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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 26 septembre 2023, n° 23/00756

BESANÇON

Ordonnance

Autre

CA Besançon n° 23/00756

26 septembre 2023

COUR D'APPEL

DE [Localité 7]

1ère Chambre Civile

ORDONNANCE N°

N° RG 23/00756 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EUIC

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 10 mai 2022 [RG N° 18/00972]

Code affaire : 30C - Demande de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé

ORDONNANCE D'INCIDENT DU 26 SEPTEMBRE 2023

S.C.I. BAUMONT

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

S.A.S. LA HALLE

sise [Adresse 5]

Représentée par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au

barreau de BESANCON

S.C.P. BTSG

sise [Adresse 3]

Représentée par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON

S.E.L.A.R.L. AXYME

Activité : , demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉES

Société PEGASE

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Tulin CIP LEVÊQUE, avocat au barreau de BESANCON

PARTIE INTERVENANTE

Ordonnance rendue par Bénédicte MANTEAUX, conseiller de la mise en état, assisté de Leila ZAIT, greffier.

Le dossier a été plaidé à l'audience du 11 septembre 2023, les parties ont été avisées de la date de mise à disposition au 26 Septembre 2023.

*

* *

Exposé des faits et de la procédure initiale

Par acte authentique en date du 5 janvier 2007, la SCI Baumont a donné à bail à loyer un local en construction, pour une durée initiale de neuf années à compter du jour de la livraison de l'immeuble, à la SAS Défi Mode, laquelle a consenti, en présence de la société Baumont, une sous location partielle à la Société VGM devenue SAS Chaussea ; le fonds de commerce a ensuite fait l'objet d'une cession en date du 23 décembre 2013 au profit de la SAS La Halle. Le bail a été tacitement renouvelé à effet au 2 mai 2016.

A cette date, le loyer annuel originairement fixé à la somme annuelle de 96 288 euros HT était porté, par le jeu de l'indexation contractuellement prévue, à 112244,68 euros HT par an. La société La Halle a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Besançon, d'une demande tendant à :

- fixer à 75 205 euros HT par an le loyer du bail renouvelé à effet du 2 mai 2016 conformément aux dispositions des articles L.145-33, L.145-34 et R.145-2 à R.145-8 du code de commerce ;

- dire que la société Baumont devra rembourser les trop-perçus de loyer depuis la date du renouvellement du 2 mai 2016 avec les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2016, puis à compter de chaque échéance trimestrielle ;

- préalablement, au cas où le juge des loyers commerciaux s'estimerait insuffisamment informé, ordonner une expertise ;

- dans ce cas fixer le loyer provisionnel à 108 284,04 euros par an à effet du 2 mai 2016 jusqu'à la fixation définitive.

Désigné par jugement du 16 octobre 2018, l'expert, dans son rapport déposé le 18 février 2021, a indiqué que le loyer pratiqué était cohérent avec la valeur locative des locaux au 2 mai 2016.

Entre temps, selon jugement du 21 avril 2020, la société La Halle a fait l'objet d'une ouverture de procédure de sauvegarde judiciaire convertie, selon jugement du 2 juin 2020, en procédure de redressement judiciaire ; par jugement du 8 juillet 2020, un plan de cession au profit de la société Pégase d'une partie des actifs de la société La Halle, a été arrêté ; dans ce cadre, les locaux loués par la société La Halle ont été repris par la société Pégase avec une entrée en jouissance fixée au 15 juillet 2020.

Par jugement du 30 octobre 2020, la procédure de redressement judiciaire de la société La Halle a été convertie en liquidation judiciaire.

Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Besançon a :

- débouté la SCI Baumont de ses demandes,

- fixé à 89 430 euros par an le loyer du bail renouvelé à effet au 2 mai 2016, dont bénéficiait la société La Halle, sur les locaux situés [Adresse 4], après avoir déduit la charge de la taxe foncière supportée par le locataire ;

- dit que la SCI Baumont devra rembourser à la société La Halle les trop-perçus de loyer depuis la date du renouvellement au 2 mai 2016, avec les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2016, puis à compter de chaque échéance trimestrielle entre les mains des liquidateurs judiciaires, - condamné la société SCI Baumont au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SCI Baumont aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La SCI Baumont a relevé appel du jugement par déclaration transmise le 18 juillet 2022 puis a déposé ses conclusions au fond le 10 octobre 2022.

La société La Halle, représentée par la SCP BTSG et la SELARL Axyme, ses mandataires liquidateurs, a constitué avocat le 6 janvier 2023.

La SAS Pégase, successeur de la société La Halle dans les locaux loués à la SCI Baumont, est intervenue volontairement dans l'instance d'appel le 9 janvier 2023 par conclusions au fond dans lesquelles elle se dit bien-fondée à se prévaloir du montant du loyer tel que fixé par le jugement du 10 mai 2022 qui lui est applicable à compter du 15 juillet 2020, du fait de la reprise du bail dans le cadre du plan de cession de la société La Halle.

L'instance, radiée par ordonnance de mise en état du 21 mars 2023 pour défaut d'exécution par la SCI Baumont des condamnations mises à sa charge par le jugement du 10 mai 2022, a été réinscrite au rôle de la cour le 22 mai 2023 suite à l'exécution du jugement.

Exposé de la procédure, des demandes et moyens des parties

Par conclusions du 26 mai 2023, la société Baumont a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident. Au terme de ses dernières conclusions sur incident transmises le 26 juin 2023, elle demande au conseiller de la mise en état de :

- déclarer l'intervention volontaire de la société Pégase irrecevable ;

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Pégase à son encontre, à savoir :

. déclarer recevable son intervention volontaire en cause d'appel ;

. confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

. condamner la société Baumont à lui restituer les trop-perçus de loyer à compter du 15 juillet 2020, date de son entrée en jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance trimestrielle ;

. débouter la société Baumont de l'ensemble de ses demandes ;

. la condamner à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouter la société Pégase de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions ;

- la condamner à lui payer 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Elle fait valoir que :

- dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société La Halle et de l'adoption du plan de cession par lequel le bail commercial souscrit auprès de la société Baumont a été repris par la société Pégase, cette dernière a expressément indiqué qu'elle ne souhaitait pas remettre en cause le loyer pratiqué et ce alors même qu'elle était informée du litige en cours opposant la société Baumont à la société La Halle, qu'elle a donc renoncé à se prévaloir de l'instance qui les opposait ;

- sa renonciation n'est pas équivoque puisqu'elle a expressément indiqué ne pas vouloir participer à la mesure d'expertise, laquelle avait justement pour but de déterminer le montant dudit loyer commercial ;

- sa demande d'intervenir volontairement à hauteur d'appel et de solliciter contre la société Baumont des trop-perçus de loyers doit être considérés comme une demande nouvelle donc irrecevable ;

- son intervention volontaire à titre principal est irrecevable puisqu'elle ne vient pas au soutien des prétentions de la société La Halle mais a pour objet de former une prétention personnelle reposant sur ses seuls intérêts, pour le remboursement des trop-perçus à compter de juillet 2020 non évoqués dans le jugement du 10 mai 2022 ; elle porte atteinte au double degré de juridiction.

Par dernières conclusions sur incident transmises le 16 août 2023, la société Pégase demande au conseiller de la mise en état de :

> à titre principal :

- déclarer recevable son intervention volontaire à titre principal en cause d'appel ;

>à titre subsidiaire :

- déclarer recevable son intervention volontaire à titre accessoire, en cause d'appel ;

- débouter la société Baumont de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner à lui verser une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- son intervention volontaire est recevable et elle dispose d'un intérêt à agir ; si elle n'avait pas d'intérêt à intervenir à la procédure d'expertise à raison des pourparlers globaux en cours entre elle et la société Baumont, elle n'a cependant jamais renoncé à faire fixer le loyer du bail renouvelé ni considéré que le montant du loyer renouvelé correspondait à la valeur locative ; la société Baumont n'ayant pas donné suite aux discussions, elle a donc retrouvé son entière liberté dans la fixation du loyer de renouvellement ;

- elle a intérêt à intervenir volontairement à la procédure d'appel afin de pouvoir bénéficier du nouveau loyer fixé par le jugement querellé, et ce à compter de sa prise de jouissance, soit le 15 juillet 2020 ; la société Baumont ne lui applique pas le nouveau loyer fixé alors que le jugement est assorti de l'exécution provisoire.

L'incident, appelé à l'audience du 3 juillet 2023, a fait l'objet d'un report à l'audience du 11 septembre 2023 à la demande des parties, date à laquelle il a été mis en délibéré au 26 septembre 2023.

SUR CE,

- Sur la fin de non-recevoir relative à l'intervention de la société Pégase :

Il résulte de l'article 329 du code de procédure civile que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme ; elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. Par application de l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie ; elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

En l'espèce, s'agissant de solliciter la fixation d'un loyer pour le bail qu'elle a repris à son compte et le remboursement de trop perçus de loyers qu'elle a versés à la société Baumont à compter de son entrée en jouissance, trop perçu résultant de la fixation du loyer par le jugement du 10 mai 2022, la société Pégase est intervenue volontairement à titre principal.

Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité (article 554 du code de procédure civile).

En l'espèce, la société Pégase n'est pas intervenue en première instance et a un intérêt à agir contre la société Baumont dans le cadre du bail qui les lie.

L'intervention volontaire de la société Pégase est donc recevable.

- Sur la fin de non-recevoir relative à la demande en paiement de la société Pégase:

Si, par renvoi de l'article 907 vers l'article 789 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, il n'en demeure pas moins que le conseiller de la mise en état ne dispose que d'une compétence spéciale attribuée par les textes lorsqu'ils la précisent, là où la cour dispose d'une compétence de principe en matière d'appel civil.

De fait, la cour disposant seule du pouvoir d'infirmer ou de réformer la décision portée en appel, le conseiller de la mise en état ne connaît pas de l'ensemble des fins de non-recevoir, et notamment pas de celles portant sur l'effet dévolutif de l'appel ; en ce sens, une fin de non-recevoir relative à la connexité d'une demande présentée en intervention volontaire au regard des demandes dévolues à la cour par les parties relève de l'étendue de la saisine de la cour, au même titre que la recevabilité des demandes nouvelles.

Dès lors, le conseiller de la mise en état se déclare incompétent au profit de la cour pour juger de la recevabilité de la demandes en paiement à son profit présentée par la société Pégase au titre de son intervention volontaire.

L'incident ne mettant pas un terme à l'instance d'appel, il n'y a pas lieu à liquidation de dépens. Au vu des circonstances de l'espèce, les demandes des parties relatives aux frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Le conseiller de la mise en état, par ordonnance contradictoire rendue publiquement :

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SAS Pégase du 9 janvier 2023 ;

Se déclare incompétent au profit de la cour pour juger de la recevabilité de la demande de la SAS Pégase en paiement par la SCI Baumont de trop-perçus de loyers à compter du 15 juillet 2020 ;

Déboute la SCI Baumont et la SAS Pégase de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Le greffier Le conseiller