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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 4 octobre 2023, n° 21/00805

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/00805

4 octobre 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00805 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDARC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 Décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section Encadrement chambre 5 - RG n° F17/03816

APPELANTE

SA SOCIÉTÉ GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Oudard DE PREVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0502

INTIMÉ

Monsieur [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Hélène BOUJENAH, avocat au barreau de PARIS, toque : P323

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 août 1980, M. [W] [J] a été engagé par la société SOCIETE GENERALE en qualité d'auxiliaire employé, l'intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable d'agence. La société SOCIETE GENERALE emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale de la banque.

Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 11 août 2016, à un entretien préalable fixé au 24 août 2016, M. [J] a été licencié pour faute grave suivant courrier recommandé du 5 septembre 2016.

M. [J] ayant saisi la commission paritaire de recours interne de la société SOCIETE GENERALE suivant courrier du 13 septembre 2016, et ce en application des dispositions de l'article 27 de la convention collective nationale de la banque, la commission paritaire s'est réunie le 11 octobre 2016, les membres désignés par la direction ayant indiqué être d'avis que les faits justifient un licenciement pour faute grave, les membres désignés par les organisations syndicales étant d'avis de requalifer le licenciement pour faute grave en faute simple.

Suivant courrier recommandé du 12 octobre 2016, la société SOCIETE GENERALE a confirmé à M. [J] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [J] a saisi la juridiction prud'homale le 19 mai 2017.

Par jugement du 9 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant sous la présidence du juge départiteur, a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple,

- condamné en conséquence la société SOCIETE GENERALE à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 11 172 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 117,20 euros au titre des congés payés y afférents,

- 931 euros au titre du 13ème mois afférent au préavis,

- 54 677,36 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par déclaration du 4 janvier 2021, la société SOCIETE GENERALE a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 11 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2021, la société SOCIETE GENERALE demande à la cour de :

sur l'appel principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande, en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de différentes sommes,

- dire que les fautes invoquées à l'appui de la rupture sont d'une gravité justifiant un licenciement à effet immédiat, sans indemnité ni préavis,

- dire que l'indemnité de licenciement en cas de licenciement disciplinaire est l'indemnité légale de licenciement prévue par l'article R.1234-2 du code du travail applicable à la date de la notification, conformément à l'article 27.2 de la convention collective de la banque,

sur l'appel incident,

- débouter M. [J] de ses demandes au titre des congé payés sur le treizième mois et des intérêts de droit et intérêts capitalisés à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

en tout état de cause,

- débouter M. [J] de ses demandes, fins et prétentions, injustifiées dans leur principe comme dans leur montant,

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 septembre 2021, M. [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de congés payés sur 13ème mois et d'intérêts de droit et capitalisation à compter de la saisine du conseil en application des articles 1231-6, 1344-1 et 1343-2 du code civil,

- condamner la société SOCIETE GENERALE à lui payer les sommes suivantes :

- 93,10 euros au titre des congés payés de 13ème mois afférent au préavis,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts de droit et intérêts capitalisés à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

à titre subsidiaire, sur l'indemnité de licenciement,

- condamner la société SOCIETE GENERALE à lui payer une indemnité légale de licenciement d'un montant de 41 483,17 euros,

en tout état de cause,

- condamner la société SOCIETE GENERALE à lui remettre un certificat de travail, un bulletin de salaire et une attestation POLE EMPLOI conformes à l'arrêt à intervenir,

- débouter la société SOCIETE GENERALE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société SOCIETE GENERALE aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée le 11 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 mai 2023.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

La société appelante fait valoir que le licenciement de l'intimé repose sur des fautes graves qui rendaient impossible son maintien dans l'entreprise, en soulignant que toutes les fautes visées dans la lettre de licenciement reposent sur des abstentions fautives et des faits précis, matériellement vérifiables, graves et établis dans un rapport d'enquête circonstancié du 29 juillet 2016, qu'elles sont toutes imputables au salarié, qui ne conteste pas leur matérialité et qui ne fournit aucune explication permettant de justifier son mépris des instructions en vigueur et le non-respect des règles essentielles. Elle ajoute que le conseil de prud'hommes a commis une erreur manifeste de droit en s'appuyant sur l'absence de complicité de fraude, de corruption ou d'intention malveillante de l'intimé pour écarter l'existence d'une faute grave.

L'intimé réplique que le licenciement pour faute grave n'est pas fondé et qu'il n'a pas commis les fautes lui étant reprochées. Il précise que s'il peut reconnaître une certaine insuffisance professionnelle sans mauvaise volonté délibérée, en sa qualité de directeur d'agence, alors qu'il était aussi soumis à la pression et à l'injonction des objectifs à réaliser, il n'en reste pas moins que les procédures de la société appelante, mises en amont pour contrôler les documents qu'il adressait, ont aussi fait l'objet de dysfonctionnements, alors que sur nombre de pièces remises, il ne pouvait être détecté les faux qui ont été seulement mis en évidence après un contrôle à posteriori. Il sollicite la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement pour

insuffisance professionnelle. Il souligne enfin qu'il avait 55 ans au moment du licenciement et qu'il n'avait jamais reçu le moindre avertissement pendant ses 36 années d'ancienneté au sein de la société.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instructions qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le salarié licencié pour faute grave n'ayant pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :

« ['] Entre février 2015 et mai 2016 vous avez procédé au montage de 20 prêts immobiliers (dont 7 sur votre précédente Agence à [Localité 5]) reposant sur des justificatifs frauduleux (bulletins de salaire, relevés de comptes bancaires).

En dépit de similitudes troublantes entre les situations des clients (couple avec des professions

récurrentes), modèles de fiches de paye et relevés de comptes externes semblables sur certains

dossiers, fonctionnement atypique des comptes, origine de l'apport non clarifié, incohérences entre les remises chèques ou espèces sur les comptes et la situation professionnelle des clients, vous vous êtes affranchi de vérifier auprès des employeurs déclarés par les clients la véracité des informations communiquées.

Quelle que soit la qualité des documents falsifiés, des incohérences pouvaient être relevées à l'analyse des documents dont certains étaient des « copiés-collés ».

Vous aviez pourtant été sensibilisé aux méthodes et outils de lutte contre la fraude documentaire par un mail du 12 mars 2014 émis par le contrôleur des risques de votre entité et votre expérience de responsable d'agence (7 postes depuis votre entrée à Société Générale) aurait dû vous faire réagir face à ces invraisemblances.

De plus, plusieurs des clients concernés par les octrois de prêts à l'agence de [Localité 4] [Localité 6] ne résidaient ni ne travaillaient à proximité de l'Agence.

Il apparaît également, lors des investigations menées par l'audit, que vous avez bénéficié du concours d'intermédiaires à l'identité douteuse, non connus ou identifiés par la direction de la DEC, et rémunérés visiblement par les clients en espèces.

Certains dossiers ont fait l'objet de questions de la part des différents acteurs en charge administrative du dossier et vous avez eu à plusieurs reprises un comportement d'évitement ou de contournement sur les réponses que vous avez apportées.

Après le décaissement des prêts les comptes n'ont enregistré aucune domiciliation de revenus mais des versements à l'origine douteuse qui auraient dû, là encore, vous faire réagir compte tenu de votre expérience.

Vous n'avez pas respecté les règles générales de prévention et de vigilance rappelées dans les

instructions suivantes :

- N° 9428 du 10 août 2014 (octroi de prêts immobiliers)

- N° 20304 du 29 juillet 2014 (obligations relatives à la connaissance du client dans le pôle banque de détail en France).

Ces graves manquements créent ainsi pour Société Générale un risque opérationnel très fort (l'ensemble des dossiers frauduleux s'élève à 3,5 M€).

Enfin, vous avez consulté dans l'outil CONTACT à plusieurs reprises, de juillet 2015 à mai 2016, vos propres comptes et ceux de votre sphère privée en contravention de l'instruction n° 12032 (consultation et utilisation des données clientèle) et accordé à un client particulier un découvert de 25 K€ en janvier 2013 en dehors de vos limites à divers et en contravention de l'instruction n° 20269 du 6 février 2014 (règles d'approbation des crédits au sein des DEC).

Nous confirmons que la gravité des fautes commises dans l'exercice de vos fonctions de responsable de l'Agence de [Localité 4] [Localité 6] (DEC de [Localité 4] La Fayette) où vous êtes affecté depuis le 1er septembre 2015 mais aussi lors de vos précédentes fonctions de responsable de l'agence de [Localité 5] (DEC de [Localité 7]) et reprises dans le rapport d'inspection du 29 juillet 2016 rend impossible votre maintien dans l'entreprise. En conséquence, Société Générale vous notifie votre licenciement pour faute grave en application de l'article 27 de la convention collective. [...] ».

Pour caractériser le comportement du salarié ainsi que l'existence d'une faute grave, l'employeur produit les éléments justificatifs suivants :

- les instructions internes n°20269 du 6 février 2014 (modalités d'exercice des limites de décision de crédit des directions d'exploitation commerciales) et n°12032 du 13 mars 2009 (consultation et utilisation des données clientèle/obligation de confidentialité),

- les entretiens annuels d'évaluation 2014 et 2015 de l'intimé,

- le rapport d'investigation du 29 juillet 2016 établi par la direction du contrôle périodique ainsi que ses différentes annexes.

Il ressort de ces différents éléments, dont aucune autre pièce versée aux débats, mises à part les seules affirmations de principe du salarié, ne permet d'établir le caractère mensonger, déloyal et purement à charge ou le défaut de valeur probante, que l'intimé, en sa qualité d'agent de niveau I depuis le 9 mai 2007, occupant au moment des faits les postes de directeur de l'agence de [Localité 5] (période du 1er septembre 2010 au 1er septembre 2015) puis de l'agence de [Localité 6] à compter du 1er septembre 2015, a procédé au montage de plusieurs prêts immobiliers reposant sur des justificatifs frauduleux, le rapport d'investigation indiquant notamment que malgré des similitudes troublantes entre les situations de clients (couple avec des professions récurrentes), les modèles de fiche de paie et des relevés de comptes externes (deux dossiers montés avec des relevés en tout point identiques exception faite des noms des clients), le salarié s'est affranchi de vérifier auprès des employeurs déclarés des clients la véracité des informations communiquées, et ce alors que dans plusieurs cas, aucun rendez-vous client n'avait été enregistré dans le logiciel CONTACT avec les prospects antérieurement au décaissement des fonds, un grand nombre de ces clients, concernés par les octrois à l'agence de [Localité 6], ne résidant pas et ne travaillant pas à proximité de l'agence. Il apparaît également que plusieurs des dossiers frauduleux ont fait l'objet d'alertes de la part des différents organes de contrôle en place (PSC, direction des Risques des différentes DEC), qui ont été levées suite à des réponses fournies par l'intimé ou ont fait l'objet de contournement de sa part, l'intéressé ayant en outre bénéficié, lors du montage de certains de ces crédits révélés comme frauduleux, du concours d'intermédiaires non connus ou identifiés par la direction de la DEC, visiblement rémunérés par les clients, les différents manquements précités ayant engendré un risque opérationnel très fort pour la banque notamment lié à une exposition aux problématiques de blanchiment sur un nombre significatif de dossiers, le rapport d'investigation concluant notamment qu'en dépit d'instructions précises du groupe, l'intimé a ainsi manqué de professionnalisme et de vigilance lors du montage de crédits immobiliers qui se sont avérés frauduleux par manque de revue critique des documents justificatifs de plusieurs prospects, parfois obtenus par des intermédiaires à l'identité douteuse, et ce alors que des méthodes et des outils de lutte contre la fraude documentaire lui avaient été communiqués par sa hiérarchie dès mars 2014, s'agissant notamment de la lutte contre l'utilisation par les clients de faux bulletins de paie ou justificatifs de domicile.

Il résulte de ces mêmes éléments que l'intimé a procédé à plusieurs reprises, sans motif professionnel établi, à la consultation des comptes ou des informations bancaires de personnes relevant de sa sphère privée personnelle, l'intéressé apparaissant de surcroît avoir accordé à un client particulier un découvert de 25 000 euros en dehors de ses limites d'autorisation, et ce en méconnaissance des instructions précitées.

Si le salarié affirme qu'il ne lui revenait pas de procéder au contrôle des différents justificatifs produits par les clients et que les organismes de contrôle interne de la banque ont manifestement présenté des dysfonctionnements dans le cadre des dossiers de prêt litigieux, il sera cependant observé qu'il résulte des instructions internes n°9428 du 10 août 2014 (octroi de prêts immobiliers) et n°20304 du 29 juillet 2014 (obligations relatives à la connaissance du client dans le pôle banque de détail en France) qu'il était demandé, lors du montage du dossier en agence, de recueillir avec soin tous les éléments d'analyse du risque, d'établir et de faire signer la demande de crédit par le ou les demandeurs et de conserver ce document au dossier, un contrôle de cohérence des pièces justificatives fournies par les clients étant nécessaire, un certain nombre de points devant faire l'objet de vérifications spécifiques s'agissant des relevés bancaires, des documents fiscaux, des bulletins de paie et des attestations employeurs. Il sera par ailleurs constaté que, mises à part ses propres affirmations de ce chef, l'intimé ne justifie pas du fait qu'il aurait effectivement obtenu un accord verbal préalable de sa hiérarchie concernant l'autorisation de découvert excédant ses limites d'attribution.

Au vu de ces différents éléments précis, circonstanciés et concordants, il apparaît que l'appelante justifie de la réalité et de la matérialité des manquements et agissement reprochés à l'intimé, les seules pièces produites en réplique par le salarié n'étant pas de nature à remettre en cause les éléments précités versés aux débats par l'employeur s'agissant du déroulement des faits litigieux ou à établir l'existence de dysfonctionnements dans les procédures de contrôles internes de l'établissement bancaire.

Si l'intimé soutient qu'il ne s'agit en l'espèce que de faits d'insuffisance professionnelle dépourvus de tout caractère fautif, étant rappelé, d'une part, que lorsque l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire dans la lettre de licenciement, la juridiction prud'homale ne peut pas requalifier le licenciement pour faute en licenciement pour insuffisance professionnelle, et, d'autre part, qu'il peut y avoir faute susceptible d'être sanctionnée sur le terrain disciplinaire en matière d'exécution défectueuse de la prestation de travail lorsque ladite exécution défectueuse résulte d'une abstention volontaire du salarié ou d'une mauvaise volonté délibérée de sa part, la cour retient en l'espèce, compte tenu de la récurrence des manquements relevés en matière d'établissement des dossiers de crédits immobiliers et de l'absence manifeste de vérification des éléments justificatifs produits par les clients, et ce alors que l'intéressé avait nécessairement connaissance des différentes directives et consignes internes applicables en la matière, que les manquements litigieux procèdent manifestement d'une abstention volontaire de sa part, le seul fait que le salarié indique avoir été amené à procéder de la sorte dans une logique d'atteinte des objectifs commerciaux lui étant fixés (ou qu'il ait procédé aux consultations litigieuses de comptes bancaires à la demande de membres de sa famille) étant sans incidence de ce chef et n'étant pas de nature à remettre en cause le caractère fautif des faits litigieux.

Dès lors, au vu de l'ensemble des développements précédents, s'il apparaît que les agissements fautifs du salarié sont de nature à justifier son licenciement, la cour estime cependant, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, que les faits fautifs ne revêtent pas, eu égard à l'ancienneté de l'intimé dans l'entreprise et à l'absence de tout antécédent disciplinaire pour des faits identiques ou similaires en plus de 36 années de travail pour le compte de la société appelante, un degré de gravité suffisant pour rendre immédiatement impossible son maintien dans l'entreprise et le priver ainsi de ses indemnités de rupture.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave du salarié en licenciement pour faute simple.

Sur les conséquences financières de la rupture

En application des dispositions des articles L. 1234-1 et suivants ainsi que R. 1234-1 et suivants du code du travail outre celles de la convention collective nationale de la banque, la cour confirme le jugement en ce qu'il a accordé au salarié, sur la base d'une rémunération de référence de 3 724 euros, une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 11 172 euros (correspondant à un préavis d'une durée de 3 mois) outre 1 117,20 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi qu'une somme de 931 euros à titre de rappel de 13ème mois sur la période de préavis, cette dernière somme étant exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés en ce que le treizième mois de salaire est calculé pour l'année entière, périodes de travail et de congé confondues, ainsi que cela résulte de l'article 39 de la convention collective nationale de la banque selon lequel les salaires de base annuels sont versés en treize mensualités égales, de sorte que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de congés payés sur rappel de 13ème mois au titre du préavis.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, en application de l'article 27 de la convention collective nationale de la banque relatif aux licenciements pour motif disciplinaire, le salarié étant uniquement en droit de percevoir, dans cette hypothèse et en l'absence de faute grave, l'indemnité légale de licenciement (et non l'indemnité conventionnelle prévue par l'article 26 de la convention collective), la cour accorde au salarié une indemnité de licenciement d'un montant de 41 483,17 euros, et ce par infirmation du jugement de ce dernier chef.

Sur les autres demandes

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus, et ce par infirmation du jugement.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, et ce par infirmation du jugement.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à verser au salarié, au titre des frais exposés en cause d'appel non compris dans les dépens, la somme supplémentaire de 2 500 euros, la somme accordée en première instance étant confirmée.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement sauf sur le montant de l'indemnité de licenciement et en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes afférentes aux intérêts ainsi qu'à leur

capitalisation ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société SOCIETE GENERALE à payer à M. [J] la somme de 41 483,17 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société SOCIETE GENERALE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code

civil ;

Ordonne à la société SOCIETE GENERALE de remettre à M. [J] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

Condamne la société SOCIETE GENERALE à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute M. [J] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société SOCIETE GENERALE du surplus de ses demandes reconvention-

nelles ;

Condamne la société SOCIETE GENERALE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT