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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 28 septembre 2023, n° 20/18579

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 20/18579

28 septembre 2023

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023

(n° , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 20/18579 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2SO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2020 - Tribunal judiciaire de Bobigny (chambre 5/Section 1) - RG n° 17/12426

APPELANTE

S.C.I. DU BASSIN NORD

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 422 733 402

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : L0020

Assistée de Me Emmanuel ROSENFELD, substitué par Me Ariane CLÉMENT, avocat au barreau de Paris, Toque T06

INTIMEE

S.A.R.L. BRIDAC OPTIC

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 528 438 237

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me David PINET de l'ASSOCIATION LEBRAY & Associés, avocat au barreau de Paris, toque : R189

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mai 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Douglas Berthe, conseiller, conformément aux articles 804, 805 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

- M. Douglas Berthe, conseiller

- Mme Marie Girousse, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Laurène Blanco

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé du 11 octobre 2020, prenant effet à compter de la livraison de la coque et pour une durée de dix ans, la SCI du Bassin Nord a consenti à la société Bridac Optic un bail à usage commercial en l'état futur d'achèvement portant sur un local n° 145 d'une surface d'environ 158 m², dont 24 m² de réserve, situé au niveau R+1 du centre commercial [Adresse 7] (93) pour y exercer l'activité principale d'optique, lunetterie, surdité, prothèse, moyennant un loyer annuel minimum garanti de 110 000 euros augmenté d'un loyer variable annuel de 7,10 % HT du chiffre d'affaires HT du preneur. Une franchise de loyer a été consentie de la date d'effet du bail à l'ouverture au public, le loyer a été fixé à 70 000 euros HT/HC entre la date d'ouverture au public et le 24ème mois, puis à 85 000 euros HT/HC du 25ème fois jusqu'au 36ème mois.

Le local a été livré le 23 novembre 2010.

Par un avenant valant protocole d'accord du 5 avril 2013, le loyer a été réduit d'un montant de 15 000 euros HT/HC pour la période allant du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 moyennant le report d'un an du droit à congé triennal du preneur.

Le 21 mai 2014, la SCI du Bassin Nord et la société Bridac Optic ont signé un second protocole transactionnel ainsi qu'un second avenant au contrat de bail, prévoyant des modalités de paiement au profit du preneur au regard de son arriéré locatif de 124 098,26 euros, avec déchéance du terme en cas de non respect de l'intégralité des engagements du protocole. Par ailleurs, le loyer minimum garanti a été fixé au 1er janvier 2014 à la somme de 117 205,15 euros HT/HC, avec une réduction de :

3 750 euros pour la période comprise entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2013 ;

40 000 euros pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2014 ;

30 000 euros pour la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015 ;

20 000 euros pour la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016.

Par exploit d'huissier du 16 juin 2016, la SCI du Bassin Nord a fait délivrer à la société Bridac Optic un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme en principal de 37 793,94 euros correspondant aux loyers et charges impayés du 1er et 2ème trimestre 2016.

Un second commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 22 février 2017 portant sur la somme en principal de 118 326,74 euros correspondant aux loyers et charges impayés du 3ème trimestre 2016 au 1er trimestre 2017, outre la liquidation des charges pour l'année 2015.

Suivant exploit d'huissier du 11 octobre 2017, la SCI du Bassin Nord a assigné la société Bridac Optic devant le tribunal de grande instance de Bobigny, afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et de voir ordonner son expulsion, outre le paiement des loyers qu'elle estime impayés.

Au cours de la mise en état, la société Bridac Optic qui a constitué avocat a soulevé un incident de compétence territoriale au profit du tribunal de grande instance de Paris qui par ordonnance du 26 septembre 2018, a été rejeté par le juge de la mise en état.

La société Bridac Optic n'occupe désormais plus le local, les clés ayant été remises au bailleur le 20 décembre 2019.

Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

condamné la SCI du Bassin Nord à verser à la société Bridac Optic, la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 mars 2017 en vertu du bail commercial conclu entre la SCI du Bassin Nord et la société Bridac Optic le 11 octobre 2010 portant sur un local situé au niveau R+1 du centre commercial [Adresse 7] (93) ;

condamné la société Bridac Optic à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 280 031,44 euros au titre de sa dette locative comprenant les loyers, charges, accessoires, indemnités d'occupation et clause pénale arrêtée au 20 décembre 2019, avec intérêt au taux légal sur la somme de 118 326,74 euros à compter du 22 février 2017 et à compter du 21 avril 2020 pour le surplus ;

ordonné la compensation entre la créance de dommages et intérêts et la créance au titre de la dette locative ci-dessus déterminées à hauteur de la plus faible ;

débouté la SCI du Bassin Nord de sa demande indemnitaire ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Bridac Optic aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 22 février 2017 ;

ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.

Par déclaration du 17 décembre 2020, la SCI du Bassin Nord a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 15 juin 2021, la société Bridac Optic a interjeté appel incident partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 28 avril 2023, par lesquelles la SCI du Bassin Nord, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

- dire la SCI du Bassin Nord recevable et fondée en son appel principal :

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la SCI du Bassin Nord avait manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée ;

- condamné la SCI du Bassin Nord à verser à la société Bridac Optic la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision ;

- écarté l'article 29 du bail sans caractériser l'excès manifeste des dommages et intérêts ;

- rejeté la demande de la SCI du Bassin Nord consistant à voir condamner la société Bridac Optic à verser lui verser 87.739,20 € au titre de l'inoccupation prématurée des locaux ;

- rejeté la demande de la SCI du Bassin Nord consistant à inclure dans les loyers dus par la société Bridac Optic les prélèvements rejetés à hauteur de 57 065,99 € ;

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 mars 2017 aux torts du preneur en vertu du bail commercial conclu entre la SCI du Bassin Nord et la société Bridac Optic ;

- condamné la société Bridac Optic à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 280 031,44 € au titre de sa dette locative comprenant les loyers, charges, accessoires, indemnités d'occupation ;

- rejeté les autres griefs soulevés par la société Bridac Optic devant le tribunal.

En conséquence, statuant à nouveau :

Sur le paiement des sommes dues en vertu du bail,

- inclure dans les loyers dus par la société Bridac Optic à la SCI du Bassin Nord les prélèvements rejetés à hauteur de 57 065,99 € ;

- juger que le total des sommes dues au titre du bail s'élève à 333.444,12 €, et condamner en conséquence la société Bridac Optic à verser ladite somme à la SCI du Bassin Nord ;

Sur les demandes des dommages et intérêts moratoires,

- condamner la société Bridac Optic à verser à la SCI du Bassin Nord des intérêts moratoires en application de l'article 29 du bail ;

Sur l'expiration du bail avant le terme

- condamner la société Bridac Optic à verser à la SCI du Bassin Nord 87.739,20 € au titre de l'inoccupation prématurée des locaux.

Sur l'appel incident de la société Bridac Optic,

À titre principal :

- débouter la société Bridac Optic de toutes ses demandes ;

À titre subsidiaire :

- constater que la société Bridac Optic ne justifie pas de la réalité et du quantum du préjudice allégué et du lien de causalité avec le préjudice allégué ;

- débouter en conséquence la société Bridac Optic de ses demandes de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :

- condamner la société Bridac Optic à verser à la SCI du Bassin Nord la somme de 20.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- débouter la société Bridac Optic de sa demande au titre de l'article 700 et des dépens ;

- la condamner également à verser à l'appelante une somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Vu les conclusions déposées le 04 avril 2023, par lesquelles la société Bridac Optic, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

À titre principal :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit et jugé que le bailleur avait manqué à ses obligations conventionnelles en s'étant abstenu de produire au titre des exercices 2014 / 2015 et 2019 les redditions de comptes du « fonds d'animation et de promotion » visées à l'article 12.3.1 du bail, outre une attestation de son Commissaire aux comptes de nature à justifier précisément par année calendaire au sens de l'article 12.5 du bail des sommes collectées au titre des années 2014/2019, des actions entreprises et du coût unitaire et consolidé correspondant pour les exercices 2014/2015 et 2019 ;

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit et jugé que le bailleur avait manqué à ses obligations conventionnelles en ayant changé la nature du centre commercial, qui ciblait initialement des enseignes et une clientèle de « haut de gamme », en ayant implanté des enseignes axant leur politique commerciale sur la vente de produits « à bas prix » ou « discount » ;

- la réformant pour le surplus, et statuant à nouveau, de dire et juger que le bailleur a gravement manqué à ses obligations contractuelles envers Bridac Optic au sens de l'article 1134 du code civil :

- en ayant permis à des enseignes de transformer leurs points de vente « prime » en « outlet » ou « magasins d'usine » au sens de l'article L. 310-4, dédiés à la commercialisation à prix cassés de fins de série des collections antérieures et de produits avec défaut ;

- en ayant abandonné la commercialisation du centre commercial ;

- en ayant drastiquement réduit son effort promotionnel, dès lors que l'augmentation exponentielle de la vacance du centre au cours de la période 2014 / 2019 a arithmétiquement rejailli sur le budget du « fond d'animation et de promotion » qui s'est vu amputer d'autant sans que le bailleur n'ait contribué personnellement audit fonds, à proportion des cellules vacantes ;

- en ayant supprimé certains services collectifs du centre commercial et délaissé l'entretien des parties communes de ce dernier ;

Subsidiairement :

- de dire et juger que le bailleur a engagé sa responsabilité délictuelle envers la concluante au sens de l'article 1382 du code civil en ayant laissé des enseignes transformer leurs points de vente « prime » en « outlet » ou « magasins d'usine » dédiés à la commercialisation à prix cassés de fins de série des collections antérieures et de produits avec défaut, alors que les conditions générales du bail leur en faisaient interdiction ;

En conséquence :

- de débouter le bailleur de sa demande visant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire aux torts du preneur avec effet au 23 mars 2017 ;

- de résilier le bail en date du 11 octobre 2010 aux torts exclusifs du bailleur avec effet au 20 décembre 2019, date de délaissement des lieux libres de toute occupation ;

- de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de deux millions six cent quarante-six mille cinq cent soixante et onze euros (2.646.571) EUR à titre de dommages et intérêts pour perte de marge brute ayant été subie par la concluante au titre des années calendaires 2014 à 2019 ;

Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à considérer que la concluante ne peut revendiquer aucune indemnisation au titre du gain manqué, de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de quatre cent quatre-vingt-quatorze mille trois cent quatre-vingt-dix euros (494.390 EUR) à titre de dommages et intérêts au titre de la perte éprouvée, correspondant, sur la base d'une valeur locative pivot de 125 EUR HT / M², au loyer non causé ayant été versé au bailleur au titre des années calendaires 2014 à 2019, sauf à parfaire au jour du jugement à intervenir;

- de condamner la SCI du Bassin Nord à payer à la concluante la somme de cent mille (100.000) EUR à titre de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice moral ;

En tout état de cause :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté le bailleur de sa demande indemnitaire de quatre-vingt-sept mille sept cent trente-neuf euros et vingt cents (87.739,20), TVA en sus, présentée au visa de l'article 1760 du code civil, le bail étant résilié aux torts du bailleur ;

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé la créance de loyers de cinquante-sept mille soixante-cinq euros et quatre-vingt-dix-neuf cents (57.065,99) EUR incertaine ;

- de dire et juger n'y avoir lieu à indemnité d'occupation, le bail étant résilié aux torts du bailleur ;

- de débouter le bailleur de sa demande de paiement des loyers à hauteur de trois cent trente-trois mille quatre cent quarante-quatre euros et douze cents (333.444,12) EUR ;

- de dire et juger manifestement excessifs et injustifiés au sens des articles 1231-5 alinéa 2 & 3 du code civil les dispositions des articles 31 et 29 du bail relatives aux pénalités et intérêts de retard, et le cas échéant de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par le preneur à hauteur du loyer minimum garanti indexé convenu à l'article 22.3 des conditions particulières du bail ;

En conséquence, de dire et juger que le preneur n'est tenu qu'au paiement des loyers contractuels et des charges locatives jusqu'à la date du 20 décembre 2019, sous déduction du montant du dépôt de garantie effectif, de la créance incertaine de 57.065,99 EUR, à l'exclusion de toute pénalité au sens de l'article 29 des conditions générales du bail ;

- d'ordonner la compensation des créances réciproques des parties ;

- de débouter la SCI du Bassin Nord de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de trente mille (30.000) EUR au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.

Sur les manquements contractuels du bailleur,

La société Bridac Optic expose :

- que la plaquette de présentation du centre remise aux preneurs potentiels avant son achèvement et les communiqués de presse du bailleur ont qualifié le centre commercial de haut de gamme, que plusieurs décisions concernant d'autres preneurs du Centre ont considéré que ces documents ne pouvaient pas être de nature à engager la responsabilité du bailleur du fait de leur nature non contractuelle alors que ces documents ont influencé la volonté du preneur, que le caractère « haut de gamme » dudit centre commercial a bel et bien été contractualisé au sein du bail, et notamment par l'article 3 interdisant au preneur d'opter pour une enseigne de moindre notoriété en cours de bail, par l'article 13 interdisant au preneur d'axer sa communication sur la vente de produits à bas prix, ou encore par l'article 14 relatif aux aménagements luxueux que le preneur était tenu de réaliser à ses frais, que le bailleur a unilatéralement décidé d'altérer la nature du centre commercial, en le transformant au fil des mois en « centre commercial discount » et en permettant le cas échéant à des commerçants d'adopter un positionnement axé sur la vente de produits multimarques ou démarqués à bas prix, de type solderie, outlet ou magasins d'usine au sens de l'article L. 310-4 du code de commerce et en consentant aux nouveaux arrivants des loyers fixes à 3 à 10 fois plus bas que les loyers fixes devant être supportés par les commerçants ayant pris une cellule à l'ouverture du centre ;

- que si le taux de vacance du rez-de-chaussée n'était en 2018 que de 37 % au rez-de-chaussée, il était de 53 % au 1er étage, en augmentation de 68 % par rapport à 2014, le 1er étage ne comportant plus que 33 commerces sur 70 cellules ;

- que l'article 12 des conditions générales du bail fait classiquement obligation à chacun des commerçants du centre de cotiser à un « fonds d'animation et de promotion du centre commercial » géré par le bailleur qui décide discrétionnairement des campagnes annuelles à mettre en œuvre, tout en s'obligeant à communiquer aux preneurs une reddition de comptes en fin d'exercice, justifiant des montants collectés, des montants dépensés, et de l'affectation de ces derniers, qu'aucune action significative n'a été entreprise par le bailleur depuis 2014, que le bailleur a là encore engagé sa responsabilité contractuelle envers le preneur de ce seul chef, en n'ayant pas contribué personnellement au fond d'animation et de promotion à proportion des cellules vacantes au titre desquelles aucun commerçant n'a abondé, que le budget consacré à l'animation du centre a subi une baisse importante, que faute pour le bailleur d'avoir produit au titre des exercices 2014 / 2015 et 2019 les redditions de comptes du fonds d'animation et de promotion visées à l'article 12.3.1 du bail, outre une attestation de son Commissaire aux comptes identifiant précisément par année calendaire au sens de l'article 12.5 les sommes collectées au titre des années 2014/2019, les actions entreprises et le coût unitaire et consolidé correspondant pour les exercices 2014/2015, le bailleur n'a pas justifié des actions entreprises de ce chef, que l'augmentation exponentielle de la vacance du centre au cours de la période 2014 / 2019 a arithmétiquement rejailli sur le budget du fond d'animation et de promotion qui s'est vu amputer d'autant sans que le bailleur n'ait contribué personnellement audit fonds, à proportion des cellules vacantes, de sorte que le bailleur a engagé sa responsabilité envers le preneur en ayant drastiquement réduit son effort promotionnel ;

- que le bailleur s'était engagé contractuellement au sein de l'appendice 3 de l'annexe 2 du bail à « mettre en œuvre un traitement de l'air visant à maintenir un confort acceptable dans le centre », compris entre 19° et 26°, le chauffage des parties communes n'est plus adéquatement assuré, que le bailleur a laissé le centre à l'abandon et a changé la nature de gamme, ce qui est un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire du bail dès lors que le preneur ne bénéficie plus des avantages du centre commercial et se trouve débiteur d'un loyer particulièrement conséquent.

La SCI du Bassin Nord, appelante, expose :

- que la Cour de cassation, dans son arrêt du 15 décembre 2021, a retenu que « le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre », que l'apposition de panneaux sur les vacants améliore l'aspect des vacants, une interprétation contraire constituant une ingérence dans la liberté de gestion reconnue par la jurisprudence aux commerçants ;

- que le bail ne caractérise pas le centre comme « haut de gamme » , qu'aucune obligation de standing ne ressort de l'article 3 des conditions générales lesquelles portent sur l'affectation du local loué et non du centre et commerce, stipulant que « les locaux, objet des présentes, sont compris dans un ensemble immobilier à usage de centre commercial. Cet ensemble constitué de magasins et services, est organisé, conçu, planifié, réalisé et géré, en vue de satisfaire les besoins de la clientèle (...) », que l'article 13 ne fait qu'imposer des obligations au preneur quant aux méthodes de vente sans en créer au bailleur, entre autres quant à l'aménagement, lequel n'est au demeurant pas l'objet de l'article, qu'une obligation de standing ne peut pas être déduite de l'article 14 selon lequel le centre a « un positionnement et une démarche HQE qui doit lui permettre de bénéficier d'une image très qualitative. Ainsi sa réalisation nécessite la mise en œuvre de moyens exceptionnels pour atteindre cet objectif », la qualité litigieuse étant technique (démarche HQE), que le cahier des charges annexé au bail montre que les prestations ne se caractérisaient pas par leur luxe, que le bail ne contient aucune obligation quant au niveau qualitatif des enseignes, le preneur n'étant pas haut de gamme, que le bail exclut toute obligation de maintien des enseignes, que subsidiairement, que le centre n'est pas devenu bas de gamme, la concluante ayant choisi les enseignes en fonction des besoins de la clientèle ;

- qu'il n'est pas prouvé que le preneur ait cherché à prendre connaissance dans les locaux du bailleur des comptes du fonds d'animation et de promotion ;

- que la jurisprudence n'a jamais reconnu d'obligation de commercialité, considérant qu'en l'absence de clause spécifique le bailleur ne pouvait se voir reprocher la faible occupation (Civ. 3, 14 fév. 2012), que le bail ne comporte aucune obligation de commercialité dès lors qu'elle est explicitement exclue dans les termes suivants : « le preneur déclare contracter aux présentes en acceptant les aléas économiques pouvant résulter d'une évolution de la zone d'implantation du centre commercial, de la concurrence, du dynamisme des commerçants de la galerie marchande, des actions commerciales dans le cadre du fonds d'animation et promotion du centre commercial, du maintien, de la transformation ou de la disparition des commerces constituant le centre commercial, sans pouvoir rechercher le bailleur à cet égard », que la commercialité n'est pas la cause de l'engagement du preneur, laquelle est la jouissance des locaux comme l'a retenue la jurisprudence (CA Paris, 25 février 2011, n°10/11599), que la société Bridac Optic ne rapporte pas la preuve au sens de l'article 9 du code de procédure civile d'un manquement à une prétendue obligation de recommercialisation, laquelle n'existe ni dans le bail ni dans l'article 1719 du code civil, que la concluante a entrepris des diligences pour relouer des locaux vacants ;

- qu'aux termes de l'article 12.4 le bailleur « n'est tenu à aucune obligation de résultat dans le cadre de ces actions d'animation, de promotion, de communication et de publicité », qu'il justifie en tout état de cause la mise en œuvre des opérations de promotions entre 2012 et le départ du preneur, que la climatisation et le chauffage fonctionnent parfaitement, que les sanitaires du rez-de-chaussée et du 1er étage ont effectivement fait l'objet de travaux pendant quelques semaines après quoi ils ont été en parfait état de fonctionnement.

Sur la responsabilité délictuelle du bailleur,

L'intimée expose à titre subsidiaire que le bailleur a engagé sa responsabilité délictuelle envers la concluante au sens de l'article 1382 du code civil en ayant laissé des enseignes transformer leurs points de vente « prime » en « outlet » ou « magasins d'usine » dédiés à la commercialisation à prix cassés de fins de série des collections antérieures et de produits avec défaut, alors que les conditions générales de leurs baux leur en faisaient interdiction.

L'appelante expose qu'aucune faute n'a été caractérisée dès lors que le changement qualitatif a été accepté par le bailleur et qu'il n'y aucune obligation contractuelle en ce sens.

Sur l'absence de lien de causalité et de préjudice,

L'appelante expose à titre subsidiaire que les difficultés rencontrées ne sont pas imputables à l'action du bailleur ; que l'ouverture d'une vaste galerie à proximité des locaux loués a pu entraîner sur la commercialité des locaux loués ; que les déceptions des équipements commerciaux au nord de [Localité 8] ont été générales.

L'intimée expose à titre subsidiaire qu'en matière de bail commercial, le preneur se voit attribuer des dommages et intérêts correspondant à la perte de marge brute qu'il a éprouvée pendant la période au cours de laquelle les manquements du bailleur à ses obligations ont produit des effets néfastes sur son activité (CA Rouen, 14 février 2019, n°RG 18/00895), que dans l'esprit des parties, le preneur aurait donc dû pouvoir réaliser un chiffre d'affaires annuel de 1 549 295 euros HT / an, que le bailleur a commis des agissements « dolosifs et vexatoires » en multipliant les commandements de payer, en laissant péricliter le 1er étage du centre commercial, en « faisant mine » d'initier des négociations avec le preneur, pour finalement ne pas y donner suite, tout en sachant que le preneur éprouverait des difficultés.

Sur les autres demandes,

L'appelante expose :

- sur le montant des sommes dues à titre principal, qu'au sens de l'article 1728 du code civil, le preneur est débiteur de la somme de 90 969,62 euros après déduction du dépôt de garantie conservé par le bailleur, au titre des loyers et charges impayés jusqu'à la date d'acquisition de la clause résolutoire le 23 mars 2017 et 242 474,50 euros au titre de l'indemnité d'occupation due jusqu'au 20 décembre 2019 dont il ne s'est pas non plus acquitté, soit la somme de totale de 333 444,12 euros, que les deux rejets de prélèvement constituent bien une créance certaine, même s'ils n'ont pu apparaître dans le décompte général, dès lors que cette absence résulte d'un changement de logiciel.

- sur la demande de dommages et intérêts moratoires, que l'article 29 du bail stipule que « toute somme non réglée par le Preneur à sa date d'exigibilité portera intérêt si bon semble au Bailleur depuis la date d'exigibilité jusqu'au jour du paiement effectif, sans qu'il soit besoin d'effectuer une mise en demeure. Cet intérêt sera égal au taux de l'intérêt légal applicable à l'année considérée majoré de cinq points », que la réduction de ce taux est pourtant en droit exclue puisque la clause d'intérêt n'est pas une clause pénale mais une rémunération de l'indisponibilité des sommes dont le bailleur aurait dû disposer, que la clause n'est pas excessive ;

- sur l'indemnisation du bailleur, que le Tribunal a inversé la charge de la preuve en ce que la Cour de cassation a retenu que « pour obtenir l'indemnité prévue par l'art. 1760 du code civil, le bailleur n'a qu'à prouver la résiliation aux torts du preneur, que celui-ci, pour s'exonérer en totalité ou en partie, du paiement de ladite indemnité, doit nécessairement prouver la relocation et ne peut se borner à l'alléguer » (Cass. civ., 21 mai 1946), que les locaux étant occupés avant le 20 décembre 2019 et le bailleur n'ayant été informé de leur libération que le 19 novembre 2019, toute recherche d'un nouveau preneur pour le local était impossible avant la notification par le preneur de son départ imminent, que la vacance de six mois sera donc décomptée à compter du départ du preneur, d'autant que la relocation a été un exercice difficile en 2020 dès lors que le contexte sanitaire a conduit les centres commerciaux à limiter l'accès de la clientèle.

L'intimée expose sur le quantum des demandes financières du bailleur, que l'indemnité d'occupation n'est pas due en ce que le bail sera résilié aux torts du bailleur, que le dépôt de garantie doit être pris en compte, que les dispositions des articles 31 et 29 du bail relatives aux pénalités et intérêts de retard sont manifestement excessives et injustifiées au sens des articles 1231-5 alinéa 2 et 3 du code civil, que le preneur n'est tenu qu'au paiement des loyers contractuels et des charges locatives jusqu'à la date du 20 décembre 2019 sous déduction du montant du dépôt de garantie effectif, de la créance incertaine de 57 065,99 euros, à l'exclusion de toute pénalité au sens de l'article 29 des conditions générales du bail.

Motifs de l'arrêt :

Sur les manquements au bail reprochés à la bailleresse :

Il résulte des articles 544, 1134, 1146, 1147, 1165, 1719 et 1720 du code civil dans leur rédaction applicable au présent litige que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, que le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur un local conforme à sa destination contractuelle, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail et de délivrer le local en bon état de réparations de toute espèce, que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer, que la mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante, que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part et que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Enfin, aux termes de l'article 1192 du code civil, on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

À titre liminaire, il résulte du rapport d'expertise du 24 avril 2014 du cabinet [C]- Berthellot corroboré par les différents articles de presse produits par les parties que le centre commercial « [6] » est implanté au c'ur d'un quartier correspondant au secteur de la ZAC Canal - [Localité 9], qui forme un triangle entre l'[Adresse 4] a l'Ouest, le canal [Localité 11] à l'Est et la limite communale au Sud. Il est situé en bordure du Canal de [Localité 11] dans le quartier sud de la commune d'[Localité 3] qualifié de populaire par l'expert, encadré à l'est par une zone de magasins et d'entrepôts accueillant des activités de grossistes et d'import-export et au sud par le périphérique. À son ouverture les abords du centre étaient encore partiellement constitués de friches.

[6] apparaît à l'expert comme étant mal desservi à raison :

de transports en communs (ligne 12 et tramwav T3b) qui ont ouverts très postérieurement à l'ouverture du centre et qui en demeurent très éloignés (au moins 10 minutes à pieds) donc sans réel impact ;

une navette fluviale d'assez faible capacité, à considérer plutôt comme un moyen de transport ludique à défaut d'être un transport en commun de masse.

Sur ce dernier point, il convient de relever que la fonctionnalité des transports en commun, et notamment des navettes fluviales ne relève pas de la responsabilité du bailleur.

La zone de chalandise du centre diffusée par le promoteur envisageait un potentiel de clientèle d'un million de personnes se répartissant sur en 3 zones :

une zone primaire à proximité immédiate de 106 903 habitants,

une zone secondaire de 224 85 2 habitants

une zone tertiaire de 688 125 habitants.

À l'ouverture du centre en avril 2011, considérant que la plaine et la [Localité 9] étaient des zones dynamiques à potentiel important de développement, il était attendu de 12 à 15 millions de visiteurs par an, pour une moyenne annuelle d'environ 5 à 6 millions depuis et en réalité.

L'expert estime que si la clientèle majoritaire ne vient pas en transports en commun car trop éloignés et n'utilisent pas ou très peu les parkings du centre, comme il l'a constaté, il en conclu que la clientèle vient à pied et que l'essentiel de cette clientèle se limite donc à la zone de chalandise dite « primaire », dont le nombre est estimé selon la carte diffusée par le promoteur à seulement 106 903 habitants, soit moins de 11 % de l'ensemble de la population de la zone de chalandise initialement envisagée. Cette zone primaire couvre principalement les communes d'[Localité 3], de [Localité 11], ainsi qu'une partie du [Localité 8]. La privation de la clientèle parisienne du 19e arrondissement semble avoir été majorée par la transformation de l'entrepôt Macdonald, de l'autre côté du périphérique et à la sortie de la gare RER [10], cet ancien entrepôt abritant désormais 32 500 m² de commerces.

En tout état de cause, l'expert expose que les communes et l'arrondissement considérés présentent une dominance populaire, un faible pouvoir d'achat et connaissent un taux de chômage parmi les plus importants d'Île-de-France. Selon l'expert, les autres publics cibles, soit les populations tertiaires et étudiantes sont plutôt éloignées du centre commercial considéré.

Le bâtiment central, dit à coque rouge devait accueillir un musée de la télévision puis un cinéma. Ces projets d'attractivité n'ont pas été réalisés et le bâtiment, longtemps resté inoccupé, accueille désormais l'enseigne Tati. Le cinéma s'est finalement implanté [Adresse 5], de l'autre côté du périphérique et plusieurs grandes enseignes ont quitté [6] pour lui préférer l'entrepôt Macdonald.

Le centre qui visait une offre haut de gamme à son ouverture tente d'adapter son offre à la clientèle locale en se tournant vers des enseignes plus « mass market ».

[6] reste un bâtiment de haute qualité environnementale de 56 000 m2 conçu dans un souci d'esthétisme et de qualité de ses équipements. Il a obtenu la certification Breeam (Building Reaserch Establishment Environnemental Assessment Method). Il dispose de 12 000 m2 d'espaces verts, d'une immense verrière pour utiliser la lumière naturelle et d'un éclairage qui évolue avec la luminosité extérieure. Ses plafonds et parois sont conçus pour absorber ou dévier les sons. Il a été mis en place un système de récupération des eaux pluviales pour l'arrosage et le nettoyage des locaux.

Le preneur expose que le bailleur serait obligé par les stipulations du bail à une série d'obligations exorbitantes du droit commun et auxquelles il aurait manqué.

Sur le changement de la nature du centre :

L'article 12 du bail stipule que « Le Preneur déclare avoir apprécié par lui-même et sous sa propre responsabilité la commercialité du centre commercial et de son environnement [']. le Bailleur [...] ne saurait assumer une quelconque responsabilité ['] sur l'état de la commercialité du centre commercial et le Preneur le dégage de toute responsabilité. ».

L'article 13 du bail stipule que : « Le Bailleur rappelle au Preneur qui lui en donne acte que toute formules de vente portées à la connaissance du public et ayant pour objet de permettre au Preneur d'attirer la clientèle en lui proposant des prix inférieurs, soit à ses prix habituels, soit à des prix de référence, constitue une image de marque particulièrement dommageable au centre tout entier si elles ne sont pas soit organisées de façon concertée par l'association des commerçants, soit justifiées par des circonstances exceptionnelles et dans ce cas autorisées par le représentant du bailleur, et simultanément par l'administration compétente, conformément à la réglementation en vigueur. Le Bailleur rappelle au Preneur que le strict respect du présent article constitue une condition essentielle de la bonne exécution du bail ».

L'article 14 du bail stipule que le Preneur devra communiquer pour agrément préalable, au Bailleur ses plans et projets d'agencements. Le Bailleur se réserve le droit de refuser agencements et installations de matériels qu'il jugerait incompatibles, soit avec l'image du Centre Commercial, soit avec la sécurité du Centre, ou susceptibles d'affecter la solidité des structures. Il est ici précisé que le Preneur s'interdit d'ores et déjà d'utiliser tout composant constitué d'amiante et/ou d'autres matériaux prohibés pour la réalisation de ses aménagements et installations. ». Les conditions particulières complètent l'article 14 du bail comme suit : « Le Centre Commercial a un positionnement et une démarche « HQE » qui doit lui permettre de bénéficier d'une image très qualitative. Ainsi, sa réalisation nécessite la mise en œuvre de moyens exceptionnels pour atteindre cet objectif. De plus, son architecture, sa décoration et ses aménagements extérieurs ont été particulièrement soignés. Il en résulte l'absolue nécessité de pouvoir offrir aux consommateurs du Centre des concepts et des aménagements de boutiques eux-mêmes exceptionnels, ceci afin de permettre à ce Centre Commercial de marquer sa différence par rapport à son environnement concurrentiel. Aussi, le preneur s'engage à faire ses plus grands efforts pour développer dans ce Centre un nouveau concept ou celui le plus récent de son réseau de magasins. De manière plus générale, il lui appartient de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour hisser le niveau de qualité de son magasin, notamment en matière d'agencement et de décoration, à hauteur de celui atteint par la réalisation du Centre Commercial. Cet engagement du Preneur constitue une condition déterminante de l'engagement du Bailleur sans lequel il n'aurait pas contracté ».

L'article 3 du bail stipule enfin que « Les locaux, objet des présentes, sont compris dans un ensemble immobilier à usage de centre commercial. Cet ensemble constitué de magasins et services, est organisé, conçu, planifié, réalisé et géré, en vue de satisfaire les besoins de la clientèle. Dès lors, chaque unité composant le centre commercial doit exercer une attraction propre et bénéficie de l'effet global de synergie. Pour cette raison, le centre commercial doit répondre au respect permanent d'une organisation rationnelle et d'un équilibre entre les différents commerces et services mis à la disposition des consommateurs.

Les parties conviennent, en conséquence, de limiter les activités exercées dans les lieux objets des présentes à celles déterminées aux stipulations particulières, à l'exclusion de toute autre.

Si les activités convenues sont multiples, le Preneur s'engage à les exploiter simultanément dans des conditions telles qu'aucune ne soit abandonnée. La seule exception à cette règle est la stipulation éventuelle d'une activité à titre accessoire.

S'il est convenu d'exercer ces activités sous une enseigne, les parties conviennent que l'enseigne constitue un élément contractuel non dissociable de la définition de l'activité exercée dans les lieux.

Si, pour une raison dont le Preneur démontrerait qu'elle est indépendante de son libre choix ou de son fait, ledit Preneur se trouvait dans l'impossibilité de poursuivre son exploitation sous l'enseigne stipulée dans le bail, il lui appartiendrait de proposer à l'agrément exprès, préalable et écrit du Bailleur dans la même activité, une enseigne de notoriété et de niveau de gamme et qualité équivalentes. Le changement d'enseigne devra faire l'objet d'un avenant au bail. L'organisation rationnelle et l'équilibre invoqués à l'alinéa l du présent article rendent impossible toute stipulation, au profit du Preneur, d'un droit d'exclusivité ou d'une garantie de non-concurrence quelconque.

Si le local donné à bail a déjà été exploité avant la signature du présent bail, le Preneur déclare que la description des lieux loués, la connaissance qu'il a de leur configuration et l'état dans lequel ils sont livrés correspondent à ses attentes ».

En outre, le préambule du bail stipule que : « la Société Bailleresse peut être amenée, pour assurer un meilleur fonctionnement du Centre, à modifier sa distribution ['].

Le Preneur déclare contracter aux présentes en acceptant les aléas économiques pouvant résulter d'une évolution de la zone d'implantation du Centre Commercial, de la concurrence, du dynamisme des commerçants de la Galerie Marchande, des actions commerciales dans le cadre du fonds d'animation et promotion du Centre Commercial, du maintien, de la transformation ou de la disparition des commerces constituant le Centre Commercial, sans pouvoir rechercher le Bailleur à cet égard ».

Il résulte notamment de la plaquette de présentation du centre remise aux preneurs potentiels avant son achèvement, qu'à son ouverture, [6] se destinait à être un centre commercial haut de gamme, dédié à une clientèle relativement aisée. Toutefois, cette plaquette n'a aucune portée contractuelle et ne fixe aucune obligation à la charge du bailleur, les parties restant liées par les conditions générales et particulières du bail citées ci-dessus. En revanche, les parties ont convenus qu'à son ouverture, l'architecture, la décoration et les aménagements extérieurs du centre commercial ont été particulièrement soignés et que la démarche « HQE » du centre Commercial devrait lui permettre de bénéficier d'une image très qualitative. Il s'agit ici d'un constat des parties sur le niveau de prestations du centre à son ouverture, mais là encore, ce constat partagé des parties sur la qualité d'achèvement du centre à sa livraison n'impose aucune obligation à la charge du bailleur.

Par ailleurs, les articles 13 et 14 des conditions générales et 14 des conditions particulières les clauses précitées n'engendrent d'obligations qu'à la charge du preneur et non du bailleur, l'obligation du preneur résultant de l'article 13 étant une condition essentielle de la bonne exécution du bail et l'obligation du preneur résultant de l'article 14 constituant une condition déterminante de l'engagement du Bailleur sans lequel il n'aurait pas contracté.

En outre, l'article 3 du bail porte essentiellement sur les modalités du changement d'enseigne du preneur et là encore les obligations incombant à ce dernier dans ce cadre.

Il ne résulte donc de l'ensemble de ces stipulations claires et explicites aucun engagement du bailleur à garantir un flux de clientèle ou une clientèle haut de gamme. Par ailleurs, aucune disposition légale ou contractuelle n'impose au bailleur de garantir la commercialité du centre ou du commerce du preneur, au contraire le bail rappelle que le Bailleur [...] ne saurait assumer une quelconque responsabilité ['] sur l'état de la commercialité du centre et le preneur le dégage de toute responsabilité. Ces stipulations n'imposent en outre nullement au bailleur de louer les cellules à des enseignes haut de gamme ou de garantir le niveau de standing du centre commercial. De ce point de vue, le bailleur ne dispose d'aucun moyen juridique pour contraindre les enseignes haut de gamme à s'obliger à prendre à bail. Par ailleurs, le preneur aux termes de ses écritures se considère lui-même comme une enseigne moyenne-haut de gamme.

Si le projet du promoteur ne répondait pas de façon suffisamment réaliste aux conditions économiques effectives de sa zone de chalandise, il appartient également au preneur d'étudier les conditions du marché au regard de sa propre activité commerciale par nature distincte de celle du bailleur. De ce point de vue, le preneur ne saurait reprocher au bailleur ses propres carences dans l'appréciation de la situation économique du marché préalablement à son installation.

Afin d'assurer la survie du centre, il résulte des éléments du dossier que le bailleur a pertinemment rééquilibré l'offre du centre vers les besoins de la clientèle locale et ce en considération du pouvoir d'achat effectif de cette dernière, étant observé que cette démarche, qui est une nécessité économique, n'est en rien prohibée par le bail. Au contraire, le bail donne explicitement décharge au bailleur des aléas économiques futurs pouvant notamment résulter du maintien, de la transformation ou de la disparition des commerces constituant le Centre Commercial, de leur dynamisme et de la concurrence, le preneur ne pouvant rechercher le bailleur à cet égard. En outre, le bailleur démontre que si l'offre du centre s'est adaptée, elle est restée pour autant diversifiée (habillement, restauration, grande surface alimentaire, enseignes de soins et beauté, jouets pour enfants, club de sport...). Le bailleur démontre ainsi avoir tenté de s'adapter à la réalité économique de sa zone de chalandise et il est rappelé qu'il n'est pas l'associé du preneur qui reste maître de ses propres choix de gestion et de leurs conséquences.

Sur l'abandon de la commercialisation des cellules du centre :

Le préambule du bail stipule que : « Le Preneur déclare contracter aux présentes en acceptant les aléas économiques pouvant résulter d'une évolution de la zone d'implantation du Centre Commercial, de la concurrence, du dynamisme des commerçants de la Galerie Marchande, des actions ommerciales dans le cadre du fonds d'animation et promotion du Centre Commercial, du maintien, de la transformation ou de la disparition des commerces constituant le Centre Commercial, sans pouvoir rechercher le Bailleur à cet égard ».

Le bail ni aucune disposition légale ne font obligation à la SCI du Bassin Nord de louer les cellules vacantes ni de garantir un faible taux de vacance des cellules. Au contraire, la vacance de cellules est un aléa que le preneur s'est engagé contractuellement à accepter et les dispositions suscitées du bail interdisent au preneur de rechercher la responsabilité du preneur à raison de la disparition de commerces. Rien ne démontre en outre que la SCI du Bassin Nord ait sciemment tenté de nuire à la SARL Bridac Optic en s'abstenant de relouer des cellules vacantes. La SCI du Bassin Nord démontre au contraire ' en ce qui concerne le 1er étage - qu'une longue négociation a été menée avec la librairie Le Furet du Nord afin de fusionner des locaux de petite taille situés dans l'îlot central du premier étage et y créer une surface de 1 488 m2, qu'H&M a pris à bail le local adjacent à son enseigne pour s'étendre, avoir mené des négociations avec KIABI et de façon générale le bailleur justifie avoir entamé des démarches pour louer les cellules vacantes. Ainsi, il n'est pas établi que le bailleur avait l'obligation de louer les cellules vacantes ni qu'il ait intentionnellement abandonné leur commercialisation.

Sur la diminution de l'effort promotionnel :

L'article 12 du bail stipule que « La spécificité de l'exercice de l'activité commerciale au sein d'un Centre Commercial implique la mise en œuvre de moyens destinés à favoriser la promotion, l'animation, la publicité, la décoration et la mise en place de services (espace accueil, ...etc...) dans le Centre Commercial tel que défini en préambule du présent bail.

À cet effet un Fonds d'animation et de Promotion du Centre Commercial sera créé.

Le Fonds d'animation aura pour objet la promotion, l'animation, la communication, la publicité et la décoration ainsi que la mise en place de services et ce par la mise en œuvre d'actions coordonnées parle Bailleur ou le Mandataire du Bailleur.

Les campagnes de communication, les opérations de promotion ou d'animation en ce inclus l'ensemble des frais de fonctionnement, les frais de personnel et les honoraires attachés à mise en œuvre de ces campagnes ou opérations seront financés par les contributions annuelles appelées par le Bailleur ou son Mandataire auprès de l'ensemble des Preneurs ; les contributions ainsi collectées par le Bailleur ou son Mandataire serviront aux financement des différentes campagnes ou opérations ainsi qu'aux frais de fonctionnement, le Bailleur ou son Mandataire se réservant la possibilité de reverser ces contributions à l'organe chargé de la promotion et l'animation du Centre Commercial qu'il aura lui-même désigné et qui sera amené à procéder au financement des dites opérations et frais complémentaires.

En conséquence, le Preneur s'oblige par la signature du présent bail à contribuer financièrement au Fonds d'Animation et de Promotion dés sa création en versant au Bailleur ou à son Mandataire les contributions propres à assurer son financement.

Toutes les dispositions du présent article constituent une condition essentielle et déterminante sans laquelle le Bailleur n'aura pas contracté, ce que le Preneur reconnaît et accepte.

Le non respect, total ou partiel, du présent article et notamment le non-paiement par le Preneur des contributions entraînera, si bon semble au Bailleur, la résiliation de plein droit du présent bail dans les conditions de l'article 30 du présent bail.

Le Bailleur ou son Mandataire définira le(s) plan(s) d'action à mener, la fréquence dans l'année, l'échéancier, les opérations et prestations et les mettra en œuvre. Il choisira les prestataires de service ainsi que tout autre intervenant. [...]

Pour chaque année, les postes par nature de dépense seront établis ; en fin d'exercice, ils seront arrêtés.

Le Bailleur convoquera l'ensemble des Exploitants du Centre Commercial, au moins une fois par an afin de leur présenter et les informer sur les campagnes de promotion, d'animation, de publicité, de décoration et services mis en place, leur évolution et leur réalisation.

Le montant de la contribution annuelle est défini dans les conditions particulières ce qui expressément accepté par le Preneur. [...]

En conséquence, toutes les contributions annuelles seront exigibles par quart, d'avance, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les loyers et charges, à savoir, le premier jour de chaque trimestre civil par prélèvement automatique. Après l'établissement des arrêtés définitifs de dépenses de l'exercice de chaque année civile, le disponible éventuel sera affecté au plan de communication et d'animation de l'année suivante. [']

Le Preneur autorise irrévocablement le Bailleur [...]à prélever sur son compte bancaire lors de leurs échéances. les sommes qui sont dues au titre de sa contribution.

Le Preneur s'engage à régler ses contributions au Fonds d'Animation entres les mains du Bailleur ou à son Mandataire, pendant toute la durée du bail. de ses prorogations et renouvellements éventuels ; ces contributions au Fonds d'animation seront dues par tous les successeurs du Preneur.

Le Preneur déclare avoir apprécié par lui-même et sous sa propre responsabilité la commercialité du centre commercial et de son environnement, et reconnaît que le Bailleur ou le Représentant du Bailleur ou le Mandataire du Bailleur, n'est tenu à aucune obligation de résultat dans le cadre de ces actions d'animation, de promotion. de communication et de publicité.

Par conséquent, le Bailleur ou le Représentant du Bailleur ou le Mandataire du Bailleur ne saurait assumer une quelconque responsabilité liée aux effets des opérations mises en place par le Fonds Commun sur l'activité exercée par le Preneur dans le local ou sur l'état de la commercialité du centre commercial et le Preneur le dégage de toute responsabilité.

Outre les redditions des comptes du Fonds d'animation et de Promotion du Centre Commercial qui seront établies et présentées annuellement par le Bailleur ou par le Représentant du Bailleur ou par le Mandataire du Bailleur, le Preneur pourra prendre connaissance dans les locaux du Bailleur ou de son mandataire des comptes de l'utilisation du Fonds d'Animation et de Promotion du Centre Commercial.

Cette consultation sera fixée lors d'un rendez-vous fixé d'un commun accord entre le Preneur et le Bailleur ou le Représentant du Bailleur ou le Mandataire du Bailleur. »

Il résulte donc pour l'essentiel de ces stipulations que le preneur s'engage à contribuer à un fonds d'animation. Le bailleur, pour sa part, a l'obligation de réunir une fois par an les exploitants du Centre Commercial pour les informer des opérations de promotion et d'animation. Il doit par ailleurs établir et présenter les comptes annuels du fonds d'animation et laisser le Preneur en prendre également prendre connaissance dans ses locaux.

Le bailleur justifie avoir mené chaque année des opérations d'animation et de promotion et produit les seuls comptes du fonds d'animation pour les années 2016 à 2018. Il en résulte une augmentation des dépenses de 2016 à 2017 et une diminution de 2017 à 2018. Le preneur indique lui-même que la disparition de commerce et la vacance de cellules ont pour effet de générer mécaniquement une baisse des contributions au fond, celles-ci étant déterminées par référence aux m² effectivement occupés, étant précisé toutefois que les contributions collectées sur les exploitants et non dépensées dans l'année sont reportées au budget de l'exercice suivant. En outre, il ne saurait être reproché au bailleur de ne pas avoir contribué au fonds à raison des m² inoccupés en ce qu'aucune disposition du bail ou du règlement intérieur ne l'y contraint et qu'il incombe exclusivement aux preneurs d'abonder ce fonds. Par ailleurs, il ne saurait être reproché au bailleur de ne pas avoir mené d'action « d'envergure » en ce que cette notion relève d'une appréciation nécessairement subjective et que cette obligation alléguée ne résulte nullement du bail. Bien au contraire, le bail établit que les actions à mener relèvent du choix discrétionnaire du bailleur, qu'il n'est tenu qu'à une obligation de moyens et que sa responsabilité ne peut en tout état de cause être recherché à raison de l'effet de ces actions sur l'activité du preneur ou la commercialité du centre. En outre, le bail prévoit expressément que le fonds contribue au paiement des frais de personnel et des honoraires attachés à mise en œuvre des opérations et que leur montant sont nécessairement inclus dans les dépenses du fonds et doivent ainsi figurer aux comptes du fonds.

Le bailleur ne démontre pas avoir présenté chaque année les comptes du fonds d'animation au preneur. Pour autant, le preneur de démontre pas un préjudice spécifique qui serait résulté de ce défaut de production des comptes annuels retraçant l'usage des contributions alors qu'il ne s'est jamais acquitté de l'intégralité des appels de contributions d'animation et de promotion, qu'il avait la faculté de les consulter dans les locaux du bailleur et qu'aucun dommages-intérêts n'est exigible de ce chef dans la mesure où le preneur s'est abstenu de mettre en demeure le bailleur de remplir cette obligation contractuelle spécifique prévue par le bail. En outre, la gravité du manquement du bailleur consistant dans un défaut de reddition annuelle des comptes du fonds d'animation se trouve à elle seule insuffisante pour justifier d'une résiliation judiciaire du bail.

Sur la suppression des services collectifs et l' absence d'entretien des parties communes :

En ce qui concerne le niveau de chauffage, il n'est pas contesté que l'appendice 3 de l'annexe 2 du bail oblige le bailleur à « mettre en œuvre un traitement de l'air visant à maintenir un confort acceptable dans le centre », compris entre 19° et 26°. Le preneur produit une pétition du 18 janvier 2017 réalisée par des preneurs qui se plaignent que le centre commercial [6] « n'est absolument pas chauffé ». Il produit une photographie de tables d'une brasserie ouverte et sans cloison sur l'allée de partie commune comportant deux chaufferettes d'appoint et un procès-verbal de constat du 29 janvier 2019. Une pétition de preneurs ne peut être considérée comme probante en terme de constatation technique d'une absence totale de chauffage dans le centre et n'est de nature qu'à démontrer une situation de conflit entre certains preneurs et le bailleur. Il résulte en revanche du constat produit par le preneur que la température relevée par l'huissier au mois de janvier s'élevait à 20° et se trouvait dès lors conforme au cahier des charges du bailleur. Il ne peut donc s'en inférer une absence totale de chauffage ou que le chauffage des parties communes n'est plus adéquatement assuré. Il n'est pas non plus démontré que l'usage de chauffages d'appoint est une pratique généralisée au sein du centre ; les photographies produites ne concernant en réalité que deux chaufferettes de terrasse utilisée par une brasserie, ce qui constitue un usage courant destiné à améliorer le confort des clients en position statique. Le bailleur démontre également que le chauffage fait l'objet d'un contrat d'entretien avec le prestataire ENERCHAUF.

En ce qui concerne la pétition du 7 septembre 2018 qui dénonce la suppression du chauffage et de la climatisation, l'absence d'éclairage, la mise hors-service de la moitié des escalators et ascenseurs, la rénovation trop longues des toilettes, la suppression de l'ambiance musicale depuis plus d'un mois et la hausse des loyers, sa nature et sa formulation en termes généraux démontrent une situation conflictuelle mais ne peuvent être considérées comme portant constat ayant valeur probante quant aux griefs énumérés. Pour démontrer que le nettoyage des parties communes n'est plus assuré de manière efficiente, le preneur s'appuie sur une photographie et un constat du 15 octobre 2018 qui relève un dysfonctionnement d'une porte coulissante, de travaux dans les toilettes, le défaut de musique d'ambiance, la présence de toiles d'araignées et la défaillance d'un escalator. Le bailleur démontre que la climatisation fait l'objet d'un contrat d'entretien avec le prestataire ENERCHAUF. Les sanitaires du rez-de-chaussée et du 1er étage ont effectivement fait l'objet de travaux reçus sans réserve selon procès-verbal de réception 21 novembre 2018. Il en est de même des escaliers mécaniques, le bailleur justifiant de cinq procès-verbaux de réception de réparation et d'un procès-verbal de réception pour cause de modernisation sur l'année 2018. Le bailleur produit également un bon d'intervention en ce qui concerne la sonorisation du 5 octobre 2018, soit un mois après la pétition, qui atteste de la nécessité de remplacer la console de commande centrale de la sonorisation. Le bailleur produit en outre un procès-verbal de constat d'huissier du 22 mars 2019 qui constate le bon fonctionnement de l'ensemble des ascenseurs, des escalators, des tapis-roulants, de l'éclairage et de la musique d'ambiance. Il constate en outre qu'un parfum d'ambiance est diffusé dans les sanitaires qui présentent un bon état général. L'huissier a de même constaté que l'éclairage était renforcé par l'éclairage naturel venant des verrières et des portes vitrées, les plafonds étant vitrés ainsi qu'une partie des façades ce qui correspond au fait que [6] a été conçu pour s'adapter à la lumière naturelle en fonction du niveau d'ensoleillement.

La photographie censée démontrer la défaillance du nettoyage des parties communes atteste d'une allée non encombrée dont les sols reflètent la lumière naturelle provenant du plafond vitré. Le bailleur justifie en outre d'un audit qualité du nettoyage du 28 mai 2018 qui lui a délivré une note de 97,46 % pour un seuil attendu de 90,60 %.

En ce qui concerne l'avis de l'expert [C], celui-ci, pour affirmer que « l'entretien est mal assuré » expose tirer cette affirmation des propos du commerçant qui l'a mandé et l'expert réclame sur ce point des exemples précis et avec dates qui ne lui ont pas été transmis.

Comme le relève le premier juge, les équipements du local ont ainsi connus des avaries ponctuelles, en soit inhérentes à la vétusté et à l'usure. Le bailleur est intervenu pour procéder aux entretiens et aux réparations nécessaires et il n'est pas démontré de défaut de diligence de sa part sur ce point.

Il en résulte que la preuve de la suppression des services collectifs et l' absence d'entretien des parties communes ne sont nullement démontrées et ne peuvent ainsi fonder une demande indemnitaire ou une résiliation judiciaire du bail.

Sur la responsabilité délictuelle alléguée de la bailleresse :

Il résulte de l'article 1165 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes. Toutefois, il est admis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de celui qui a manqué à une obligation contractée avec un tiers, un manquement contractuel dès lors qu'il apporte la preuve que ce manquement lui a causé un dommage.

Aucune disposition légale ou contractuelle n'impose à un bailleur de consentir des conditions identiques à l'ensemble de ses preneurs et, en outre, le preneur, qui ne produit que son propre bail, ne démontre pas comme il l'allègue que l'ensemble des commerçants du centre commercial ont signé des baux commerciaux dont les conditions générales étaient identiques alors qu'il se plaint dans le même temps de l'inverse ' toujours sans en justifier ' à savoir que d'autres commerçants au sein du centre disposeraient de conditions contractuelles plus favorables que les siennes, notamment des loyers fixes 3 à 10 fois plus bas ou une exemption de loyer fixe. Le fait reproché - à le supposer établi - que d'autres preneurs aient fait évoluer leurs offres pour les adapter à la clientèle locale ne démontre pas qu'ils aient ce faisant méconnu les stipulations de leurs baux respectifs et a fortiori que les choix de gestion de ces preneurs soient imputables au bailleur. Le bail du preneur soumis à la cour ne fait en outre peser aucune obligation de mise en demeure systématique du bailleur quant au manquement de son cocontractant, le bailleur restant maître de ses droits dont il y a libre disposition. Bien au contraire, le bail rappelle ce principe en ce que les manquements du preneur n'entraîneront conséquence que « si bon semble au bailleur » et en ce que le bail du preneur permet expressément au bailleur d'autoriser son locataire « à attirer la clientèle en lui proposant des prix inférieurs, soit à ses prix habituels soit à des prix de référence », le preneur n'ayant pas entendu solliciter le bénéfice de cette stipulation, ce qui relève là encore de son propre choix de gestion.

La responsabilité du bailleur sur un fondement délictuel n'est ainsi pas établie et aucune indemnisation n'est exigible de ce chef.

Sur les préjudices alléguées du preneur :

Comme indiqué plus haut aucune indemnisation ne peut être réclamée au bailleur au titre d'un manquement quelconque au contrat de bail ni a fortiori sur un fondement délictuel.

En ce qui concerne le préjudice moral allégué, le bailleur en faisant délivrer deux commandements de payer au vu d'un arriéré locatif important a exercé ses droits légitimes sans qu'une intention dolosive ou vexatoire ne soit démontrée en l'espèce. Il n'est pas non plus démontré que le 1er étage du centre commercial ait « périclité » et encore moins que cela résulte d'une intention dolosive ou vexatoire de la bailleresse. Le refus de négocier et les « pressions » du bailleur ne sont de même pas démontrées en ce que ce dernier a accepté deux protocoles transactionnels avec le preneur assortis de baisses de loyers.

L'ensemble des demandes indemnitaires de la SARL Bridac Optic seront donc rejetées.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et les comptes entre les parties :

Selon les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus. L'article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse et que la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. L'article L. 145-41 du code de commerce dispose quant à lui que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux et que le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. En outre, le commandement doit informer clairement le locataire du montant qui lui est réclamé et être suffisamment précis pour permettre au preneur d'identifier les causes des sommes réclamées. Le commandement doit être délivré de bonne foi.

Selon l'attestation du 2 septembre 2019 établie par l'expert comptable du preneur, le montant des loyers et charges facturées par le bailleur et impayés s'élevait à cette date à 320 258,53 € TTC. Il produit un décompte des sommes facturées et effectivement réglées de 2015 au 2 septembre 2019. Il en résulte un arriéré de 248 544,53 € du 1er janvier 2015 au 2 septembre 2019, la différence de 71 714 € (320 258,53 €-248 544,53 €) représentant les arriérés cumulés entre le 23 novembre 2010, date d'entrée dans les lieux, et le 31 décembre 2014. Il en résulte donc que les arriérés cumulés antérieurs à 2015 (71 714 €), les arriérés de 2015 (2919,82 €) et ceux de 2016 (43 755,11 €) représentaient la somme de 118 388,93 € au 31 décembre 2016. Le commandement de payer délivré par le bailleur le 22 février 2017 reproduit une créance de 118 326,74 € incluant en outre la facture de janvier 2017 s'élevant à un montant de 43 131,87 €, non acquittée par le preneur à cette date. Le bailleur expose avoir utilisé pour arrêter les décomptes locataires le logiciel Altaix jusqu'au 31 décembre 2011 pour utiliser à compter du 1er janvier 2012 le logiciel SAP, ce dernier logiciel ne pouvant reprendre les écritures du logiciel précédent Altaix, et notamment l'arriéré locatif, dans la mesure où ces logiciels ont des systèmes d'écritures différents. Les sommes facturées au principal au titre de chaque trimestre au sein d'un exercice sont identiques. Deux rejets de prélèvement apparaissent dans le décompte du logiciel précédent, soit un rejet du 6/1/2012 et un rejet du 05/04/2012 respectivement de 28.885,42€ et 28.180,57€, portant un total 57.065,99 €. Au regard du logiciel SAP, le preneur, outre les prélèvement exécuté au tire des factures émises, a adressé un chèque HSBC n° 343438 de 28.885,42 € encaissé le 6 mars 2012 puis un autre chèque de régularisation HSBC N° 307630 de 28.180,57 € qui a été encaissé le 13 juin 2012. Le versement par le preneur de chèques de régularisation s'explique par la position débitrice de son relevé de compte, confirmée par son expert comptable. Par ailleurs, la bailleresse justifie du bien fondé de sa créance et le preneur ne démontre pas s'être acquitté des causes du commandement de payer du 22 février 2017 dans le délai d'un mois suivant sa délivrance. La cour constate donc que la clause résolutoire est acquise au 23 mars 2017.

L'article 30 du bail stipule que l'acquisition de la clause résolutoire ne mettra pas fin aux obligations du Preneur et notamment à celle de payer les loyers et charges échus non réglés. Par ailleurs, l'article 31 du bail stipule qu'une indemnité d'occupation, à la charge du Preneur, en cas de non délaissement des locaux après résiliation de plein droit ou judiciaire ou expiration du bail, est fixée à un pour cent (l %) du dernier loyer annuel par jour de calendrier sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être demandés en justice par le Bailleur. Il résulte de cette disposition claire que l'indemnité d'occupation est donc équivalente au dernier loyer en cours avant l'acquisition de la clause résolutoire. En pratique la SCI du Bassin Nord a donc poursuivi la facturation de la somme de 35.129,14 € due au titre de l'indemnité d'occupation et correspondant au dernier loyer exigible avant l'acquisition de la clause résolutoire jusqu'au départ des lieux de la société Bridac Optic intervenu le 20 décembre 2019, outre les charges. Il convient d'observer que l'attestation du 2 septembre 2019 établie par l'expert comptable du preneur, compte-tenu de sa date, ne prend donc pas en compte les sommes dues entre le 2 septembre et le 20 décembre 2019. La SCI du Bassin Nord fait ainsi état d'une créance totale de 333 444 ,12 € au titre de l'arriéré locatif duquel il conviendra de déduire le dépôt de garanti d'un montant de 27 500 € conservé par le bailleur ainsi que deux avoirs de régularisation résultant d'un solde d'impôt foncier pour 885,34 € et d'un solde d'eau privative pour 1 183,35 €, soit un avoir total de 2 068,69 €. Il reste ainsi dû par le preneur la somme de 303 875,43 € au titre de l'arriéré locatif et la compensation ordonnée par les premiers juges sera maintenue.

Sur les intérêts moratoires :

L'article 29 du bail stipule que : « toute somme non réglée par le Preneur à sa date d'exigibilité portera intérêt si bon semble au Bailleur depuis la date d'exigibilité jusqu'au jour du paiement effectif, sans qu'il soit besoin d'effectuer une mise en demeure. Cet intérêt sera égal au taux de l'intérêt légal applicable à l'année considérée majoré de cinq points »

Cet l'article s'analyse comme une clause pénale au sens de l'article 1231-5 du code civil. Eu égard à l'érosion monétaire cumulée de mars 2017 à ce jour avoisinant les 16 %, cette clause n'apparaît pas manifestement excessive, les difficultés de paiement du preneur étant par ailleurs récurrentes depuis la conclusion du bail et privant ainsi la bailleresse de la disposition d'un capital qui avait vocation à être employé à la réalisation de son propre objet social.

En application de la clause suscitée les intérêts légaux majorés de 5 points seront appliqués sur le différentiel entre les sommes effectivement acquittées par le preneur et les sommes finalement dues, à compter de la date du commandement de payer, soit le 22 février 2017 puis de leurs dates d'exigibilité respectives.

Sur l'indemnisation du bailleur du fait de l'expiration du bail avant terme :

Il résulte de l'article 1760 du code civil dispose qu'en cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l'abus. En outre, il résulte de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La jurisprudence du 21 mai 1946 citée par le bailleur concernant la charge de la preuve avait trait à une demande d'exonération totale du preneur qui alléguait l'absence de vacance du local loué.

Il est en outre rappelé que le preneur se trouvait occupant sans droits ni titre à compter de la date d'acquisition de la clause résolutoire et qu'il n'était donc pas soumis à l'obligation de délivrance du préavis de six mois prévu par l'article L. 145-9 du code de commerce. La SCI du Bassin Nord ne peut donc voir fixer son préjudice sur cette base forfaitaire empêchant tout examen concret du préjudice réel allégué. La SCI du Bassin Nord ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de l'inoccupation alléguée des lieux et, à supposer celui-ci avéré, ne produit en outre aucun élément permettant de le quantifier. Sa demande sera donc rejetée et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Sur les demandes de « constater », « juger » et « dire » :

Par application de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater », « dire » ou « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions sur les frais irrépétibles. La SARL Bridac Optic succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile. En outre, il apparaît équitable de la condamner payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 8 000 € en indemnisation des frais irrépétibles que celle-ci a été amenée à exposer en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 18 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a :

condamné la SCI du Bassin Nord à verser à la SARL Bridac Optic, la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision ;

condamné la SARL Bridac Optic à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 280 031,44 euros au titre de sa dette locative comprenant les loyers, charges, accessoires, indemnités d'occupation et clause pénale arrêtée au 20 décembre 2019, avec intérêt au taux légal sur la somme de 118 326,74 euros à compter du 22 février 2017 et à compter du 21 avril 2020 pour le surplus ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile :

Statuant à nouveau sur ces chefs,

Rejette les demandes indemnitaires de la SARL Bridac Optic ;

Condamne la SARL Bridac Optic à payer à la SCI du Bassin Nord la somme de 303 875,43 € au titre de sa dette locative comprenant les loyers, charges, accessoires, indemnités d'occupation ;

Condamne la SARL Bridac Optic à payer à la SCI DU Bassin Nord les intérêts légaux majorés de 5 points sur le différentiel entre les sommes effectivement acquittées par la SARL Bridac Optic et les sommes finalement dues, à compter de la date du commandement de payer, soit le 22 février 2017 puis de leurs dates d'exigibilité respectives ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Bridac Optic à payer à la SCI DU Bassin Nord la somme de 8 000 € en indemnisation des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne la SARL Bridac Optic aux dépens de l'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE