des heures supplémentaires réalisées entre et 2019, contenant les horaires de travail de chaque jour (heure d'entrée et sortie, temps de pause),

ses agendas professionnels, dont il n'est pas possible de déterminer les années correspondantes, celles-ci ayant été tronquées à l'impression.

En défense, l'employeur qui conteste la réalisation d'heures supplémentaires, produit':

un extrait du CRM listant les rendez-vous professionnels 2019 de la salariée,

un extrait du logiciel Octime reprenant les plannings de la salariée des mois d'octobre 2019 à mars 2020.

Les pièces de l'employeur ne permettent pas de justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, ni de contredire les pièces qu'elle fournit et dont il résulte qu'elle a travaillé à plusieurs reprises au delà de 35 heures par semaine.

L'employeur précise que la salariée était en RTT les 21, 22 et 23 décembre 2016, et qu'elle ne peut donc solliciter aucune heure supplémentaire sur cette période. Cette information est corroborée par le bulletin de paie de 2017 présenté par la salariée.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande du salarié et lui accorder la somme de 33 863,45 € au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 3386,34 € au titre des congés payés afférents,

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

VI- Sur le repos compensateur

En application des articles L.3121-30, D.3121-23 et D.3121-24 du code du travail, les heures effectuées par le salarié au delà du contingent légal de 220 heures par année ouvrent droit à un repos compensateur ainsi que les congés payés afférents.

En l'espèce, si la salariée apporte des éléments justifiant qu'elle a réalisé des heures supplémentaires hors contingent annuel, l'employeur ne produit quant à lui aucun élément de nature à justifier les heures effectuées par la salariée.

Par conséquent, il sera alloué à Madame [T] la somme de 4 487,14 euros au titre du repos compensateur, outre celle de 448,71 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

VII - Sur la demande de déduction des jours de repos du montant des heures supplémentaires

Lorsque la convention de forfait à laquelle le salarié est soumis est privée d'effet, pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.

En l'espèce, il a été précédemment jugé que la convention de forfait en jours à laquelle la salarié était soumise est privée d'effet, de sorte que le paiement des jours de réduction du temps de travail qui lui ont été accordés en exécution de ladite convention est devenu indu. C'est donc à juste titre que l'employeur en réclame le remboursement.

L'employeur soutient que la salariée a bénéficié de 49 jours de repos de 2016 à 2019, répartis sur les années 2017, 2018 et 2019.

Or, il ressort des bulletins de paie que la salariée a bénéficié de 10 jours de RTT en 2017, 15 jours de RTT en 2018 et 9 jours de RTT en 2019. Selon le bulletins de mars 2020, un jour de RTT équivaut à 158,92 euros bruts.

Ainsi, il y a lieu de retenir que la salariée a bénéficié au total de 34 jours de RTT, équivalent à 5 403,28 euros bruts.

La salariée sera donc condamnée à rembourser à l'employeur la somme de 5403,28 euros euros qui lui a été indûment versée.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

VIII ' Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L.8221-5 2° dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, la salariée sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 31 579,44 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Toutefois, elle ne démontre pas le caractère intentionnel de la dissimulation.

Au demeurant, le fait que la convention de forfait ait été reconnue inopposable, en raison du non respect par l'employeur des dispositions relatives à la protection de la santé et de la sécurité du salarié, résultant de la non mise en place d'entretiens réguliers, n'est pas de nature à caractériser son intention de dissimuler une partie des heures de travail réalisées par la salariée.

Il convient donc de débouter Madame [T] de sa demande de ce chef.

IX - Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail et minimales de repos

Il résulte des articles L.3121-18, L.3121-20, L.3131-1 et L.3132-2 du code du travail que la durée de travail effectif quotidienne ne peut excéder 10 heures, que les salariés bénéficient d'une durée minimale de repos de 11 heures consécutives et d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives.

La charge de la preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l'employeur.

En l'espèce, la salariée soutient que l'employeur a méconnu les exigences relatives aux durées maximales de travail aux motifs qu'il ne produit pas l'état déclaratif mensuel et trimestriel prévu par l'accord d'aménagement du temps de travail et ne réalise pas de contrôle effectif et régulier de la charge de travail.

Comme il a été vu précédemment dans le cadre de la demande relative aux heures supplémentaires, des durées de travail dépassant à plusieurs reprises les durées maximales sont avérées, sans que l'employeur ne soit en mesure de rapporter la preuve ni des durées de travail sur la période critiquée, ni de la prise effective du repos hebdomadaire.

Il sera alloué à la salariée la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

X - Sur les demandes relatives au rejet de la pièce 26 de l'employeur et à la violation du RGPD

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la salariée sollicite le rejet de la pièce adverse 26 et l'allocation de dommages et intérêts pour violation du règlement général de protection des données.

Or, il ressort des conclusions de la salariée produites en première instance que ces prétentions n'ont pas été soumises au conseil des prud'hommes, de sorte qu'il s'agit de prétentions nouvelles.

En outre, ces demandes n'ont pas pour objet d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions de l'employeur, ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Elles sont donc irrecevables.

XI ' Sur le harcèlement moral

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Madame [T] fait valoir qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral, caractérisés par l'existence d'un harcèlement moral institutionnel, une charge de travail excessive, une pression constante aux résultats, le management déviant de la nouvelle directrice régionale et par le contexte général de souffrance au travail chez SA Solocal.

Elle produit les éléments suivants':

des notes relatives à la reconnaissance du harcèlement moral institutionnel dans le cadre du procès France Télécom,

la fiche infogreffe de SA Solocal faisant état d'une diminution des effectifs entre 2019 et 2020,

un extrait d'une page internet non sourcée indiquant une diminution du chiffre d'affaires et une augmentation du bénéfice net entre 2019 et 2020,

un tableau de ses heures supplémentaires réalisées entre 2016 et 2019,

une capture d'écran d'un SMS de Monsieur [I] du 6 novembre à 18h44, envoyé sur un groupe de conversation dont il n'est pas précisé si la salariée en fait partie, rappelant l'organisation d'une soirée phoning obligatoire le soir-même. L'année d'envoi du SMS n'est pas renseignée,

l'attestation de Madame [D], indiquant que suite au PSE de 2018, les salariés de [Localité 6] ont du réaliser d'avantage de tâches administratives et de rendez-vous, qu'ils étaient managés dans la peur et très sollicités par mails et téléphone. Elle décrit l'arrivée en septembre 2019 de Madame [L], nouvelle directrice régionale. Lors de son premier séminaire, Madame [L] a indiqué aux salariés que les résultats étaient trop mauvais dans la zone [Localité 7] [Localité 6] [Localité 9], qu'elle était là pour redresser cette zone, que les responsables avaient été «'trop gentils'» avec eux, que «'les vacances étaient terminées'» et qu'ils devaient se mettre au travail. Elle a également demandé à un responsable de faire des pompes car ses résultats étaient insuffisants. A la suite de ce séminaire, «'la pression était trop forte'», des vendeurs ont «'craqué'» et ont du se mettre en arrêt de travail,

un email de signalement de Monsieur [R], représentant du personnel, du 13 septembre 2019 adressé aux ressources humaines suite au séminaire de Madame [L]': « Lundi dernier j'ai assisté à la première journée du kick-off de [Localité 7]. Suite à l'intervention de Mme [U] [L], je souhaite revenir sur les mots et les attitudes observées. Vous étiez présente durant sa prise de parole mais vous n'avez ni réagi ni stoppé certains propos tenus. Stigmatiser des salariés nominativement, en soulignant leurs mauvais classements sur des documents d'entreprise est interdit afin d'éviter les RPS. Pourtant certains responsables de vente ont été blâmés publiquement. Leur classement sur différents critères ou lignes de produits a été affiché à l'ensemble de l'assistance avec des commentaires menaçants ou désobligeants du type «'c'est la dernière fois que vous êtes à ce niveau, cela ne se reproduira pas car je ne le permettrai pas'» ou «'c'est vrai que sur [Localité 9] on vous a coupé internet'». D'autres ont directement été interpellés de façon moqueuse devant les salariés. D'autres ont été sommés, sous forme de «'punition'» de «'venir faire 30 pompes'» devant tous les collègues pour avoir échangé quelques mots entre eux à voix basse. Heureusement que le salarié ne s'est pas exécuté mais je l'ai senti très mal à l'aise. Malgré le sourire de façade, certains salariés mis en cause sont affectés. Je vous alerte sur le fait qu'un risque psychosocial n'est pas à proscrire pour ces salariés. Les autres salariés qui ont assisté à ce «'spectacle de maîtresse d'école'» sont choqués par ce type de comportement. (') Les commerciaux ont découvert en séance qu'à la suite de leur journée de formation, une séance de phoning obligatoire et non facultative était imposée par Mme [L] (') Mme [L] a ordonné aux commerciaux CCDS ou KA de rattraper le retard de productivité de la zone en augmentant leur cadence en nombre de visite hebdomadaire avec une vingtaine de rdv minimum par semaine et ce quelle que soit leur catégorie CCDS ou KA. Or, d'après les premiers retours des commerciaux testeurs, la mise en place de la nouvelle offre prend plus de temps en préparation, ce qui augmentera déjà leur charge de travail. Mme [L] est allée jusqu'à menacer les commerciaux de leur retirer des dossiers et les transmettre à d'autres collègues s'ils n'avaient pas renouvelé 80% de leur site jusqu'à vendredi 13 septembre (') Il a également été annoncé que les salariés reçus en entretien individuel par Mme [L] devraient arriver avec des solutions pour améliorer leur activité et leurs résultats, en précisant que ce n'était pas la peine de venir «'pleurnicher'» en expliquant pourquoi ils n'y arrivaient pas. Pour autant, aucune présentation des moyens qui seraient mis en œuvre pour aider les salariés en difficulté n'a été faite. Mme [L] a juste précisé qu'elle répondrait aux besoins exprimés par les salariés en difficulté en les faisant éventuellement accompagner en clientèle par des superperformers de [Localité 11] qui viendraient prêter main forte. Vous voudrez bien veiller à ce que cela ne se fasse pas en retirant des comptes clients à des commerciaux, ce qui impacterait négativement leur rémunération et réduirait leur possibilité d'atteindre leurs objectifs. De même qu'annoncer que toute personne qui n'est pas aux rendez-vous attendus sera considérée en faute professionnelle équivalente à la contestation de la stratégie de l'entreprise, ressemble plus à une dictature par la terreur (') Affirmer que dans le sud-ouest les salariés ne travaillent pas au mois de juillet sans avoir posé des congés est une accusation gratuite de la part de Mme [L] (') Ces discours choquent de nombreux salariés qui m'en ont fait part. (') Je vous demande de veillez à ce que ces dérives ne se reproduisent plus y compris dans les réunions d'équipe auxquelles elle participe. Garante de la santé des salariés, j'ai été interloqué que vous ne réagissiez pas face à ces paroles. Peut-être ne vous ont-elles pas choqué ' En tant que RH locale je vous demande de tout mettre en œuvre pour stopper une situation de souffrance au travail avant qu'elle ne se dégrade encore plus car plusieurs salariés présents ont été choqué et sont venus s'en plaindre auprès de moi (...)'»,

une impression écran d'un extrait d'une conversation de groupe Whatsapp, dans lequel un des numéros participants, sans qu'il soit possible de déterminer l'identité de son titulaire, écrit': «'vous venez''''» à 18h40. Il est ensuite indiqué que ce même numéro a retiré Madame [T] du groupe, suivi d'une photo d'un buffet envoyé par Monsieur [I] légendée': «'pour vous ressourcer après vos signatures et rendez-vous du soir'»,

un email de Madame [L] du 9 octobre 2019 adressé à l'équipe de vente, dont Madame [T], signalant un manque de productivité en dépit de l'effort consenti par l'entreprise pour mettre à disposition des moyens en vue de la réussite des salariés, accompagné des résultats personnels de certains salariés de l'équipe sur la semaine et celle à venir,

un email de Madame [L] du 9 octobre 2017 à Madame [T], relatif à un client, indiquant notamment': «'(') il faut vraiment passer à la vitesse supérieure sur plusieurs indicateurs (') trouver des excuses telles que ce qui est écrit ci-dessous n'est pas acceptable'». Je ne sais pas si tu t'en rends compte.'»,

un email de Madame [L] du 8 novembre 2019 adressé à l'équipe de vente, dont Madame [T], dans lequel elle produit les résultats personnels de certains salariés, dont ceux de Madame [T] malgré son absence pour maladie, et félicite nominativement certains d'entre eux pour leurs résultats,

deux mails de Madame [L] des 22 et 25 novembre 2019 adressés à l'équipe de vente indiquant': «'le rythme doit s'intensifier. A ce matin, les rdvs ne sont pas positionnés pour la semaine prochaine. Je compte donc sur vous pour faire le nécessaire et je ferai un point individuel ce soir'» et «'nous ne sommes toujours pas à l'attendu concernant le nombre de rdvs, et les opportunités indexées aux rdvs existants ne portent pas assez de CA. Il faut faire mieux que cela (') je ferai un point à ce soir'». Elle félicite ensuite certains salariés pour leurs bonnes performances,

l'attestation de Madame [D], rapportant avoir vu Madame [T] s'effondrer à la suite d'un entretien mensuel fin 2019 avec Monsieur [I] au cours duquel il lui a dit qu'elle n'avait pas de talent'; Monsieur [I], cordial au début de l'entretien, est devenu agressif lorsque Madame [L] est apparue dans le bureau. Suite à cet événement, Madame [T] s'est arrêtée quelques jours,

un arrêt de travail pour troubles anxieux du 5 novembre 2019,

un compte-rendu du docteur [Y] du 12 décembre 2019 suite à la visite de pré-reprise de Madame [T] indiquant': «'arrêt de travail depuis le 06/11/2019 et elle me dit que c'est en raison d'un burn-out'».

le compte-rendu de la mission d'enquête sur les conditions de travail à l'agence télévente d'[Localité 8] du 11 janvier 2019 qui conclut à l'existence d'un malaise persistant et préconise notamment l'arrêt d'un management par la peur et la pression,

une injonction préalable à l'imposition d'une majoration du taux de cotisant AT-MP de l'assurance maladie du 27 juillet 2020 délivrée à l'agence bordelaise en raison de risques psychosociaux, de l'intensité et de la complexité du travail et des rapports sociaux dégradés,

les procès verbaux du CSE de 2019, dans lesquels les élus signalent notamment à l'employeur un absentéisme croissant, des alertes pour souffrance au travail, l'exigence de performance continue auxquelles les commerciaux sont tenus'; dans le procès verbal de décembre 2019, Monsieur [R] alerte la direction sur l'existence d'un absentéisme observé à [Localité 7] depuis septembre 2019, qui serait lié à des situations de salariés en souffrance en raison de comportements managériaux,

un article du Sud-Ouest du 22 octobre 2019 concernant la grève de salariés de SA Solocal à [Localité 5] pour détérioration de leurs conditions de travail,

un article de France 3 Régions du 22 novembre 2019 concernant la grève de salariés de SA Solocal à [Localité 10] pour détérioration de leurs conditions de travail,

un tract de l'intersyndicale de novembre 2019 dénonçant la dégradation des conditions de travail et les dérives managériales et organisationnelles subis par les salariés du groupe,

un article de l'Actu Haut-de-seine du 27 juin 2020 relatifs aux difficultés de trésorerie de SA Solocal,

un tract de l'intersyndicale du 25 septembre 2020 dénonçant les conditions de travail des salariés du groupe et l'inaction de la direction,

un article de BFM TV du 5 octobre 2020 relatifs à des erreurs de calcul de paie chez SA Solocal liés à des problèmes d'interface entre les logiciel,

Ces éléments, pris dans leur ensemble, établissent des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur réfute tout harcèlement moral à l'encontre de la salariée.

Il lui incombe donc, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutient de sa position, il produit les éléments suivants':

les entretiens professionnels de 2015, 2016 et 2017, les entretiens sur objectifs 2016, 2017 et 2018, l'entretien de pilotage individuel de juin 2019,

le bilan d'accompagnement 2019,

l'historique des formations de la salariée,

les bulletins de paie de 2018 à 2020,

un extrait du logiciel Octime d'octobre 2019 à mars 2020,

un extrait du CRM et tableau de décompte des rendez-vous professionnels,

l'accord collectif sur la réduction du temps de travail du 20 mars 2000,

un email de la responsable des ressources humaines du 18 septembre 2019 à Monsieur [R] en réponse à son signalement': «'(') Je ne partage pas votre présentation de cette journée et je me dois de revenir sur certains éléments (...) Les résultats étant d'une telle gravité, la DVR a tenté de détendre l'atmosphère et, si la forme n'était peut-être pas par moment la plus adaptée selon le filtre de chacun, il n'y avait pas d'intention négative. Pour rappel, la région a généré du retard sur de nombreux indicateurs et notamment en ce qui concerne l'activité commerciale (') Il a bien été présenté un attendu de 16 visites pour un CCDS et de 12 pour un CCDKA par semaine au cours de la clôture du kickoff, à laquelle vous étiez par ailleurs absent. Toutefois, il est vrai que l'ambition de l'activité commerciale est de 20 rendez-vous par semaine pour les CCDS et 16 pour les CCDKA. Il a également été précisé au cours de la présentation du programme de formation qu'en cas d'empêchement, les commerciaux pouvaient naturellement partir à l'issue de la formation et ainsi ne pas réaliser l'opération de phoning. En tant que DVR, [U] est garante de la bonne gestion du portefeuille et du chiffre d'affaires de l'ensemble de sa région. Elle se doit ainsi d'alerter les managers et les vendeurs qui ont un retard important afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires pour y remédier dans les délais et ainsi répondre aux attentes de l'entreprise (...)'»,

un email de Madame [T] à Monsieur [I] du 9 octobre 2019, transféré à Madame [L], relatif à l'insatisfaction d'un client,

le bilan et KPI 2016 / 2017 ' plan global QVST relatif à une démarche de prévention des RPS menée via l'organisation de réunions, la formation des managers et membres du CHSCT à la prévention des RPS ainsi qu'une optimisation des processus d'alerte et de recours,

le document unique d'évaluation des risques de 2017, dans lequel la contrainte mentale est identifiée comme danger général,

le projet de réorganisation de SA Solocal présenté en 2018, qui s'est traduit par la suppression de 810 postes, 162 modifications de contrats et 109 créations de postes, ainsi que par la conclusions de trois accords collectifs,

un email du directeur général de SA Solocal du 7 octobre 2019 informant les salariés du lancement d'un dispositif éthique en conformité avec la loi Sapin II, reposant sur un code de conduite, un dispositif d'alerte professionnelle permettant de remonter toute atteinte grave à l'intérêt des biens et des personnes, un plan de formation pour sensibiliser à la fraude et à la corruption,

une lettre de SA Solocal à la CARSAT du 21 septembre 2020, indiquant que l'employeur travaille sur l'intensité et la complexité du travail ainsi que des rapports sociaux dégradés dans le cadre de deux démarches': 1) l'instauration de groupes de travail le 2 octobre 2019 afin de travailler sur l'absentéisme'; 2) une mission d'expertise menée par le cabinet ISAST relative aux conséquences du déploiement de la nouvelle offre sur les conditions de travail des populations commerciales et le service client, menée par le cabinet,

le compte-rendu de la réunion de lancement des groupes de travail QVT du 2 octobre 2019 ayant pour but de conduire à l'élaboration d'un plan d'actions sur l'absentéisme,

une information du CSE sur le plan d'action absentéisme du 25 novembre 2020,

le plan d'action absentéisme mis à jour le 17 mai 2021, reprenant le planning de la mise en œuvre des mesures du plan,

la lettre de mission du cabinet d'expertise ISAST du 14 janvier 2020,

le rapport d'expertise du cabinet ISAST du 1er mars 2021, qui relève l'existence de relations managériales déviantes, une pression managériale, la disproportion des objectifs et du nombre de clients à traiter, la course à l'atteinte des objectifs. S'agissant des rapports sociaux, il précise que la nouvelle gamme créée des tensions susceptibles de dégrader les relations de travail'. Le rapport préconise la réalisation d'une «'analyse dédiée sur la relation managériale et le pilotage de l'activité'».

la décision de la DIRECCTE validant les accords collectifs conclus dans le cadre du PSE de 2018,

les accords collectifs du 22 juin 2018 relatifs au congés de mobilité et au PSE,

une décision de la DIRECCTE du 2 août 2018,

un extrait du rapport de l'expert du CSE sur la consultation annuelle 2021 sur la politique sociale indiquant que le nombre de salariés de SA Solocal était de 2 337 au 31 décembre 2020 contre 3 513 au 31 décembre 2018 à cause du plan Coriolis (- 1 176 entre 2018 et 2020),

un extrait du document communiqué par SA Solocal sur la consultation annuelle 2022 relatif aux orientations stratégiques, indiquant un effectif de 2 273 salariés en 2022 et une stabilité pour les années 2023-2024,

le compte de résultats consolidé aux 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020,

Un courrier de la CARSAT du 11 janvier 2023 informant SA Solocal de la levée définitive de sa majoration de taux accidents du travail applicable à son établissement de [Localité 7], au motif que les mesures de prévention demandées ont été accomplies.

Sur la charge de travail excessive, si Madame [T] n'a pas participé aux soirées phoning, les messages produits concernant ces événements lui ayant été envoyés durant son arrêt maladie, il n'en demeure pas moins qu'elle a été soumise à une charge de travail excessive, liée à la réorganisation de l'entreprise et à l'augmentation des tâches administratives, l'amenant à travailler régulièrement aux delà des durées légales de travail, peu importe que celle-ci ait réalisé, entre janvier et novembre 2019, une moyenne de 12 rendez-vous hebdomadaires sur 16, ou qu'elle n'ait jamais usé du dispositif d'alerte. Cet élément est donc caractérisé.

Sur le contexte général de souffrance au travail, les éléments produits par la salariée témoignent de l'existence de diverses problématiques au sein du groupe SA Solocal. Au niveau national, les procès verbaux, les articles de presse et les tracts syndicaux révèlent des problématiques liées notamment à l'augmentation de la charge de travail, à l'absentéisme et à la maltraitance managériale. Au niveau local, ces difficultés sont également présentes, tel que cela ressort du signalement et des propos en CSE de Monsieur [R], de l'attestation de Madame [D] et de l'injonction de l'assurance maladie pour risques psychosociaux.

Au demeurant, si l'ensemble de ces éléments ne concernent pas uniquement et personnellement la salariée, ils permettent toutefois de démontrer qu'elle travaillait au sein d'une entreprise dont le mode d'organisation et de gestion a conduit à l'altération de ses conditions de travail et de sa santé.

Cet élément est donc caractérisé.

Sur la pression constante aux résultats, il convient de préciser que la fonction de Madame [T] implique nécessairement l'atteinte de résultats. Toutefois, en raison des difficultés rencontrées par SA Solocal, les salariés devaientt augmenter leur productivité, en réalisant davantage de rendez-vous clients et de ventes, et qu'à (à) ce titre, ils recevaient de nombreuses sollicitations par mails ou téléphone. Ces constatations sont corroborées par les courriels de Madame [L] des 9 octobre, 8, 22 et 25 novembre 2019 dans lesquels elle affiche publiquement les résultats personnels des salariés, félicite nominativement certains d'entre eux, leur demande d'accroître leur productivité et fait régulièrement des points d'avancement sur la situation de chacun. Ces méthodes de management contribuent à rajouter une pression supplémentaire sur les salariés. Cet élément est donc caractérisé.

Sur le management de Madame [L], la salariée considère que ses méthodes excèdent le simple pouvoir de direction et ont altéré sa santé et ses conditions de travail Ainsi, les propos tenus par Madame [L] lors du séminaire de présentation, non contestés par l'employeur et qualifiés de «'mode de communication maladroit'», ont choqué les salariés présents et a fait l'objet d'un signalement. En outre, sa méthode consistant à féliciter et à partager les résultats de certains salariés, si elle peut avoir pour but de les encourager à poursuivre leurs efforts, a également pour effet de stigmatiser ceux pour lesquels les résultats ne sont pas à l'attendu, et de leur rajouter une pression supplémentaire. L'attitude de Madame [L] a contribué à faire perdurer une ambiance très dégradée. Enfin, il est indifférent que Madame [T] ait travaillé au contact de Madame [L] pendant deux mois. Cet élément est donc caractérisé.

Enfin, sur le harcèlement moral institutionnel, il apparaît que les seules pièces produites par la salariée ne sont pas de nature à le caractériser.

Si l'employeur se prévaut dans ses conclusions de différentes explications quant à la situation dénoncée par Mme [T] les pièces qu'il verse au débat sont insuffisantes à contester celles de la salariée.

L'employeur ne démontre aucunement que les agissements caractérisés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le harcèlement moral dénoncé par la salariée est caractérisé à son encontre.

Au regard des pièces médicales et personnelles de la salariée présentes au dossier, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros au titre du harcèlement moral.

XII ' Sur l'obligation de prévention du harcèlement moral

La salariée reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral consacrée à l'article L.1152-4 du code du travail.

Selon cet article, l'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l'espèce, au plan national, l'employeur soutient avoir mis en œuvre des mesures visant à prévenir le harcèlement. La cour constate que hormis une démarche de prévention des risques psychosociaux organisée en 2016/2017, la majorité des mesures ont été mises en place à compter d'octobre 2019, soit trop tardivement pour garantir efficacement la protection de Madame [T] contre des agissements de harcèlement moral. Pourtant, l'employeur était informé, par le biais des réunions du CSE, des tracts syndicaux et d'articles de presse, des problématiques de souffrance au travail rencontrés par de nombreux salariés du groupe.

Par ailleurs, bien qu'il ait été alerté à deux reprises, en septembre et décembre 2019, du comportements managérial de Madame [L] dans l'agence bordelaise, l'employeur ne justifie avoir pris aucune mesure spécifique de nature à faire cesser cette situation.

Au surplus, il est indifférent que Madame [T] n'ait pas alerté les représentants du personnel ou la direction sur les faits de harcèlement moral dont elle a fait l'objet.

L'employeur n'a donc pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dont la salariée a été victime.

Le manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi caractérisé.

En conséquence, il sera alloué à la salariée la somme de 5 000 euros à ce titre.

XIII ' Sur l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels

La salariée soutient que l'employeur a également manqué à son obligation de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants du code du travail.

Or, l'obligation de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants de ce code est une obligation générale, dont découle l'obligation spécifique de prévention de harcèlement moral prévue à l'article L.1152-4 de ce code. Ces deux textes ont donc le même objet, le premier ayant un champ d'application plus large que le second.

Or, la salariée a déjà été indemnisée sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail et ne démontre aucun préjudice spécifique non déjà indemnisé. Conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice, sa demande sera donc rejetée.

XIV Sur les indemnités chômage

Suivant l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, il convient d'ajouter à la décision déférée et d'ordonner le remboursement par la société Solocal des indemnités de chômage versées à Mme [T], dans la limite de six mois d'indemnités.

XV - Sur les intérêts et leur capitalisation

Les sommes allouées étant de nature indemnitaire, elles porteront intérêts à compter de la présente décision qui les a fixées, en application de l'article 1231-7 du code civil.

Il convient par ailleurs d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

XVI- Sur les autres demandes

L'employeur qui succombe en appel n'est pas fondé à obtenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais versera sur ce même fondement au salarié la somme de 2 000 €, outre les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, en toutes ses dispositions qui lui sont soumises :

Déclare recevable l'appel incident interjeté par Madame [B] [E] épouse [T],

Déclare irrecevables ses demandes formulées au titre du rejet de la pièce adverse n° 26 et de la violation du RGPD.

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau':

Fixe le salaire de référence de Madame [B] [E] épouse [T] à la somme de 4 786,50 euros,

Dit que le licenciement de Madame [B] [E] épouse [T],

est nul,

Ordonne la réintégration de Madame [B] [E] épouse [T],

Dit que la convention de forfait signée entre les parties est privée d'effet,

Déboute Madame [B] [E] épouse [T] de sa demande au titre du travail dissimulé,

Condamne SA Solocal à verser à Madame [T] les sommes suivantes :

10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct du fait de la discrimination,

229 752 euros au titre de l'indemnité d'éviction et 16 314,57 euros au titre de la contrepartie pécuniaire des congés payés,

33 863,45 euros au titre des heures supplémentaires, outre

3 386,34 euros de congés payés y afférents,

4 487,14 euros au titre de contrepartie obligatoire en repos, outre 448,71 euros de congés y afférents,

1 000 euros au titre de la violation des durées maximales de travail et minimales de repos,

10 000 euros au titre du harcèlement moral,

5 000 euros au titre de la violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral,

Condamne Madame [B] [E] épouse [T] à verser à SA Solocal la somme de 5 403,28 euros au titre de paiement de jours de repos indûment versés,

Condamne la SA Solocal à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Madame [B] [E] épouse [T], dans la limite de six mois d'indemnités,

Dit que les sommes dues au titre des créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil,

Condamne SA Solocal aux entiers dépens et à payer à Madame [B] [E] épouse [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,