Décisions
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 14 septembre 2023, n° 21/00095
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 21/00095 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NKQX
Décision du Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE
Au fond du 16 décembre 2020
RG : 18/01200
S.C.I. OLIVER
C/
S.A.R.L. GARAGE CHRISTOPHE DIAZ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 14 Septembre 2023
APPELANTE :
S.C.I. OLIVER
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant,toque :475
Et ayant pour avocat plaidant la SELARL BERTHELON GALLONE & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 435
INTIMEE :
S.A.R.L. GARAGE CHRISTOPHE DIAZ
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par la SCP BERTIN & PETITJEAN-DOMEC ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 53
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 28 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mai 2023
Date de mise à disposition : 14 Septembre 2023
Audience présidée par Thierry GAUTHIER, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, présidente
- Julien SEITZ, conseiller
- Thierry GAUTHIER, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, présidente, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 26 juillet 2007, la société Garage Christophe Diaz (la société preneuse) a souscrit auprès de la société civile immobilière Oliver (la SCI) un bail, à effet du 1er septembre 2007 et pour une durée de neuf ans, concernant un ensemble immobilier à usage commercial, sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 4]. Le loyer annuel était de 16 800 euros HT.
Le 2 mars 2016, la SCI a notifié à la société preneuse une proposition de renouvellement de bail, à effet du 1er septembre 2016, modifiant l'assiette du bail, en incluant une surface à usage de parking, qui n'avait pas été jusque-là comprise dans le bail, et élevant le montant du loyer annuel à la somme de 28 800 euros.
Le 15 novembre 2018, la SCI a fait délivrer à la société preneuse un commandement visant la clause résolutoire du bail, évoquant différents manquements contractuels résultant de trois constats d'huissier de justice.
Le 13 novembre 2018, la société preneuse a fait assigner la SCI devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en annulation de ce commandement et aux fins d'obtenir la condamnation du bailleur à remplir ses obligations légales et contractuelles.
Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône a:
- débouté la société preneuse de sa demande tendant au renouvellement du bail commercial du 26 juillet 2017 ;
- dit que le commandement du 15 novembre 2018 est nul et nul effet ;
- condamné la SCI à procéder à l'ensemble des travaux préconisés par la société EB TANDEM au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
- débouté la société preneuse de ses autres demandes indemnitaires ;
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;
- débouté les parties de toutes leurs autres prétentions.
Par déclaration au greffe du 6 janvier 2021, la SCI a relevé appel principal de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, n° 5, après rabat de l'ordonnance de clôture, déposées le 24 avril 2023, la SCI demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que le commandement en date du 15 novembre 2018 est nul et de nul effet ;
- débouté la SCI OLIVER de sa demande reconventionnelle de résiliation du bail commercial ;
- condamné la SCI à procéder à l'ensemble des travaux préconisés par la Société EB TANDEM au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
- débouté la SCI de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que la SCI conservera la charge de ses dépens ;
Statuant à nouveau,
- constater la résiliation de plein droit dudit bail commercial intervenu par l'effet du commandement en date du 15 novembre 2018 dont les causes n'ont pas été apurées dans le délai d'un mois suivant sa délivrance ;
- subsidiairement prononcer la résiliation du bail commercial ;
En toute hypothèse,
- ordonner l'expulsion pure et simple de la société GARAGE CHRISTOPHE DIAZ au besoin avec l'aide de la Force Publique, ainsi que de tous occupants de son chef.
- condamner la société preneuse à lui payer une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majoré de 50 % hors charges et ce jusqu'à son départ effectif ainsi qu'à celui de tous occupants de son chef, accompagné de la remise effective des clefs, et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir.
- dire et juger que la SCI conservera le dépôt de garantie versé par la société à l'entrée dans les lieux conformément à l'article XIX du contrat de bail.
- rejeter toutes les demandes de la société preneuse, comme étant irrecevables au titre de l'article 564 du Code de procédure civile, pour les demandes nouvelles présentées en appel, notamment à hauteur de la somme de 30 000 euros pour frais de déménagement « (voire 29 446,11 euros') » (sic), et en tout état de cause non fondées.
- condamner la société preneuse à lui payer la somme de 5 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens distraits au profit de son conseil, sur son affirmation de droit.
Dans ses conclusions n° 4, déposées le 20 avril 2023, la société preneuse demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de constat de renouvellement du bail, écarté les demandes d'indemnisation au titre du remplacement de la porte d'entrée des bureaux du garage et de l'acquisition d'un réservoir de récupération des huiles de vidange, omis de statuer sur l'indemnisation du préjudice moral subi du fait du bailleur et écarté l'application de l'article 700 du code de procédure civile et partagé les dépens ;
- confirmer le jugement pour le surplus ou y ajoutant :
- dire nul et de nul effet le commandement visant la clause résolutoire qui lui a été signifié le 15 novembre 2018 à la requête de la SCI ;
- débouter la SCI l'intégralité de ses demandes reconventionnelles en particulier celles tendant à la résiliation du bail, que ce soit par constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou par résiliation judiciaire et leurs suites ;
- condamner la SCI à lui payer les sommes suivantes :
* 92.114,24 euros HT au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
* 10 706, 63 euros HT au titre du remplacement de la porte d'entrée des bureaux du garage et de l'atelier,
* 1.739,00 euros HT au titre de l' acquisition d'un réservoir des huiles de vidange,
* 29 446,11 euros HT au titre des frais de réinstallation du fonds de commerce.
- condamner la SCI à lui payer la somme de 10 000,00 euros en réparation du préjudice moral subi par elle, en application de l'article 1240 du code civil ;
- condamner la SCI à lui payer la somme de 8.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la SCI aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil, sur son affirmation de droit.
La clôture a été prononcée le 25 janvier 2022, révoquée le 24 novembre 2022 et ordonnée de nouveau le 28 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Préalablement, il doit être particulièrement relevé que, comme cela sera ultérieurement précisé, il résulte du dossier que la société preneuse a donné congé à la SCI, à effet du 30 juin 2023.
Sur la recevabilité des demandes de la société preneuse
La SCI soutient dans le dispositif de ses écritures que « toutes les demandes » doivent être « rejetées comme étant irrecevables au titre de l'article 564 du code de procédure civile, pour les demandes nouvelles présentées en appel, notamment à hauteur de 30 000 euros pour frais de déménagement (voire 29 446,11 euros...) Et en tout état de cause non fondées ».
La société preneuse ne présente aucun moyen de fait ou de droit sur ce point.
Au-delà de l'imprécision de cette demande de la SCI, il doit être ainsi constaté que la société preneuse a présenté aux premiers juges des demandes tendant à obtenir l'annulation du commandement du 15 novembre 2018, le versement de la somme de 92 114,24 euros HT au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil, de la somme de 10 706,63 euros HT pour le remplacement de la porte d'entrée des bureaux du garage et de l'atelier et 1 739 euros HT au titre de l'acquisition d'un réservoir des huiles de vidange, le versement d'une somme au titre du préjudice moral (10 000 euros).
Ces demandes, réitérées à hauteur d'appel, ne peuvent être considérées comme nouvelles et, dès lors, leur recevabilité doit être admise.
Seule est nouvelle la demande de la société visant au paiement de la somme de 29 446,11 euros, correspondant aux frais de réinstallation du fonds de commerce (que la société preneuse sollicite par ailleurs au titre de la confirmation du jugement).
Devant le tribunal, les demandes en paiement formées par la société preneuse, susvisées, s'appuyaient sur une inexécution contractuelle du bailleur, étant rappelé que la société preneuse demandait alors l'annulation du commandement visant la clause résolutoire du 15 novembre 2018 et que soit reconnu le renouvellement du bail commercial depuis le 1er septembre 2016.
Telle n'est pas la finalité de la demande visant à indemniser la société preneuse pour les frais de réinstallation, à la suite d'un congé qu'elle a elle-même donné. Ainsi, cette demande, ne tend pas aux mêmes fins, comme le prévoit l'article 565 du code de procédure civile, et ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions émises en première instance par la société preneuse.
Cette demande sera déclarée irrecevable.
Sur la validité du commandement du 15 novembre 2018, la demande de la SCI visant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou, subsidiairement, à la résiliation judiciaire du bail et les demandes accessoires qui y sont attachées
Il doit être préalablement relevé que, le 16 novembre 2022, la société preneuse a fait signifier à la SCI, bailleresse, un congé (pièce n° 44 de l'intimée) qui indique notamment que le « bail a été consenti pour neuf années entières et consécutives commençant à courir le 1er septembre 2007, venant à expiration le 30 août 2016 et tacitement prolongé depuis. (...) « ce congé vous est donné sans renonciation au recours indemnitaire intenté devant la cour d'appel de Lyon ». Le congé est à effet au 30 juin 2023.
Le commandement « visant la clause résolutoire et mise en demeure de l'article L. 145-17 du code de commerce » signifié sur demande de la SCI le 15 novembre 2018 fait grief à la société preneuse de :
- faire stationner des véhicules sur une partie de la parcelle AL [Cadastre 1] qui ne fait pas partie de la location ;
- d'avoir creusé une tranchée dans le nord-ouest du bâtiment loué, remplie d'huiles usagées noirâtres, avec les conséquences sur la pollution du terrain ;
- d'avoir entreposé des pièces détachées sur la partie nord de la parcelle susvisée, qui ne fait partie de la location et de faire stationner fréquemment un véhicule de dépannage gênant l'accès ;
- d'entreposer au pied de la rampe d'accès côté nord-ouest du bâtiment, ainsi que des déchets et des bidons ;
- d'abuser du droit de passage sur les lieux, notamment en déplaçant la limite de propriété entre deux tènements.
Il en résulte que, concurremment aux motifs des premiers juges ayant conclu à l'invalidité de ce commandement, que la cour adopte, il y a lieu de relever que, pour l'essentiel, la SCI reprochait à la société d'avoir empiété sur sa propriété au-delà de ce que prévoyait le bail. Ainsi, les griefs exposés dans le commandement ne concernent pas, à cet égard, la SCI en qualité de bailleur mais la SCI en qualité de propriétaire du surplus de la ou des parcelles non louées au preneur, dont celui-ci aurait fait un usage sans titre. La SCI, en ce seul titre, n'a aucun droit de délivrer un commandement visant la clause résolutoire.
En outre, la cour relève, concernant les travaux effectués par le locataire (creusement d'une tranchée pour stockage des huiles usagées, transformation d'une ouverture en baie vitrée), que l'article XIV, B.3 du bail autorisait le preneur à effectuer des travaux dans les lieux loués et que la SCI ne démontre pas, par les pièces qu'elle produit, que la société preneuse ait manqué à ses obligations sur ce point. L'affirmation de la SCI selon laquelle ces travaux seraient une source de pollution est en outre dénuée d'offre de preuve.
Par ailleurs, il ne résulte pas de ces stipulations contractuelles, et notamment de l'alinéa 2 du texte susvisé, que la transformation d'une porte en baie vitrée, qui ne constitue pas une transformation des lieux, soit interdite par les dispositions de cet article ou nécessitaient l'autorisation du bailleur.
Enfin, les constats d'huissier que produit la SCI ne permettent pas de retenir que le stationnement de véhicules, reproché par la SCI, soit intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article III du contrat de bail, qui prévoyaient ce stationnement, ou encore que la société preneuse soit à l'origine de la dégradation du terrain de la SCI.
Dès lors, comme l'ont retenu les premiers juges, il n'y a pas lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire. Pour ces mêmes motifs, et en l'absence de manquements contractuels le justifiant, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du bail, sur demande du bailleur.
Les demandes de la SCI relatives à la résiliation du bail doivent dès lors être rejetées et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de renouvellement du bail
La cour relève qu'en raison du congé donné par le preneur, à effet du 30 juin 2023, la demande de renouvellement de bail est sans objet.
Il sera relevé à cet égard que la société, dans ses conclusions, qui lie la cour quant aux demandes sur lesquelles elle doit statuer, demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de constater de renouvellement du bail, mais ne demande pas à la cour, statuant à nouveau, d'effectuer ce constat.
Il sera noté en outre que, dans ces mêmes écritures (p. 10), l'intimée écrit « la société Garage Christophe Diaz entend renoncer à ses prétentions relativement au renouvellement du bail ».
Il doit être rappelé que, dans le congé qu'elle a donné, la société a en outre indiqué considérer que le bail avait été tacitement reconduit depuis le 30 août 2016.
Précédemment, dans sa lettre du 1er août 2017 (pièce n° 6.10 de l'intimée), le conseil de la société indiquait « aucun accord n'avait été trouvé par les parties pour un « nouveau » bail ».
En l'absence de caractère clair et non équivoque des écritures sur ce point, leur interprétation rendue nécessaire amène à considérer que la société n'a pas maintenu, à hauteur d'appel, sa demande en renouvellement du bail.
Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ce point.
Incidemment, il sera relevé que la société ne peut dans le même temps abandonner sa demande concernant le renouvellement du contrat de bail tout en soutenant (p. 17) que le bail a été renouvelé, ce qui rendrait applicables selon elle les modifications induites par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite « Pinel ».
Sur les demandes en paiement de la société preneuse
Sur la demande en paiement de la somme de 92 114 euros, HT, au titre des réparations de l'article 606 du code civil
Il convient de relever que le tribunal, saisi de la demande de la société preneuse visant à ce que la SCI lui verse la somme de 92 114 euros, a prononcé la condamnation de la SCI à réaliser l'ensemble des travaux préconisés par la société EB TANDEM au titre des réparations de l'article 606 du code civil.
Le tribunal a dès lors manifestement méconnu l'objet du litige et, la SCI demandant l'infirmation du jugement sur ce point, la décision devra être réformée.
La société preneuse maintient en revanche à hauteur d'appel sa demande visant au paiement de cette somme. Celle-ci correspond selon elle au montant total des travaux qui résulte d'un « état des lieux », établi le 16 octobre 2017 par la société EB TANDEM. Le document produit (pièce n° 18 de l'intimée) ne précise pas sur l'initiative de quelle partie il a été établi, étant précisé que la SCI conteste, sans être contredite sur ce point, son caractère contradictoire.
Il sera constaté que le chiffrage des travaux, à la somme totale hors taxe de 92 114,247 euros, correspond à des travaux de démolition, de gros-œuvre de maçonnerie, d'étanchéité et de menuiseries extérieures.
En l'absence de tout autre élément, le caractère fondé des travaux préconisés dans ce document n'est pas établi.
En outre, il est constant qu'ils n'ont pas été réalisés et que la société preneuse ne soutient ni ne justifie avoir engagé de quelconques frais correspondant à ces travaux.
De plus, en admettant encore leur nécessité, les travaux à réaliser, en ce qu'ils concernent directement et seulement la structure du bâtiment loué, ne sauraient évidemment donner lieu au versement de la somme correspondante au preneur, qui plus est alors que celui-ci a résilié le bail.
Cette demande doit être rejetée.
Sur l'indemnisation des préjudices invoqués par la société preneuse
Il sera noté que la société preneuse, dans le cadre des développements qu'elle consacre dans ses conclusions à son indemnisation (p. 19), fonde celle-ci, à la fois, sur la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur, soit sur un plan contractuel, et sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, soit sur un plan délictuel.
Sa demande en versement de la somme de 29 446,11 euros HT, au titre des frais de réinstallation du fonds de commerce étant irrecevable, il y a lieu de relever que la société demande aussi le versement de la somme de 10 000 euros au titre des « voies de fait » ou préjudice moral.
En ce qui concerne l'indemnisation pour résiliation du bail, aux torts exclusifs de la SCI, il doit être relevé que la société preneuse ne demande pas à la cour de prononcer cette résiliation dans le dispositif de ses écritures.
Dès lors, aucune indemnisation ne saurait être prononcée de ce fait.
En ce qui concerne l'indemnisation pour « voies de fait » ou préjudice moral, la société preneuse soutient qu'à partir de 2015, le bailleur n'a plus exécuté le contrat de bail de bonne foi en remettant en cause les conditions d'occupation du bien donné à bail pour contraindre le locataire à accepter une hausse substantielle du loyer, sous couvert d'élargissement de l'assiette d'occupation puis n'a donné aucune suite aux demandes de remise en état du bien, préférant commettre des voies de fait, puis entreprendre de parfaite mauvaise foi une procédure de résiliation de bail qu'il savait nécessairement vouée à l'échec.
Dans ses écritures, la société vise ses pièces n° 3 à 16, sans en préciser ni le contenu ni la portée.
Il ressort de l'examen de ces documents l'existence d'un litige entre les parties quant aux conditions dans lesquelles le bail pouvait être renouvelé et était exécuté réciproquement par les parties. Le bailleur formule des reproches qui ont été finalement formalisés dans le commandement du 15 novembre 2018, dont le preneur conteste la réalité (pièce n° 6.3) tout en faisant lui-même part de ses propres griefs concernant les travaux à effectuer dans les locaux, à partir de juillet 2016 (pièce n° 6.4).
Certains des documents comportent notamment des photographies qui, en l'absence de toute référence exacte quant à leur date et leur lieu, n'ont aucun caractère probant.
Figurent également dans ces pièces des documents relatifs à la valeur locative des lieux.
Il doit être relevé que les doléances de la société preneuse quant à l'état des lieux n'ont été formalisées par le conseil de celui-ci qu'en juillet 2016, après les démarches entreprises par la SCI aux fins d'un renouvellement du bail avec modifications quant à l'assiette et au montant du loyer.
En cet état, il ne résulte pas des documents produits par la société preneuse la réalité des manquements contractuels qu'elle invoque.
Par ailleurs, la société ne justifie pas de la réalité du préjudice moral dont elle excipe.
Ces manquements étant tous de nature contractuelle, et en l'absence de moyens de droit ou de fait relevant de la responsabilité délictuelle, l'action cumulativement engagée par la société sur le fondement de l'article 1240 du code civil ne saurait être reconnue comme fondée, en l'absence de faute et de préjudice établi par la société.
Sur le remboursement des travaux concernant la portée d'entrée des bureaux du garage et de l'atelier, ainsi que l'acquisition d'un réservoir des huiles de vidanges
Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, le remplacement des deux portes (d'entrée du bureau, voir pièce n° 20 de l'intimée : facture d'un montant HT de 5 124,50 euros et d'une porte sectionnelle, voir pièce n° 19 de l'intimée : facture d'un montant HT de 5 582,13 euros) ne relèvent pas des grosses réparations prévues par l'article 606 du code civil, étant rappelé que, selon ce texte, elles sont définies comme « celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières (et celles) des digues et des murs de soutènement ». En outre, les dispositions de l'article XV du contrat de bail stipulent que le bailleur n'aura à sa charge que les grosses réparations visées par ce texte.
Par ailleurs, concernant la cuve de recueil des huiles usagées, d'un montant hors de taxe de 1739 euros, la société preneuse soutient sans en justifier que son acquisition en a été rendue nécessaire par les fuites que présentait la cuve installée dans les locaux. Il sera noté en outre qu'il s'agit d'une cuve extérieure (« outdoor », selon la facture) dont la société ne justifie pas plus qu'elle sera laissée dans les locaux. Par ailleurs, un tel équipement ne saurait être considéré comme une grosse réparation au sens de l'article 606 du code civil.
Cette demande n'est pas fondée et le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
La société demande, dans le cours de ses écritures, l'infirmation de la décision du tribunal, en ce qu'il lui a refusé une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Toutefois, elle ne formule aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses écritures. Le jugement sera maintenu sur ce point.
Il n'y a en outre pas lieu d'infirmer le jugement, comme le demande la SCI, en ce qu'il a dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
La société preneuse, qui succombe pour l'essentiel en son appel incident et ses demandes - notamment en paiement et indemnitaires - formées contre la SCI, supportera les dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au vu de l'équité, il y a lieu de condamner la société à payer à la SCI la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DECLARE la société Garage Christophe Diaz irrecevable en sa demande aux fins de condamnation de la société civile immobilière Oliver à lui verser la somme de 29 446,11 euros au titre des frais de réinstallation du fonds de commerce ;
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SCI Oliver à procéder à l'ensemble des travaux préconisés par la société EB Tandem au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
STATUANT A NOUVEAU :
Rejette la demande de la société Garage Christophe Diaz aux fins de versement de la somme de 92 114,24 euros HT au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil, telles que préconisées par la société EB Tandem ;
Y AJOUTANT :
MET les dépens d'appel à la charge de la société Garage Christophe Diaz ;
CONDAMNE la société Garage Christophe Diaz à payer à la SCI Oliver la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Décision du Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE
Au fond du 16 décembre 2020
RG : 18/01200
S.C.I. OLIVER
C/
S.A.R.L. GARAGE CHRISTOPHE DIAZ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 14 Septembre 2023
APPELANTE :
S.C.I. OLIVER
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant,toque :475
Et ayant pour avocat plaidant la SELARL BERTHELON GALLONE & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 435
INTIMEE :
S.A.R.L. GARAGE CHRISTOPHE DIAZ
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par la SCP BERTIN & PETITJEAN-DOMEC ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 53
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Date de clôture de l'instruction : 28 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mai 2023
Date de mise à disposition : 14 Septembre 2023
Audience présidée par Thierry GAUTHIER, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, présidente
- Julien SEITZ, conseiller
- Thierry GAUTHIER, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, présidente, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 26 juillet 2007, la société Garage Christophe Diaz (la société preneuse) a souscrit auprès de la société civile immobilière Oliver (la SCI) un bail, à effet du 1er septembre 2007 et pour une durée de neuf ans, concernant un ensemble immobilier à usage commercial, sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 4]. Le loyer annuel était de 16 800 euros HT.
Le 2 mars 2016, la SCI a notifié à la société preneuse une proposition de renouvellement de bail, à effet du 1er septembre 2016, modifiant l'assiette du bail, en incluant une surface à usage de parking, qui n'avait pas été jusque-là comprise dans le bail, et élevant le montant du loyer annuel à la somme de 28 800 euros.
Le 15 novembre 2018, la SCI a fait délivrer à la société preneuse un commandement visant la clause résolutoire du bail, évoquant différents manquements contractuels résultant de trois constats d'huissier de justice.
Le 13 novembre 2018, la société preneuse a fait assigner la SCI devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en annulation de ce commandement et aux fins d'obtenir la condamnation du bailleur à remplir ses obligations légales et contractuelles.
Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône a:
- débouté la société preneuse de sa demande tendant au renouvellement du bail commercial du 26 juillet 2017 ;
- dit que le commandement du 15 novembre 2018 est nul et nul effet ;
- condamné la SCI à procéder à l'ensemble des travaux préconisés par la société EB TANDEM au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
- débouté la société preneuse de ses autres demandes indemnitaires ;
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;
- débouté les parties de toutes leurs autres prétentions.
Par déclaration au greffe du 6 janvier 2021, la SCI a relevé appel principal de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, n° 5, après rabat de l'ordonnance de clôture, déposées le 24 avril 2023, la SCI demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que le commandement en date du 15 novembre 2018 est nul et de nul effet ;
- débouté la SCI OLIVER de sa demande reconventionnelle de résiliation du bail commercial ;
- condamné la SCI à procéder à l'ensemble des travaux préconisés par la Société EB TANDEM au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
- débouté la SCI de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que la SCI conservera la charge de ses dépens ;
Statuant à nouveau,
- constater la résiliation de plein droit dudit bail commercial intervenu par l'effet du commandement en date du 15 novembre 2018 dont les causes n'ont pas été apurées dans le délai d'un mois suivant sa délivrance ;
- subsidiairement prononcer la résiliation du bail commercial ;
En toute hypothèse,
- ordonner l'expulsion pure et simple de la société GARAGE CHRISTOPHE DIAZ au besoin avec l'aide de la Force Publique, ainsi que de tous occupants de son chef.
- condamner la société preneuse à lui payer une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majoré de 50 % hors charges et ce jusqu'à son départ effectif ainsi qu'à celui de tous occupants de son chef, accompagné de la remise effective des clefs, et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir.
- dire et juger que la SCI conservera le dépôt de garantie versé par la société à l'entrée dans les lieux conformément à l'article XIX du contrat de bail.
- rejeter toutes les demandes de la société preneuse, comme étant irrecevables au titre de l'article 564 du Code de procédure civile, pour les demandes nouvelles présentées en appel, notamment à hauteur de la somme de 30 000 euros pour frais de déménagement « (voire 29 446,11 euros') » (sic), et en tout état de cause non fondées.
- condamner la société preneuse à lui payer la somme de 5 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens distraits au profit de son conseil, sur son affirmation de droit.
Dans ses conclusions n° 4, déposées le 20 avril 2023, la société preneuse demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de constat de renouvellement du bail, écarté les demandes d'indemnisation au titre du remplacement de la porte d'entrée des bureaux du garage et de l'acquisition d'un réservoir de récupération des huiles de vidange, omis de statuer sur l'indemnisation du préjudice moral subi du fait du bailleur et écarté l'application de l'article 700 du code de procédure civile et partagé les dépens ;
- confirmer le jugement pour le surplus ou y ajoutant :
- dire nul et de nul effet le commandement visant la clause résolutoire qui lui a été signifié le 15 novembre 2018 à la requête de la SCI ;
- débouter la SCI l'intégralité de ses demandes reconventionnelles en particulier celles tendant à la résiliation du bail, que ce soit par constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou par résiliation judiciaire et leurs suites ;
- condamner la SCI à lui payer les sommes suivantes :
* 92.114,24 euros HT au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
* 10 706, 63 euros HT au titre du remplacement de la porte d'entrée des bureaux du garage et de l'atelier,
* 1.739,00 euros HT au titre de l' acquisition d'un réservoir des huiles de vidange,
* 29 446,11 euros HT au titre des frais de réinstallation du fonds de commerce.
- condamner la SCI à lui payer la somme de 10 000,00 euros en réparation du préjudice moral subi par elle, en application de l'article 1240 du code civil ;
- condamner la SCI à lui payer la somme de 8.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la SCI aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil, sur son affirmation de droit.
La clôture a été prononcée le 25 janvier 2022, révoquée le 24 novembre 2022 et ordonnée de nouveau le 28 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Préalablement, il doit être particulièrement relevé que, comme cela sera ultérieurement précisé, il résulte du dossier que la société preneuse a donné congé à la SCI, à effet du 30 juin 2023.
Sur la recevabilité des demandes de la société preneuse
La SCI soutient dans le dispositif de ses écritures que « toutes les demandes » doivent être « rejetées comme étant irrecevables au titre de l'article 564 du code de procédure civile, pour les demandes nouvelles présentées en appel, notamment à hauteur de 30 000 euros pour frais de déménagement (voire 29 446,11 euros...) Et en tout état de cause non fondées ».
La société preneuse ne présente aucun moyen de fait ou de droit sur ce point.
Au-delà de l'imprécision de cette demande de la SCI, il doit être ainsi constaté que la société preneuse a présenté aux premiers juges des demandes tendant à obtenir l'annulation du commandement du 15 novembre 2018, le versement de la somme de 92 114,24 euros HT au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil, de la somme de 10 706,63 euros HT pour le remplacement de la porte d'entrée des bureaux du garage et de l'atelier et 1 739 euros HT au titre de l'acquisition d'un réservoir des huiles de vidange, le versement d'une somme au titre du préjudice moral (10 000 euros).
Ces demandes, réitérées à hauteur d'appel, ne peuvent être considérées comme nouvelles et, dès lors, leur recevabilité doit être admise.
Seule est nouvelle la demande de la société visant au paiement de la somme de 29 446,11 euros, correspondant aux frais de réinstallation du fonds de commerce (que la société preneuse sollicite par ailleurs au titre de la confirmation du jugement).
Devant le tribunal, les demandes en paiement formées par la société preneuse, susvisées, s'appuyaient sur une inexécution contractuelle du bailleur, étant rappelé que la société preneuse demandait alors l'annulation du commandement visant la clause résolutoire du 15 novembre 2018 et que soit reconnu le renouvellement du bail commercial depuis le 1er septembre 2016.
Telle n'est pas la finalité de la demande visant à indemniser la société preneuse pour les frais de réinstallation, à la suite d'un congé qu'elle a elle-même donné. Ainsi, cette demande, ne tend pas aux mêmes fins, comme le prévoit l'article 565 du code de procédure civile, et ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions émises en première instance par la société preneuse.
Cette demande sera déclarée irrecevable.
Sur la validité du commandement du 15 novembre 2018, la demande de la SCI visant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou, subsidiairement, à la résiliation judiciaire du bail et les demandes accessoires qui y sont attachées
Il doit être préalablement relevé que, le 16 novembre 2022, la société preneuse a fait signifier à la SCI, bailleresse, un congé (pièce n° 44 de l'intimée) qui indique notamment que le « bail a été consenti pour neuf années entières et consécutives commençant à courir le 1er septembre 2007, venant à expiration le 30 août 2016 et tacitement prolongé depuis. (...) « ce congé vous est donné sans renonciation au recours indemnitaire intenté devant la cour d'appel de Lyon ». Le congé est à effet au 30 juin 2023.
Le commandement « visant la clause résolutoire et mise en demeure de l'article L. 145-17 du code de commerce » signifié sur demande de la SCI le 15 novembre 2018 fait grief à la société preneuse de :
- faire stationner des véhicules sur une partie de la parcelle AL [Cadastre 1] qui ne fait pas partie de la location ;
- d'avoir creusé une tranchée dans le nord-ouest du bâtiment loué, remplie d'huiles usagées noirâtres, avec les conséquences sur la pollution du terrain ;
- d'avoir entreposé des pièces détachées sur la partie nord de la parcelle susvisée, qui ne fait partie de la location et de faire stationner fréquemment un véhicule de dépannage gênant l'accès ;
- d'entreposer au pied de la rampe d'accès côté nord-ouest du bâtiment, ainsi que des déchets et des bidons ;
- d'abuser du droit de passage sur les lieux, notamment en déplaçant la limite de propriété entre deux tènements.
Il en résulte que, concurremment aux motifs des premiers juges ayant conclu à l'invalidité de ce commandement, que la cour adopte, il y a lieu de relever que, pour l'essentiel, la SCI reprochait à la société d'avoir empiété sur sa propriété au-delà de ce que prévoyait le bail. Ainsi, les griefs exposés dans le commandement ne concernent pas, à cet égard, la SCI en qualité de bailleur mais la SCI en qualité de propriétaire du surplus de la ou des parcelles non louées au preneur, dont celui-ci aurait fait un usage sans titre. La SCI, en ce seul titre, n'a aucun droit de délivrer un commandement visant la clause résolutoire.
En outre, la cour relève, concernant les travaux effectués par le locataire (creusement d'une tranchée pour stockage des huiles usagées, transformation d'une ouverture en baie vitrée), que l'article XIV, B.3 du bail autorisait le preneur à effectuer des travaux dans les lieux loués et que la SCI ne démontre pas, par les pièces qu'elle produit, que la société preneuse ait manqué à ses obligations sur ce point. L'affirmation de la SCI selon laquelle ces travaux seraient une source de pollution est en outre dénuée d'offre de preuve.
Par ailleurs, il ne résulte pas de ces stipulations contractuelles, et notamment de l'alinéa 2 du texte susvisé, que la transformation d'une porte en baie vitrée, qui ne constitue pas une transformation des lieux, soit interdite par les dispositions de cet article ou nécessitaient l'autorisation du bailleur.
Enfin, les constats d'huissier que produit la SCI ne permettent pas de retenir que le stationnement de véhicules, reproché par la SCI, soit intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article III du contrat de bail, qui prévoyaient ce stationnement, ou encore que la société preneuse soit à l'origine de la dégradation du terrain de la SCI.
Dès lors, comme l'ont retenu les premiers juges, il n'y a pas lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire. Pour ces mêmes motifs, et en l'absence de manquements contractuels le justifiant, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du bail, sur demande du bailleur.
Les demandes de la SCI relatives à la résiliation du bail doivent dès lors être rejetées et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de renouvellement du bail
La cour relève qu'en raison du congé donné par le preneur, à effet du 30 juin 2023, la demande de renouvellement de bail est sans objet.
Il sera relevé à cet égard que la société, dans ses conclusions, qui lie la cour quant aux demandes sur lesquelles elle doit statuer, demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de constater de renouvellement du bail, mais ne demande pas à la cour, statuant à nouveau, d'effectuer ce constat.
Il sera noté en outre que, dans ces mêmes écritures (p. 10), l'intimée écrit « la société Garage Christophe Diaz entend renoncer à ses prétentions relativement au renouvellement du bail ».
Il doit être rappelé que, dans le congé qu'elle a donné, la société a en outre indiqué considérer que le bail avait été tacitement reconduit depuis le 30 août 2016.
Précédemment, dans sa lettre du 1er août 2017 (pièce n° 6.10 de l'intimée), le conseil de la société indiquait « aucun accord n'avait été trouvé par les parties pour un « nouveau » bail ».
En l'absence de caractère clair et non équivoque des écritures sur ce point, leur interprétation rendue nécessaire amène à considérer que la société n'a pas maintenu, à hauteur d'appel, sa demande en renouvellement du bail.
Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ce point.
Incidemment, il sera relevé que la société ne peut dans le même temps abandonner sa demande concernant le renouvellement du contrat de bail tout en soutenant (p. 17) que le bail a été renouvelé, ce qui rendrait applicables selon elle les modifications induites par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite « Pinel ».
Sur les demandes en paiement de la société preneuse
Sur la demande en paiement de la somme de 92 114 euros, HT, au titre des réparations de l'article 606 du code civil
Il convient de relever que le tribunal, saisi de la demande de la société preneuse visant à ce que la SCI lui verse la somme de 92 114 euros, a prononcé la condamnation de la SCI à réaliser l'ensemble des travaux préconisés par la société EB TANDEM au titre des réparations de l'article 606 du code civil.
Le tribunal a dès lors manifestement méconnu l'objet du litige et, la SCI demandant l'infirmation du jugement sur ce point, la décision devra être réformée.
La société preneuse maintient en revanche à hauteur d'appel sa demande visant au paiement de cette somme. Celle-ci correspond selon elle au montant total des travaux qui résulte d'un « état des lieux », établi le 16 octobre 2017 par la société EB TANDEM. Le document produit (pièce n° 18 de l'intimée) ne précise pas sur l'initiative de quelle partie il a été établi, étant précisé que la SCI conteste, sans être contredite sur ce point, son caractère contradictoire.
Il sera constaté que le chiffrage des travaux, à la somme totale hors taxe de 92 114,247 euros, correspond à des travaux de démolition, de gros-œuvre de maçonnerie, d'étanchéité et de menuiseries extérieures.
En l'absence de tout autre élément, le caractère fondé des travaux préconisés dans ce document n'est pas établi.
En outre, il est constant qu'ils n'ont pas été réalisés et que la société preneuse ne soutient ni ne justifie avoir engagé de quelconques frais correspondant à ces travaux.
De plus, en admettant encore leur nécessité, les travaux à réaliser, en ce qu'ils concernent directement et seulement la structure du bâtiment loué, ne sauraient évidemment donner lieu au versement de la somme correspondante au preneur, qui plus est alors que celui-ci a résilié le bail.
Cette demande doit être rejetée.
Sur l'indemnisation des préjudices invoqués par la société preneuse
Il sera noté que la société preneuse, dans le cadre des développements qu'elle consacre dans ses conclusions à son indemnisation (p. 19), fonde celle-ci, à la fois, sur la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur, soit sur un plan contractuel, et sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, soit sur un plan délictuel.
Sa demande en versement de la somme de 29 446,11 euros HT, au titre des frais de réinstallation du fonds de commerce étant irrecevable, il y a lieu de relever que la société demande aussi le versement de la somme de 10 000 euros au titre des « voies de fait » ou préjudice moral.
En ce qui concerne l'indemnisation pour résiliation du bail, aux torts exclusifs de la SCI, il doit être relevé que la société preneuse ne demande pas à la cour de prononcer cette résiliation dans le dispositif de ses écritures.
Dès lors, aucune indemnisation ne saurait être prononcée de ce fait.
En ce qui concerne l'indemnisation pour « voies de fait » ou préjudice moral, la société preneuse soutient qu'à partir de 2015, le bailleur n'a plus exécuté le contrat de bail de bonne foi en remettant en cause les conditions d'occupation du bien donné à bail pour contraindre le locataire à accepter une hausse substantielle du loyer, sous couvert d'élargissement de l'assiette d'occupation puis n'a donné aucune suite aux demandes de remise en état du bien, préférant commettre des voies de fait, puis entreprendre de parfaite mauvaise foi une procédure de résiliation de bail qu'il savait nécessairement vouée à l'échec.
Dans ses écritures, la société vise ses pièces n° 3 à 16, sans en préciser ni le contenu ni la portée.
Il ressort de l'examen de ces documents l'existence d'un litige entre les parties quant aux conditions dans lesquelles le bail pouvait être renouvelé et était exécuté réciproquement par les parties. Le bailleur formule des reproches qui ont été finalement formalisés dans le commandement du 15 novembre 2018, dont le preneur conteste la réalité (pièce n° 6.3) tout en faisant lui-même part de ses propres griefs concernant les travaux à effectuer dans les locaux, à partir de juillet 2016 (pièce n° 6.4).
Certains des documents comportent notamment des photographies qui, en l'absence de toute référence exacte quant à leur date et leur lieu, n'ont aucun caractère probant.
Figurent également dans ces pièces des documents relatifs à la valeur locative des lieux.
Il doit être relevé que les doléances de la société preneuse quant à l'état des lieux n'ont été formalisées par le conseil de celui-ci qu'en juillet 2016, après les démarches entreprises par la SCI aux fins d'un renouvellement du bail avec modifications quant à l'assiette et au montant du loyer.
En cet état, il ne résulte pas des documents produits par la société preneuse la réalité des manquements contractuels qu'elle invoque.
Par ailleurs, la société ne justifie pas de la réalité du préjudice moral dont elle excipe.
Ces manquements étant tous de nature contractuelle, et en l'absence de moyens de droit ou de fait relevant de la responsabilité délictuelle, l'action cumulativement engagée par la société sur le fondement de l'article 1240 du code civil ne saurait être reconnue comme fondée, en l'absence de faute et de préjudice établi par la société.
Sur le remboursement des travaux concernant la portée d'entrée des bureaux du garage et de l'atelier, ainsi que l'acquisition d'un réservoir des huiles de vidanges
Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, le remplacement des deux portes (d'entrée du bureau, voir pièce n° 20 de l'intimée : facture d'un montant HT de 5 124,50 euros et d'une porte sectionnelle, voir pièce n° 19 de l'intimée : facture d'un montant HT de 5 582,13 euros) ne relèvent pas des grosses réparations prévues par l'article 606 du code civil, étant rappelé que, selon ce texte, elles sont définies comme « celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières (et celles) des digues et des murs de soutènement ». En outre, les dispositions de l'article XV du contrat de bail stipulent que le bailleur n'aura à sa charge que les grosses réparations visées par ce texte.
Par ailleurs, concernant la cuve de recueil des huiles usagées, d'un montant hors de taxe de 1739 euros, la société preneuse soutient sans en justifier que son acquisition en a été rendue nécessaire par les fuites que présentait la cuve installée dans les locaux. Il sera noté en outre qu'il s'agit d'une cuve extérieure (« outdoor », selon la facture) dont la société ne justifie pas plus qu'elle sera laissée dans les locaux. Par ailleurs, un tel équipement ne saurait être considéré comme une grosse réparation au sens de l'article 606 du code civil.
Cette demande n'est pas fondée et le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
La société demande, dans le cours de ses écritures, l'infirmation de la décision du tribunal, en ce qu'il lui a refusé une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Toutefois, elle ne formule aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses écritures. Le jugement sera maintenu sur ce point.
Il n'y a en outre pas lieu d'infirmer le jugement, comme le demande la SCI, en ce qu'il a dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
La société preneuse, qui succombe pour l'essentiel en son appel incident et ses demandes - notamment en paiement et indemnitaires - formées contre la SCI, supportera les dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au vu de l'équité, il y a lieu de condamner la société à payer à la SCI la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DECLARE la société Garage Christophe Diaz irrecevable en sa demande aux fins de condamnation de la société civile immobilière Oliver à lui verser la somme de 29 446,11 euros au titre des frais de réinstallation du fonds de commerce ;
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SCI Oliver à procéder à l'ensemble des travaux préconisés par la société EB Tandem au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil ;
STATUANT A NOUVEAU :
Rejette la demande de la société Garage Christophe Diaz aux fins de versement de la somme de 92 114,24 euros HT au titre des réparations relevant de l'article 606 du code civil, telles que préconisées par la société EB Tandem ;
Y AJOUTANT :
MET les dépens d'appel à la charge de la société Garage Christophe Diaz ;
CONDAMNE la société Garage Christophe Diaz à payer à la SCI Oliver la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE