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Décisions

CA Versailles, 19e ch., 25 octobre 2023, n° 22/02123

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/02123

25 octobre 2023

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 OCTOBRE 2023

N° RG 22/02123

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJM5

AFFAIRE :

[C] [N]

C/

SAS STACI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Syndicat SYNDICAT GENERAL DES TRANSPORTS CFDT NORD EST FRAN CILIEN En la personne de sa secrétaire générale dûment habilitée, Madame [W] [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 21/00199

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christophe VIGNEAU

la ASSOCIATION AVOCALYS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [N]

né le 03 Février 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe VIGNEAU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D617

APPELANT

****************

SAS STACI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620, substitué par Maître Louis BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Syndicat SYNDICAT GENERAL DES TRANSPORTS CFDT NORD EST FRAN CILIEN En la personne de sa secrétaire générale dûment habilitée, Madame [W] [K]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : Me Christophe VIGNEAU, Plaidant/Constituét, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D617

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Nouha ISSA,

EXPOSE DU LITIGE.

M. [C] [N] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 18 avril 2016, en qualité de cariste-tri (statut ouvrier, coefficient 128, groupe 5, annexe 1) par la société STACI, pour une rémunération de 1537 euros brut.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

À compter du 1er décembre 2016, M. [N] a été promu dans l'emploi 'd'assistant relation clients' ( statut d'employé, coefficient 148,5, groupe 9, annexe 2), pour une rémunération de 1970 euros brut en dernier lieu.

À compter du 1er mars 2019, M. [N] a été promu dans l'emploi de coordinateur administratif (statut d'agent de maîtrise, coefficient 157,5, groupe 2, annexe 3), pour une rémunération de base de 2058 euros brut et a été affecté au sein du département coordination, composé de sept autres salariés.

À compter de décembre 2019, M. [N] a été désigné comme membre du CSE.

Le 26 mars 2021, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise pour demander la condamnation de la société STACI à lui payer des rappels de salaire ainsi que des dommages-intérêts sur le fondement d'une discrimination illicite et du principe d'égalité de traitement.

À compter de janvier 2022, M. [N] a été nommé dans l'emploi de 'chargé de contrôle facturation transport' dans un autre service pour une rémunération s'élevant en dernier lieu à 2 243 euros.

Par un jugement du 25 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société STACI de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- mis les dépens à la charge des parties par moitié.

Le 4 juillet 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises par le RPVA le 9 juin 2023, M. [N] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et, statuant à nouveau, de :

- fixer sa rémunération brute mensuelle à la somme de 2 988,14 euros à compter du mois d'avril 2019 et à la somme de 3 030,85 euros à compter du mois d'octobre 2020 ;

- condamner la société STACI à lui payer les sommes suivantes :

* 49'320,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2019 à août 2023 à raison d'une discrimination illicite et de la violation de la règle 'à travail égal, salaire égal' , outre 4 932,09 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la règle 'à travail égal, salaire égal' et du principe de non-discrimination ;

- ordonner à la société STACI de lui remettre un bulletin de salaire récapitulatif, sous astreinte de 50 euros par jour ;

- condamner la société STACI à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les sommes allouées porteront intérêts à partir de chaque échéance mensuelle avec capitalisation en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil à partir de la date de la saisine ;

- condamner la société STACI aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises par le RPVA le 26 juin 2023, la société STACI demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes ;

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [N] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions d'intervenant volontaire du 2 septembre 2022, le Syndicat Général des Transports CFDT Nord-Est Francilien demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et de condamner la société STACI à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, outre 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 12 septembre 2023.

SUR CE :

Sur les rappels de salaire pour discrimination illicite et inégalité de traitement et les dommages-intérêts afférents :

Considérant que M. [N] soutient qu'il a été victime d'une discrimination salariale illicite, fondée sur le sexe ou son appartenance syndicale, et d'une inégalité salariale, à compter de sa nomination en mars 2019 comme coordinateur administratif, en ce qu'il a perçu une rémunération moindre que celle de ses septs autres collègues, toutes de sexe féminin, affectées au même poste dans le même service et est demeuré au coefficient 157,5 ; qu'il réclame en conséquence un rappel de salaire sur la période d'avril 2019 à août 2023 calculé sur la base de la moyenne de salaire de ses collègues occupant le même poste, outre les congés payés afférents ; qu'il réclame également des dommages-intérêts à raison de la discrimination et de l' inégalité de traitement invoquées ;

Que la société STACI conclut au débouté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige : ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique' ; qu'en application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge, qui est tenu d'en contrôler concrètement la réalité et la pertinence, les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire, afin que l'employeur apporte à son tour la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence.

Qu'en l'espèce, en premier lieu, il ressort des débats que deux des salariées auxquelles M. [N] se compare (Mmes [O] et [M]) ont des fonctions différentes de responsable de pole administratif et de chargée de mission avec un statut supérieur de cadre ; qu'elles ne sont donc pas dans une situation identique ou similaire ; que dès lors, M. [N] ne présente pas à l'égard de ces deux salariées des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ni ne soumet des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ;

Qu'en deuxième lieu, s'agissant des cinq autres salariées auxquelles M. [N] se compare, il n'est pas contesté que M. [N] percevait, depuis sa nomination en mars 2019 comme coordinateur administratif une rémunération inférieure à ces salariées occupant le même emploi de coordinateur administratif, lesquelles étaient toutes de sexe féminin ; qu'il présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison du sexe, étant précisé qu'il ne présente aucun élément relatif à une discrimination syndicale ;

Que pour sa part, la société STACI verse aux débats divers éléments démontrant que ces cinq salariées ont été embauchées à des dates bien antérieures à celles de M. [N] (entre 20 et 41 années d'antériorité), dans des emplois relevant tous de la catégorie supérieure d'agent de maîtrise et non d'ouvrier et à des salaires d'embauche supérieurs au sien ; qu'elles ont ensuite été nommées dans l'emploi de coordinateur administratif bien antérieurement à M. [N] (entre 4 et 11 années) et en conservant le niveau de classification et le salaire de base qu'elles avaient alors atteints par l'effet des augmentations générales appliquées depuis leur embauche dans l'entreprise (2973,90 euros ; 2450,32 euros ; 2483,20 euros ; 2395,10 euros ; 2324,52 euros) ; qu'elles ont ensuite continué à bénéficier de ces augmentations générales de salaire dans ce poste sur une durée plus longue que celle de M. [N] ;

Que la société STACI démontre ainsi que les différences salariale en litige sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'elle apporte également, par la même, la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette inégalité salariale ;

Qu'il y a donc lieu de débouter M. [N] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination illicite et inégalité de traitement ;

Que le jugement sera confirmé sur ces points ;

Sur la demande de remise d'un bulletin de salaire récapitulatif sous astreinte :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le débouté de ces demandes ;

Sur la demande de dommages-intérêts du syndicat pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucune discrimination illicite ni inégalité de traitement à l'encontre de M. [N] ne sont établies ; qu'il y a donc lieu de débouter le Syndicat Général des Transports CFDT Nord-Est Francilien, intervenant volontaire en appel, de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à intérêt collectif de la profession fondée sur de tels faits ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ces points ; que M. [N] sera condamné à payer à la société STACI une somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ; que le Syndicat Général des Transports CFDT Nord-Est Francilien sera débouté de sa demande de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [C] [N] à payer à la société STACI une somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute le Syndicat Général des Transports CFDT Nord-Est Francilien de sa demande de dommages-intérêts,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [C] [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,