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Décisions

CA Poitiers, ch. soc., 17 août 2023, n° 21/01818

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 21/01818

17 août 2023

MHD/LD

ARRET N° 486

N° RG 21/01818

N° Portalis DBV5-V-B7F-GJLA

[A]

C/

S.A.S. KILOUTOU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 17 AOÛT 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS

APPELANT :

Monsieur [W] [A]

né le 15 Octobre 1973 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas DESHOULIERES de la SAS ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉE :

S.A.S. KILOUTOU

N° SIRET : 317 686 061

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant Me Philippe BROTTIER de la SCPA BROTTIER, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Noémie DUPUIS, substituée par Me Guillaume BAILLOEUIL, tous deux de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocats au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 13 juillet 2023. A cette date le délibéré a été prorogé au 17 août 2023.

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 23 mars 2015, Monsieur [W] [A] a été embauché par la SAS Kiloutou en qualité de responsable d'agence, statut agent de maîtrise.

En dernier état des relations de travail, il percevait une rémunération mensuelle brute d'un montant de 2 200 € brut pour 169 heures de travail mensuel.

Le 30 septembre 2019, il s'est vu remettre en main propre une convocation pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire devant se tenir le 8 octobre 2019.

En raison d'une irrégularité affectant sa convocation, il a été reconvoqué à un entretien préalable par courrier recommandé avec accusé de réception du même jour, pour un entretien préalable devant se tenir le 10 octobre 2019.

Par la même lettre, il a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

Par courrier du 21 octobre 2019, il a été licencié pour faute grave, caractérisée notamment par :

- l'utilisation frauduleuse de faux contrats édités au nom de la société Valvert pour la location de matériels par des équipiers de l'agence, avec des remises tarifaires largement supérieures à celles autorisées pour le personnel de l'entreprise ;

- la location gratuite de matériels de l'agence à un chef de chantier, salarié d'une société cliente de l'agence ;

- la violation des procédures commerciales de la société en réalisant des factures à zéro pour le compte de clients sans aucune justification particulière ;

- la tolérance de pratiques consistant, pour l'un des techniciens de son équipe, à utiliser son temps de travail et les locaux de l'entreprise pour vaquer à ses occupations personnelles.

Par requête du 13 décembre 2019, Monsieur [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers aux fins de voir juger son licenciement comme étant sans cause réelle sérieuse et obtenir les indemnités subséquentes.

Par jugement du 11 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Poitiers a :

- débouté Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Kiloutou de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [A] aux entiers dépens.

Par déclaration électronique en date du 10 juin 2021, Monsieur [A] a interjeté appel de cette décision.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue dans cet état de la procédure le 24 avril 2023.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 6 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [A] demande à la cour de :

- infirmer dans son intégralité le jugement déféré,

- condamner la société Kiloutou au paiement des sommes suivantes :

° 2 601,51 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

° 4 624,92 € bruts à titre d'indemnité de préavis,

° 462,49 € bruts à titre de congés payés afférents,

° 2 095,08 € bruts à titre de la mise à pied conservatoire,

° 209,50 € bruts au titre des congés payés afférents,

° 11 560 € nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 2 000 € nets à titre de dommages intérêts pour procédure vexatoire liée à la demande de reconnaissance de faits par écrit lors de la remise de la convocation à entretien préalable,

- condamner la société Kiloutou au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine et la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Kiloutou aux entiers dépens et frais d'exécution,

- condamner la société Kiloutou au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 6 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société Kiloutou demande à la cour de :

* à titre principal,

- juger que le licenciement de Monsieur [A] est fondé sur une faute grave,

- débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

- condamner Monsieur [A] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* à titre subsidiaire,

- juger que le licenciement de Monsieur [A] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter Monsieur [A] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* à titre infiniment subsidiaire,

- limiter le quantum de l'indemnisation du licenciement de Monsieur [A] à l'équivalent de 3 mois de salaire, soit la somme de 6 000 € bruts,

* en tout état de cause,

- juger que Monsieur [A] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice spécifique lié aux conditions prétendument vexatoires du recueil de ses aveux et de la remise de sa convocation à entretien préalable,

- débouter Monsieur [A] de sa demande indemnitaire à hauteur de 2 000 € nets à ce titre.

MOTIFS DE LA DECISION

I - SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est-à-dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l'aggraver.

L'employeur n'est pas obligé dans la lettre de licenciement de dater les faits reprochés qui doivent seulement y être mentionnés de façon précise et être matériellement vérifiables (Cass. soc. 11/07/2012 n° 10-28.798).

En cas de contestation de la sanction disciplinaire, l'employeur est d'ailleurs en droit d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier du motif énoncé dans la lettre de licenciement, même si ces circonstances de fait ne sont pas mentionnées dans celle-ci (Cass. soc. 15 octobre 2013, n° 11- 18.977).

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement du 21 octobre 2019 que Monsieur [A] a été licencié pour les motifs suivants :

1 - l'utilisation frauduleuse de faux contrats édités au nom de la société Valvert pour la location de matériels par des équipiers de l'agence, avec des remises tarifaires largement supérieures à celles autorisées pour le personnel de l'entreprise ainsi décrite :

'...« Nous avons été informés récemment, par la réception d'une alerte éthique via notre plate-forme anti-corruption, que des faux contrats s'étaient réalisés sur l'agence de [Localité 5] au nom de la société Valvert pour la location de matériels par des équipiers de l'agence.

Fort de ce constat, nous avons mené des investigations qui ont mis en lumière que vous avez toléré et contribué à l'utilisation de ce procédé frauduleux sur votre agence depuis plusieurs mois et à plusieurs reprises pour satisfaire l'intérêt personnel de vos équipes au détriment des intérêts de notre société.

A titre d'exemple, dans le cadre du contrat n°25092356, vous avez fait le départ le 14 juin 2019 à 10h11 et le retour le 24 juin 2019 à 7h35 pour la location de tentes canopy pliables référencées TEN3X6 et CANOPY, de tables rectangulaires référencées TABREC, de chaises pliantes en tissus bordeaux référencées CHABOR et de planchas gaz référencées PLANCH pour le compte de la société Valvert, en sachant parfaitement que le matériel était destiné à l'attaché technico-commercial de l'agence qui avait renseigné le memo « facture à zéro partenariat motocross » au moment de la réservation du matériel le 11 janvier 2019.

Vous avez ainsi accepté que des locations pour du personnel de KILOUTOU soient réalisées sous un faux contrat, et que l'équipier bénéficie d'une remise totale sur la facture, sans vous en inquiéter ni interroger votre équipe sur la raison d'une telle facture à zéro, alors que le memo aurait dû vous alerter. Vous devez ainsi, malgré votre parfaite connaissance de la procédure de location de matériel aux équipiers Kiloutou, contribué directement par la réalisation du départ et retour, et indirectement, par votre abstention de rappeler à l'ordre les équipiers concernés, à ce que du matériel appartenant à notre entreprise sorte de votre agence du 14 au 24 juin 2019,soit pendant dix jours, sous un faux contrat et sans être facturé. Ces faits sont parfaitement inadmissibles.

Une fois encore, le 19 juillet 2019, dans le cadre du contrat n° 26224084, vous avez facturé la location d'une pelleteuse 1.2t chenilles caoutchouc, canopy, référencée PEL13C et une remorque porte engin référencée REM195 pour le client Valvert en sachant pertinemment que ces matériels étaient destinés au conseiller technico-commercial de votre équipe qui a laissé un chèque de caution de 200 euros et dont l'adresse personnelle figurait comme adresse de livraison de votre équipe qui a laissé un chèque de caution de 200 euros et dont l'adresse personnelle figurait comme adresse de livraison au lieu de celle du client.

Pour cette location vous avez enfreint délibérément et vous n'avez pas fait respecter par vos équipes la procédure de location au personnel Kiloutou, en ne vous assurant pas que le matériel ait bien fait l'objet d'une fiche client et d'un contrat au nom de l'équipier et en lui appliquant des remises supérieures à celles dont il était en droit de bénéficier, le tout à l'insu du directeur de groupe d'agences. Vous avez ainsi violé nos règles et procédures internes pour satisfaire les intérêts personnels d'un membre de votre équipe, au détriment des intérêts de notre société, ce que nous ne pouvons à l'évidence admettre.

Il apparaît ainsi clairement que depuis plusieurs mois, vous tolérez que des équipiers louent, sous de faux contrats, dans l'agence dont vous avez la responsabilité, des matériels faisant l'objet de réservations préalables par les équipiers qui en bénéficient au détriment de réservations par de potentiels clients, et avec des remises tarifaires largement supérieures à celles autorisées pour le personnel de l'entreprise. Pire vous contribuez à leurs agissements par diverses actions de type départs/retours matériels ou facturations. ....

Lors de notre entretien, vous nous avez indiqué peu connaître le client Valvert et ignorer que son compte client était utilisé à des fins personnelles par vos équipiers. Vous avez nié totalement votre responsabilité en suggérant que vos codes avaient été utilisés à votre insu, soit à un moment où vous avez laissé la session de l'ordinateur ouverte, soit parce que vous auriez écrit vos codes sur un post-it et laissé ce code sur le comptoir...'

¿ - Sur la prescription :

Monsieur [A] soutient que les faits sont prescrits :

- car l'employeur n'indique pas la date à laquelle il a eu connaissance des faits fautifs rendant ainsi impossible l'examen de la prescription,

- car en tout état de cause, il a été convoqué à un entretien préalable le 30 septembre 2019 alors qu'il apparaît que les deux incidents ont été portés à la connaissance de l'employeur les 20 et 26 juillet 2019.

***

Cela étant, en application de l'article L 1332-4 du code du travail qui prévoit qu' : 'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.', l'employeur qui a connaissance d'une faute commise par un salarié, dispose d'un délai de deux mois pour le convoquer à un entretien préalable ou lui adresser un avertissement et doit même engager la procédure dans un délai restreint lorsqu'il entend le licencier pour faute grave.

Une exception à ce principe existe notamment lorsque l'employeur doit procéder à des vérifications ou une à enquête pour apprécier la gravité des faits (Cass. soc., 14 oct. 1998, n° 96-43.363) et lorsque les faits se poursuivent ou se réitèrent dans le temps.

***

De ce fait, en l'espèce, si effectivement les rapports d'incident litigieux ont été émis les 20 et 26 juillet 2019 alors que le salarié n'a été convoqué que le 30 septembre 2019 à un entretien préalable, il n'en demeure pas moins que les faits qui se sont poursuivis dans le temps en août et septembre 2019, ont justifié une enquête et notamment l'audition de Monsieur [P], salarié impliqué dans l'affaire, qui a reconnu par écrit les faits et a signé ses aveux le 30 septembre 2019, le jour même où Monsieur [A] était convoqué en entretien préalable à son licenciement.

En conséquence, les fautes reprochées au salarié du chef des deux contrats ne sont pas prescrites.

¿ - Sur la faute :

L'employeur rappelle dans ses conclusions :

- que le salarié a édité personnellement, ou permis à certains de ses collaborateurs d'éditer de faux contrats, au nom de la société Valvert, afin de louer du matériel de l'entreprise qui était en réalité loué par l'attaché technico-commercial de l'agence, qui plus est à des conditions tarifaires ne respectant pas la remise sur les locations attribuée au personnel Kiloutou,

- deux exemples de contrat établissent cette pratique totalement contraire aux différentes notes internes relatives aux règles de location aux équipiers.

Il en conclut que de manière réitérée sur plusieurs mois, Monsieur [W] [A] a toléré que des équipiers louent, sous de faux contrats, dans l'agence dont il avait la responsabilité, des matériels qui faisaient l'objet de réservations préalables, avec des remises tarifaires qui excèdent largement le niveau permis pour le personnel de l'entreprise.

Afin d'étayer ses reproches, il produit aux débats :

- en pièces n° 4, 5 et 6 les notes internes relatives aux remises sur les locations au personnel Kiloutou en date des 28 août 2015, 7 juillet 2016 et 23 mai 2019 qui toutes indiquent : ' ...

1. La règle de base reste que la priorité va toujours au client, c'est une évidence. La remise n'est donc applicable que sur des matériels disponibles, non réservés par des clients (')

2. L'utilisateur doit être salarié de Kiloutou, c'est-à-dire titulaire d'un contrat de travail ...Il est le seul habilité à bénéficier de cette remise. Les parents et amis ne bénéficient pas de cette remise : ils sont les bienvenus chez nous au tarif normal.

3. Dans la mesure où la finalité de cette politique de remise aux salariés est de leur apprendre l'utilisation des matériels, la remise n'est pas applicable de façon répétitive. Un même matériel ne pourra donc être loué avec remises plus de 3 fois dans une année ; au-delà, le tarif normal s'applique ...

5. Le montant de la remise salarié est appliqué sur le tarif public TTC, hors toute remise ou offre promotionnelle en cours (disponible mydklik-rubrique les équipiers/ Règlementation équipiers) selon les règles suivantes :

' 50 % sur tous les matériels hors V.U. : multi location (assurance incluse), terrassement, élévation,

' 30 % sur les V.U. ; les rachats de franchise doivent être souscrits impérativement,

' 30 % sur les livraisons ou les ventes de consommables.

Il est ainsi formellement interdit d'appliquer ces remises à un tarif proposé par l'outil de revenu management.

6. Les départs, retours, contrats et factures doivent être faits de façon normale par un autre équipier et les éventuels dégâts aux matériels doivent être facturés systématiquement.

7. Le suivi administratif de ces remises est obligatoire. Les étapes suivantes doivent être respectées :

' Une fiche client doit être systématiquement créée au nom du salarié KILOUTOU, avec le numéro KILXXXX, dans lequel XXXX représente le matricule de l'équipier. ...

' Le calcul du prix par jour après remise est fait à la main et le nombre de jours ne peut pas être changé (le week-end doit être facturé 1,5 jour).

' Le contrat et la facture doivent être signés par le DGA du groupe concerné et archivés de manière distincte des contrats de nos clients.

Si l'utilisation est le responsable d'agence ou un équipier du CoDir région, il doit le faire valider par le DR.

Je rappelle fermement que 'l'emprunt' d'un matériel (location à zéro ou sans contrat ou pour un nombre de jours réduit) est strictement interdit, il s'agirait alors d'un vol qui porte préjudice à l'entreprise et par conséquent aussi aux autres équipiers.(')Les responsables et managers doivent évidemment être exemplaires à cet égard (')'.

- en pièces n°9 et 10 les contrats de location émis les 14 juin et 19 juillet 2019 avec la société Valvert qui établissent que :

° le premier contrat n° 25092356, enregistré au départ le 14 juin 2019 à 10 heures 11 et au retour le 24 juin suivant à 7 heures 35, portait sur des tentes, des tables rectangulaires, des chaises pliantes et des planchas gaz pour le compte de la société Valvert alors qu'en réalité le matériel était destiné à l'attaché technico-commercial de l'agence, Monsieur [T] [P] qui avait renseigné le mémo « facture à zéro partenariat motocross » au moment de la réservation du matériel le 11 janvier 2019,

° le second contrat n° 26224084 a été facturé, le 19 juillet 2019, dans le cadre de la location d'une pelleteuse et d'une remorque porte engin pour le même client Valvert alors que ces matériels étaient destinés au conseiller technico-commercial, Monsieur [B] [N] qui avait laissé un chèque de caution de 200 € sur lequel figurait son adresse personnelle comme adresse de livraison au lieu de celle du client,

- en pièce n° 20 les aveux de Monsieur [T] [P] qui a déclaré : 'le 30 septembre 2019

' Je soussigné (') reconnais sur l'honneur les faits suivants :

° Avoir utilisé à des fins personnelles le code client « Valvert » afin de réaliser des locations personnelles à des tarifs avantageux, voire pour un contrat gratuit

° Valvert est mon oncle par alliance qui a un terrain de motocross

° [B] m'a demandé s'il pouvait utiliser le code client (je lui ai répondu « comme tu veux »)'

- en pièce n° 21 le règlement intérieur de la société Kiloutou qui précise notamment :

'l'emprunt d'un matériel (location à zéro ou sans contrat ou pour un nombre de jours réduit) est strictement interdit... 'Il est interdit de sortir un matériel de location sans contrat de location préalable (') et de faire supporter par l'entreprise des frais engagés à titre privé, qualifiant de tels agissements de « vols ou abus de confiance caractérisés selon les cas constituant une faute pouvant entraîner l'application de l'une des sanctions disciplinaires prévues au présent règlement ..',

- en pièce n° 41 les interventions de Monsieur [W] [A] dans les contrats litigieux.

En réponse, Monsieur [A] soutient en substance :

1 - que s'agissant du contrat de location n° 25092356 du 14 juin 2019, il est faux de soutenir qu'il a fait de fausses factures.

- que c'est si vrai que la facture en question ne comporte à aucun moment son nom et que le contrat a été clos par Monsieur [N],

- que les faits en question, à supposer qu'ils existent, ne lui sont pas imputables,

- que la société ne rapporte pas la preuve qu'il savait que des factures étaient établies au nom de la Société Valvert pour le compte de l'un des salariés de l'agence,

- qu'en effet, Monsieur [P] a agi seul et a utilisé à des fins personnelles le code client Valvert et atteste ne pas l'avoir informé de l'existence de cette manipulation,

- que d'ailleurs, pendant la période des faits reprochés du 14 au 21 juin 2019, il était à l'agence de [Localité 5] pour organiser le déménagement de l'agence, à la demande de Monsieur [K], Directeur Régional, lequel l'avait d'ailleurs chaudement félicité le 27septembre 2019 pour son inauguration.

2 - que s'agissant du contrat de location n° 26224084 du 19 juillet 2019 : il est faux de soutenir qu'il a établi la facture au profit d'un collaborateur, en l'occurrence Monsieur [P],

- que la personne qui a informé le 20 juillet 2019 l'employeur a indiqué que l'incident lui avait été rapporté « par un collègue »,

- que dans le rapport d'alerte, il est précisé : « a téléphoné pour signaler que la PEL13C qu'il avait pris n'avait pas le plein (c'est pour cette raison qu'elle était en panne) et qu'il avait pris mon code pour le contrat mais ne m'avait pas demandé comme j'étais avec un client, j'ai prévenu mon responsable mais pas de réponse' »,

- qu'il en ressort qu'il n'était donc pas à l'origine de la rédaction de cette facture d'autant qu'il n'était pas présent à l'agence de [Localité 5] le 19 juillet, puisqu'il était à l'agence de [Localité 3] dont il était également responsable, pour pallier au manque de personnel pendant la période de congés d'été.,

- que la société ne justifie pas qu'il était informé de l'existence de manipulations sur le compte client Valvert, étant ici précisé qu'il n'avait aucun intérêt personnel à en tirer,

- qu'enfin et surtout, Monsieur [P], bénéficiaire de la location, atteste avoir effectué personnellement les manipulations sur le client Valvert.

Afin d'étayer ses allégations, il s'appuie :

- sur les pièces adverses 12-1, 12- 3, 12-4 et 20 qui sont constituées pour les trois premières par les rapports d'incidents, pour la quatrième par les aveux de Monsieur [P],

- sur ses pièces :

° 9 relative au mel de remerciement du 27 septembre 2019 que lui a adressé Monsieur [K],

° 16 et 17 relative au planning des semaines 36 à 40 et 26 à 30,

***

Cela étant, contrairement à ce que soutient le salarié, les historiques d'intervention sur le logiciel d'exploitation de la société montrent qu'il est directement intervenu sur les contrats litigieux, soit au stade de la création ou du retour du matériel loué et/ou de sa facturation alors qu'au vu de sa fiche de fonction, il était garant, en tant que responsable d'agence, du respect des procédures internes.

En effet, soutenir pour lui qu'il n'était pas présent sur les lieux au moment de la souscription des contrats et de la rentrée du matériel est inopérant dans la mesure :

- où même s'il n'était pas sur les lieux dans l'agence au moment des faits, il n'en demeure pas moins que les souscriptions et facturations ont été émises à partir de son poste,

- où c'est donc - quoiqu'il en dise - avec son accord que ses codes de connexion ont été utilisés,

- où en tout état de cause, il se devait compte tenu de ses responsabilités de vérifier régulièrement les contrats émis à partir de son poste,

- où en tout état de cause, les rapports d'incident mentionnent pour l'un ( pièce 12-1) qu'il a été prévenu du problème par un des salariés et qu'il n'a pas répondu, pour l'autre (pièce 12-2) qu'il était d'accord pour qu'une opération irrégulière se fasse avec le code opérateur de Monsieur [P].

En conséquence, ces faits sont établis.

2 - sur la violation du code anti-corruption en acceptant de louer gratuitement du matériel à un chef de chantier

' ... nous avons découvert que vous aviez enfreint notre code de conduite anti-corruption en acceptant de louer gratuitement du matériel à un chef de chantier.

En effet, le 24 mai 2019, vous avez loué une mini pelle référencée PEL13C et une remorque référencée REM130 à Monsieur [I], Chef de chantier de la Société Eurovia Poitou Charentes Limousin, du vendredi 24 mai 2019 à 18h24 au lundi 27 mai 2019 à 10h12, soit en dehors des horaires de location habituels pour cette entreprise (contrat n° 25861445), en facturant ladite location à zéro (facture n° 23071161). Vous avez tenté de dissimuler cette facturation à zéro en renseignant un mémo faisant état d'un problème hydraulique. Après vérification, il apparaît que le matériel n'est pas passé informatiquement « en panne » et a été reloué normalement du 31 mai au 4 juin2019 sans que le client suivant ne rencontre de problématique particulière. Ces faits constituent une violation caractérisée de notre code de conduite anti-corruption et un manquement grave à vos obligations contractuelles, entrainant un préjudice totalement injustifié pour notre entreprise équivalent à 298 euros H.T. »

¿ - Sur la prescription :

Monsieur [A] soutient que les faits sont prescrits car il a été convoqué à un entretien préalable le 30 septembre 2019 alors qu'il apparaît que les faits relatif à la location à titre gracieux d'un matériel à un client remonte au 24 mai 2019.

***

Cela étant, en application de l'article L 1332-4 du code du travail qui prévoit qu' : 'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.', l'employeur qui a connaissance d'une faute commise par un salarié, dispose d'un délai de deux mois pour le convoquer à un entretien préalable ou lui adresser un avertissement et doit même engager la procédure dans un délai restreint lorsqu'il entend le licencier pour faute grave.

Une exception à ce principe existe notamment lorsque l'employeur doit procéder à des vérifications ou à une enquête pour apprécier la gravité des faits (Cass. soc., 14 oct. 1998, n° 96-43.363).

De ce fait, en l'espèce, si effectivement le fait reproché au salarié s'est produit le 24 mai 2019 alors que le salarié n'a été convoqué que le 30 septembre 2019 à un entretien préalable, il n'en demeure pas moins que les faits qui se sont poursuivis dans le temps en août et septembre 2019, ont justifié une enquête et notamment l'audition de Monsieur [P], salarié impliqué dans l'affaire, qui a reconnu par écrit les faits et a signé ses aveux le 30 septembre 2019, le jour même où Monsieur [A] était convoqué en entretien préalable à son licenciement.

En conséquence, la faute reprochée au salarié du chef d'une location de matériel gratuitement n'est pas prescrite.

¿ - Sur le fond :

L'employeur explique dans ses conclusions :

- que le contrat référencé sous le numéro 25861445, a fait l'objet d'une facturation à zéro (facture n° 25071161) que le salarié a tenté de dissimuler en renseignant un mémo faisant état d'un problème hydraulique alors que le matériel n'est pas passé informatiquement en panne et a été reloué normalement sans que le client suivant ne rencontre de problème particulier,

- qu'un manque à gagner de 298 € H.T. en est résulté par la société,

- que ces agissements constituent une violation du code anti-corruption, dont le respect est prévu par l'article 2.7 du règlement intérieur.

A l'appui de ses allégations, il verse aux débats :

- en pièces n° 7 et 8 les contrats de location émis les 24 et 27 mai 2019 avec la société Eurovia,

- en pièce n° 38 la facture n° 23071161 correspondant au contrat de location n° 25861445,

- en pièce n° 31 l'historique d'entretien du matériel PEL13C010772,

- en pièce n° 33 la facture n° 23124506 correspondant au contrat de location n° 25914179 ,

- en pièce n° 22 le code de conduite anti-corruption Kiloutou,

- en pièce n° 39 le PV de consultation du CE de la société Kiloutou sur le dispositif anti-corruption

- en pièce n° 40 les extraits du PV de consultation du CHSCT de la société Kiloutou sur le dispositif anti-corruption

- en pièce n° 24 le justificatif de la formation au dispositif anti-corruption suivie par le salarié.

En réponse, Monsieur [A] objecte pour l'essentiel :

- qu'il conteste avoir effectué une facture à zéro pour le compte de ce client,

- qu'en effet, le contrat conclu le 24 mai 2019 portant le n° 25861445 qu'il a rédigé était d'un montant de 298 € H.T.,

- que la facture n° 23071161 établie le 27 mai 2019 pour un montant de zéro euro a donc été établie postérieurement et non par lui,

- qu'il n'est pas identifié comme l'auteur de la facture sur ce document,

- que les impressions écran produites aux débats par la société Kiloutou mentionnant bien une intervention pour la clôture le 27 mai 2019 ne sont pas probants puisqu'ainsi qu'il a été rappelé que tous les salariés pouvaient accéder à son poste et que de ce fait la société ne justifie pas que cette facture lui est personnellement imputable.

Afin d'étayer ses allégations, il s'appuie :

- sur les pièces adverses 7, 8 et 41,

- sur sa pièce 7.

***

Cela étant, contrairement à ce que soutient le salarié, il résulte des pièces versées par l'employeur - qu'une facturation à zéro de matériel est intervenue à partir du poste informatique de Monsieur [A] en dehors des horaires habituels de location aux entreprises, comme en témoigne le contrat,

- que cette location a été dissimulée en faisant faussement état d'un problème hydraulique,

- que l'examen de l'historique de l'entretien du matériel mis en perspective avec le contrat de location portant sur ce matériel conclu avec le client suivant le confirme.

Se borner à soutenir pour le salarié que ce n'est pas lui qui a établi cette facturation zéro au motif que tous les salariés pouvaient avoir accès à son poste informatique et à ses codes est inopérant à défaut de tout autre élément, d'autant que ce n'est pas parce qu'il avait établi initialement une facture portant le coût de la location qu'elle ne pouvait pas par la suite être annulée par une manipulation informatique, notamment en faisant état d'un problème hydraulique affectant le matériel.

En conséquence, ce fait est établi.

3- Sur la violation des procédures commerciales à l'occasion de facturation à zéro pour le compte de clients :

' ... le 30 août 2019, vous avez réalisé une facture à zéro dans le cadre de la location d'un théodolite électronique en contrat depuis le 23 mai 2019 pour le client Bovis centre (facture n° 23703410), et déjà facturée à zéro en juillet 2019 (facture n° 23533107), sans aucune justification particulière. Vous avez réitéré cette facturation à zéro pour le mois de septembre 2019 (facture n° 23875207). En aucun cas, vous ne pouvez laisser des matériels appartenant à notre entreprise à disposition des clients sans procéder à leur facturation. Ces faits sont particulièrement graves et entraînent un préjudice totalement injustifié pour notre entreprise s'élevant à environ 1000 euros par mois.

En outre, le 13 septembre 2019, dans le cadre du contrat n° 26506264 pour la location d'une scie sur table 230 V référencée SCIMAT, vous avez réalisé une facture à zéro (facture n°23768365) pour le client particulier [G] [V] au motif « n'a pas fonctionné. Vu avec JP » alors que le contrat a pourtant été prolongé à deux reprises, le 5 septembre jusqu'au 6 septembre 2019, et le 9 septembre jusqu'au 10 septembre 2019.Vous avez également réalisé un avoir total (n° 23768383) afin d'annuler la première facture n° 2375025 réalisée par l'un de vos équipiers. Vous avez ainsi offert l'équivalent de cinq jours de location à ce client, au détriment des intérêts de notre société. »

L'employeur explique dans ses conclusions :

- que pour le contrat n° 6506264 portant sur la location par Monsieur [G] [V] d'une scie sur table (SCIMAT), en principe louée 141 € H.T. la journée, Monsieur [W] [A] a réalisé une facturation à zéro (facture n° 23768365) ,

- que pour justifier cette facturation à 0, il a renseigné le mémo suivant : « N'a pas fonctionné, Vu avec JP »,

- que l'historique des interventions concernant la location de ce matériel démontre que c'est bien Monsieur [W] [A] qui a créé la facture du contrat, créé différentes notes et émis un avoir à destination de ce client,

- que de la même façon, il a émis une facture à 0 pour la location d'un théodolite électronique loué par le client Bovis Centre depuis le 23 mai précédent (Facture n° 23703410) alors que cette « location » aurait dû être facturée 104,00 € par jour, sur une période de 22 jours pour le seul mois d'août (période de location du 1er au 31 août 2019) et qu'il avait déjà facturé à 0 le même matériel pour la période du 1er au 31 juillet 2019, et a réitéré ensuite l'opération sur tout le mois de septembre 2019.

Afin d'étayer ses allégations, il verse :

- en pièce n° 11 la facture émise le 13 septembre 2019 à destination de Monsieur [G] [V],

- en pièce n° 27 le contrat de location n° 23768364,

- en pièce n° 25 la facture correspondant au contrat n° 23768364,

- en pièce n° 23 la capture d'écran du mémo renseigné par le salarié s'agissant du contrat n° 23768364,

- en pièce n° 26 l'historique d'intervention sur la location de la scie sur table SCIMAT.

En réponse, Monsieur [A] objecte pour l'essentiel :

- que son nom n'apparaît à aucun moment s'agissant des factures n° 238752207 et n° 23533107 du 30 août 2019,

- que s'agissant de la facture n° 23768365 du 10 septembre 2019 il y a lieu de préciser que Monsieur [G] [V] est un ami de Monsieur [C] [P], qu'à la demande de ce dernier, il lui a loué le matériel le 5 septembre 2019, que plusieurs jours après Monsieur [V] est revenu pour se plaindre que la scie ne fonctionnait pas, que Monsieur [P] l'a alors informé du problème et de ce fait, il a écrit : 'N'a pas fonctionné. Vu avec JP ([C])', que Monsieur [P] a été informé de chacune de ces étapes, qu'il a été vu avec lui de ne pas facturer le client, qu'à l'époque il s'agissait d'un non-événement approuvé par sa hiérarchie et que si la Société Kiloutou avait estimé qu'il avait « manqué gravement à ses obligations contractuelles » elle aurait dû le sanctionner en conséquence et non lui envoyer un mail de félicitations le 27 septembre 2019,

***

Cela étant, contrairement à toutes les explications que donne le salarié :

- les captures d'écran établissent que pour la facture n° 23768365, toutes les opérations émanent de son poste,

- il a établi une facture à zéro et par ailleurs un avoir pour pouvoir annuler les 2 factures précédentes établies par lu lors des deux prorogations de location,

- il ne démontre par aucun élément qu'il a agi avec l'accord de sa hiérarchie et qu'un lien existe entre le classement sans suite de la plainte pour harcèlement moral déposée par Monsieur [D] à son encontre et les faits qui lui sont reprochés présentement, qu'autrement dit, Monsieur [D] a voulu se venger de lui.

En conséquence, à défaut d'élément contraire pertinent, ce fait est établi.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le salarié, il résulte des pièces versées par l'employeur qu'une facture à zéro (23703410) a été émise pour un théodolite électronique loué par Bovis centre à partir de son poste informatique alors qu'elle aurait dû être facturée 104 € par jour sur une période de 22 jours pour le seul mois d'août et qu'elle avait déjà été facturée à 0 en juillet et l'aurait été également pour septembre.

Se borner à soutenir pour le salarié que ce n'est pas lui qui a établi cette facturation zéro au motif que tous les salariés pouvaient avoir accès à son poste informatique et à ses codes est insuffisant à défaut de tout autre élément.

En conséquence, ce fait est établi.

4 - sur la tolérance d'agissements personnels commis par un membre de son équipe sur ses temps et lieu de travail :

« Ce n'est malheureusement pas le seul manquement que nous avons à vous reprocher.

En effet, nous avons appris que depuis plusieurs mois et notamment les 2 et 3 septembre 2019, un des techniciens de votre équipe utilisait son temps de travail et les locaux de l'entreprise pour vaquer à ses occupations personnelles. Vous le laissez ainsi réparer des motos pendant ses horaires de travail, avec le matériel Kiloutou mis à sa disposition par la société, dans l'atelier destiné à la réparation des matériels de l'entreprise. Vous ne pouvez en aucun cas tolérer ce type de pratique sans reprendre l'équipier et lui rappeler les règles en vigueur dans l'entreprise. Votre inaction fait courir des risques injustifiés à l'entreprise en cas de survenance d'un accident, et cause un préjudice à l'entreprise dès lorsque l'équipier concerné est rémunéré alors qu'il ne réalise pas de prestation de travail pour la société. » (Pièce n°7)

L'employeur explique dans ses conclusions :

- que Monsieur [W] [A] a permis à l'un des techniciens de son équipe, Monsieur [H] [X], de réparer des motos pendant ses horaires de travail, avec le matériel Kiloutou mis à sa disposition par la société, dans l'atelier destiné à la réparation des matériels de l'entreprise,

- que Monsieur [X], qui n'était pas directement concerné par l'alerte éthique, a été ultérieurement reçu en entretien préalable à la notification d'une mise à pied de 2 jours en date du 23 octobre 2019.

En réponse, Monsieur [A] objecte pour l'essentiel :

- qu'il n'était pas présent à l'agence les 2 et 3 septembre 2019,

- qu'il ignorait que Monsieur [X] utilisait le matériel de l'agence à des fins personnelles,

- qu'en tout état de cause, la société ne justifie pas de la réalité des faits.

***

Cela étant, contrairement à ce que soutient le salarié :

- les plannings des semaines 36 à 40 de l'année 2019 versés par l'employeur établissent qu'il était présent à l'agence les2 septembre de 7h30 à 12h00 et de 14h00 à 17h00 et 3 septembre de 7h30 à 12h00 et de 14h00 à 17h30,

- qu'il a donc vu les agissements de Monsieur [X], dont la réalité est attestée parle courrier remis en main propre à ce dernier le 23 octobre 2019 par l'employeur pour lui notifier une mise à pied disciplinaire.

Contrairement encore à ce qu'il soutient, la société ne s'est pas constituée une preuve à elle-même dans la présente procédure en délivrant une mise à pied disciplinaire à Monsieur [X] dans la mesure où elle n'a fait qu'exercer son pouvoir de sanction à l'encontre dudit salarié fautif.

En conséquence, à défaut de tout élément contraire sérieux, ce fait est établi.

5 - En conclusion :

Ces faits, qu'ils soient pris isolément ou dans leur ensemble, constituent des fautes graves rendant impossible le maintien du salarié dans la société et justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.

En effet, en raison de son statut de responsable d'agence, Monsieur [A] devait faire respecter et respecter lui-même les procédures internes de la société qui étaient consultables en agence et sur le portail informatique interne de la société, comme rappelé dans son contrat de travail.

Ainsi, il devait veiller au respect et respecter lui - même toutes les notes internes qui interdisaient la location à 0 ou sans contrat ou pour un nombre de jours réduit.

Contrairement aux obligations professionnelles auxquelles il était tenu de par sa qualité de responsable d'agence et qui lui avaient été rappelées lors d'une formation anti-corruption qu'il avait suivie le 28 mars 2019, soit juste quelques mois avant les faits, il n'a pas hésité à faire primer la satisfaction des intérêts personnels de certains clients ou de certaines relations sur l'intérêt de la société, vis-à-vis de laquelle il était tenu à une obligation de loyauté, n'hésitant pas à lui faire subir un manque à gagner non négligeable.

Contester pour le salarié - pour se dédouaner des faits - les aveux qu'il a faits par écrit le 30 septembre 2019 en soutenant :

- que le prétendu courrier aux termes duquel il aurait reconnu les faits qui lui sont reprochés lui a été extorqué,

- que c'est sous la contrainte qu'il a été forcé de le signer alors qu'il avait été préparé en amont et dicté le 30 septembre 2019 par la société,

- qu'il n'a pas hésité à le contester dès le lendemain en invoquant les conditions dans lesquelles il avait été rédigé,

est inopérant dans la mesure où l'ensemble des pièces versées par l'employeur établit les faits qui lui sont reprochés sans avoir à s'appuyer sur ses déclarations.

De même, soutenir pour le salarié que Monsieur [P] ne l'a jamais mis en cause et en déduire que de ce fait aucun grief ne peut lui être fait est inopérant dans la mesure où il ne démontre pas que la question de sa participation aux faits a été posée à Monsieur [P] qui de surcroît ne témoignait pas dans le cadre d'une enquête de police mais devait uniquement répondre à son employeur de ses agissements personnels dans le cadre de la procédure de licenciement qui le visait.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de toutes ses prétentions.

II - SUR LES DOMMAGES INTERETS POUR PROCEDURE VEXATOIRE :

Monsieur [A] soutient :

- quil faut imaginer le stress dans lequel il était lorsqu'il lui a été demandé de rédiger un courrier dans lequel il reconnaissait les faits que son employeur lui reprochait,

- qu'il est impossible qu'il ait pu de mémoire, sans qu'on lui remette le moindre document, apporter les précisions qu'il a données, comme le numéro des contrats ou leur date d'effet, remontant à plus de 3 mois.

- qu'il est évident que ce courrier lui a bien été extorqué,

- qu'au cours de cet entretien il a été menacé d'un dépôt de plainte pénale à son encontre, d'un placement en garde à vue par la police et de devoir ensuite expliquer à ses enfants pour quelles raisons il avait été emmené menotté devant tous les salariés de l'agence,

- qu'une personne qui était présente lors de cet entretien et qu'il ne connaissait pas, Monsieur [Z], lui a proposé de ne pas appeler la police s'il acceptait de rédiger un courrier relatant les faits à sa charge,

- que ce courrier lui a donc été dicté et sous la menace il l'a signé,

- qu'il n'a pas manqué de revenir sur ce courrier et d'expliciter les pressions dont il avait fait l'objet dès le lendemain,

- que lorsqu'il est revenu sur le sujet lors de son entretien préalable le 10 octobre 2019, Monsieur [U] [K], Directeur Régional, a éludé la question.

***

Cela étant :

- le salarié ne rapporte aucun commencement de preuve pouvant étayer ses allégations,

- il résulte des pièces versées par l'employeur que son audition s'est déroulée le 30 septembre 2019 devant témoins selon des modalités qui n'appellent aucune critique comme en attestent :

° Madame [J] [F], qui a assisté à l'entretien du 30 septembre 2019 à l'agence de [Localité 5] entre Monsieur [W] [A] et Monsieur [M] [Z], directeur contrôle et sûreté et qui a expliqué que 'le salarié a aussitôt avoué les faits qui lui étaient reprochés, l'entretien s'est déroulé dans le calme, le ton n'est jamais monté .. Monsieur [Z] avait demandé à Monsieur [A] de rédiger une attestation des faits qu'il avait avoués, ce qu'il a fait sans subir aucune pression'... (pièce n° 18 du dossier de l'employeur),

° Madame [E] [Y], qui a également assisté à cet entretien, qui expose que Monsieur [W] [A] a 'reconnu oralement les faits suivants : ... [W] [A] a reconnu et écrit les faits cités ci-dessus sans contrainte ni menace'.

Même si l'employeur a pu exposer au salarié qu'il pouvait déposer plainte et lui a expliqué les suites possibles d'une éventuelle procédure pénale, il n'en demeure pas moins que cela n'établit pas pour autant les menaces et les pressions dont il dit avoir été victime.

En conséquence, il convient de débouter ce dernier de sa demande de dommages intérêts pour procédure vexatoire.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé de ce chef.

III- SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens doivent être supportés par Monsieur [A] qui succombe dans l'intégralité de ses prétentions.

***

Il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 11 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Poitiers,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [A] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE