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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 14 septembre 2023, n° 21/03113

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/03113

14 septembre 2023

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03113 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O74U

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 13 avril 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 19/02679

APPELANTS :

Monsieur [C] [O]

né le 04 Septembre 1985 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

et

Madame [F] [A] épouse [O]

née le 1er Juillet 1990 au BRESIL

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [K] [J]

né le 22 Janvier 1980 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

et

Madame [D] [R] épouse [J]

née le 24 Janvier 1978 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Nathalie PINHEIRO de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Me François LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 10 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [O] et Mme [F] [A] épouse [O] ont acheté le 9 septembre 2016 à Mme [B] [X] le lot n°2 formant un appartement à usage d'habitation ainsi qu'un quart indivis de quatre lots n°1 (placard en rez-de-chaussée), n°6 (réduit dans les combles), n°7 (réduit dans les combles) et n°8 (cave en sous-sol) au sein d'un immeuble en copropriété sis [Adresse 1] et cadastré section HP n°[Cadastre 6] sur la commune de [Localité 8] (34) au prix de 67 000 euros.

M. et Mme [O] ont revendu le 26 avril 2018 ce bien immobilier à M. [K] [J] et Mme [D] [R] épouse [J] au prix de 85 000 euros hors meubles.

Peu de temps après leur installation dans l'appartement, M. et Mme [J] ont constaté la présence de désordres.

Ils ont fait établir le 13 juin 2018 un rapport d'expertise par la société Polyexpert.

Par acte d'huissier signifié le 16 mai 2019, M. et Mme [J] ont fait assigner M. et Mme [O] en résolution de la vente pour vices cachés.

Par ordonnance du 19 octobre 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande formée par M. et Mme [O] de jonction du dossier avec les deux instances qu'ils ont par ailleurs engagées :

' sous le RG n°20/1115 contre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] et son assureur la SA Gan Assurances ;

' sous le RG n°20/1436 contre leur propre vendeur Mme [X].

Par jugement du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

' prononcé la résolution de la vente du 26 avril 2018 entre M. et Mme [O] et M. et Mme [J] portant sur cinq lots de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 1] à Montpellier ;

' condamné solidairement M. et Mme [O] à payer à M. et Mme [J] :

- 85 000 euros en restitution du prix outre les intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

- 9 321,88 euros représentant les frais de mutation ;

- 10 664,52 euros de dommages-intérêts ;

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné M. et Mme [O] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 12 mai 2021, M. et Mme [O] ont relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté le sursis à statuer sollicité par M. et Mme [O] et a ordonné l'exécution provisoire du jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier en toutes ses dispositions.

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [O] déposées au greffe le 7 février 2022 aux termes desquelles ils demandent à la cour :

' d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' de surseoir à statuer dans l'attente du jugement à venir dans les dossiers qui les opposent à Mme [X] d'une part, et au syndicat des copropriétaire de l'immeuble [Adresse 1] et de la SA Gan Assurances d'autre part ;

Subsidiairement,

' de débouter M. et Mme [J] de leurs demandes ;

' de juger que l'indemnité d'occupation ne saurait dépasser 300 euros par mois ;

' de condamner M. et Mme [J] à leur payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [J] déposées au greffe le 19 octobre 2021 aux termes desquelles ils demandent à la cour :

' de confirmer du jugement à l'exception de sa disposition ayant condamné M. et Mme [O] à leur payer 10 664,52 euros de dommages-intérêts ;

' d'assortir la condamnation de M. et Mme [O] à leur payer 85 000 euros en restitution du prix des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018 capitalisés tous les ans ;

' d'assortir la condamnation de M. et Mme [O] à leur payer 9 321,88 euros des intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 capitalisés tous les ans ;

' de condamner in solidum M. et Mme [O] à leur payer la somme de 41 000 euros augmentée d'une indemnité de 1 000 euros/mois entre le 27 septembre 2021 et le jour de l'arrêt à intervenir en réparation du préjudice de jouissance ;

' de condamner in solidum M. et Mme [O] à leur payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'hypothèque judiciaire et avec distraction au profit de la SCP Lafont & Associés Avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 mai 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande de sursis à statuer,

Ainsi que l'a exactement relevé le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 17 novembre 2022, l'issue de l'instance engagée par les appelants contre Mme [X] de même que l'issue de l'instance qu'ils ont engagée contre le syndicat des copropriétaires et son assureur Gan sont sans aucune incidence sur le présent dossier.

La situation du dossier est demeurée inchangée depuis que cette ordonnance a été rendue le 17 novembre 2022.

M. et Mme [O] ne font valoir aucun motif mettant en évidence la nécessité de lier ces dossiers. L'analyse des faits montre au contraire que les deux dossiers précités sont indépendants de l'appréciation de la responsabilité personnelle de M. et Mme [O] et du bien-fondé de l'action en résolution de vente pour vice caché engagée contre eux par M. et Mme [J].

La demande de sursis à statuer doit donc être rejetée.

Sur la demande de résolution de la vente pour vice caché,

Aux termes de motifs pertinents que la cour adopte expressément, les premiers juges ont retenu en application des articles 1641 et suivants du code civil :

' que l'appartement litigieux était affecté d'un vice caché tenant à une importante infiltration d'eau le rendant impropre à son usage d'habitation et notamment à sa mise en location par ses nouveaux propriétaires ;

' que ce vice était parfaitement connu depuis au moins novembre 2016 des vendeurs M. et Mme [O] qui l'ont volontairement maquillé et ne sont donc pas fondés à invoquer la clause contractuelle de non garantie ;

' que ce vice, dissimulé au moment de la vente, n'était pas connu ni décelable par les acquéreurs M. et Mme [J].

M. et Mme [O] ne font valoir en cause d'appel aucun moyen nouveau susceptible de modifier l'appréciation du litige par la cour d'appel au regard des motifs adoptés des premiers juges.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à l'action rédhibitoire exercée par M. et Mme [J].

Sur les restitutions et indemnisations à opérer entre les parties,

La vente immobilière du 26 avril 2018 étant résolue, M. et Mme [J] devront donc restituer les biens achetés à leurs vendeurs M. et Mme [O].

Il convient de confirmer le jugement déféré qui a ordonné le paiement par M. et Mme [O] à M. et Mme [J] des sommes suivantes dont le montant n'est pas contesté :

' 85 000 euros en restitution du prix de la vente ;

' 9 321,88 euros en remboursement des frais de mutation.

Ces sommes seront assortis des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018.

La capitalisation des intérêts, demandée pour la première fois par M. et Mme [J] dans leurs conclusions déposées le 19 octobre 2021 au greffe de la cour, sera ordonnée conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement déféré sera donc infirmé seulement sur le point de départ des intérêts alloués qui devront en outre être capitalisés annuellement à compter du 19 octobre 2021.

L'article 1645 du code civil dispose que « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. »

M. et Mme [J] sont fondés à se prévaloir des dispositions précitées dans la mesure où M. et Mme [O] disposaient depuis novembre 2016 d'une parfaite connaissance du vice et de sa gravité et que ces derniers ont volontairement maquillé ce vice pour tromper leurs acquéreurs lors de la vente du 26 avril 2018.

En l'espèce, la résolution de la vente pour cause de vice caché prive M. et Mme [J] des revenus qu'ils espéraient légitimement percevoir de la mise en location de leur appartement. La perception intégrale de ces revenus n'était toutefois pas garantie de façon certaine au regard des aléas inhérents à l'exploitation locative d'un bien immobilier. Leur préjudice s'analyse donc en une perte de chance de percevoir ces revenus.

La cour est autorisée à qualifier ce préjudice indemnisable de perte de chance sans devoir inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point dans la mesure où la perte de loyers sous-jacente à cette perte de chance a été contradictoirement débattue entre les parties (Civ. 1re, 18 sept. 2008, pourvoi n° 06-17.859).

M. et Mme [O] soutiennent dans leurs écritures que la location en meublé de tourisme serait interdite par le règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 1]. Aucune pièce versée aux débats ne vient cependant étayer cette allégation.

La cour évalue la valeur locative meublée de l'appartement à la somme de 1 000 euros par mois et la probabilité de louer l'appartement à 60 % sur toute l'année, étant précisé que ce préjudice de perte de chance de louer a couru entre la date d'acquisition du 26 avril 2018 et la date du présent arrêt du 14 septembre 2023 (durée de 5 ans et 4 mois et demi).

Ce préjudice de perte de chance est donc égal à :

1 000 euros x 64,5 mois x 60 % = 38 700 euros.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a apprécié ce préjudice à hauteur de 10 664,52 euros.

M. et Mme [O] seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [J] la somme de 38 700 euros en réparation de leur préjudice de perte de chance.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [O] succombent intégralement en appel et doivent donc en supporter les entiers dépens.

L'équité commande en outre de les condamner à verser à M. et Mme [J] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant statué sur les intérêts assortissant les sommes allouées et ayant alloué à M. et Mme [J] des dommages-intérêts d'un montant de 10 664,52 euros ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Assortit les sommes allouées à M. et Mme [J] de 85 000 euros (prix de vente) et de 9 321,88 euros (frais de mutation) des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018 ;

Dit que ces intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 19 octobre 2021 conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne in solidum M. [C] [O] et Mme [F] [A] épouse [O] à payer à M. [K] [J] et Mme [D] [R] épouse [J] la somme de 38 700 euros en réparation de leur préjudice de perte de chance ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [C] [O] et Mme [F] [A] épouse [O] à supporter les entiers dépens d'appel en ce compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire supportés par les intimés ;

Autorise en application de l'article 699 du code de procédure civile la SCP Lafont & Associés à recouvrer directement contre M. et Mme [O] les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne in solidum M. [C] [O] et Mme [F] [A] épouse [O] à payer à M. [K] [J] et Mme [D] [R] épouse [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La greffière, Le président,