Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 10, 2 novembre 2023, n° 23/08947
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRET DU 02 NOVEMBRE 2023
(n° 576, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08947 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHUPZ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Avril 2023 -Juge de l'exécution de PARIS RG n° 23/641
APPELANTS
SOCIETE COMMERCIAL BANK GUINEA ECUATORIAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
GUINÉE EQUATORIALE
Représenté par Me Jean-baptiste NGANDOMANE de la SELEURL Jean-Baptiste NGANDOMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0769
Le dossier a été communiqué au ministère public. Madame Marie-Daphné PERRIN, substitut général, a apposé son visa le 06 juillet 2023.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 octobre 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine LEFORT, conseillière, pour le président empéché et par Mme Isabelle-Fleur SODIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La société anonyme de droit équato-guinéen Commercial Bank Guinea Ecuatorial (ci-après dénommée 'la CBGE') a, suivant requête datée du 14 avril 2023, sollicité l'autorisation du juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Paris de pratiquer une saisie conservatoire sur les sommes constituant la quote-part à restituer à la République de Guinée équatoriale de celles dont sera dépositaire l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (ci-après dénommée l'AGRASC), à la suite de la vente par mise en concurrence du bien immobilier situé au [Adresse 1], à [Localité 4], cadastré [Cadastre 3]. Cette vente va intervenir en exécution d'une décision pénale définitive de confiscation immobilière prononcée par la Cour d'appel de Paris en son arrêt du 10 février 2020 à l'encontre de M. [Y] [L] [N] [S]. La CBGE sollicite l'autorisation de mettre en place cette mesure conservatoire pour sûreté, conservation et recouvrement de sa créance d'un montant au principal liquide et exigible de 69.943.788,42 euros à l'encontre de la République de Guinée Equatoriale, outre 70 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les intérêts moratoires soit 3 098 628,22 euros, et subsidiairement les intérêts au taux légal du for (12 651 223,94 euros). La CBGE agit en exécution de la sentence arbitrale de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) du 24 mai 2009, signifiée à la République de Guinée Equatoriale, sentence arbitrale ayant reçu l'apposition de l'exequatur par une décision du président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 15 juillet 2009, qui a été confirmée par la Cour d'appel de Paris le 18 novembre 2010.
Par ordonnance en date du 21 avril 2023, le juge de l'exécution a rejeté la requête. Il a relevé que l'immeuble avait été confisqué, en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, confirmé sur ce point par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 février 2020, le pourvoi en cassation formé à l'encontre dudit arrêt ayant été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 28 juillet 2021. Il a rappelé que l'article XI de la loi du 4 août 2021 prévoyant que le produit de la cession de ce bien devait être remis à la population de l'Etat étranger concerné, et que ladite loi ne prévoyant pas de restitution du bien confisqué ni de la recette provenant de sa cession, les sommes dont sera dépositaire l'AGRASC n'appartenaient pas et n'appartiendront jamais à la République de Guinée équatoriale.
Le juge de l'exécution ayant refusé de modifier ladite décision, à la suite de la demande de la CBGE en date du 19 mai 2023, par déclaration reçue au greffe du Tribunal judiciaire le 25 mai 2023, celle-ci en a relevé appel, dans les conditions de l'article 953 du code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au ministère public qui y a apposé son visa le 6 juillet 2023.
En ses conclusions notifiées le 5 octobre 2023, la CBGE expose :
- qu'il y a eu atteinte au droit à un procès équitable ; qu'en effet il incombait au juge de répondre à son argumentation, notamment quant à la contradiction existant entre la loi française et les engagements internationaux de la France ; que le juge de l'exécution, en son ordonnance du 21 avril 2023, s'est fondé sur des motifs qui n'avaient pas fait l'objet d'une observation à l'audience ;
- qu'il n'a pas répondu au moyen tiré du contrôle de la conventionnalité de la loi du 4 août 2021 fondée sur l'article 55 de la constitution et sur la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale ;
- que l'ordonnance a été notifiée irrégulièrement par le greffe ; qu'elle n'a jamais été destinataire de l'avis du parquet ;
- que la somme détenue par l'AGRASC est le fruit de la vente d'un bien utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales par la République de Guinée équatoriale ;
- que rien ne permet de supposer que ce bien pourrait être destiné, par la République de Guinée équatoriale, à des fins de service public non commerciales ; que la France a communiqué à cette dernière, le 11 octobre 2011, sa décision de ne pas reconnaître à l'immeuble litigieux le statut de locaux de sa mission diplomatique ;
- que ce bien entretient un lien avec la République de Guinée équatoriale contre laquelle la procédure ayant donné lieu à la sentence a été intentée ; que le prévenu, M. [S], ministre de l'agriculture, a été déclaré coupable du délit de blanchiment et condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, si bien que la justice française a considéré qu'il ne bénéficiait pas de l'immunité diplomatique ;
- que l'avoir revenant à la République de Guinée équatoriale en conséquence de la vente du bien en question ne bénéficie pas du statut protecteur applicable à l'immeuble lui-même ; que ce bien doit être vendu par l'AGRASC ; que cette dernière le reconnaît elle-même, qui en assure la gestion ; que l'Etat français n'a que la propriété temporaire de l'immeuble, le bien confisqué, en l'occurence le fruit de sa vente, ayant vocation à être restitué à l'Etat victime du détournement, soit la République de Guinée équatoriale ;
- qu'une saisie conservatoire peut porter sur une créance conditionnelle ;
- qu'encore que la difficulté n'ait pas été relevée dans l'ordonnance dont appel, elle justifie de la notification à la République de Guinée Equatoriale de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 18 novembre 2010 et de l'ordonnance d'exequatur du 15 juillet 2009 ; qu'en effet l'acte a bien été remis à parquet aux fins de signification, même si elle se trouve dans l'incapacité de justifier de sa notification par voie diplomatique à la débitrice ;
- que les conditions de mise en place d'une mesure conservatoire sont réunies car elle peut invoquer une créance paraissant fondée en son principe, détenant un titre exécutoire, ainsi qu'un péril.
Elle demande en conséquence à la Cour de :
- annuler ou infirmer l'ordonnance entreprise ;
- l'autoriser à faire pratiquer une ou plusieurs saisies conservatoires sur les sommes constituant la quote-part à reverser à la République de Guinée équatoriale des sommes dont sera dépositaire l'AGRASC, à la suite de la vente de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], pour sûreté de la somme de 70 013 788,42 euros en principal outre les intérêts moratoires soit 3 098 628,22 euros + 12 651 223,94 euros ;
- dire que la décision à intervenir sera exécutoire au seul vu de la minute.
MOTIFS
Dès lors que par l'effet dévolutif de l'appel, le litige est soumis à la Cour il y a lieu de le trancher en fonction des règles de droit applicables, quand bien même le premier juge n'aurait-il pas répondu aux divers moyens soulevés par la créancière.
Aux termes de l'article L111-1-1 du code des procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur un bien appartenant à un Etat étranger que sur autorisation préalable du juge par ordonnance rendue sur requête.
L'article L 111-1-2 du même code prévoit que :
Des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée visant un bien appartenant à un Etat étranger ne peuvent être autorisées par le juge que si l'une des conditions suivantes est remplie :
1° L'Etat concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ;
2° L'Etat concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure ;
3° Lorsqu'un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l'Etat concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit Etat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée.
Pour l'application du 3°, sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'Etat à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :
a) Les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'Etat ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales ;
b) Les biens de caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions militaires ;
c) Les biens faisant partie du patrimoine culturel de l'Etat ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;
d) Les biens faisant partie d'une exposition d'objet d'intérêt scientifique, culturel ou historique qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;
e) Les créances fiscales ou sociales de l'Etat.
Au cas d'espèce, par arrêt en date du 10 février 2020, la Cour d'appel de Paris, statuant en appel d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, a prononcé, à titre de peine complémentaire, la confiscation de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 4], au titre de faits de blanchiment ; un arrêt de la Cour de cassation daté du du 28 juillet 2021 a rejeté le pourvoi qui avait été formé à l'encontre de cet arrêt. La mesure de confiscation est donc définitive.
Selon les dispositions de l'article 131-21 du code pénal :
La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse.
Sous réserve du dernier alinéa, la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. Lorsqu'une infraction pour laquelle la peine de confiscation est encourue a été commise en utilisant un service de communication au public en ligne, l'instrument utilisé pour avoir accès à ce service est considéré comme un bien meuble ayant servi à commettre l'infraction et peut être confisqué. Au cours de l'enquête ou de l'instruction, il peut être saisi dans les conditions prévues au code de procédure pénale.
Sous réserve du dernier alinéa, la confiscation porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit.
(...)
La chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolue à l'Etat, mais elle demeure grevée, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers.
(...)
En vertu de l'article 2 XI de la loi du 4 août 2021, dans le cadre de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, et sous réserve de l'article 706-164 du code de procédure pénale, sont restituées, au plus près de la population de l'Etat étranger concerné, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel, le recel de blanchiment ou le blanchiment de recel de l'une des infractions prévues aux articles 314-1, 432-11 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-4, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsque la décision judiciaire concernée établit que l'infraction d'origine a été commise par une personne dépositaire de l'autorité publique d'un Etat étranger, chargée d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou d'une mission de service public d'un Etat étranger, dans l'exercice de ses fonctions, à l'exclusion des frais de justice.
A cette fin, les recettes mentionnées au premier alinéa du présent XI donnent lieu à l'ouverture de crédits budgétaires au sein de la mission « Aide publique au développement », placés sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères, et financent des actions de coopération et de développement dans les pays concernés au plus près des populations, dans le respect des principes de transparence et de redevabilité, et en veillant à l'association des organisations de la société civile. Le ministère des affaires étrangères définit, au cas par cas, les modalités de restitution de ces recettes de façon à garantir qu'elles contribuent à l'amélioration des conditions de vie des populations.
La législation française permet donc la restitution à l'État étranger concerné des avoirs ainsi détournés ou du produit de leur cession, par le biais d'une demande d'entraide judiciaire auprès des autorités françaises, ou celui d'une action de cet État devant les tribunaux français pour faire établir un droit de propriété ou demander réparation, en se constituant partie civile dans une procédure pénale ou en engageant une procédure civile distincte. Jusqu'alors, en l'absence de telles démarches des autorités de l'État d'origine, le produit des biens mal acquis définitivement confisqués par la justice était versé au budget général de l'Etat français.
Ce texte met en place un mécanisme innovant, visant à restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en œuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier. Le nouveau mécanisme français s'accompagne de la création d'un programme budgétaire dédié, géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui recevra les fonds qui seront affectés au financement des projets de développement. Ce programme sera doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis sur le budget général de l'État. Ces cessions seront assurées par l'AGRASC qui opère sous la double tutelle du ministère de la Justice et du ministère de l'Économie, des finances et de la relance.
En l'espèce, la propriété du bien confisqué a été transférée à l'Etat et c'est l'AGRASC qui a vocation à en percevoir le prix de vente. Mais elle n'est pas pour autant débitrice de la valeur dudit immeuble vis-à-vis de la République de Guinée Equatoriale. En effet, en vertu du texte susvisé, c'est dans le cadre d'un programme budgétaire spécial que la restitution des fonds à la République de Guinée équatoriale a vocation à intervenir, et en cet état de la procédure, l'AGRASC n'a pas à les lui remettre.
La CBGE fait valoir que ce texte est contraire à l'article 55 de la constitution, selon lequel les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie, puisqu'il est incompatible avec la Convention des Nations unies contre la criminalité internationale.
L'article 12 de ladite convention prévoit que :
- les États Parties adoptent, dans toute la mesure possible dans le cadre de leurs systèmes juridiques nationaux, les mesures nécessaires pour permettre la confiscation :
a) du produit du crime provenant d'infractions visées par la présente Convention ou de biens dont la valeur correspond à celle de ce produit ;
b) des biens, des matériels et autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour les infractions visées par la présente Convention.
- les États Parties adoptent les mesures nécessaires pour permettre l'identification, la localisation, le gel ou la saisie de tout ce qui est mentionné au paragraphe 1 du présent article aux fins de confiscation éventuelle. Si le produit du crime a été transformé ou converti, en partie ou en totalité, en d'autres biens, ces derniers peuvent faire l'objet des mesures visées au présent article en lieu et place dudit produit.
(...)
- les revenus ou autres avantages tirés du produit du crime, des biens en lesquels le produit a été transformé ou converti ou des biens auxquels il a été mêlé peuvent aussi faire l'objet des mesures visées au présent article, de la même manière et dans la même mesure que le produit du crime.
(...)
- aucune disposition du présent article ne porte atteinte au principe selon lequel les mesures qui y sont visées sont définies et exécutées conformément au droit interne de chaque État Partie et selon les dispositions dudit droit.
Et l'article 14 de cette convention intitulé 'Disposition du produit du crime ou des biens confisqués' prévoit aussi que :
Un État Partie, qui confisque le produit du crime ou des biens en application de l'article 12 ou du paragraphe 1 de l'article 13 de la présente Convention, en dispose conformément à son droit interne et à ses procédures administratives. Lorsque les États Parties agissent à la demande d'un autre État Partie en application de l'article 13 de la présente Convention, ils doivent, dans la mesure où leur droit interne le leur permet et si la demande leur en est faite, envisager à titre prioritaire de restituer le produit du crime ou les biens confisqués à l'État Partie requérant, afin que ce dernier puisse indemniser les victimes de l'infraction ou restituer ce produit du crime ou ces biens à leurs propriétaires légitimes.
Lorsqu'un État Partie agit à la demande d'un autre État Partie en application des articles 12 et 13 de la présente Convention, il peut envisager spécialement de conclure des accords ou arrangements prévoyant :
a) de verser la valeur de ce produit ou de ces biens, ou les fonds provenant de leur vente, ou une partie de ceux-ci, au compte établi en application de l'alinéa c du paragraphe 2 de l'article 30 de la présente Convention et à des organismes intergouvernementaux spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée ;
b) de partager avec d'autres États Parties, systématiquement ou au cas par cas, ce produit ou ces biens, ou les fonds provenant de leur vente, conformément à son droit interne ou à ses procédures administratives.
Il résulte de ces dispositions que si cette convention prévoit un cadre général de restitution des biens mal acquis aux populations étrangères concernées, chaque Etat est libre de fixer lui-même le sort des biens saisis, ou de leur produit de vente. L'article 2 XI de la loi du 4 août 2021 n'est donc pas contraire aux dispositions de la Convention.
La requête de la CBGE a donc été rejetée à bon droit, et l'ordonnance dont appel sera confirmée.
La CBGE sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME l'ordonnance en date du 21 avril 2023 ;
- CONDAMNE la CBGE aux dépens.
Le greffier, Le président,
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRET DU 02 NOVEMBRE 2023
(n° 576, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08947 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHUPZ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Avril 2023 -Juge de l'exécution de PARIS RG n° 23/641
APPELANTS
SOCIETE COMMERCIAL BANK GUINEA ECUATORIAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
GUINÉE EQUATORIALE
Représenté par Me Jean-baptiste NGANDOMANE de la SELEURL Jean-Baptiste NGANDOMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0769
Le dossier a été communiqué au ministère public. Madame Marie-Daphné PERRIN, substitut général, a apposé son visa le 06 juillet 2023.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 octobre 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine LEFORT, conseillière, pour le président empéché et par Mme Isabelle-Fleur SODIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La société anonyme de droit équato-guinéen Commercial Bank Guinea Ecuatorial (ci-après dénommée 'la CBGE') a, suivant requête datée du 14 avril 2023, sollicité l'autorisation du juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Paris de pratiquer une saisie conservatoire sur les sommes constituant la quote-part à restituer à la République de Guinée équatoriale de celles dont sera dépositaire l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (ci-après dénommée l'AGRASC), à la suite de la vente par mise en concurrence du bien immobilier situé au [Adresse 1], à [Localité 4], cadastré [Cadastre 3]. Cette vente va intervenir en exécution d'une décision pénale définitive de confiscation immobilière prononcée par la Cour d'appel de Paris en son arrêt du 10 février 2020 à l'encontre de M. [Y] [L] [N] [S]. La CBGE sollicite l'autorisation de mettre en place cette mesure conservatoire pour sûreté, conservation et recouvrement de sa créance d'un montant au principal liquide et exigible de 69.943.788,42 euros à l'encontre de la République de Guinée Equatoriale, outre 70 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les intérêts moratoires soit 3 098 628,22 euros, et subsidiairement les intérêts au taux légal du for (12 651 223,94 euros). La CBGE agit en exécution de la sentence arbitrale de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) du 24 mai 2009, signifiée à la République de Guinée Equatoriale, sentence arbitrale ayant reçu l'apposition de l'exequatur par une décision du président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 15 juillet 2009, qui a été confirmée par la Cour d'appel de Paris le 18 novembre 2010.
Par ordonnance en date du 21 avril 2023, le juge de l'exécution a rejeté la requête. Il a relevé que l'immeuble avait été confisqué, en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, confirmé sur ce point par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 février 2020, le pourvoi en cassation formé à l'encontre dudit arrêt ayant été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 28 juillet 2021. Il a rappelé que l'article XI de la loi du 4 août 2021 prévoyant que le produit de la cession de ce bien devait être remis à la population de l'Etat étranger concerné, et que ladite loi ne prévoyant pas de restitution du bien confisqué ni de la recette provenant de sa cession, les sommes dont sera dépositaire l'AGRASC n'appartenaient pas et n'appartiendront jamais à la République de Guinée équatoriale.
Le juge de l'exécution ayant refusé de modifier ladite décision, à la suite de la demande de la CBGE en date du 19 mai 2023, par déclaration reçue au greffe du Tribunal judiciaire le 25 mai 2023, celle-ci en a relevé appel, dans les conditions de l'article 953 du code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au ministère public qui y a apposé son visa le 6 juillet 2023.
En ses conclusions notifiées le 5 octobre 2023, la CBGE expose :
- qu'il y a eu atteinte au droit à un procès équitable ; qu'en effet il incombait au juge de répondre à son argumentation, notamment quant à la contradiction existant entre la loi française et les engagements internationaux de la France ; que le juge de l'exécution, en son ordonnance du 21 avril 2023, s'est fondé sur des motifs qui n'avaient pas fait l'objet d'une observation à l'audience ;
- qu'il n'a pas répondu au moyen tiré du contrôle de la conventionnalité de la loi du 4 août 2021 fondée sur l'article 55 de la constitution et sur la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale ;
- que l'ordonnance a été notifiée irrégulièrement par le greffe ; qu'elle n'a jamais été destinataire de l'avis du parquet ;
- que la somme détenue par l'AGRASC est le fruit de la vente d'un bien utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales par la République de Guinée équatoriale ;
- que rien ne permet de supposer que ce bien pourrait être destiné, par la République de Guinée équatoriale, à des fins de service public non commerciales ; que la France a communiqué à cette dernière, le 11 octobre 2011, sa décision de ne pas reconnaître à l'immeuble litigieux le statut de locaux de sa mission diplomatique ;
- que ce bien entretient un lien avec la République de Guinée équatoriale contre laquelle la procédure ayant donné lieu à la sentence a été intentée ; que le prévenu, M. [S], ministre de l'agriculture, a été déclaré coupable du délit de blanchiment et condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, si bien que la justice française a considéré qu'il ne bénéficiait pas de l'immunité diplomatique ;
- que l'avoir revenant à la République de Guinée équatoriale en conséquence de la vente du bien en question ne bénéficie pas du statut protecteur applicable à l'immeuble lui-même ; que ce bien doit être vendu par l'AGRASC ; que cette dernière le reconnaît elle-même, qui en assure la gestion ; que l'Etat français n'a que la propriété temporaire de l'immeuble, le bien confisqué, en l'occurence le fruit de sa vente, ayant vocation à être restitué à l'Etat victime du détournement, soit la République de Guinée équatoriale ;
- qu'une saisie conservatoire peut porter sur une créance conditionnelle ;
- qu'encore que la difficulté n'ait pas été relevée dans l'ordonnance dont appel, elle justifie de la notification à la République de Guinée Equatoriale de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 18 novembre 2010 et de l'ordonnance d'exequatur du 15 juillet 2009 ; qu'en effet l'acte a bien été remis à parquet aux fins de signification, même si elle se trouve dans l'incapacité de justifier de sa notification par voie diplomatique à la débitrice ;
- que les conditions de mise en place d'une mesure conservatoire sont réunies car elle peut invoquer une créance paraissant fondée en son principe, détenant un titre exécutoire, ainsi qu'un péril.
Elle demande en conséquence à la Cour de :
- annuler ou infirmer l'ordonnance entreprise ;
- l'autoriser à faire pratiquer une ou plusieurs saisies conservatoires sur les sommes constituant la quote-part à reverser à la République de Guinée équatoriale des sommes dont sera dépositaire l'AGRASC, à la suite de la vente de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], pour sûreté de la somme de 70 013 788,42 euros en principal outre les intérêts moratoires soit 3 098 628,22 euros + 12 651 223,94 euros ;
- dire que la décision à intervenir sera exécutoire au seul vu de la minute.
MOTIFS
Dès lors que par l'effet dévolutif de l'appel, le litige est soumis à la Cour il y a lieu de le trancher en fonction des règles de droit applicables, quand bien même le premier juge n'aurait-il pas répondu aux divers moyens soulevés par la créancière.
Aux termes de l'article L111-1-1 du code des procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur un bien appartenant à un Etat étranger que sur autorisation préalable du juge par ordonnance rendue sur requête.
L'article L 111-1-2 du même code prévoit que :
Des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée visant un bien appartenant à un Etat étranger ne peuvent être autorisées par le juge que si l'une des conditions suivantes est remplie :
1° L'Etat concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ;
2° L'Etat concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure ;
3° Lorsqu'un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l'Etat concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit Etat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée.
Pour l'application du 3°, sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'Etat à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :
a) Les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'Etat ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales ;
b) Les biens de caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions militaires ;
c) Les biens faisant partie du patrimoine culturel de l'Etat ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;
d) Les biens faisant partie d'une exposition d'objet d'intérêt scientifique, culturel ou historique qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;
e) Les créances fiscales ou sociales de l'Etat.
Au cas d'espèce, par arrêt en date du 10 février 2020, la Cour d'appel de Paris, statuant en appel d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, a prononcé, à titre de peine complémentaire, la confiscation de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 4], au titre de faits de blanchiment ; un arrêt de la Cour de cassation daté du du 28 juillet 2021 a rejeté le pourvoi qui avait été formé à l'encontre de cet arrêt. La mesure de confiscation est donc définitive.
Selon les dispositions de l'article 131-21 du code pénal :
La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse.
Sous réserve du dernier alinéa, la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. Lorsqu'une infraction pour laquelle la peine de confiscation est encourue a été commise en utilisant un service de communication au public en ligne, l'instrument utilisé pour avoir accès à ce service est considéré comme un bien meuble ayant servi à commettre l'infraction et peut être confisqué. Au cours de l'enquête ou de l'instruction, il peut être saisi dans les conditions prévues au code de procédure pénale.
Sous réserve du dernier alinéa, la confiscation porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit.
(...)
La chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolue à l'Etat, mais elle demeure grevée, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers.
(...)
En vertu de l'article 2 XI de la loi du 4 août 2021, dans le cadre de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, et sous réserve de l'article 706-164 du code de procédure pénale, sont restituées, au plus près de la population de l'Etat étranger concerné, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel, le recel de blanchiment ou le blanchiment de recel de l'une des infractions prévues aux articles 314-1, 432-11 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-4, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsque la décision judiciaire concernée établit que l'infraction d'origine a été commise par une personne dépositaire de l'autorité publique d'un Etat étranger, chargée d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou d'une mission de service public d'un Etat étranger, dans l'exercice de ses fonctions, à l'exclusion des frais de justice.
A cette fin, les recettes mentionnées au premier alinéa du présent XI donnent lieu à l'ouverture de crédits budgétaires au sein de la mission « Aide publique au développement », placés sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères, et financent des actions de coopération et de développement dans les pays concernés au plus près des populations, dans le respect des principes de transparence et de redevabilité, et en veillant à l'association des organisations de la société civile. Le ministère des affaires étrangères définit, au cas par cas, les modalités de restitution de ces recettes de façon à garantir qu'elles contribuent à l'amélioration des conditions de vie des populations.
La législation française permet donc la restitution à l'État étranger concerné des avoirs ainsi détournés ou du produit de leur cession, par le biais d'une demande d'entraide judiciaire auprès des autorités françaises, ou celui d'une action de cet État devant les tribunaux français pour faire établir un droit de propriété ou demander réparation, en se constituant partie civile dans une procédure pénale ou en engageant une procédure civile distincte. Jusqu'alors, en l'absence de telles démarches des autorités de l'État d'origine, le produit des biens mal acquis définitivement confisqués par la justice était versé au budget général de l'Etat français.
Ce texte met en place un mécanisme innovant, visant à restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en œuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier. Le nouveau mécanisme français s'accompagne de la création d'un programme budgétaire dédié, géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui recevra les fonds qui seront affectés au financement des projets de développement. Ce programme sera doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis sur le budget général de l'État. Ces cessions seront assurées par l'AGRASC qui opère sous la double tutelle du ministère de la Justice et du ministère de l'Économie, des finances et de la relance.
En l'espèce, la propriété du bien confisqué a été transférée à l'Etat et c'est l'AGRASC qui a vocation à en percevoir le prix de vente. Mais elle n'est pas pour autant débitrice de la valeur dudit immeuble vis-à-vis de la République de Guinée Equatoriale. En effet, en vertu du texte susvisé, c'est dans le cadre d'un programme budgétaire spécial que la restitution des fonds à la République de Guinée équatoriale a vocation à intervenir, et en cet état de la procédure, l'AGRASC n'a pas à les lui remettre.
La CBGE fait valoir que ce texte est contraire à l'article 55 de la constitution, selon lequel les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie, puisqu'il est incompatible avec la Convention des Nations unies contre la criminalité internationale.
L'article 12 de ladite convention prévoit que :
- les États Parties adoptent, dans toute la mesure possible dans le cadre de leurs systèmes juridiques nationaux, les mesures nécessaires pour permettre la confiscation :
a) du produit du crime provenant d'infractions visées par la présente Convention ou de biens dont la valeur correspond à celle de ce produit ;
b) des biens, des matériels et autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour les infractions visées par la présente Convention.
- les États Parties adoptent les mesures nécessaires pour permettre l'identification, la localisation, le gel ou la saisie de tout ce qui est mentionné au paragraphe 1 du présent article aux fins de confiscation éventuelle. Si le produit du crime a été transformé ou converti, en partie ou en totalité, en d'autres biens, ces derniers peuvent faire l'objet des mesures visées au présent article en lieu et place dudit produit.
(...)
- les revenus ou autres avantages tirés du produit du crime, des biens en lesquels le produit a été transformé ou converti ou des biens auxquels il a été mêlé peuvent aussi faire l'objet des mesures visées au présent article, de la même manière et dans la même mesure que le produit du crime.
(...)
- aucune disposition du présent article ne porte atteinte au principe selon lequel les mesures qui y sont visées sont définies et exécutées conformément au droit interne de chaque État Partie et selon les dispositions dudit droit.
Et l'article 14 de cette convention intitulé 'Disposition du produit du crime ou des biens confisqués' prévoit aussi que :
Un État Partie, qui confisque le produit du crime ou des biens en application de l'article 12 ou du paragraphe 1 de l'article 13 de la présente Convention, en dispose conformément à son droit interne et à ses procédures administratives. Lorsque les États Parties agissent à la demande d'un autre État Partie en application de l'article 13 de la présente Convention, ils doivent, dans la mesure où leur droit interne le leur permet et si la demande leur en est faite, envisager à titre prioritaire de restituer le produit du crime ou les biens confisqués à l'État Partie requérant, afin que ce dernier puisse indemniser les victimes de l'infraction ou restituer ce produit du crime ou ces biens à leurs propriétaires légitimes.
Lorsqu'un État Partie agit à la demande d'un autre État Partie en application des articles 12 et 13 de la présente Convention, il peut envisager spécialement de conclure des accords ou arrangements prévoyant :
a) de verser la valeur de ce produit ou de ces biens, ou les fonds provenant de leur vente, ou une partie de ceux-ci, au compte établi en application de l'alinéa c du paragraphe 2 de l'article 30 de la présente Convention et à des organismes intergouvernementaux spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée ;
b) de partager avec d'autres États Parties, systématiquement ou au cas par cas, ce produit ou ces biens, ou les fonds provenant de leur vente, conformément à son droit interne ou à ses procédures administratives.
Il résulte de ces dispositions que si cette convention prévoit un cadre général de restitution des biens mal acquis aux populations étrangères concernées, chaque Etat est libre de fixer lui-même le sort des biens saisis, ou de leur produit de vente. L'article 2 XI de la loi du 4 août 2021 n'est donc pas contraire aux dispositions de la Convention.
La requête de la CBGE a donc été rejetée à bon droit, et l'ordonnance dont appel sera confirmée.
La CBGE sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME l'ordonnance en date du 21 avril 2023 ;
- CONDAMNE la CBGE aux dépens.
Le greffier, Le président,