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Décisions

CA Reims, 1re ch. sect..civ., 19 septembre 2023, n° 23/00328

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 23/00328

19 septembre 2023

ARRET N°

du 19 septembre 2023

N° RG 23/00328 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJP7

[C]

c/

TIRMANT

Formule exécutoire le :

à :

Me Olivier PINCON

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 09 février 2023 par le Tribunal de Commerce de Reims

Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, avocat au barreau de REIMS

INTIME :

Maître [I] [X] es-qualité de Mandataire Judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société ALLPACKS,

Société à responsabilité limitée au capital de 10.000 €, ayant son siège social [Adresse 4], immatriculée au RCS de Reims sous le n°803.024.546, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de REIMS du 06 juillet 2021

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Olivier PINCON, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Madame Frédérique ROULLET, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée

DEBATS :

A l'audience publique du 03 juillet 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 septembre 2023

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce de Reims a ordonné une mesure d'enquête envers la SARL Allpacks qui est une société créée en 2014 spécialisée dans le packaging pour les maisons de champagne et a désigné Maître [I] [X] en qualité de mandataire pour assister le juge enquêteur.

Maître [X] a déposé son rapport d'enquête au greffe le 10 mai 2021.

Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Allpacks et a désigné Maître [I] [X] en qualité de mandataire judiciaire. Ce jugement a constaté l'état de cessation des paiements de la SARL Allpacks et a fixé provisoirement au 25 novembre 2019, la date de cessation des paiements.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Reims a mis fin à la période d'observation, a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Allpacks et a désigné Maître [I] [X] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 7 décembre 2021 statuant sur appel du jugement de redressement judiciaire, la cour d'appel de Reims a infirmé la décision sur la date de cessation des paiements et l'a fixée au 25 mai 2021.

Par exploit d'huissier en date du 3 juin 2022, Maître [I] [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Allpacks a assigné Monsieur [W] [C] aux fins notamment de le voir condamner à payer la somme de 286 502,49 euros en comblement de l'insuffisance d'actif de la société Allpack outre 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement du 9 février 2023, le tribunal de commerce de Reims, au visa de l'article L 651-2 du code de commerce':

- a dit que l'action de Maître [I] [X] ès-qualités de liquidateur de la société Allpacks était recevable,

- a condamné Monsieur [W] [C] à payer à Maître [I] [X], liquidateur judiciaire de la société Allpacks, la somme de 279 679, 70 euros,

- a condamné Monsieur [W] [C] à verser à Maître Isabelle Tirmant, la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure,

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a relevé trois fautes de gestion':

- une absence de comptabilité depuis plusieurs exercices à la date du jugement d'ouverture du 25 mai 2021 occultant une poursuite d'activité déficitaire,

- une rectification fiscale en matière de tva suite à la vérification de la comptabilité et ce compte-tenu de l'absence de comptabilité,

- une utilisation de la trésorerie à des fins autres que le développement et la pérennisation de la société, soit à des fins personnelles.

Par déclaration reçue le 16 février 2023, M. [W] [C] a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Reims.

Par conclusions notifiées le 11 mai 2023, l'appelant demande à la cour, au visa de l'article L 651-2 du code de commerce, de':

- déclarer Monsieur [W] [C] recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement rendu le 9 février 2023 par le tribunal de commerce de Reims, en ce qu'il a :

- dit que l'action de Maître [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Allpacks était recevable,

- condamné Monsieur [W] [C] à payer à Maître [I] [X], liquidateur judiciaire de la société Allpacks (SARL) la somme de 279 679,70 euros,

- condamné Monsieur [W] [C] à verser à Maître Isabelle Tirmant, la somme de 2 400,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau de ces chefs,

- dire n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d'actif prévue à l'article L 651-2 du code de commerce,

En tout état de cause,

- débouter Maître [I] [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Allpacks, de l'intégralité de ses demandes et de tout appel incident éventuel,

- condamner Maître [I] [X] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Allpacks à régler à Monsieur [W] [C] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelant rappelle que pour que l'article L 651-2 du code de commerce trouve à s'appliquer et permette d'engager la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif, il faut démontrer la faute de gestion, le préjudice et le lien de causalité et que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 écarte la responsabilité du dirigeant en cas de simple négligence de sa part.

Il fait observer que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 279 672,30 €, et non 279 679,70 € comme indiqué par erreur dans le dispositif de la décision.

Il conteste toute faute de gestion.

Il soutient que le non dépôt des comptes auprès du greffe ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de comptabilité et que cela n'a aucune incidence sur l'insuffisance d'actif'; que la comptabilité a été tenue par le cabinet Nord Est Compta de 2014 au 31/12/2019'; que les comptes 2020 ont été élaborés par la SARL Corbon Gency et les comptes de résultat transmis à Maître [X]'; que la vérification de la comptabilité par l'administration fiscale est aléatoire et ne résulte pas de la prétendue absence de tenue de comptabilité'; que celle-ci ne pourra donc pas être retenue comme faute de gestion.

S'il reconnaît qu'il y a eu une activité déficitaire sur les trois derniers exercices, il affirme que cela est lié à la pandémie et qu'il ne peut être reproché au gérant en exercice d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire.

Il affirme également que la proposition de rectification sur une période fiscale ne signifie pas que le dirigeant ait voulu se soustraire au paiement des dettes envers le Trésor Public ; qu'il a rencontré des difficultés de recouvrement de la tva liées à ses acquisitions et livraisons intracommunautaires de produits fabriqués par le fournisseur portugais ; que cela a été régularisé et ne constitue pas une faute de gestion.

S'agissant de l'utilisation de la trésorerie à des fins personnelles, il affirme que le tribunal n' a pas donné de base légale à sa décision, le simple fait de relever l'existence de virements et de retraits au profit du dirigeant ne constituant pas une faute de gestion dès lors que le dirigeant peut prélever une rémunération au titre de son mandat social, ainsi que des indemnités kilométriques calculées au barème fiscal en vigueur, liées aux déplacements professionnels du dirigeant, comme prévu à l'article 17 des statuts de la société.

Il affirme que pour une période de 2 ans et 4 mois entre janvier 2019 et mai 2021, les montants prélevés s'élèvent à 112 960,20 €, soit une rémunération mensuelle de 4 034,29 €, incluant les frais de déplacement du dirigeant au Portugal'; que l'absence de production du procès-verbal de fixation de la rémunération du dirigeant ne constitue pas un obstacle à la perception d'une rémunération dans la mesure où le principe même de cette rémunération est prévu statutairement et qu'il est détenteur de 80% des parts sociales de la société.

Il ajoute que le fait que son épouse occupait de manière effective un poste salarié dans la société ne constitue pas une faute de gestion.

S'agissant des dépenses effectuées qui ont été comptabilisées en compte de charges, s'il conçoit que la somme de 6 756,42 € n'est pas justifiée sur les trois derniers exercices, il souligne que cela ne suffit pas à prouver la faute intentionnelle et de gestion du dirigeant de nature à engager sa responsabilité ; que cela pourrait être vu comme une négligence ne suffisant pas à engager la responsabilité du dirigeant en application de la loi LME n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Sur le lien de causalité entre les fautes de gestion relevées par le tribunal et l'insuffisance d'actif, l'appelant souligne que le tribunal ne l'a pas caractérisé mais surtout qu'il n'a pas respecté le principe de proportionnalité en faisant supporter au dirigeant l'intégralité de l'insuffisance d'actif, soit la somme de 279 679,70 euros, et ce alors même qu'il n'a jamais fait l'objet de procédures collectives antérieures ni de sanctions civiles, commerciales ou pénales en tant que dirigeant.

Enfin, il affirme que sa situation patrimoniale n'a pas été prise en compte ni par le tribunal ni par le liquidateur qui n'a pas appliqué les dispositions des articles L. 651-4 et R. 651-5 du code de commerce.

Il précise produire une attestation sur l'honneur révélant qu'il n'est propriétaire d'aucun bien immobilier, qu'il ne dispose d'aucune épargne ni liquidités, qu'il perçoit un revenu net mensuel de l'ordre de 2 000 euros avec des charges mensuelles incompressibles de 2 595,40 euros et qu'il a une famille à charge, de sorte que son patrimoine ne lui permet pas de faire face pour tout ou partie aux condamnations prononcées à son encontre.

Par conclusions notifiées le 24 avril 2023, Maître [I] [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Allpacks, demande à la cour de':

- débouter Monsieur [W] [C] de son appel,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 février 2023 par le tribunal de commerce de Reims,

Y ajoutant,

- condamner Monsieur [W] [C] à payer à Maître [I] [X] ès-qualités la somme de 2 400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [W] [C] aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Olivier Pinçon, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

En premier lieu, l'intimée rappelle que l'application de l'article L 651-4 du code du commerce concernant l'enquête sur la situation patrimoniale du dirigeant est une simple faculté pour le tribunal'; que c'est le dirigeant lui-même qui est le mieux à même de justifier de sa situation patrimoniale et qu'il serait particulièrement dangereux d'admettre qu'un dirigeant fautif puisse réduire à néant l'article L 651-2 du code de commerce en renversant la charge de la preuve de sa situation patrimoniale en la déplaçant vers les créanciers.

L'intimée invoque l'absence de tenue de comptabilité depuis 2019 occultant une poursuite d'activité déficitaire en affirmant que les comptes annuels n'ont pas été déposés au greffe régulièrement et que même s'il y a eu régularisation a posteriori, le défaut de comptabilité constitue bien une faute de gestion'puisqu'elle n'a pas été réalisée en temps et en heure ; que suite à la vérification de la comptabilité par les services fiscaux le 17 février 2021, la SARL Allpacks s'est vu notifier une proposition de rectification concernant la TVA'; or en 2021, l'actif disponible ne couvrait pas ce poste de TVA à régulariser'; que cette procédure de rectification a permis au fisc de déclarer sa créance à hauteur de 158 011 euros et la faute de gestion concernant l'absence de tenue de comptabilité est bien à l'origine de la procédure fiscale.

Elle affirme également que la trésorerie a été utilisée à des fins différentes du développement et de la pérennisation de la société, et ce par des sommes prélevées au bénéfice du dirigeant ou de son épouse, ainsi que des retraits et achats effectués avec la carte bancaire de la société ne présentant aucun lien avec son activité. Elle observe que l'appelant ne communique aucune pièce qui permettrait de justifier que tous les virements réalisés au débit du compte de la société sont directement liés à l'activité de la SARL ou correspondraient au paiement d'une rémunération ou remboursement d'indemnités kilométriques/ frais de déplacement.

Elle ajoute qu'il n'y a pas de procès-verbaux d'assemblée générale fixant la rémunération du gérant et que le fait que les statuts de la société prévoient cette possibilité ne suffit pas à valider cette rémunération qui doit être fixée par l'assemblée et faire l'objet d'un rapport annuel au titre des conventions réglementées'; que de même, aucune des rémunérations au titre de 2018, 2019 ou 2020 n'a été fiscalisée.

Enfin, sur l'insuffisance d'actif résultant des fautes de gestion, l'intimée rappelle que le passif définitivement admis suite à l'admission de la créance du Trésor Public par ordonnance du juge commissaire du 5 avril 2022 s'élève à 302 136,08 euros'; que l'actif définitivement réalisé et recouvré s'élève à 22 456,38 euros'; que l'insuffisance d'actif est donc de 279 679,70 Euros. Elle souligne que les fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société Allpacks, sans lesquelles la société ne se serait peut-être pas retrouvée en état de cessation des paiements et que l'endettement se révèle supérieur au chiffre d'affaires hors taxe annuel de la société.

MOTIFS DE LA DECISION':

L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif':

L'article L 651-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

L'insuffisance d'actif, qui est constituée par la différence entre le passif admis et les actifs recouvrés n'est pas contestée par M. [C] qui en discute uniquement le montant.

Il ressort des pièces produites par Maître [X] ès-qualités que le passif définitivement admis s'élève à 302 136,08 euros et que l'actif définitivement réalisé et recouvré s'élève à 22 463, 78 euros de sorte que le montant de l'insuffisance d'actif est de 279 672, 30 euros.

Les fautes de gestion'reprochées à M. [C]':

- L'absence de comptabilité'de la société Allpacks occultant une poursuite d'activité déficitaire :

L'absence de dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce depuis 2018, qui est avérée, ne signifie pas une absence de comptabilité de la société Allpacks, ce non-dépôt, qui n'est qu'une publicité envers les tiers de la situation financière de la société ne pouvant en soi constituer une faute de gestion.

S'il ressort des pièces versées aux débats que la comptabilité a été déposée avec retard chez Maître [X] ès-qualités, elle n'en est pas moins existante.

En effet, la comptabilité de la société Allpacks a été tenue par le cabinet Nord-Est Compta de l'année 2014, date de création de la société, au 31 décembre 2019, date à laquelle il a été mis fin à sa mission.

M. [C] verse aux débats les comptes annuels 2018 et 2019 établis par cette société ainsi que les comptes annuels 2020 établis par le successeur du cabinet Nord-Est Compta, la SARL Corbon Gency (ses pièces n° 7, 8 et 9).

Même si ces documents ont été transmis tardivement au mandataire liquidateur, il existe incontestablement une comptabilité qui a été régulièrement tenue et le grief retenu par les premiers juges doit par conséquent être écarté.

- La rectification opérée par l'administration fiscale':

C'est à juste titre que M. [C] fait valoir qu'une rectification de l'administration fiscale n'est pas en soi une faute de gestion du dirigeant et ce d'autant que dans le cas d'espèce, elle résulte non d'une absence de comptabilité depuis 2019 comme le soutient l'intimée mais d'un contrôle aléatoire en matière d'impôt sur les sociétés pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 étendu au 31 juillet 2019 en matière de TVA à l'occasion duquel a été opérée une rectification pour la TVA.

L'administration fiscale précise dans sa proposition de rectification du 17 février 2021 que toutes les déclarations mensuelles de TVA ont été régulièrement déposées par la société Allpacks (pièce n° 18 de Maître [X]), de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de M. [C] à ce titre.

La rectification concerne l'assujettissement à la TVA sur un flux de marchandises entre la France et le Portugal qui a conduit l'administration fiscale à réintégrer la perception de certains produits dans son champ d'application et il n'est pas démontré par Maître [X] ès-qualités que le redressement ait fait suite à une volonté de M. [C] de se soustraire à l'impôt et il s'agit plutôt d'une négligence, voire d'une mauvaise compréhension de la législation en vigueur par l'intéressé.

Aucune faute de gestion ne peut donc être reprochée à ce titre à M. [C].

Le grief retenu par les premiers juges doit également être écarté.

- L'utilisation de la trésorerie à des fins différentes du développement et de la pérennisation de la société':

Il est reproché à M [C]':

- des achats personnels effectués avec la carte bancaire de la société Allpacks ne présentant aucun lien avec l'activité de la société,

- une absence de justifications de virements correspondant à une rémunération ou au remboursement d'indemnités kilométriques et de frais de déplacement.

Sur le premier point, si M. [C] justifie par un certain nombre de factures de la réalité d'achats qui relèvent en définitive de l'activité de la société Allpacks, il ressort en revanche du listing établi par Maître [X] ès-qualités pour les années 2019, 2020 et 2021 repris dans ses conclusions, que toutes les dépenses qui y figurent concernant l'achat de jouets, de vêtements, d'habillement, de maroquinerie dont la fréquence d'une année sur l'autre interpelle et plus encore le séjour à Londres pour le nouvel an 2019 avec des paiements réalisés pour la période du 2 janvier au 7 janvier 2019 pour un montant total de 1 798,15 euros, ne sont pas en lien avec l'activité de la société Allpacks.

La répétition de ces achats manifestement effectués pour des besoins personnels, certes à chaque fois limités dans leur montant, constitue non une simple négligence mais une faute de gestion.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le mandataire liquidateur soutient que le fait que les statuts de la société prévoient une rémunération pour son gérant ne dispense pas celui-ci de faire valider par l'assemblée générale et de manière annuelle cette rémunération.

Or, aucune délibération n'a été rendue en ce sens, peu important que la société n'ait été constituée que de deux personnes (M. [C] et son épouse).

Ainsi, même si l'examen du montant de la rémunération de M. [C], gérant majoritaire de la société Allpacks, au vu des comptes annuels, révèle qu'elle a été diminuée de moitié d'une année sur l'autre (26 400 euros en 2020 et 46 403 euros en 2019), les investigations réalisées par Maître [X] auprès de l'administration fiscale démontrent qu'aucune rémunération au titre des années 2018, 2019 et 2020 n'a été fiscalisée (sa pièce n° 38).

Enfin, il ressort de l'examen des comptes annuels de la société que le résultat d'exploitation était en chute libre depuis 2018, qu'il s'est considérablement dégradé entre 2019 (- 38 494 euros) et 2020 (-134 509 euros), ce qui aurait dû inciter M. [C] à faire preuve d'une particulière vigilance sur le montant de sa rémunération qui aurait dû, à tout le moins, être avalisée par les assemblées générales annuelles, étant précisé que la société Allpacks devait également supporter financièrement la rémunération de son épouse salariée.

Or, M. [C] reconnaît lui-même dans ses écritures qu'il s'est attribué une rémunération mensuelle moyenne de plus de 4 000 euros entre 2019 et 2021, montant qui est disproportionné compte tenu de la situation financière de la société et non conforme aux dispositions légales, la procédure d'avalisation n'ayant pas été respectée.

Il s'agit également d'une faute de gestion.

Le lien de causalité entre les fautes et le préjudice'et le montant de la condamnation:

Le préjudice est constitué par le dommage subi par la collectivité des créanciers du fait de l'insuffisance d'actif de la société.

Les fautes de gestion retenues par la cour ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société Allpacks en ce qu'elles ont obéré encore davantage une situation financière qui était déjà précaire.

Il n'est pas exigé que les fautes de gestion retenues soient la cause unique de l'insuffisance d'actif mais il suffit qu'elles y aient concouru.

Un dirigeant peut être condamné à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif même si les fautes commises n'en sont que l'une des causes.

La cour dispose néanmoins d'un pouvoir souverain d'appréciation dans la limite de l'insuffisance d'actif pour déterminer le montant de la condamnation qui doit être proportionnée à l'importance des fautes de gestion retenues et à la situation patrimoniale du dirigeant.

Sur ce dernier point, c'est à juste titre que Maître [X] ès-qualités fait valoir que M. [C] ne peut se prévaloir de l'application de l'article L 651-4 du code de commerce pour considérer qu'il n'y a lieu à condamnation.

En effet, cet article ne donne qu'une possibilité au président du tribunal de charger le juge-commissaire ou, à défaut, un membre de la juridiction, d'obtenir des informations sur la situation patrimoniale du dirigeant et il ne s'agit donc pas d'une obligation à la charge du juge consulaire.

Il appartient à M. [C] de justifier de la consistance de son patrimoine et force est de constater qu'il ne produit à l'appui de sa demande aux fins d'être déchargé de toute obligation contributive qu'une déclaration sur l'honneur qu'il a lui-même rédigée le 9 novembre 2022 qui est dépourvue de toute valeur probatoire et qui ne peut raisonnablement faire foi de l'absence de patrimoine , M. [C] ayant eu tout loisir dans le cadre de cette procédure de produire ses déclarations d'impôt récentes.

Compte tenu de ces éléments qui doivent néanmoins prendre en compte les seules fautes de gestion qui ont été retenues ainsi que leur degré de gravité, la cour évalue à 100 000 euros le montant de la condamnation qui doit être mise à la charge de M. [C].

La décision sera infirmée de ce chef.

L'article 700 du code de procédure civile':

La décision sera infirmée.

Succombant en son appel, M. [C] ne peut prétendre à une indemnité à ce titre.

L'équité commande que M. [C], qui reste tenu à contribution , soit condamné à payer à Maître [X] ès-qualités la somme de 4 000 euros pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel.

Les dépens':

La décision sera infirmée en ce que les dépens ont été employés en frais privilégiés de procédure collective, la condamnation étant personnelle à M. [C] et la société liquidée n'ayant pas à en supporter la charge.

M. [C] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel 'avec recouvrement direct au profit de Maître Pinçon par application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire';

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 février 2023 par le tribunal de commerce de Reims.

Statuant à nouveau';

Condamne M. [W] [C] à payer à Maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Allpacks, la somme de 100 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif.

Condamne M. [W] [C] à payer à Maître [X], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Allpacks, la somme de 4 000 euros pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel.

Déboute M. [W] [C] de sa demande à ce titre.

Condamne M. [W] [C] aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct au profit de Maître Pinçon par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente