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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 18 octobre 2023, n° 22/06426

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/06426

18 octobre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 18 OCTOBRE 2023

N° 2023/ 415

N° RG 22/06426

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJKSX

S.A.S. SOGILIMMO

S.A.R.L. BGIMMO

C/

[M] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Françoise BOULAN

Me Véronique ALDEMAR,

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection de [Localité 6] en date du 22 Mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/03489.

APPELANTES

S.A.S. SOGILIMMO

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliées au siège sis [Adresse 2]

S.A.R.L. BGIMMO

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliées au siège sis

[Adresse 3]

représentées par Me Françoise BOULAN, membre de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Catherine AGOSTINI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [M] [Y]

né le 03 Juillet 1963 à [Localité 7] ([Localité 5]), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe COULANGE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon acte sous seing privé passé le 24 juillet 2001, Monsieur [M] [Y] a acquis les lots n° 8 et 19 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 4]), constitués d'un appartement et d'une cave, moyennant le prix de 91.469,41 euros, payé au moyen d'un emprunt souscrit auprès de la banque Crédit Industriel d'ALSACE et de LORRAINE ' CIAL ', absorbée depuis lors par la SA BANQUE CIC EST.

Celui-ci n'ayant pas respecté les échéances de remboursement de son emprunt, ses biens ont été vendus par jugement d'adjudication sur saisie immobilière du 6 février 2020 aux sociétés SOGILIMMO et BGIMMO.

Suivant exploit d'huissier en date du 22 février 2021, la SAS SOGILIMMO et la SARL BGIMMO ont fait assigner Monsieur [Y] devant le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE afin de le voir condamné au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 2.000 euros majorée des charges d'occupation à compter du 06 février 2020, date du jugement d'adjudication et jusqu'à libération effective des lieux et majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, de le voir également condamné au paiement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens, ainsi qu'afin d'ordonner l'expulsion immédiate et sans délais de Monsieur [Y] et de tous occupants de son chef.

Par jugement rendu le 22 mars 2022, le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE a constaté que Monsieur [Y] était occupant sans droit ni titre de l'appartement et de la cave depuis le 06 février 2020, l'a condamné à une verser une indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à libération des lieux d'un montant de 700 euros ainsi qu'aux dépens, a débouté la SAS SOGILIMMO et la SARL BGIMMO de leur prétention indemnitaire au titre de la résistance abusive ainsi que Monsieur [Y] de sa demande de délais pour quitter les lieux.

Par déclaration au greffe en date du 02 mai 2022, la SAS SOGILIMMO et la SARL BGIMMO ont interjeté appel de cette décision. Elles demandent à la Cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [Y] à une indemnité mensuelle d'occupation de 700 euros, débouté les appelantes de leur prétention indemnitaire au titre de la résistance abusive, considéré qu'il n'y avait pas lieu à indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté les appelantes du surplus des demandes.

Elles sollicitent la condamnation de Monsieur [Y] à payer une indemnité mensuelle d'occupation de 2.000 euros majorée de la part afférente à ses charges de copropriété à compter du 06 février 2020 et jusqu'à libération des lieux, soit le 12 septembre 2022, et majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2020, date de l'assignation, et jusqu'à libération effective des lieux. Elles sollicitent également la condamnation de l'intimé à la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

A l'appui de leur recours, la SAS SOGILIMMO et la SARL BGIMMO font valoir :

que les juges du fond ne sont pas tenus de se fonder sur la valeur locative du bien selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation pour évaluer le montant de l'indemnité due pour l'occupation de l'immeuble ;

que cette indemnité a une fonction à la fois de réparation du préjudice et d'astreinte destinée à faire partir les occupants sans droit ni titre ;

que Monsieur [Y] est resté abusivement dans les lieux sans justifier de la moindre demande de logement social.

Monsieur [Y] conclut à la réformation du jugement rendu le 02 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en ce qu'il l'a condamné à une indemnité d'occupation à compter du 06 février 2020 ainsi qu'aux dépens. Il demande à la Cour de le condamner au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation du 28 mai 2020 au 12 septembre 2022 et de condamner les appelantes à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Il soutient :

que les droits de l'adjudicataire sur le bien saisi courent non pas à compter du jugement d'adjudication mais de la consignation du prix de vente de l'immeuble entre les mains du bâtonnier, en l'espèce l'Ordre des avocats au Barreau de MARSEILLE ;

que sa situation financière ne lui a pas permis de souscrire un bail d'habitation et que, pour un logement social, il ne remplissait pas les conditions d'attribution ;

que le confinement consécutif à la pandémie de Covid-19 ne lui a pas permis non plus de faire la moindre démarche pour se reloger ;

qu'il n'a ainsi fait preuve d'aucune résistance abusive.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que, conformément aux dispositions des articles L. 322-10 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, l'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire ;

Qu'elle ne confère à celui-ci d'autres droits que ceux appartenant au saisi et que ce dernier est tenu, à l'égard de l'adjudicataire, à la délivrance du bien et à la garantie d'éviction ;

Que, par le seul effet de l'adjudication, l'occupant est dépourvu de titre lui permettant de demeurer légalement dans les lieux, objets du litige ;

Qu'il en résulte que, par l'effet du jugement d'adjudication, l'adjudicataire devient propriétaire du bien et, ainsi, le débiteur saisi est tenu au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux (Civ. 2ème, 11 mars 2010, n° 09-12.712) ;

Que l'indemnité d'occupation étant la contrepartie de l'utilisation sans titre du bien, elle est due à compter du jugement d'adjudication (Civ. 2ème, 6 juin 2019, n° 18-12.353) ;

Qu'il convient ainsi de rejeter la demande de Monsieur [Y] tendant à faire réformer le jugement rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en ce qu'il l'a condamné à une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 06 février 2020, date du jugement d'adjudication ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement susvisé sur ce point ;

Attendu qu'il est constant que l'indemnité d'occupation réclamée à un occupant sans droit ni titre a une nature à la fois compensatoire et indemnitaire et qu'elle constitue la contrepartie pécuniaire à la jouissance du bien ;

Qu'elle permet également la réparation du préjudice subi par le propriétaire en raison de l'occupation irrégulière de son local ;

Qu'en raison du maintien dans les lieux de Monsieur [Y], il convient de le déclarer redevable à l'égard des appelantes d'une indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux ;

Que l'indemnité d'occupation doit être fixée en fonction de la valeur locative du bien (Civ. 3ème, 17 juin 2021, n° 20-15.296) ;

Qu'il résulte des différents avis produits aux débats que la valeur locative moyenne du bien litigieux est estimée à la somme de 750 euros ;

Qu'il convient ainsi de fixer l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 750 euros majorée d'une part de la part afférente aux charges de copropriété de Monsieur [Y] à compter du 6 février 2020, date du jugement d'adjudication, et ce, jusqu'à libération effective des lieux, soit le 12 septembre 2022, et d'autre part des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2020, date de l'assignation et ce, jusqu'à libération effective des lieux ;

Qu'il y a donc lieu de réformer le jugement rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en ce qu'il a fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 700 euros en précisant que cette indemnité comprenait également les charges ;

Attendu que s'agissant de la demande d'indemnisation formée par la SAS SOGILIMMO et la SARL BGIMMO pour résistance abusive, celles-ci ne démontrent aucunement le caractère abusif du comportement de Monsieur [Y] ni le préjudice direct et certain qu'elles auraient subi ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter cette demande et ainsi de confirmer le jugement rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en ce qu'il a débouté les appelantes de leur prétention indemnitaire au titre de la résistance abusive ;

Attendu qu'il sera alloué à la SAS SOGILIMMO et à la SARL BGIMMO, qui ont dû engager des frais irrépétibles afin de faire valoir leurs droits en justice, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur [Y], qui succombe, supporta les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

REFORME le jugement rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE seulement en ce qu'il a fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 700 euros en précisant que cette indemnité comprenait également les charges ;

CONFIRME pour le surplus les dispositions du jugement susvisé ;

Statuant à nouveau sur le chef réformé et y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [M] [Y] à payer à la SAS SOGILIMMO et à la SARL BGIMMO la somme de 750 euros majorée d'une part de la part afférente à ses charges de copropriété à compter du 06 février 2020, date du jugement d'adjudication, et ce, jusqu'à libération effective des lieux, soit le 12 septembre 2022, et d'autre part des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2020, date de l'assignation, et ce, jusqu'à libération effective des lieux ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE Monsieur [M] [Y] à payer à la SAS SOGILIMMO et à la SARL BGIMMO la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [M] [Y] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT