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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 5 octobre 2023, n° 21/05276

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/05276

5 octobre 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 05 OCTOBRE 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05276 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2ZA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n°

APPELANT

Monsieur [G] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Kamel MAOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B116

INTIMEE

S.A. SERVAIR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 avril 2023 à 9h00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 6 juillet 2023 et prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE':

La société Servair a pour activité l'avitaillement des compagnies aériennes : élaboration de repas, confection et agencement des plateaux repas.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 7 octobre 1999, M. [J] [T] [A] a été embauché par la société Servair en qualité d'employé denettoyage, classe 1, niveau 1, pour une durée de travail à temps complet. A compter du 1er septembre 2004, il est devenu chauffeur chargeur PL, classe A4, coefficient 184 et percevait une rémunération mensuelle brute de base de 1 836,71 euros. De 2013 à 2018, M. [A] a effectué des remplacements temporaires au poste de chargeur ajusteur, position B1, coefficient 206 dans le cadre de l'accord collectif d'entreprise du 28 mai 2004 sur la classification des emplois et le développement professionnel des employés et maîtrise de la société Servair.

Le 12 juillet 2018, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir la communication de diverses pièces, la régularisation de sa situation par positionnement au poste de chargeur ajusteur au niveau B1 coefficient 206 sous astreinte et des dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, pour inégalité de traitement, violation des dispositions conventionnelles et discrimination syndicale.

Par jugement du 23 février 2021 auquel la cour renvoie pour plus ample exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section commerce, a débouté M. [A] de l'ensemble de ses demandes, la société Servair de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [A] aux dépens.

M. [A] a régulièrement relevé appel du jugement le 14 juin 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant n°2 notifiées par voie électronique le 4 avril 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [A] prie la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- ordonner à la société Servair de communiquer :

* pour chaque remplacement temporaire qu'il a effectué, l'identité du salarié remplacé et le motif d'absence,

* la liste des salariés ayant fait fonction de chargeur ajusteur et superviseur chargeur depuis le 1er janvier 2012 jusqu'au 30 septembre 2021 en précisant la durée de ce remplacement, leur emploi habituel, leur évolution de carrière et le cas échéant leur appartenance syndicale,

* la liste des salariés titularisés, embauchés au poste de chargeur ajusteur et superviseur chargeur, depuis le 1er janvier 2012 jusqu'au 30 septembre 2021 en précisant leur ancienneté dans l'entreprise, leur ancienneté au poste de chauffeur chargeur, le cas échéant leur appartenance syndicale, l'offre de mobilité publiée aux fins de pourvoir le poste ainsi que l'entretien annuel d'évaluation précédant la promotion du salarié en cause,

* les plannings de janvier 2018 à septembre 2021 sur lesquels apparaissent les postes de chargeur ajusteur et de superviseur chargeur en distinguant les salariés titulaires et les salariés remplaçants,

- condamner la société Servair à lui verser les sommes de'3 372 brut à titre de rappel de salaires et 337 euros au titre descongés payés pour les remplacements temporaires effectués entre février 2013 et septembre 2016,

- ordonner à la société Servair de régulariser sa situation par son positionnement au poste de chargeur ajusteur ou superviseur chargeur sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Servair à lui verser les sommes de :

*36 182 euros brut à titre de rappel de salaires et congés payés sur la période courant de juillet 2015 à juin 2023,

* 15'000 euros de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles,

* 15'000 euros de dommages-intérêts pour inégalité de traitement et discrimination,

* 15'000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les sommes dues des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018 et ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 5 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions n° 3, notifiées par voie électronique le 18 avril 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Servair prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [A] de toutes ses demandes,

- condamner M. [A] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,

- subsidiairement, limiter le préjudice financier à 25 964,52 euros brut et le rappel de salaire à la somme de 2 322,79 euros brut,

- condamner M. [A] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 avril 2023.

MOTIVATION :

Sur l'inégalité de traitement et la discrimination :

M. [A] soutient qu'il a fait l'objet d'une inégalité de traitement voire d'une discrimination quant au passage au coefficient supérieur et notamment à l'emploi de chargeur ajusteuret que concomittamment à sa saisine de la juridiction prud'homale, il a été écarté des remplacements temporaires alors même qu'ils constituent le prinicpal vecteur d'évolution au sein de la société.

La société Servair conclut au débouté.

En application du principe d'égalité de traitement, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables. Si, aux termes de l'article 1343 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, c'est à lui de démontrer qu'il est dans une situation identique ou similaire à celle du salarié auquel il se compare au regard de l'avantage invoqué et dans ce cas il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

M. [A] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté les dispositions de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transports aériens qu'un jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 16 septembre 2021 a enjoint à la société Servair d'appliquer à l'ensemble de son personnel. Il fait valoir qu'en matière de remplacements temporaires, les articles 7 et 12 de la convention collective prévoient une rémunération pour le salarié remplçant correspondant au coefficient hiérarchique de l'emploi occupé temporairement et que le remplacement d'une durée de six mois offre une priorité d'accès à l'emploi occupé ou à un emploi de cette catégorie.

Plus précisément, il invoque :

- une absence totale d'évolution professionnelle depuis 18 ans,

- des alertes de l'inspection du travail,

- des titularisations anormales,

- une discrimination syndicale,

Sur les titularisations anormales :

M. [A] fait valoir qu'entre septembre 2015 et décembre 2018, 14 titularisations sont intervenues sur le poste de chargeur ajusteur, citant le nom des salariés promus, sans qu'aucune offre de mobilité n'ait été publiée par Servair, en violation selon lui des dispositions conventionnelles, alors que lui-même n'a pas été promu, se comparant précisément à cinq salariés':

- M. [D], entré dans l'entreprise en 2004, titularisé chauffeur chargeur en janvier 2015 et chargeur ajusteur en octobre 2016,

- M. [B], entré dans l'entreprise en 2001, titularisé chauffeur chargeur en juin 2007 et chargeur ajusteur en octobre 2016,

- M. [V], entré dans l'entreprise en 2002, titularisé chauffeur chargeur en avril 2015 et chargeur ajusteur en août 2017,

- M. [Y], entré dans l'entreprise en 2002, titularisé chauffeur chargeur en août 2015 et chargeur ajusteur en juin 2018,

- M. [X], entré dans l'entreprise en 1998, titularisé chauffeur chargeur en novembre 2010 et chargeur ajusteur en juin 2018,

- MM. [R], [F], [U], [P], [Z], chauffeurs chargeurs depuis avril 2004, et promus chargeurs ajusteurs entre mai et novembre 2015,

Il soutient que ces salariés qui occupaient au même niveau de classification que lui le même emploi que lui, justifiaient d'une ancienneté inférieure ou comparable à la sienne, tant dans l'entreprise qu'au poste de chauffeur chargeur, et alors que lui-même bénéficiait d'une durée de 33 mois de remplacements temporaires à ce poste de chargeur ajusteur entre 2013 et 2018, ont été titularisés en raison de leur appartenance syndicale.

Il se compare également à d'autres salariés qui, entrés dans l'entreprise sur des postes de catégorie inférieure à la sienne, postérieurement à lui, (M. [H] en juin 2003, comme agent de quai ; M. [N], en août 2003, comme employé de chaîne ; M. [M], en avril 2008 comme employé de laverie ; M. [S], en avril 2002, comme employé de laverie ; M. [O], en avril 2000 comme agent de quai), ont pourtant été promus chargeurs ajusteurs depuis longtemps.

Il rappelle que l'accord collectif d'entreprise du 28 mai 2004 sur la classification des emplois et le développement professionnel stipule que les promotions doivent s'effectuer dans le cadre de la publication d'offres de mobilité interne et à l'issue d'un processus de sélection formalisé et reproche à l'employeur de ne pas justifier de la publication des offres de mobilité aux fins de pourvoir les postes qui ont été pourvus par les salariés auquels il se compare.

La société Servair conclut au débouté en soutenant que':

- Le remplacement temporaire n'implique pas une titularisation automatique ainsi que cela ressort de l'article 12 de la convention collective,

- les correspondances de l'inspectrice du travail, qualifiées d'alertes par M. [A] ne concernent pas la situation de celui-ci,

- M. [A] a exercé habituellement ses fonctions de chauffeur livreur et entre 2013 et 2018, il a effectué 31 remplacements temporaires qui lui ont permis d'obtenir une prime mais ne pouvaient lui permettre d'obtenir une promotion.

La société fait valoir que c'est à celui qui se prétend victime d'une inégalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare que M. [A] compare sa situation avec celle de 14 autres salariés mais':

- 13 d'entre eux et non 14 ont évolué vers un poste de chargeur ajusteur,

- M. [A] a évolué vers le poste de chauffeur chargeur en septembre 2004,

- les salariés qui ont évolué 'entre 2015 et 2018 sur le poste de chargeur ajusteur avaient une ancienneté dans le poste de chauffeur chargeur plus importante que M. [A] et/ou démontraient une compétence et de aptitudes compatibles avec cette évolution.

La cour considère qu'il est ainsi établi que M. [A] se compare avec des salariés, qui occupant le même emploi de chauffeur chargeur que lui, ayant comme lui effectué des remplacement temporaires au poste de chargeur ajusteur sont placés dans une situation identique ou similaire à la sienne.

Pour démontrer que la titularisation des salariés auxquels M. [A] se compare est justifiée par des raisons objectives tirée de leur ancienneté supérieure ou de leur compétence et de leur aptitude, comme il le soutient, l'employeur verse aux débats

- les courriers de notification de changement d'affectation adressés à 13 des 14 salariés auxquels M. [A] se compare lesquels font apparaître comme le souligne le salarié une promotion à l'emploi de chauffeur ajusteur catégorie B1'206 sauf pour M. [I] qui lui a été nommé «'superviseur chargement, B2'218,

- les fiches carrière des salariés qui selon lui font apparaître que':

* M. [V] auquel le salarié se compare avait une ancienneté dans le poste de 12 ans lors de sa promotion en août 2017 et dans ses écritures M. [A] affirme que M. [V] occupait un emploi de chauffeur chargeur depuis 2004, comme lui. L'employeur soutient qu'il a effectué 35 remplacements temporaires et les bulletins de salaire communiqués font apparaître le versement à 35 reprises d'une prime compensatrice de remplacement.

La cour observe donc que ce salarié avait une ancienneté dans le poste de chauffeur chargeur égale à celle de M. [A] (tous deux occupant l'emploi de chauffeur chargeur depuis 2004), qu'il avait effectué plus de remplacements que lui et a effectivement été titularisé alors que M. [A] ne l'a pas été et considère que ce nombre de remplacements ne constitue pas un critère pertinent et objectif puisque l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction choisissait quels salariés il souhait affecter temporairement au poste de chauffeur ajusteur et qu'il n'est pas justifié des critères de choix et ce d'autant plus que M. [A] se plaint de ne plus effectuer de remplacements temporaires depuis le lancement de son action prudhomale. Par ailleurs, il n'est produit aucun élément sur les compétences respectives de M. [V] et de M. [A].

* S'agissant de M. [Y], l'employeur fait valoir qu'il avait une expérience sur le poste de chauffeur chargeur de plus de 15 ans et non trois ans comme le prétend M. [A] et avait été amené à effectuer 24 remplacements temporaires. La cour relève que M. [A] dans ses écritures soutient qu'il occupait un emploi de chauffeur chargeur depuis 2004,. Les bulletins de salaire font apparaître le versement d'une prime compensatrice de remplacement à 24 reprises. La cour relève donc, comme précédemment que M. [Y] est devenu chauffeur chargeur à la même époque que M. [A], mais après lui et a été titularisé chauffeur ajusteur au contraire de M. [A] après 24 remplacements alors que M. [A] ne l'est toujours pas après 31 remplacements.

* S'agissant de M. [P], l'employeur fait valoir qu'il a été titularisé au poste de chargeur ajusteur alors qu'il avait acquis une expérience sur le poste de chauffeur chargeur de plus de 14 ans et avait effectué 14 remplacements temporaires. La cour observe que dans ses écritures, M. [A] indique qu'il était chauffeur chargeur depuis 2004. La cour en déduit donc que lorsqu'il a été titularisé, il avait une ancienneté dans le poste de chauffeur chargeur égale à celle de M. [A] qui lui n'a pas été titularisé et qu'il avait effectué moins de remplacements que lui (14 d'après l'employeur),

* S'agissant de M. [W], l'employeur explique qu'il a été titularisé sur le poste de chargeur ajusteur en novembre 2018 et qu'il avait été embauché en avril 1991 et avait effectué 25 remplacements temporaires. La cour observe que dans ses écritures, M. [A] indique qu'il occupait l'emploi de chauffeur chargeur depuis 2004.

La cour en conclut que là encore , M. [W] a été titularisé alors qu'il bénéficiait d'une ancienneté dans le poste de chargeur chauffeur égale à celle de M. [A] et qu'il avait effectué moins de remplacements temporaires que lui.

L'employeur soutient que les salariés promus disposaient d'une expérience sur leur dernier poste de travail plus importante que M. [A] mais il ressort des quatre exemples cités ci-dessus auxquels se réfère l'employeur dans ses écritures que, peu importe la date d'embauche du salarié étant observé que seuls M. [R], M. [F], M. [W] et M. [X] bénéficiaient d'une ancienneté supérieure à celle de M. [A] dès lors que l'ancienneté était prise en compte au sein de l'entreprise par l'octroi d'une prime ainsi que cela ressort des bulletins de salaire communiqués pour l'ensemble des salariés. Peu importe également qu'ils aient pu être pour certains d'entre eux embauchés à un niveau de coefficient supérieur à celui de M. [A] puisque que lors de la promotion de ces salariés au poste de chargeur ajusteur, tous bénéficiaient de la même classification et occupaient le même emploi ainsi que cela ressort de leurs fiches de suivi de carrière.

L'employeur fait encore valoir que les salariés promus tels que MM [D], [B], [V], [C] et [X] avait effectué davantage de remplacements temporaires que M. [A] sur les postes de chargeur ajusteur mais la cour observe comme précédemment que cet argument n'est pas pertinent puisque c'est l'employeur qui dans le cadre de son pouvoir de direction décidait d'affecter tel ou tel salarié sur les postes de remplacement et qu'en outre, l'employeur ne justifie pas que tous les salariés promus avaient effectué plus de remplacements que M. [A] ni des raisons objectives l'amenant à choisir d'affecter tel ou tel salarié sur les postes de remplacement ni des niveaux de compétence respectifs des salariés et par ailleurs, à ce jour M. [A] qui a effectué plus de remplacements que M. [K], (20), [C] (29), n'est toujours pas promu.

La cour retient en conséquence de ce qui précède que l'inégalité de traitement alléguée par M. [A] est caractérisée.

Sur la discrimination :

L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit que : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.'

M. [A] fait valoir que constitue une discrimination syndicale le fait de favoriser certains salariés en raison de leur appartenance syndicale et ce au détriment d'autres salariés plus méritants, que la situation de favoritisme a été dénoncée par la CGT ainsi que cela ressort des questions des délégués du personnel du 20 août 2015 et relevée par l'inspecteur du travail dans différents courriers.

La société conteste toute discrimination en faisant valoir que l'article L. 1132-1 du code du travail n'a été instauré que dans le but de protéger les salariés pouvant se prévaloir d'une activité ou d'une appartenance syndicale et rappelle qu'un salarié ne peut se prévaloir d'une discrimination syndicale lorsque l'employeur ignore son activité syndicale. La société soutient que M. [A] qui ne se prévaut d'aucun mandat syndical ou représentatif ni d'aucune activité syndicale ne présente donc pas de faits laissant supposer une discrimination syndicale.

La cour observe que M. [A] ne prétend pas appartenir à une organisation syndicale ni exercer des fonctions représentatives et qu'ainsi, il ne rapporte pas la preuve de l'exercice effectif par lui-même, d'une activité syndicale ou représentative ou militante dont l'employeur aurait eu connaissance, présumée être la source d'une discrimination. La discrimination syndicale alléguée n'est donc pas établie et sa demande de production de pièces adressée à l'employeur afin de préciser l'appartenance syndicale de chacun des salariés promus entre 2012 et 2019, est rejetée.

Sur l'indemnisation du préjudice financier :

M. [A] soutient qu'il aurait dû être positionné au poste de chargeur ajusteur au niveau B1 206 dès le mois de juillet 2015, dès lors que les remplacements qu'il a effectués sur ce poste ne correspondaient pas à un besoin temporaire de l'entreprise mais à un besoin permanent. Comparant la rémunération qu'il a perçue entre juillet 2015 et juin 2023 soit 278 891 euros brut et celle qu'il aurait dû percevoir au titre d'un emploi positionné B1'206, soit 311 784 euros brut il sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 36 182 euros brut correspondant à la différence de rémunération soit 32 893 euros outre 3 289 euros au titre des congés payés.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que'les calculs de M. [A] sont inexacts car ils sont effectués à partir des coefficients hiérarchiques au lieu du salaire mensuel des chargeurs ajusteurs de sorte qu'en réalité sur la base de ces grilles salariales, la différence serait de 25 964,52 euros

La cour observe le préjudice subi au titre de l'inégalité de traitement qu'elle a retenue doit être intégralement réparé de sorte que M. [A] est fondé à réclamer la différence entre la rémunération qu'il a perçue et celle perçue par les salariés auxquels il se compare.

Dés lors, la cour condamne la société Servair à verser à M. [A] une somme totale de 28 560,97 euros correspondant au rappel de salaire et congés payés afférents. Le jugement est infimé en ce qu'il a débouté M. [A] de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles ':

M. [A] soutient que la société Servair n'a pas respecté les dispositions de l'accord collectif d'entreprise dès lors que les remplacements qu'elle lui a fait faire ne correspondaient pas à un besoin temporaire mais à un besoin permament de l'entreprise. De plus, il fait valoir qu'aucune offre n'a été publiée préalablement aux titularisations effectuées contrairement aux prévisions de l'accord collectif. Par ailleurs il souligne qu'il n'a pas fait l'objet d'un entretien professionnel tous les deux ans et enfin il explique que depuis juillet 2018, il n'est plus affecté par la société à des remplacements temporaires.

La société Servair s'oppose à la demande en faisant valoir que l'accord collectif n'excluait le remplacement temporaire d'un titulaire qu'en cas d'absence définitive et que l'insepcteur du travail dont le salarié invoque les courriers dans ses écritures a confondu période probatoire et remplacement temporaire de sorte que le salarié ne peut se prévaloir de la durée des remplacements temporaires effectués pour prétendre que les remplacements temporaires correspondaient à un besoin permament. Elle s'appuie sur une analyse de l'inspection du travail du 13 janvier 2020 qui n'a identifié qu'un seul salarié parmi tous ceux de l'entreprise comme devant être pris en compte dans le collège du poste occupé. Elle ajoute que les remplacements temporaires sont évalués en fonction des besoins de l'activité et souligne que M. [A] ne justifie pas du préjudice allégué.

L'accord sur la classification des emplois et le développement professionnel des employés et maîtrise de Servair du 28 mai 2004 prévoit dans le paragraphe intitué 'cas des remplacements temporaires (page 7) que « Dans le cas des remplacements temporaires, à la demande écrite de la hiérarchie au service ressources humaines, tout remplacement temporaire d'une durée au moins égale à 15 jours consécutifs fait l'objet du versement sur la durée du remplacement d'une prime compensatoire mensuelle. Le montant de cette prime est égal à la différence entre le salaire de positionnement de l'emploi du titulaire 'remplacé' et le salaire de base du salarié 'remplaçant' avec un plafond fixé en tout état de cause à 100 euros bruts. Ce plafond est supprimé à compter du septième mois de remplacement temporaire [']'.

Le paragraphe 'c' du même accord prévoit quant à lui (page10) que : 'Lors du départ temporaire en congés payés, formation, maladie, maternité, accidents de travail ou tout autre motif qui ne justifie pas le remplacement définitif du titulaire d'un emploi, il peut être fait appel à son remplacement par un salarié dont la classe ou l'indice de l'emploi est de niveau inférieur. Temporaire, le remplacement ne pourra ainsi être assimilé à une mobilité ou promotion.'

La cour en conclut que seule la nature temporaire de l'absence permet l'application du dispositif conventionnel.

M. [A] verse aux débats la sommation de communiquer sollicitant pour chaque remplacement temporaire effectué par lui l'identité du salarié remplacé et le motif d'absence. La cour relève que la société Servair s'est abstenue de déférer à cette sommation.

De plus, il est établi par les courriers de notification des promotion susvisés que pendant le temps où M. [A] effectuait des remplacements temporaires, intervenaient 14 titularisations sur des postes de chargeurs-ajusteurs et la société n'a pas souhaité communiquer la justification de la publication des offres d'emploi pourtant prévue par l'accord d'entreprise.

Enfin, il n'est fourni aucune explication par l'employeur sur le fait que M. [A] depuis 2018 est écarté du processus de remplacements temporaires qu'elle qualifie elle-meême de vecteur d'évolution dans l'entreprise.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Servair n'a pas respecté le dispositif conventionnel comme le soutient le salarié. Il en a est résulté pour lui un préjudice qui sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros. La société est condamnée au paiement de cette somme. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [A] de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation du principe de l'égalité de traitement et discrimination :

La cour ayant retenu que M. [A] a été avait été victime d'une inégalité de traitement condamne la société à lui verser la somme de 5 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice moral. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

M. [A] reproche à la société Servair d'avoir exécuté le contrat de travail de façon déloyale en le privant de toute possibilité d'évolution malgré son ancienneté dans l'entreprise.

La société Servair conclut au débouté en faisant valoir que ni la violation alléguée ni le préjudice ne sont justifiés.

La cour rappelle toutefois qu'elle a retenu à la fois la violation du principe de l'égalité de traitement et un détournement des dispositions conventionnelles caractérisant également une exécution déloyale du contrat de travail. Il en est résulté un préjudice distinct pour M. [A] dans la mesure où malgré son ancienneté et les remplacements effectués, il n'a aucunement évolué au sein de l'entreprise en 18 années de présence, lequel sera pleinement réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts. La société est donc condamnée au paiement de cette somme et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [A] de ce chef de demande.

Sur la demande de repositionnement au poste de chargeur ajusteur sous astreinte :

M. [A] fait valoir qu'il aurait dû être titularisé sur le poste de chaffeur chargeur dès lors que le besoin de la société Servair est permanent et que l'employeur a fait obstacle à son évalution de carrière en ne le faisant pas bénéficier d'entretien de carrière tous les deux et en l'écartant des remplacements temporaires depuis 2018.

La société Servair conclut au débouté.

La cour ayant retenu que M. [A] avait été victime d'une inégalité de traitement dès lors que malgré son ancienneté, son expérience et alors qu'elle a un besoin permnent de chaufeur ajusteurs elle n'a pas titularisé M. [A] sur le poste de chargeur ajusteur ordonne à la société Servair de le repositionnet sur ce poste au niveau de classification B1-206 dans le délai de 8 jours à compter du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

Sur la demande de rappel de salaire :

M. [A] sollicite un rappel de salaire sur la période de 2013 à 2016 au titre du changement de convention collective. Il fait valoir que du fait du changement de convention collective, qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 8 février 2023 a déclaré devoir être rétroactif au 1er septembre 1998, il est recevable à réclamer un rappel de salaire puisque le remplacement temporaire doit être rémunéré par référence au coefficient hiérarchique de l'emploi pourvu comme le prévoit la convention collective et non par le paiement d'une simple prime comme le prévoit l'accord d'entreprise.

La société Servair conteste le caractère rétroactif de l'application du changement de convention collective et conclut au débouté en invoquant en outre la primauté de l'accord d'entreprise sur les dispositions de la convention collective en application de l'article L. 2253-1 du code du travail.

C'est au salarié qui revendique l'application d'une convention collective de démontrer que l'activité de l'entreprise relevait du champ d'application de celle-ci à l'époque considérée. Cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce. La cour déboute M. [A] de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les demandes de communication de pièces,

La cour, suffisamment éclairée par la communication de pièces effectuée par les parties a pu trancher le litige sans les pièces réclamées de sorte que la demande est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.

Sur les autres demandes':

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision et ceux portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

La capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343'2 du code civil.

La société Servair, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [A] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [J] [T] [A] de ses demandes de communication de pièces et la société Servair de la demande qu'elle présentait sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Ordonne à la société Servair de positionner M. [J] [T] [A] sur une poste de chargeur ajusteur classification BI 206 dans le délai de 8 jours à compter de la présente décision,

Condamne la société Servair à verser à M. [J] [T] [A] les sommes de :

- 28 560,97 euros à titre de rappel de salaire et congés payés afférents pour la période comprise entre juillet 2015 et juin 2023,

- 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour violation des dispositions conventionnelles,

- 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour pour inégalité de traitement,

- 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté,

Dit que les intérêts au taux légal pourtant sur les créances salariales sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de concliation et d'orientation et que ceux portant sur les créances indemnitaires sont dus à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière,

Déboute M. [J] [T] [A] du surplus de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Servair

Condamne la société Servair aux dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [J] [T] [A] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE