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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 23 août 2023, n° 22/00027

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/00027

23 août 2023

MINUTE N° 375/23

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Anne CROVISIER

Le 23.08.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 23 Août 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/00027 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HXRN

Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

Madame [X] [N] épouse [J]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me BADER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.S. PRINTEMPS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me BOUILLOT, avocat au barrreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame [X] [N] épouse [J] venant aux droits de Monsieur [S] [R] [U] [N], lui-même venant aux droits de Messieurs [S] et [F] [N], est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 1]. La SAS PRINTEMPS venant aux droits de la SA FRANCE PRINTEMPS, venant aux droits de la société LES GRANDES GALERIES, est locataire de cet immeuble depuis 1907, le dernier contrat de location ayant été consenti suivant acte sous seing privé en date du 16 mars 1959.

A la suite des décisions du Tribunal de grande Instance de STRASBOURG du 14 janvier 1986 et de la Cour d'appel de COLMAR du 16 juin 1989, portant sur la fixation du loyer, les parties ont conclu, par acte sous seing privé, un avenant en date des 29 mars 1990 et 14 mai 1990 et un avenant en date du 8 janvier 2003.

Par acte extra-judiciaire en date du 28 juin 2021, la SAS PRINTEMPS a donné congé à Madame [X] [N] épouse [J] pour le 31 décembre 2021, sur le fondement de l'article L.145-4 du code de commerce.

Par courrier en date du 19 juillet 2021, Madame [X] [N] épouse [J] a contesté la validité du congé qui lui avait été adressé par la SAS PRINTEMPS.

Par acte d'huissier en date du 24 août 2021, la SAS PRINTEMPS a assigné Madame [X] [N] épouse [J] devant le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG, pour demander à ce que le bail liant Madame [X] [N] épouse [J] et la SAS PRINTEMPS, soit considéré non pas comme un bail emphytéotique, mais comme un bail commercial perpétuel prohibé, étant donné sa durée de plus de 100 ans et qu'il offre donc la possibilité de le résilier à tout moment et qu'ainsi la résiliation opérée par la SAS PRINTEMPS est valable.

Par un jugement du 16 décembre 2021, le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG a :

Débouté la SAS PRINTEMPS de sa demande tendant à voir réputée non écrite la clause de durée prévue à l'article 3 du bail commercial conclu le 16 mars 1959 modifié par avenants du 29 mars et 14 mai 1990 et 8 janvier 2003.

Constaté la régularité du congé à bail commercial délivré le 28 juin 2021 pour le 31 décembre 2021 par la SAS PRINTEMPS à Madame [X] [N] épouse [J].

Débouté la SAS PRINTEMPS de ses demandes relatives aux travaux de fermeture des communications de l'immeuble loué et à l'indemnité d'occupation.

Débouté Madame [X] [N] épouse [J] de sa demande de paiement du loyer jusqu'au terme contractuel.

Débouté Madame [X] [N] épouse [J] de sa demande indemnitaire.

Condamné Madame [X] [N] épouse [J] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du Code de procédure civile.

Débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

Par une déclaration faite au greffe en date du 28 décembre 2021, Madame [X] [N] épouse [J] a interjeté appel de cette décision.

Par une déclaration faite au greffe en date du 13 janvier 2022, la SAS PRINTEMPS s'est constituée intimée.

Par une requête en communication de pièces en date du 30 novembre 2022 transmise par voie électronique le 1er décembre 2022, la SAS PRINTEMPS a demandé au Conseiller de la mise en état, de condamner Madame [X] [N] épouse [J] à verser aux débats un ensemble de pièces sous astreinte.

Par une ordonnance en date du 3 mars 2023, le magistrat chargé de la mise en état la Cour d'Appel de Colmar a :

Débouté la SAS PRINTEMPS de sa demande en communication de pièces.

Dit que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance en principal.

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure au profit de chacune des parties.

Par ses dernières conclusions en date du 25 avril 2023, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, Madame [X] [N] épouse [J] demande à la Cour de :

Sur l'appel principal :

Dire l'appel bien-fondé.

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de Strasbourg.

Dire et juger que la promesse de bail du 16 mars 1959 et son avenant des 29 mars et 14 mai 1990 constituent un bail emphytéotique.

Dire et juger que ledit bail a une durée ferme de 99 ans.

Dire et juger que la SAS PRINTEMPS ne bénéficie d'aucune faculté de résiliation.

Dire et juger en tout état de cause que la SAS PRINTEMPS a renoncé à la faculté de résiliation triennale édictée par l'article L.145-4 du code de commerce.

En conséquence,

Dire nul et de nul effet le congé de la SAS PRINTEMPS à effet au 31 décembre 2021.

Condamner la SAS PRINTEMPS à payer à Mme [J] le loyer jusqu'au terme contractuel soit jusqu'au 31 décembre 2060.

Subsidiairement, et sauf à ce que la Cour estime devoir ordonner une mesure d'expertise,

Condamner la SAS PRINTEMPS à payer des dommages et intérêts équivalents aux loyers dus jusqu'au terme du 31 décembre 2060.

Débouter la SAS PRINTEMPS de toutes conclusions contraires ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions.

Condamner la SAS PRINTEMPS aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et à payer une indemnité de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile.

Sur l'appel incident de la SAS PRINTEMPS :

Le dire mal fondé.

En débouter la SAS PRINTEMPS.

La condamner aux frais de l'appel incident.

Au soutien de ses prétentions, sur la nature juridique du bail, selon Madame [X] [N] épouse [J], aucune des conventions signées par les parties ne comporte une qualification spécifique pour désigner la nature du bail. Même si la promesse de bail du 16 mars 1959, dans son article 1er, précise que 'le présent bail est un bail exclusivement commercial' pour celle-ci, ledit bail et son avenant des 29 mars et 14 mai 1990 remplissent les deux conditions essentielles du bail emphytéotique.

Sur le second critère de l'emphytéose tiré de la durée de jouissance des droits conférés, Madame [X] [N] épouse [J] fait valoir que, certes la promesse de bail du 16 mars 1959 prévoit une durée du 1er janvier 1962 au 31 décembre 2061, mais pour autant par acte authentique reçu le 18 juillet 1959 par Maître [T], notaire à [Localité 6], a été rectifiée la date de durée du bail litigieux comme suit : 'commence à courir à partir du 1er janvier 1961 et expire le 31 décembre 2060'. Cette dernière précise également que l'article 3 du bail indique une durée ferme du bail pour 99 ans et l'absence de possibilité de résiliation anticipée, sauf pour le bailleur en cas d'impayés des loyers.

Sur le mal fondé des moyens de la SAS PRINTEMPS, selon Madame [X] [N] épouse [J], aucun des motifs retenus par la décision entreprise, ni des autres invoqués par la SAS PRINTEMPS, ne justifient la qualification de bail commercial. Dès lors, Madame [X] [N] épouse [J] demande à la Cour de réformer la décision entreprise et de qualifier le bail de 'bail emphytéotique', de sorte que le congé délivré par le preneur pour le 31 décembre 2021 sera au principal déclaré nul et de nul effet.

Sur la non-application des dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce, Madame [X] [N] épouse [J] soutient que l'existence d'une faculté de résiliation triennale est contraire à la nature même du bail emphytéotique. Dès lors elle a pour conséquence d'affecter l'indispensable stabilité des relations contractuelles. Elle affirme également que les dispositions comportant la résiliation triennale ne sont pas applicables en l'espèce du fait de la non-rétroactivité.

Sur le caractère parfaitement licite du bail au regard des stipulations de l'article L.145-5 du code de commerce, Madame [X] [N] épouse [J] mentionne qu'en admettant par pure hypothèse, que le bail ait la nature de bail commercial et que les dispositions nouvelles de l'article L.145-5 s'appliquent immédiatement aux baux en cours, la durée prévue au bail serait néanmoins parfaitement licite et demeurerait une durée ferme de 99 ans.

Sur le fait que le preneur sera réputé avoir renoncé à sa faculté de résiliation triennale en revendiquant systématiquement une durée ferme du contrat, Madame [X] [N] épouse [J] tire cette conclusion de la revendication expresse et systématique par la SAS PRINTEMPS. Cette renonciation est corroborée, selon Madame [X] [N] épouse [J], par la confirmation de la durée initiale aux termes de l'avenant des 29 mars et 14 mai 1990.

Sur le paiement du loyer jusqu'à son terme, Madame [X] [N] épouse [J] affirme que le bail du 16 mars 1959 et ses avenants des 29 mars et 14 mai 1990, ont été conclus à durée déterminée et que jusqu'à cette date, le preneur reste tenu de l'ensemble de ses obligations.

Sur les indemnisations au profit de Madame [X] [N] épouse [J], celle-ci soutient que la SAS PRINTEMPS doit être condamnée à l'indemniser des conséquences de la rupture brutale du bail et du fait que son bien a été complètement dégradé par les travaux effectués par ladite société. Selon celle-ci, des travaux de remise en état et d'aménagement très importants et coûteux devront être engagés à charge du bailleur.

Par ses dernières conclusions en date du 28 avril 2023, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SAS PRINTEMPS demande à la Cour de :

Sur l'appel principal :

- sur les conclusions initiales d'appel

Déclarer Madame [X] [N] épouse [J] mal fondée en son appel.

L'en débouter ainsi que de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- sur les dernières conclusions de Madame [N]

Déclarer irrecevable la demande de Madame [X] [N] épouse [J] tendant à voir condamner la SAS PRINTEMPS à lui verser la somme de 3.000.000 euros au titre des travaux de remise en état de l'immeuble, cette prétention étant nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, par rapport à celles formées en première instance, et contraires aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Déclarer également irrecevable la demande de Madame [X] [N] épouse [J] tendant à obtenir la désignation d'un Expert judiciaire à l'effet de déterminer le coût des travaux de remise en état.

En tout état de cause,

Débouter Madame [X] [N] épouse [J] de sa demande visant à obtenir la désignation d'un Expert judiciaire ; cette demande étant infondée dans la mesure où la SAS PRINTEMPS, d'une part, n'est pas tenue contractuellement à réaliser les travaux de remise en état de l'immeuble, et d'autre part, n'a commis aucune faute délictuelle puisque ses travaux d'aménagement ont été autorisés par l'article 2 du bail du 16 mars 1959, que par le protocole d'accord transactionnel du 21 juillet 2011.

Sur l'appel incident :

Juger recevable et bien fondé l'appel incident de la SAS PRINTEMPS.

Confirmer le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé que le bail du 16 mars 1959 et ses avenants ne constituent pas des baux perpétuels ayant une durée supérieure à 99 ans, permettant une résiliation, à tout moment puisqu'à durée indéterminée.

Y faisant droit et statuant à nouveau,

Juger que par sa durée de 100 ans, le bail commercial de la SAS PRINTEMPS constitue un engagement perpétuel, prohibé par les dispositions de l'article 1709 du code civil, permettant à la SAS PRINTEMPS de résilier à tout moment ledit bail.

Juger le bail du 16 mars 1959 et l'avenant au bail des 29 mars et 14 mai 1990 signé par Monsieur [N] et la société France PRINTEMPS constituent un bail commercial, et que, la commune intention des parties a été de placer ledit bail sous le Statut des baux commerciaux.

Juger que les dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce s'appliquent aux baux conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014.

En conséquence,

Juger que le congé de la SAS PRINTEMPS du 28 juin 2021 signifié à Madame [X] [J] née [N], à effet du 31 décembre 2021 est régulier et a produit tous ses effets à cette même date.

Juger irrecevable, car nouvelle en cause d'appel, la demande de résiliation judiciaire formulée par Madame [X] [N] épouse [J], sur le fondement de l'article 564 code de procédure civile.

Subsidiairement, et si par impossible, la Cour venait juger que le bail est emphytéotique ou que la SAS PRINTEMPS ne pouvait pas user de sa faculté de résiliation triennale :

Juger en conséquence que le bail du 16 mars 1959 et les avenants des 29 mars et 14 mai 1990 et 8 janvier 2003 continuent à produire leurs effets.

Débouter Madame [X] [N] épouse [J] de sa demande de paiement des loyers jusqu'au terme du bail, demande qui en l'état des écritures n'est pas chiffrée.

Juger que la SAS PRINTEMPS n'a commis aucune faute à l'égard de Madame [X] [N] épouse [J] en exerçant sa faculté de résiliation triennale du bail.

Juger que Madame [X] [N] épouse [J] ne rapporte par la preuve d'avoir subi un quelconque préjudice du fait de l'exercice de ce droit.

Débouter en conséquence Madame [X] [N] épouse [J] de sa demande de dommages et intérêts.

En tout état de cause :

Débouter Madame [X] [N] épouse [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Condamner Madame [X] [N] épouse [J] à payer à la SAS PRINTEMPS la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel principal et incident.

Au soutien de ses prétentions, sur la volonté des parties de placer le bail sous le régime des baux commerciaux, la SAS PRINTEMPS affirme que les parties ont clairement mentionné à l'article 1er de l'avenant des 29 mars et 14 mai 1990 que 'ledit bail est régi par le décret du 30 septembre 1953 et les textes subséquents.' De la sorte, la SAS PRINTEMPS estime que les parties ont très clairement précisé leurs intentions et le régime juridique auquel elles entendaient soumettre le bail litigieux, à savoir, le statut des baux commerciaux tout comme le bail initial qui en constitue le support.

Sur l'absence des éléments essentiels du bail emphytéotique, la SAS PRINTEMPS soutient qu'il n'existe pas dans le bail originel de droit réel immobilier au bénéfice de celle-ci et que Madame [X] [N] épouse [J] se contredit dans ses conclusions. Cette dernière affirme que la SAS PRINTEMPS disposerait d'un droit de jouissance absolue sur l'immeuble, tout en soutenant que ce droit de jouissance serait spécial et donc pas général. Ladite société mentionne aussi le fait que les parties ont entendu fixer le loyer à la valeur locative, en se référant aux dispositions des baux commerciaux. A cela s'ajoutant le fait que les parties ont soumis le bail de 1959 aux dispositions des baux commerciaux par les avenants rédigés en 1990.

Sur les éléments qui confirment l'absence de tout bail emphytéotique, la SAS PRINTEMPS soutient qu'il ne s'agit pas d'un bail emphytéotique, en raison de l'absence de modicité du loyer. Que d'ailleurs, le loyer est en l'espèce uniquement calculé par référence au chiffre d'affaires réalisé par la SAS PRINTEMPS.

Sur les charges imputées au locataire, cette imputation des charges au locataire se retrouve usuellement dans les baux commerciaux selon la SAS PRINTEMPS. Aussi, celle-ci fait valoir que la taxe foncière demeure quant à elle, au nom de Madame [X] [N] épouse [J], alors que si la SAS PRINTEMPS disposait d'un droit réel sur le bien loué, la taxe foncière serait au nom de la SAS PRINTEMPS.

Sur les pouvoirs dont dispose la SAS PRINTEMPS sur l'immeuble, si un droit réel lui a été conféré, celle-ci conteste avoir un tel droit réel en prenant pour exemple, la contestation du permis de construire obtenu le 12 octobre 2010 par RD MARCHE NEUF où Madame [X] [N] épouse [J] a effectué un recours gracieux, puis elle a introduit un recours contentieux contre ce permis de construire.

Sur les procédures en fixation de loyer à la valeur locative initiées par les consorts [N], elles constituent la preuve qu'ils ont toujours eu l'intention de consentir à leur locataire un bail commercial, car selon la SAS PRINTEMPS la valeur locative est incompatible avec un bail emphytéotique. De plus, les deux procédures initiées par les consorts [N] en révision du loyer se fondaient sur le statut des baux commerciaux.

Sur l'intention commune des parties de soumettre le bail du 16 mars 1959 au Statut des baux commerciaux, selon la SAS PRINTEMPS cela résulte du premier point des avenants de 1990. Effectivement, selon ladite société, emporte novation du bail de 1959 en le soumettant auxdites dispositions statutaires des baux commerciaux. En outre, la SAS PRINTEMPS fait valoir qu'il a été clairement indiqué dans les avenants de 1990 qu'ils se substituaient aux contrats et baux antérieurs.

Sur la validité de la résiliation triennale effectuée par la SAS PRINTEMPS, celle-ci affirme qu'il importe peu que la durée du bail n'a pas été modifiée. Qu'en réalité, elle disposait donc bien de la faculté de résilier le bail tous les trois ans et qu'elle n'a jamais renoncé à ce droit. De plus, la SAS PRINTEMPS indique qu'il n'existe pas dans les contrats liant les parties de clause indiquant que ledit bail est d'une durée ferme de 99 ans.

Sur la demande de paiement de Madame [X] [N] épouse [J] à lui payer les loyers jusqu'au terme du bail en 2062, la SAS PRINTEMPS estime que Madame [X] [N] épouse [J] se fonde sur l'article 1212 du code civil, non applicable au bail litigieux, car cet article est entré en vigueur avec la réforme de 2016 et ne s'applique pas aux baux antérieurs.

Sur l'indemnisation de Madame [X] [N] épouse [J] fondée sur l'abus de droit, ladite société conteste cette demande, car à aucun moment la durée ferme du bail n'est évoquée dans les contrats. D'ailleurs c'est grâce à cette absence de mention que la SAS PRINTEMPS a utilisé sa faculté de résiliation triennale.

Sur les demandes d'indemnisation en réparation des travaux effectués, la SAS PRINTEMPS affirme qu'elle était autorisée à effectuer l'ensemble des travaux. Rien dans le bail ne l'oblige à des travaux de remise en état. Par ailleurs, la société affirme que Madame [X] [N] épouse [J] a déjà reçu une indemnisation de 300.000 euros, en échange du retrait de son recours contre certains travaux.

Sur l'impossible indemnisation en absence de résiliation du bail, la SAS PRINTEMPS affirme que Madame [X] [N] épouse [J] ne peut pas être indemnisée dans le cas où la rupture du bail serait considérée comme irrégulière, car elle ne demande pas de son côté la résiliation du bail.

Sur l'indemnisation seulement jusqu'à la relocation de l'immeuble, la SAS PRINTEMPS soutient, en se fondant sur l'article 1760 du code civil, qu'elle ne peut être condamnée au paiement des loyers jusqu'en 2062, mais seulement pendant le temps où l'immeuble demeurerait vacant. En effet, la société affirme que la durée du bail de 99 ans n'est pas ferme et qu'elle pouvait résilier avant ce terme.

La Cour se référera aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

Par une ordonnance en date du 10 mai 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 17 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par un jugement en date du 16 décembre 2021, le Tribunal judiciaire de STRASBOURG a retenu :

Au sujet de la durée du contrat à bail liant les parties, qu'à l'origine le bail liant les parties en date du 16 mars 1959 prévoyait un bail d'une durée de 99 ans, 11 mois, 4 semaines et 2 jours. Mais, que par l'acte authentique du 18 juillet 1959 la durée du bail a été rectifiée pour qu'elle ne soit plus que de 99 ans exactement. Néanmoins, les différents avenants suivants ont repris l'erreur matérielle concernant la durée. Toutefois, le contrat du 8 janvier 2003 est venu rappeler à nouveau que la durée du bail est de 99 ans. De la sorte, la volonté des parties de se lier pour une durée maximale de 99 ans est suffisamment démontrée, qu'ainsi le contrat liant les parties ne peut pas être considéré comme étant perpétuel et donc prohibé. Ainsi la demande de la SAS PRINTEMPS, de voir la clause indiquant la durée du bail comme étant réputée non écrite, ne peut être accueillie favorablement.

Sur la qualification des contrats applicables aux relations entre les parties, que les parties elles-mêmes ont dénommé leur bail de commercial mais spécial, sans aucune référence expresse au bail emphytéotique. Elles ont fixé sa durée à 99 ans et ont prévu la possibilité pour le preneur d'apporter toute transformation à l'immeuble loué et de conserver la propriété des constructions et aménagements, ainsi réalisés jusqu'à la fin du bail. Dès lors, la durée du bail et le droit de jouissance étendu du locataire, ne sont pas incompatibles avec la qualification du bail commercial et ne suffisent pas à caractériser le bail comme emphytéotique. Que de plus, en l'espèce, l'élément essentiel du contrat est le paiement d'un loyer, alors que la contrepartie d'un bail emphytéotique n'est pas le paiement d'un loyer mais l'entretien d'un bien, son amélioration ou sa transformation. Qu'en l'occurrence, il ressort des différentes modifications du contrat initial et des litiges en baux commerciaux en révision des loyers opposant les parties, que l'élément essentiel du contrat se concentre sur le loyer.

Sur la faculté de résiliation, que l'article L. 145-4 du code de commerce trouve à s'appliquer en l'espèce. Que de plus, ses dispositions sont d'ordre public et qu'il s'applique aux contrats déjà en cours à sa date d'entrée en vigueur. Que cet article prévoit la possibilité au preneur de donner congé à l'expiration d'une période triennale, qu'en l'espèce, la dernière période triennale a pris fin au 31 décembre 2021. Ainsi, le congé litigieux a été délivré par acte en date du 28 juin 2021 pour le 31 décembre 2021. Que de plus, jamais la SAS PRINTEMPS n'a renoncé expressément à sa faculté de résiliation triennale, ce congé est donc valable.

Sur les travaux de fermeture, qu'il résulte de la rédaction du contrat liant les parties que la SAS PRINTEMPS a l'obligation de restituer les locaux, après avoir effectué la fermeture des communications de l'immeuble loué, qu'en revanche l'accord préalable de Madame [X] [N] épouse [J] concernant lesdits travaux, n'est pas contractuellement prévu, qu'ainsi son silence ne peut valoir renonciation à la réalisation des travaux. De plus, la SAS PRINTEMPS n'explique, ni ne justifie, de ce que ce silence de Madame [X] [N] épouse [J] ferait juridiquement obstacle au paiement d'une indemnité d'occupation, d'où le refus de la demande de la SAS PRINTEMPS par le Tribunal judiciaire.

Sur la demande reconventionnelle de Madame [X] [N] épouse [J], que sa demande de paiement du loyer jusqu'au terme contractuel est rejetée. Puisqu'en effet, le premier juge affirme qu'elle ne justifie d'aucun arriéré de loyers, ni de la résiliation fautive par la SAS PRINTEMPS, ni d'un préjudice subi du fait de cette résiliation.

A la suite de ce jugement, Madame [X] [N] épouse [J] a interjeté appel.

L'appel a été interjeté dans les formes et dans les délais, le 28 décembre 2021.

La Cour entend, au préalable, rappeler que :

- Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions, que s'ils sont invoqués dans la discussion.

- Ne constituent pas des prétentions, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la Cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

- Récemment la Cour de cassation a énoncé que les juges du fond devaient statuer sur les demandes des parties tendant à 'dire et juger' lorsqu'elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème, Civ., 13 avril 2023, n°P21-21.463).

La Cour rappelle également que les actes litigieux ont été conclus en 2013, c'est-à-dire avant l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant la réforme du droit des obligations.

I. Sur la régularité du congé à bail commercial délivré le 28 juin 2021 pour le 31 décembre 2021 par la SAS PRINTEMPS à Madame [X] [N] épouse [J] :

Celle-ci fait valoir que, du fait de la qualification de la promesse de bail en date du 16 mars 1959, à savoir, d'emphytéotique, ladite société ne pouvait délivrer son congé pour le 31 décembre 2021. Pour affirmer qu'il s'agit bien d'un bail à caractère emphytéotique, Madame [X] [N] épouse [J] s'appuie sur les éléments suivants :

1) Sur la nature juridique du bail :

Selon Madame [X] [N] épouse [J], il faut analyser la promesse de bail du 16 mars 1959 en considération de l'article L.451-1 du code rural. Celui-ci défini le bail emphytéotique, comme conférant au preneur un droit réel sur un bien qui est consenti pour une durée supérieure ou égale à dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans.

Cet article impose la réunion de deux éléments :

a. Le droit réel conféré au preneur,

S'agissant de cette condition, l'une des contreparties du bail emphytéotique est d'offrir au preneur un droit réel sur le bien immobilier, c'est-à-dire que ses droits sont similaires à celui d'un propriétaire.

Ainsi, il est possible de lire à l'alinéa 2 de l'article 2 dudit bail litigieux du 16 mars 1959, que 'l'immeuble est loué dans l'état où il se trouve actuellement, et qui est bien connu des preneuses qui l'occupent, avec l'autorisation donnée à ces dernières d'y apporter toutes les transformations utiles à leur commerce'.

Toutefois, à l'alinéa 3 du même article, il est précisé que 'toutes les transformations et améliorations deviendront, à ce moment-là, la propriété des bailleurs (')'. A noté, que ces dispositions sont d'ailleurs reprises dans les avenants du 29 mars et 14 mai 1990 et du 8 janvier 2003. De ce fait, le droit réel est conditionné.

En l'espèce, Madame [X] [N] épouse [J] soutient devant la Cour, que la SAS PRINTEMPS n'a subi aucune restriction au droit de céder, d'hypothéquer ou de saisir les droits réels conférés et ladite société a pu jouir librement du bien et de disposer des aménagements à sa guise pendant la durée du bail. Cependant, la SAS PRINTEMPS a rencontré des difficultés pour réaliser la rénovation et la restructuration du magasin car la bailleresse, Madame [X] [N] épouse [J], s'est opposée aux travaux comme l'atteste les échanges entre ces deux protagonistes courant novembre et décembre 2010 qui a abouti à un Protocole transactionnel signé par ces derniers et la SCI RD MARCHE NEUF le 21 juillet 2011. Par ce protocole et conformément à l'article 3 dudit document, la SAS PRINTEMPS a versé à Madame [X] [N] épouse [J] la somme forfaitaire de 300.000 euros au titre des préjudices matériels et moraux subis par celle-ci du fait des travaux objet du permis de construire litigieux et en contrepartie de l'abandon de son recours contre le permis précité. La démarche de Madame [X] [N] épouse [J] est contraire au caractère emphytéotique d'un bail qui implique au preneur d'avoir la pleine liberté de réaliser les travaux de construction et de démolition sans le consentement du bailleur (3ème Civ., 15 décembre 2016, n°15-22.416).

La SAS PRINTEMPS précise également à la Cour, que la taxe foncière est au nom de la bailleresse, Madame [X] [N] épouse [J]. Or le principe est que l'emphytéose, c'est-à-dire ladite société, est assujetti aux droits d'enregistrement et à la taxe de publicité foncière.

Enfin, la SAS PRINTEMPS soulève notamment auprès de la Cour, que le bail comporte une clause résolutoire pour non-paiement du loyer, à l'article 3 du bail de 1959, et une autre restreignant l'usage du bien à l'article 2 du bail précité. Or, eu égard aux dispositions de l'article L.451-1 du code rural et à la jurisprudence constante (3ème, Civ., 30 mai 2007, n°06-14.934 ; 3ème, Civ., 20 juin 2019, n°18-10.763), de telles clauses sont incompatibles avec la qualification de bail emphytéotique.

En conséquence de ces éléments, la Cour déduit que la SAS PRINTEMPS ne possède pas un droit réel au sens de l'article L.451-1 du code rural.

b. La longue durée du bail,

Dans le cas présent, la durée de 99 ans dudit bail peut dès lors faire penser qu'il s'agit d'un bail emphytéotique.

Pour reprendre l'acte litigieux, il est mentionné dans l'article 3 de la 'Promesse de bail' du 16 mars 1959 que le bail litigieux 'commence à courir le 1er janvier 1962 et expire le 31 décembre 2061', soit une durée de 99 ans. Par la suite, dans un acte de dépôt avec reconnaissance de signatures en date du 18 juillet 1959, les parties au bail ont rectifié la fin du bail, en la rapportant au 31 décembre 2060 au lieu du 31 décembre 2061.

Cependant, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de COLMAR du 16 juin 1989, saisi notamment sur la validation des clauses, a confirmé la prise d'effet du bail à compter du 1er janvier 1962, renouvelé à compter du 1er juillet 1980 au 31 décembre 2061. De la même manière, la durée de 99 ans et les mêmes dates ont été reprises dans les avenants successifs, du 29 mars et 14 mai 1990, puis celui du 08 janvier 2003.

Dès lors, même si Madame [X] [N] épouse [J] argue du fait que l'erreur matérielle, s'agissant de la date de fin de contrat, a été reprise dans les divers documents qui ont suivi la rectification, cela n'enlève en rien que la durée du bail qu'il soit de 98 ou de 99 ans ne soit pas une condition suffisante pour retenir la qualification de bail emphytéotique. De plus, elle soutient à la Cour que la durée du bail de 99 ans constitue une période ferme. Nonobstant, le fait qu'il soit précisé la mention suivante dans le bail litigieux, 'sauf résiliation anticipée pour défaut de paiement des loyers ou inexécution des charges', infirme l'appréciation de la bailleresse. Dès lors il s'agit d'une clause résolutoire, mention qui est incompatible avec un bail emphytéotique.

Par ailleurs, l'alinéa 1 de l'article L.145-4 du code de commerce dispose que 'la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans'. Donc un bail commercial n'a pas de durée maximum mais il doit avoir une durée minimale de 9 ans, ce qui est le cas en l'espèce.

Par voie de conséquence, la Cour estime que la très longue durée du bail ne peut pas transformer ce bail commercial en bail emphytéotique.

2) Sur l'intention des parties au contrat de bail :

a. La référence au décret du 30 septembre 1953

La Cour relèvera que certains des actes apportés par l'appelante et l'intimée, à savoir le bail et les différents avenants successifs, font référence au décret n°53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre les bailleurs et les locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.

De plus, l'arrêt rendu le 16 juin 1989 par la Cour d'appel de COLMAR fait également référence à ce décret, puisque dans l'un de ses attendus il est précisé que 'le procès s'est trouvé lié entre les parties sur cette base : un bail en cours d'exécution dont le loyer est à réviser selon les éléments de fixation du décret du 30 septembre 1953'.

L'avenant à bail du 29 mars et 14 mai 1990 fait également référence à ce décret en ces termes, 'ledit bail est régi par le décret du 30 septembre 1953, et les textes subséquents'.

Dans ces conditions, la Cour considère que la volonté des parties est bien de placer le bail sous le régime des baux commerciaux.

b. Les termes utilisés dans le bail et les avenants

Madame [X] [N] épouse [J] soutient auprès de la Cour que le contrat de bail conclu avec la SAS France PRINTEMPS doit être qualifié de bail emphytéotique. Or la société précitée ne retient pas cette qualification mais celle de bail commercial.

En l'espèce, l'article 1er du bail, dit 'Promesse de bail', conclu le 16 mars 1959, stipule que 'le présent bail est un bail exclusivement commercial'. Pour précisions, celui-ci remplace et abroge définitivement tous ceux qui l'ont précédé et cela à partir du 1er janvier 1962. De plus, cette qualification du bail est reprise dans le dernier avenant à bail signé le 08 janvier 2003. En effet, l'acte précise que la société française Printemps est 'titulaire d'un bail à usage commercial'.

Dès lors, les éléments apportés à hauteur de Cour permettent de déduire qu'à aucun moment le terme d'emphytéotique n'apparaît dans le bail, ni même dans les avenants. Enfin seul la formulation de 'bail commercial' est reprise dans les documents contractuels.

3) La possibilité de résiliation :

Selon l'alinéa 1 de l'article L. 145-4 du code de commerce 'le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9 (')'. Ainsi, l'alinéa 5 de l'article susmentionné, à savoir l'article L.145-9 du code de commerce, précise que 'le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. (')'.

De surcroît, l'article L.145-4 dudit code est d'ordre public comme le prévoit l'article L.145-15 du même code. Il s'applique donc aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur, à savoir dès le 28 juin 2014, et ce principe est rappelé par la Cour de Cassation (3ème, Civ., 21 juin 2006, n°05-13.607). En outre, l'article L.145-15 du présent code prévoit que les clauses contraires, dont celles régies par l'article L.145-4 du code de commerce, sont réputées non écrites.

En l'espèce, le contrat a été conclu le 16 mars 1959, puis modifié par les avenants du 29 mars et 14 mai 1990 puis du 8 janvier 2003 et la SAS PRINTEMPS a délivré par acte extra-judiciaire en date du 28 juin 2021, le congé à Madame [X] [N] épouse [J], avec effet pour le 31 décembre 2021.

Par voie de conséquence, c'est à bon droit que le juge du premier degré a retenu que le congé litigieux est régulier puisqu'il respecte le délai triennal afférant au bail commercial.

II. Sur la demande de paiement du loyer jusqu'au terme contractuel :

Il convient d'écarter la présente demande de Madame [X] [N] épouse [J], qui fait valoir auprès de la Cour que la SAS PRINTEMPS est tenue de payer les loyers jusqu'au terme contractuel, soit le 31 décembre 2060, dès lors que la qualification du bien emphytéotique n'a pas été retenue.

Or, il résulte des éléments ainsi évoqués précédemment que le bail litigieux est qualifié de commercial et donc régit par le code de commerce. De surcroît, le congé à bail adressé par la SAS PRINTEMPS à Madame [X] [N] épouse [J] qui met fin au bail, sans qu'il soit nécessaire de prononcer judiciairement la résiliation du bail, est régulier.

Madame [X] [N] épouse [J] se fonde également sur l'article 1212 du code civil qui prévoit que 'lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme'. Pour autant, ce texte n'est pas à l'évidence d'ordre public, et ne peut pas s'appliquer aux baux conclus antérieurement à l'ordonnance de 2016.

Enfin, en l'absence de faute ou de défaut de paiement de loyer de la SAS PRINTEMPS, les demandes de Madame [X] [N] épouse [J] ne sont pas fondées et Madame [X] [N] épouse [J] ne peut pas solliciter l'allocation de dommages et intérêts.

Madame [N] épouse [J] n'a présenté aucune autre demande de dommages et intérêts dans le dispositif de ses dernières conclusions.

Par voie de conséquence, la Cour déduit des éléments présentés que le juge de première instance a procédé à une exacte analyse de la qualification du bail et a justement constater la régularité du congé à bail commercial délivré le 28 juin 2021 pour le 31 décembre 2021 par la SAS PRINTEMPS à Madame [X] [N] épouse [J].

L'appelante, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de la procédure et déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision de première instance étant confirmée sur ces points.

L'équité commande l'application des dispositifs de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS PRINTEMPS FRANCE.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG le 16 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant,

Condamne Madame [X] [N] épouse [J] aux entiers dépens,

Condamne Madame [X] [N] épouse [J] à verser à la SAS PRINTEMPS la somme de 2.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Rejette la demande de Madame [X] [N] épouse [J], fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de Cour.

La Greffière : la Présidente :