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Cass. crim., 11 octobre 2023, n° 22-85.904

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. crim. n° 22-85.904

11 octobre 2023

N° D 22-85.904 F-D

N° 01159

GM
11 OCTOBRE 2023

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 OCTOBRE 2023

M. [M] [X] et Mme [T] [X] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 7 septembre 2022, qui a prononcé sur leur requête en incident contentieux d'exécution.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [T] et M. [M] [X], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 2 avril 2014, le juge d'instruction a ordonné, dans le cadre de l'information judiciaire suivie notamment contre M. [M] [X] et Mme [T] [X] des chefs de corruption active, recel et blanchiment aggravé, la remise à l'AGRASC, en vue de son aliénation, d'un véhicule automobile et de ses accessoires, qui avaient été saisis à la suite de l'assassinat de [P] [X], père des requérants.

3. Au terme de l'information judiciaire, M. et Mme [X] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, le premier des chefs de corruption active, recel et blanchiment aggravé, la seconde du chef de corruption.

4. Par jugement du 22 mai 2017, le tribunal correctionnel a renvoyé M. [X] des fins des poursuites exercées à son encontre des chefs de recel et blanchiment aggravé, l'a déclaré coupable de corruption active, l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement, et a ordonné la confiscation de la valeur liquidative du véhicule.

5. Le tribunal a par ailleurs déclaré Mme [X] coupable de complicité de corruption active et l'a condamnée à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende.

6. M. et Mme [X] ont interjeté appel de la décision, puis le ministère public.

7. Par arrêt du 16 octobre 2018, la cour d'appel a renvoyé Mme [X] des fins de la poursuite, a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. [X] et, sur les peines, a réformé le jugement, pour condamner le prévenu à quatre ans d'emprisonnement.

8. La cour d'appel a par ailleurs ordonné la restitution de la valeur liquidative du véhicule « à qui il appartiendra ».

9. Le 7 avril 2021, M. et Mme [X], notamment, en qualité d'ayants droit de [P] [X], ont saisi la cour d'appel d'une requête, afin que la cour statue sur la difficulté d'exécution résultant de la décision rendue le 16 octobre 2018 en désignant à qui et dans quelles conditions devait être restituée la valeur liquidative du véhicule.

10. Le 7 mai 2021, le procureur général près la cour d'appel a également saisi cette juridiction d'une requête en difficulté d'exécution afin que les juges décident à qui le véhicule devait être restitué.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, pris en leur première branche

11. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la requête de M. et Mme [X] en restitution recevable et l'a rejetée, alors :

« 2°/ qu'en se considérant compétente pour statuer sur la requête en incident contentieux introduite par les ayants droit de [P] [X] sur le fondement des articles 484 et 710 du code de procédure pénale qui refusent à la personne qui sollicite la restitution d'un bien toute voie de recours sans motif légitime lorsque la décision sur le fond a été rendue en appel, la cour d'appel qui s'est prononcée en application de textes contraires aux articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 2 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention a privé sa décision de base légale. »

Réponse de la Cour

13. Le moyen est infondé.

14. En effet, d'une part, si les dispositions contestées ne prévoient pas pour la personne qui, poursuivant la restitution d'un objet placé sous main de justice, saisit une juridiction du second degré d'une requête en difficulté d'exécution, la faculté d'interjeter appel de la décision, contrairement à ce qui est prévu en cas de saisine d'une juridiction du premier degré, cette différence de régime juridique se trouve justifiée par la nécessité légitime de saisir de la difficulté la juridiction ayant rendu la décision litigieuse, qui est la plus à même de porter une appréciation à cet égard.

15. D'autre part, la cour d'appel saisie en application de l'article 710 du code de procédure pénale n'a pas le pouvoir de restreindre ou d'accroître les droits qu'elle consacre et de modifier ainsi la chose jugée.

16. Enfin, sa décision est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

17. Il s'en déduit que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 2 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention, en l'état de la déclaration faite par la France lors de la signature de ce texte, selon laquelle l'examen par une juridiction supérieure peut se limiter à un contrôle de l'application de la loi, tel que le recours en cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. et Mme [X] en restitution et a dit qu'en l'état des pièces qui lui sont soumises, la cour n'est pas en mesure de déterminer le bénéficiaire des fonds issus de la vente du véhicule saisi Porsche GT 3S immatriculé [Immatriculation 1] au Grand Duché du Luxembourg, alors :

« 2°/ que la juridiction saisie de la difficulté d'exécution résultant de la décision de restitution est tenue de trancher la contestation relative à la propriété des objets réclamés, lorsque la décision sur la restitution en dépend ; qu'ainsi en rejetant la requête en restitution en valeur du véhicule Porsche GT3S immatriculé au Luxembourg présentée par les ayants droit de [P] [X] au motif que « la cour ne peut (…) déterminer le bénéficiaire de la restitution des fonds issus de son aliénation, de manière à faire cesser cette difficulté d'exécution », lorsqu'il lui appartenait très exactement de trancher la difficulté d'exécution en déterminant le bénéficiaire de la restitution, la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles 481, 484 et 710 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 478, 479, 484 et 710 du code de procédure pénale :

19. Il résulte de ces textes que la juridiction saisie de la difficulté d'exécution résultant de l'indétermination de la personne bénéficiaire de sa décision de restitution d'objets placés sous main de justice, est tenue de trancher la contestation relative à la propriété des objets réclamés lorsque la décision sur la restitution en dépend.

20. Pour rejeter la requête des demandeurs, l'arrêt retient notamment que M. et Mme [X] n'établissent pas leur qualité de propriétaires du véhicule saisi.

21. Les juges ajoutent, pour rejeter la requête présentée par le ministère public, qu'en l'état des seuls éléments portés à sa connaissance, la cour d'appel ne peut, de manière certaine, déterminer le bénéficiaire de la restitution des fonds issus de son aliénation.

22. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de décider, selon les règles du droit civil, qui était le propriétaire du véhicule saisi, afin de déterminer quel devait être le bénéficiaire de la somme d'argent, correspondant à sa valeur liquidative, dont elle avait préalablement ordonné la restitution, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

23. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 septembre 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.