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Décisions

CA Douai, soc. d salle 2, 20 octobre 2023, n° 21/01914

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 21/01914

20 octobre 2023

ARRÊT DU

20 Octobre 2023

N° 1295/23

N° RG 21/01914 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T57F

LB/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

30 Septembre 2021

(RG 20/00035 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 20 Octobre 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [G] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. COMTECH

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Dorothee FIEVET, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Juillet 2023

Tenue par Virginie CLAVERT et Laure BERNARD

magistrats chargés d'instruire l'affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 Juin 2023

EXPOSE DU LITIGE

La société Comtech exerce une activité de travaux d'installation électrique pour les entreprises, elle est soumise à la convention collective nationale du bâtiment de la région du valenciennois.

M. [S] a été engagé par la société Comtech en qualité d'électricien d'abord par contrat à durée déterminée du 24 novembre 2014 pour une durée de six mois, puis par contrat de travail à durée indéterminée.

Au dernier état des relations contractuelles, il était classé au coefficient 210, niveau III, position 1 de la convention collective applicable.

M. [S] a été victime d'un accident du travail le 17 janvier 2018.

Le 11 juin 2019, le médecin du travail a déclaré M. [S] inapte, avec dispense d'obligation de reclassement.

M. [S] a été licencié pour inaptitude par courrier du 3 juillet 2019.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes le 4 février 2020 afin, principalement, d'obtenir des dommages et intérêts pour discrimination, un rappel de salaire sur heures de conduite, et un rappel d'indemnité de grand déplacement.

Par jugement rendu le 30 septembre 2021 le conseil de prud'hommes de Valenciennes a :

- débouté M. [S] de ses demandes,

- condamné M. [S] aux dépens ainsi qu'à payer à la société Comtech la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 4 novembre 2021.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 3 février 2022 M. [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Comtech à lui payer :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale,

- 2 761,66 euros au titre du rappel de salaire pour les heures de conduite non rémunérées,

- 279 euros au titre du non paiement des frais de déplacement,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Comtech aux dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 28 avril 2022, la société Comtech demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens à hauteur d'appel.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination

M. [S] reproche à son employeur des agissements discriminatoires. Il fait valoir que celui-ci ne lui a pas fait bénéficier, à la différence d'autres salariés, de la mutuelle d'entreprise avant le mois de juillet 2016 et d'un téléphone professionnel avant le 16 octobre 2018, lui occasionnant des frais qu'il n'aurait pas dû exposer.

La société Comtech conteste toute discrimination. Elle soutient que M. [S] n'apporte aucun élément laissant supposer une discrimination ; que notamment il a bénéficié de la mutuelle d'entreprise dès le 4 juillet 2016 avec effet au 1er janvier 2016 ; que s'agissant du téléphone professionnel, il ne démontre pas qu'il a fait l'objet d'un traitement différent de celui de ses collègues.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Conformément à l'article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, il est observé que M. [S], électricien, invoque une discrimination sans préciser sur quel critère de la liste du texte précité il a été discriminé.

Concernant le bénéfice de la mutuelle employeur, les pièces versées aux débats démontrent simplement que le salarié a adhéré à celle-ci courant juillet 2016, avec effet rétroactif au mois de janvier 2016. Il ne démontre pas avoir sollicité son employeur dès 2014 pour en bénéficier ; il ne démontre pas davantage que la majorité de ses collègues en ont bénéficié avant 2016 sans demande de leur part.

Concernant le téléphone professionnel, ni la liste de contacts extraite du téléphone de M. [S] ni les échanges de sms entre celui-ci et ses collègues ne permettent d'établir que ces derniers occupaient des fonctions similaires et ont bénéficié d'un téléphone professionnel dès leur embauche, et notamment avant le 16 octobre 2018.

Ainsi, il n'est pas présenté de faits laissant supposer ou présumer l'existence d'une situation de discrimination ou de rupture d'égalité.

En conséquence, M. [S] sera, par confirmation du jugement entrepris, débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur les heures de conduite

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments à l'appui de sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, M. [S] se prévaut d'heures de conduite non payées entre le mois de décembre 2017 et le mois de février 2019. Il produit les éléments suivants pour étayer sa demande :

- ses bulletins de paie pour la période considérée,

- un relevé d'heures de conduite mensuel établi par ses soins,

- deux fiches hebdomadaires de pointage de l'année 2018,

- un bon d'intervention au sein de la société Boez en Belgique en décembre 2018,

- des factures de livraison de matériel d'électricité pour la société CEBEO en décembre 2018.

Aucun élément postérieur à décembre 2018 n'est produit à l'exception des bulletins de paie et du relevé établi par M. [S].

Les deux fiches hebdomadaires de l'année 2018 ne mentionnent pas, quant à elles les mois concernés.

Le relevé d'heures de conduite non payées versé au débat, mensuel, ne permet pas d'identifier les jours ni les semaines durant lesquels M. [S] a conduit pour se rendre en mission, sans que ces heures soient rémunérées, alors qu'il remplissait normalement une fiche hebdomadaire.

Le salarié n'apporte pas davantage d'élément sur les missions réalisées sur la période considérée, impliquant des heures de conduite à rémunérer.

Il n'est produit qu'un seul pointage pour une mission au sein de la société Boez courant décembre 2018 en Belgique et des factures de livraison en Belgique en décembre 2018 (pour la société CEBEO), sachant que le bulletin de paie du mois de décembre 2018 mentionne le paiement de 18,58 heures de conduite, bien au delà des 7h30 de conduite mentionnées sur le bon d'intervention au sein de la société Boez.

Ainsi, les éléments apportés par le salarié pour étayer sa demande ne sont pas suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre, et pour que la cour soit en mesure de les comparer aux bulletins de paie produits sur lesquels figurent des heures de conduite payées.

Il s'ensuit que le M. [S] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire sur heures de conduite et que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

Sur les indemnités de grand déplacement

M. [S] soutient qu'il a effectué des grands déplacements en mai 2018, juin 2018 et juillet 2018 pour lesquels il n'a pas été entièrement indemnisé (indemnité de repas).

Ses bulletins de paie font en effet apparaître qu'il a été payé du nombre d'indemnité de repas correspondant au nombre de jours de grand déplacement, alors que pour chaque jour de déplacement, deux repas auraient dû être payés (à l'instar des grands déplacement effectués les autres mois).

Ainsi, la société Comtech est bien redevable d'indemnités de repas pour grand déplacement à hauteur de 279 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement de première instance infirmé concernant le sort des dépens et l'indemnité de procédure.

La société Comtech sera condamnée aux dépens de l'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile et condamnéeà payer à M. [S] 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 4 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Valenciennes sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande d'indemnité de repas pour grand déplacement et l'a condamné aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Comtech à payer à M. [S] la somme de 279 euros à titre de rappel d'indemnité de repas pour grand déplacement ;

CONDAMNE la société Comtech aux dépens;

CONDAMNE la société Comtech à payer à M. [S] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL