Décisions
CA Bordeaux, 3e ch. famille, 17 octobre 2023, n° 20/02072
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
--------------------------
ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2023
N° RG 20/02072 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSHE
[I] [R] [Y] [Z] [L]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/20/9037 du 02/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
[U] [M] [X] [B]
Nature de la décision : AU FOND
22G
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 février 2020 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG n° 17/01111) suivant déclaration d'appel du 19 juin 2020
APPELANT :
[I] [R] [Y] [Z] [L]
né le 09 Décembre 1968 à [Localité 10]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, postulant, et par Me Hélène TAINTENIER-MARTIN de la SELARL BROQUAIRE TAINTENIER-MARTIN AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX, plaidant
INTIMÉE :
[U] [M] [X] [B]
née le 04 Juin 1973 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Anne-Geneviève HAKIM de la SELARL AGH AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 septembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme [U] [B] et M. [I] [Z] [L] ont vécu en concubinage.
Ils ont acquis en indivision un immeuble à usage d'habitation par acte notarié du 26 novembre 2001 situé à [Localité 7], [Localité 9] (33) au prix de 450.000 francs soit 68.602,06 euros, à concurrence de 31/49èmes pour M. [Z] [L] et de 18/49èmes pour Mme [B].
Le couple s'est séparé en 2010. Aucun partage amiable n'a pu aboutir.
Par acte d'huissier du 7 septembre 2017, Mme [B] a assigné M. [Z] [L] devant le juge aux affaires familiales de [Localité 8] aux fins d'ordonner la liquidation et le partage de l'indivision.
Par jugement en date du 29 août 2018, ce magistrat a :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision portant sur l'immeuble sis [Localité 7] à [Localité 9] (33),
- désigné le Président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation pour y procéder,
- commis le juge de céans pour surveiller les opérations,
- dit que le notaire désigné devra établir et présenter aux parties un projet de partage prenant en considération des droits de chaque partie et notamment l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Z] [L] et la créance de celui-ci sur l'indivision relative aux travaux qu'il a effectués sur l'immeuble précité,
- attribué l'immeuble indivis préférentiellement à M. [Z] [L] sous condition d'un accord entre les parties sur le montant de la créance de Mme [B] et son paiement préalable par M. [Z] [L],
- dit que M. [Z] [L] doit une indemnité d'occupation à l'indivision depuis le 10 juillet 2010 jusqu'à la date à laquelle il quittera l'immeuble indivis ou à laquelle il deviendrait seul propriétaire de l'immeuble,
- dit que M. [Z] [L] est créancier de l'indivision pour les travaux qu'il a effectués sur l'immeuble litigieux,
- ordonné au préalable une expertise de l'immeuble d'habitation, dépendances et terrain autour, sis [Localité 7] à [Localité 9] (33), cadastré sections B n° [Cadastre 1], [Cadastre 5], [Cadastre 4] pour une contenance totale de 30 a 51 ca,
- commis pour y procéder M. [W] [D],
- fixé à 2.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que M. [Z] [L] et Mme [B] devront consigner par moitié au greffe de ce tribunal avant le 1er octobre 2018.
Me [O], notaire à [Localité 8], a été désignée pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision.
Par ordonnance du 11 mars 2019, le juge de la mise en état a constaté la caducité de la mesure d'expertise, M. [Z] [L] n'ayant pas consigné la somme mise à sa charge.
Par jugement du 20 février 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Libourne, M. [Z] [L] étant défaillant, a :
- dit que le notaire commis estimera lui-même l'immeuble au besoin en se faisant assister d'un sapiteur aux frais exclusifs de M. [Z] [L],
- fixé à la somme de 900 euros par mois, à compter du 10 juillet 2010 le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [Z] [L] à l'indivision jusqu'au jour du partage ou de sa libération des lieux,
- constaté la défaillance de M. [Z] [L] dans la preuve des améliorations par lui apportées à l'immeuble indivis et ouvrant droit à créance de l'article 813 du code civil,
- condamné M. [Z] [L] à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts de droit au taux légal à compter de la signification du jugement,
- condamné M. [Z] [L] à payer à Mme [B] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- affecté les dépens en frais privilégiés de partage.
Procédure d'appel :
Par déclaration du 19 juin 2020, M. [Z] [L] a relevé appel de l'ensemble des dispositions du jugement, sauf en ce qui concerne les dépens.
Par ordonnance en date du 11 mars 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré l'incident formé par Mme [B] pour partie bien fondé,
- condamné M. [Z] [L] à payer à Mme [B] la somme de 20 000 euros à titre de provision,
- dit que les dépens de l'incident seront supportés par M. [Z] [L].
Selon dernières conclusions du 1er août 2023, M. [Z] [L] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel
En conséquence,
- voir réformer le jugement des chefs déférés,
- juger que le notaire commis estimera lui-même l'immeuble, au besoin en se faisant assister d'un sapiteur dont les frais seront employés en frais privilégiés de partage,
- juger que l'action en paiement d'une indemnité d'occupation formée par Mme [B] à l'encontre de M. [Z] [L] est prescrite en application des dispositions de l'article 815-10 du code civil,
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où l'indemnité d'occupation serait reconnue fondée en son principe,
- réformer la période retenue 'à compter du 10 juillet 2010 jusqu'au jour du partage ou de sa libération des lieux',
- fixer la période à compter du 29 août 2015 jusqu'au 28 août 2020,
- réformer le quantum de l'indemnité d'occupation fixé à 900 € par mois,
- fixer la valeur locative mensuelle du bien indivis à la somme de 665 €,
- constater et juger que M. [Z] [L] a bien apporté la preuve des améliorations par lui apportées à l'immeuble indivis et ouvrant droit à créance à son profit conformément à l'article 815-13 du code civil,
- débouter Mme [B] de sa demande de condamnation de M. [Z] [L] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit au taux légal à compter de la signification du jugement rendu,
- débouter Mme [B] de sa demande de condamnation de M. [Z] [L] au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,
- voir confirmer le jugement du 20 février 2020 dont appel en ce que le tribunal a affecté les dépens de première instance en frais privilégiés de partage,
- y ajoutant, juger que M. [Z] [L] a une créance envers l'indivision pour les échéances du prêt immobilier souscrit par lui, seul, pour l'achat du bien indivis, et remboursés par lui seul avec ses deniers personnels, à tout le moins depuis la séparation du couple en 2010, pour un montant de 19.922,017 euros,
- y ajoutant, juger que M. [Z] [L] a une créance envers l'indivision pour les charges inhérentes au bien indivis, qu'il a réglées seul avec ses deniers personnels, pour un montant de 1.592,40 euros,
- juger n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.
Selon dernières conclusions du 28 août 2023, Mme [B] demande à la cour de :
- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes et conclusions, irrecevables et mal fondées,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Pour le surplus,
- condamner M. [Z] [L] à payer à Mme [B] somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture est datée du 29 août 2023.
MOTIVATION
Sur la prise en charge des frais relatifs à l'estimation de l'immeuble :
Constatant qu'en 2018, M.[Z] [L] avait constitué avocat et conclu, qu'il n'avait pas consigné sa part des honoraires de l'expert alors qu'il s'était associé à la demande d'expertise, la décision déférée a renvoyé les parties devant le notaire liquidateur en précisant qu'il accomplira sa mission en fonction des seuls éléments fournis par les parties contradictoirement et qu'il procédera à l'évaluation du bien au besoin en se faisant assister d'un sapiteur aux frais exclusifs de M.[Z] [L].
L'appelant demande au contraire à la cour de dire que, dans l'hypothèse où le notaire souhaite se faire assister d'un sapiteur, les frais seront employés en frais privilégiés de partage.
Mais il convient de rappeler que M.[Z] [L] était demandeur à l'expertise immobilière malgré qu'il ait alors versé aux débats deux estimations d'agences immobilières datées de 2018, qu'il n'a pas interjeté appel de la décision quand il a découvert le montant de la provision à sa charge, prétendûment trop élevé, qu'il n'a pas saisi le juge commis d'une difficulté quant au règlement de celle-ci, qu'il ne justifie d'aucune impossibilité financière à pouvoir verser cette provision à hauteur de 1 000 euros (seule pièce financière versée aux débats : sa déclaration d'impôts sur le revenus 2019, soit 16 694 €) et qu'enfin, les estimations qu'ils versent devant la cour sont désormais anciennes (juillet 2020).
Il convient ainsi de confirmer purement et simplement la décision déférée sur la charge des frais du sapiteur qui sera supportée, s'il y a lieu d'y recourir, par l'appelant.
Sur l'indemnité d'occupation due par M. [Z] [L] :
En application de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
L'indemnité n'est due qu'en cas de jouissance exlusive et privative d'un immeuble indivis résultant de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coindivisaires, d'user de la chose.
Elle est due même en l'absence d'occupation effective des lieux.
Il appartient ainsi au coindivisaire qui réclame une indemnité d'occupation de démontrer que le bien litigieux ne fait pas l'objet d'une occupation concurrente mais exclusive et privative par les autres indivisaires.
Il ressort des pièces versées aux débats par M. [Z] [L] qu'il habitait chez sa mère d'avril 2010 à septembre 2011 (sa pièce 4) puis dans un appartement loué à la société Mésolia Habitat du 29 septembre 2011 au 28 août 2015 dont il payait le loyer et qu'il n'occupait pas l'immeuble indivis ainsi qu'en atteste l'absence de consommation d'eau (ses pièces 6 et 7 et 26).
Mais il n'est pas soutenu que Mme [B] ait eu la jouissance de l'immeuble commun pendant cette période.
Au demeurant, il ressort des conclusions de première instance (prises sur assignation du 7 septembre 2017) de M. [Z] [L], en date du 27 février 2018 (pièce 6 de l'intimée), que, s'il contestait devoir une indemnité d'occupation sur cette période mais admettait la devoir depuis le 29 août 2015, sans opposer aucune prescription à la demande de Mme [B], il demandait en même temps à la juridiction de lui accorder créance et/ou récompense au titre du remboursement de l'emprunt immobilier, des travaux réalisés sur l'immeuble, financés par ses deniers personnels, et des frais payés par lui (taxes foncières, d'habitation, d'eau, d'assurance).
Ainsi, quand la décision de 2018, sur assignation délivrée le 17 septembre 2017, a été rendue, alors qu'il était assisté d'un avocat, disant qu'il était redevable d'une indemnité d'occupation depuis le 10 juillet 2010, n'en-a-t-il pas relevé appel malgré qu'il ait conclu qu'aucune indemnité n'était due jusqu'au 29 août 2015.
La décision, définitive, a autorité de la chose jugée et M. [Z] [L] est irrecevable à opposer désormais devant la cour, alors qu'il était au surplus défaillant en première instance, la prescription de l'action en paiement d'une indemnité d'occupation, et à titre subsidiaire de la voir fixer uniquement à compter du 29 août 2015 et jusqu'au 28 août 2020 puisqu'aucune prescription quinquennale ne peut recevoir application.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation, l'expertise ordonnée en 2018 avait justement pour objet de l'évaluer. M. [Z] [L], alors qu'il demandait lui-même une expertise dans ses conclusions du 27 février 2018, n'a pas consigné sa part de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, et n'a pas conclu devant le juge de première instance, celui-ci faisant droit à la prétention de Mme [B] de voir son montant fixé à 900 euros par mois, eu égard à la valeur présumée du bien en considération de son prix d'achat.
M. [Z] [L] verse aux débats d'appel deux estimations locatives pour 650 et 680 euros réalisées en 2020 mais, alors qu'il fait référence à la valeur de 554 euros indiquée sur la taxe foncière 2020, ne répond pas à l'intimée qui rappelle que la base d'imposition de la taxe foncière est égale à la moitié de la valeur locative cadastrale.
Dès lors, M. [Z] [L], qui a empêché l'expertise de fonctionner, ne démontre pas que la décision déférée a fait une mauvaise appréciation des éléments de la cause, et il s'impose de la confirmer.
Sur les créances revendiquées par M. [Z] [L] :
L'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés. Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.
L'article 815-12 indique quant à lui que l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l'amiable, ou, à défaut, par décision de justice.
- la créance au titre de l'amélioration de l'immeuble :
La décision du 29 août 2018, définitive, a autorité de la chose jugée en ce qu'elle a a 'dit que M. [Z] [L] est créancier de l'indivision pour les travaux qu'il a effectués sur l'immeuble litigieux'.
Mais ce jugement a justement ordonné une expertise dans le but d'évaluer les travaux effectués par lui ainsi que la plus-value que ceux-ci ont apportée à l'immeuble indivis.
Or M. [Z] [L] a empêché le déroulement de l'expertise alors même qu'il la sollicitait.
Devant le premier juge, il a fait défaut, contraignant celui-ci à constater sa défaillance dans la preuve.
Devant la cour, il persiste à ne pas évaluer sa créance en demandant exclusivement à la cour de 'constater et juger qu'il a bien apporté la preuve des améliorations par lui apportées à l'immeuble indivis et ouvrant droit à créance à son profit conformément à l'article 815-13 du code civil'.
Il précise toutefois que ses pièces 8 et 9 démontreraient, selon lui, qu'il a acquis des matériaux pour effectuer des travaux de réfection de la toiture, huisseries, à l'aide de fonds perçus au décès de son grand-père, isolation, cuisine (pose de carrelage au sol et peinture) salon (pose de parquet), réfection de la salle de bain et des toilettes et rappelle qu'il avait invoqué une créance de 15 000 euros devant le premier juge.
Mais il convient de constater que les pièces 8 de l'appelant sont des factures d'achat de matériaux datant d'août 2002 à août 2006, soit pendant la période de vie commune, et que l'activité personnelle de M. [Z] [L] ne peut être assimilée à une dépense d'amélioration et il ne peut ainsi demander indemnisation de son travail.
Quant aux pièces 9 de l'appelant, s' il s'agit effectivement de factures postérieures à la séparation du couple, il s'impose de rappeler que l'indemnisation des travaux réalisés directement par un indivisaire sur un bien indivis se fait au titre de la rémunération du gérant sur le fondement de l'article 815-12 du code civil et non au titre des dépenses d'amélioration, la rémunération devant être évaluée en fonction des dépenses engagées, de la qualité du travail fourni, des bénéfices apportés à l'indivision et ne saurait se résumer au montant de la plus value apportée au bien indivis, celle-ci profitant à l'indivision.
Et en l'espèce, seule l'expertise aurait permis d'estimer une telle rémunération et à défaut, la cour ne peut que confirmer la décision.
- la créance au titre de la prise en charge de l'emprunt immobilier :
* sur la recevabilité de la demande :
Il est constant que M. [Z] [L], sans former pour autant aucune demande en ce sens dans le dispositif de ses conclusions du 27 février 2018, invoquait une créance sur l'indivision de 70 161,77 euros au titre des échéances de l'emprunt immobilier remboursé par lui seul.
Le tribunal, qui n'était saisi d'aucune demande en ce sens, ne pouvait ainsi statuer sur cet emprunt et c'est à tort que l'intimée reproche à l'appelant de n'avoir pas, plutôt, déposé une requête en omission de statuer.
Dès lors qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesse et défenderesse quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, c'est encore à tort que l'intimée oppose dans le corps de ses écritures, sans toutefois la reprendre au dispositif de celles-ci, l'irrecevablité de cette demande.
* sur le bien-fondé de la demande :
M. [Z] [L] soutient avoir seul remboursé l'emprunt afférent au prêt immobilier durant la vie commune et être ainsi recevable à réclamer une créance.
Il échet de rappeler que le remboursement des mensualités du crédit immobilier finançant le bien indivis, logement des concubins et de leurs enfants, par un seul des deux concubins constitue sa contribution aux charges de la vie courante au même titre que toutes les autres dépenses du ménage et que ce concubin ne peut ainsi faire valoir aucune créance à ce titre.
En revanche, en application de l'article 815-13 du code civil susvisé, il est de jurisprudence constante que les règlements d'échéances d'emprunts immobiliers ayant permis l'acquisition d'un immeuble indivis, lorsqu'il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision, constituent une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité.
Dès lors, M. [Z] [L], qui a continué à rembourser seul les échéances après la séparation du couple, a une créance sur l'indivision qui démarre le jour de la séparation et court jusqu'à la date du partage des biens.
Et c'est d'ailleurs ainsi que l'entend in fine l'appelant qui, dans le dispositif de ses écritures, ne demande à la cour que de juger qu'il a une créance de 19 922,017 euros au titre du remboursement des échéances du prêt depuis avril 2010. Cette créance correspond à la dépense réalisée par l'appelant au regard des droits de chacun dans l'immeuble.
Mme [B] considère que les pièces versées aux débats par l'appelant, censées prouver ses paiements au bénéfice de l'indivision sur la période 2010-2021, ne les prouvent nullement puisque les relevés de compte ne portent que sur la période de juin 2014 à janvier 2018 et que le décompte produit concernant la période de mars 2021 à mars 2022, terme du crédit, ne permet pas de connaître mes modalités de réglement du crédit, alors que l'appelant avait bénéficié d'un plan de surendettement en 2012.
Et il ressort de l'attestation pièce 45 de l'appelant, émanant de la Société Générale, du 28 décembre 2022, qu'au 7 mars 2022 le prêt accordé à M. [Z] [L] a été entièrement remboursé.
L'appelant déclare avoir pris en compte le montant des échéances telles qu'adaptées par la commission de surendettement pour parvenir à la somme de 54 239,09 euros remboursée entre le 1er avril 2010 et le 7 mars 2022.
Mais cependant, il convient de constater que l'appelant ne verse aux débats aucun relevé bancaire au delà du 8 janvier 2018 si en revanche sa pièce 3 débute au 7 janvier 2010.
Il existe donc indiscutablement une période, entre le 8 janvier 2018 et le 7 mars 2022, pour laquelle il n'existe aucune certitude sur la manière, et par qui, a été remboursé le prêt.
Dès lors, la cour ne peut fixer à 19 922, 017 € la créance de M. [Z] [L], ainsi qu'il le demande, mais simplement juger qu'il dispose d'une créance sur l'indivision pour les remboursements de l'emprunt qu'il a personnellement assumés entre le 1er avril 2010 et le 7 mars 2022 à charge pour lui de les justifier devant le notaire liquidateur, la créance s'entendant de la dépense réalisée au regard des droits de chacun dans l'immeuble.
- la créance au titre des charges inhérentes à l'indivision :
* sur la recevabilité de la demande :
Il échet de constater qu'encore une fois, si M. [Z] [L] évoquait avoir participé au paiement des taxes foncières, avoir réglé seul la taxe d'habitation, les frais d'abonnement d'eau et l'assurance de l'immeuble indivis, pour la période 2010-2017 et qu'il sollicitait 'récompense ou créance' pour ces trois derniers postes, aucune demande ne figurait à ce titre au dispositif de ses écritures du 27 février 2018.
La cour suit ainsi son raisonnement relatif à la recevabilité de la demande de créance au titre de la prise en charge de l'emprunt immobilier et déclare cette prétention recevable.
* sur le bien-fondé de la demande :
La demande de l'appelant est formée à hauteur de 1 592, 40 euros.
Il dit avoir réglé :
- au titre des taxes foncières 2012-2022 la somme de 1764, 50 €,
- au titre de la taxe d'habitation 2010-2022 la somme de 2 032 €,
- au titre de l'abonnement d'eau 2012- 2017 la somme de 693,60 € (en fait : 633,60 €),
- au titre de l'assurance du bien indivis la somme de 4 335,43 € (en fait en reprenant les pièces, il s'agit de la somme de 5 335,43 €).
Or sa demande est calculée au regard des droits de chaque indivisaire sur une dépense réalisée arrêtée à 4 335,43 €, ce qui ne correspond pas aux dépenses totales annoncées dans les écritures, et ce sans préciser comment il est parvenu à un tel montant.
Par ailleurs, si l'impôt foncier, la taxe d'habitation et l'assurance de l'immeuble, qui tendent à la conservation de l'immeuble, sont à charge de l'indivision, il n'en est pas de même de l'abonnement d'eau à la charge de l'indivisaire occupant redevable des charges d'entretien courant.
D'autre part, si l'intimée ne conteste pas la part réglée par l'appelant sur les taxes foncières, elle rappelle qu'elle a réglé quant à elle plus que sa part à ce titre.
Compte tenu de cette analyse, il n'est pas possible de retenir que l'appelant serait créancier de l'indivision à hauteur de 1 592,40 euros, sa demande étant rejetée par la cour et M. [Z] [L] invité à justifier de la réalité de ses dépenses devant le notaire liquidateur.
Sur les dommages et intérêts réclamés par Mme [B] :
M. [Z] [L] a été condamné à verser à Mme [B] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de son attitude dillatoire, son refus de consigner, son absence de tout élément d'explication sur sa carence.
L'appelant conteste tout comportement dillatoire, se retranchant derrière des difficultés financières qui l'auraient empêché de consigner.
Mais la cour constate que le défaut de consignation n'est qu'un des comportements dilatoires de M. [Z] [L], qui occupant privativement l'immeuble indivis depuis avril 2010, a opté pour un choix procédural visant à retarder l'échéance du partage de l'indivision (pas de conclusions en première instance, appel de la décision rendue en l'absence de Monsieur, tentatives pour revenir sur les choses jugées en sa présence de 2018 alors qu'il n'a pas fait appel...).
Il s'impose ainsi de confirmer la décision déférée qui a justement apprécié les fautes, le préjudice et le lien de causalité entre eux.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Si la décision doit être confirmée en ce qu'elle a affecté les dépens en frais privilégiés de partage et condamné M. [Z] [L] à verser à Mme [B] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en revanche, celle-ci sera ramenée à 1 500 euros.
En appel, M. [Z] [L], qui succombe, versera à Mme [B] une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant après rapport fait à l'audience, dans les limites de l'appel,
CONFIRME la décision déférée sauf sur le montant de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau de ce chef,
CONDAMNE M. [Z] [L] à verser à Mme [B] une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [Z] [L] de ses demandes à hauteur de 19 922,017 € au titre des échéances du prêt immobilier et de 1 592,40 € au titre des dépenses ;
CONDAMNE M. [Z] [L] à verser à Mme [B] une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
3ème CHAMBRE FAMILLE
--------------------------
ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2023
N° RG 20/02072 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSHE
[I] [R] [Y] [Z] [L]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/20/9037 du 02/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
[U] [M] [X] [B]
Nature de la décision : AU FOND
22G
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 février 2020 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG n° 17/01111) suivant déclaration d'appel du 19 juin 2020
APPELANT :
[I] [R] [Y] [Z] [L]
né le 09 Décembre 1968 à [Localité 10]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, postulant, et par Me Hélène TAINTENIER-MARTIN de la SELARL BROQUAIRE TAINTENIER-MARTIN AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX, plaidant
INTIMÉE :
[U] [M] [X] [B]
née le 04 Juin 1973 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Anne-Geneviève HAKIM de la SELARL AGH AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 septembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme [U] [B] et M. [I] [Z] [L] ont vécu en concubinage.
Ils ont acquis en indivision un immeuble à usage d'habitation par acte notarié du 26 novembre 2001 situé à [Localité 7], [Localité 9] (33) au prix de 450.000 francs soit 68.602,06 euros, à concurrence de 31/49èmes pour M. [Z] [L] et de 18/49èmes pour Mme [B].
Le couple s'est séparé en 2010. Aucun partage amiable n'a pu aboutir.
Par acte d'huissier du 7 septembre 2017, Mme [B] a assigné M. [Z] [L] devant le juge aux affaires familiales de [Localité 8] aux fins d'ordonner la liquidation et le partage de l'indivision.
Par jugement en date du 29 août 2018, ce magistrat a :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision portant sur l'immeuble sis [Localité 7] à [Localité 9] (33),
- désigné le Président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation pour y procéder,
- commis le juge de céans pour surveiller les opérations,
- dit que le notaire désigné devra établir et présenter aux parties un projet de partage prenant en considération des droits de chaque partie et notamment l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Z] [L] et la créance de celui-ci sur l'indivision relative aux travaux qu'il a effectués sur l'immeuble précité,
- attribué l'immeuble indivis préférentiellement à M. [Z] [L] sous condition d'un accord entre les parties sur le montant de la créance de Mme [B] et son paiement préalable par M. [Z] [L],
- dit que M. [Z] [L] doit une indemnité d'occupation à l'indivision depuis le 10 juillet 2010 jusqu'à la date à laquelle il quittera l'immeuble indivis ou à laquelle il deviendrait seul propriétaire de l'immeuble,
- dit que M. [Z] [L] est créancier de l'indivision pour les travaux qu'il a effectués sur l'immeuble litigieux,
- ordonné au préalable une expertise de l'immeuble d'habitation, dépendances et terrain autour, sis [Localité 7] à [Localité 9] (33), cadastré sections B n° [Cadastre 1], [Cadastre 5], [Cadastre 4] pour une contenance totale de 30 a 51 ca,
- commis pour y procéder M. [W] [D],
- fixé à 2.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que M. [Z] [L] et Mme [B] devront consigner par moitié au greffe de ce tribunal avant le 1er octobre 2018.
Me [O], notaire à [Localité 8], a été désignée pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision.
Par ordonnance du 11 mars 2019, le juge de la mise en état a constaté la caducité de la mesure d'expertise, M. [Z] [L] n'ayant pas consigné la somme mise à sa charge.
Par jugement du 20 février 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Libourne, M. [Z] [L] étant défaillant, a :
- dit que le notaire commis estimera lui-même l'immeuble au besoin en se faisant assister d'un sapiteur aux frais exclusifs de M. [Z] [L],
- fixé à la somme de 900 euros par mois, à compter du 10 juillet 2010 le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [Z] [L] à l'indivision jusqu'au jour du partage ou de sa libération des lieux,
- constaté la défaillance de M. [Z] [L] dans la preuve des améliorations par lui apportées à l'immeuble indivis et ouvrant droit à créance de l'article 813 du code civil,
- condamné M. [Z] [L] à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts de droit au taux légal à compter de la signification du jugement,
- condamné M. [Z] [L] à payer à Mme [B] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- affecté les dépens en frais privilégiés de partage.
Procédure d'appel :
Par déclaration du 19 juin 2020, M. [Z] [L] a relevé appel de l'ensemble des dispositions du jugement, sauf en ce qui concerne les dépens.
Par ordonnance en date du 11 mars 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré l'incident formé par Mme [B] pour partie bien fondé,
- condamné M. [Z] [L] à payer à Mme [B] la somme de 20 000 euros à titre de provision,
- dit que les dépens de l'incident seront supportés par M. [Z] [L].
Selon dernières conclusions du 1er août 2023, M. [Z] [L] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel
En conséquence,
- voir réformer le jugement des chefs déférés,
- juger que le notaire commis estimera lui-même l'immeuble, au besoin en se faisant assister d'un sapiteur dont les frais seront employés en frais privilégiés de partage,
- juger que l'action en paiement d'une indemnité d'occupation formée par Mme [B] à l'encontre de M. [Z] [L] est prescrite en application des dispositions de l'article 815-10 du code civil,
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où l'indemnité d'occupation serait reconnue fondée en son principe,
- réformer la période retenue 'à compter du 10 juillet 2010 jusqu'au jour du partage ou de sa libération des lieux',
- fixer la période à compter du 29 août 2015 jusqu'au 28 août 2020,
- réformer le quantum de l'indemnité d'occupation fixé à 900 € par mois,
- fixer la valeur locative mensuelle du bien indivis à la somme de 665 €,
- constater et juger que M. [Z] [L] a bien apporté la preuve des améliorations par lui apportées à l'immeuble indivis et ouvrant droit à créance à son profit conformément à l'article 815-13 du code civil,
- débouter Mme [B] de sa demande de condamnation de M. [Z] [L] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit au taux légal à compter de la signification du jugement rendu,
- débouter Mme [B] de sa demande de condamnation de M. [Z] [L] au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,
- voir confirmer le jugement du 20 février 2020 dont appel en ce que le tribunal a affecté les dépens de première instance en frais privilégiés de partage,
- y ajoutant, juger que M. [Z] [L] a une créance envers l'indivision pour les échéances du prêt immobilier souscrit par lui, seul, pour l'achat du bien indivis, et remboursés par lui seul avec ses deniers personnels, à tout le moins depuis la séparation du couple en 2010, pour un montant de 19.922,017 euros,
- y ajoutant, juger que M. [Z] [L] a une créance envers l'indivision pour les charges inhérentes au bien indivis, qu'il a réglées seul avec ses deniers personnels, pour un montant de 1.592,40 euros,
- juger n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.
Selon dernières conclusions du 28 août 2023, Mme [B] demande à la cour de :
- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes et conclusions, irrecevables et mal fondées,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Pour le surplus,
- condamner M. [Z] [L] à payer à Mme [B] somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture est datée du 29 août 2023.
MOTIVATION
Sur la prise en charge des frais relatifs à l'estimation de l'immeuble :
Constatant qu'en 2018, M.[Z] [L] avait constitué avocat et conclu, qu'il n'avait pas consigné sa part des honoraires de l'expert alors qu'il s'était associé à la demande d'expertise, la décision déférée a renvoyé les parties devant le notaire liquidateur en précisant qu'il accomplira sa mission en fonction des seuls éléments fournis par les parties contradictoirement et qu'il procédera à l'évaluation du bien au besoin en se faisant assister d'un sapiteur aux frais exclusifs de M.[Z] [L].
L'appelant demande au contraire à la cour de dire que, dans l'hypothèse où le notaire souhaite se faire assister d'un sapiteur, les frais seront employés en frais privilégiés de partage.
Mais il convient de rappeler que M.[Z] [L] était demandeur à l'expertise immobilière malgré qu'il ait alors versé aux débats deux estimations d'agences immobilières datées de 2018, qu'il n'a pas interjeté appel de la décision quand il a découvert le montant de la provision à sa charge, prétendûment trop élevé, qu'il n'a pas saisi le juge commis d'une difficulté quant au règlement de celle-ci, qu'il ne justifie d'aucune impossibilité financière à pouvoir verser cette provision à hauteur de 1 000 euros (seule pièce financière versée aux débats : sa déclaration d'impôts sur le revenus 2019, soit 16 694 €) et qu'enfin, les estimations qu'ils versent devant la cour sont désormais anciennes (juillet 2020).
Il convient ainsi de confirmer purement et simplement la décision déférée sur la charge des frais du sapiteur qui sera supportée, s'il y a lieu d'y recourir, par l'appelant.
Sur l'indemnité d'occupation due par M. [Z] [L] :
En application de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
L'indemnité n'est due qu'en cas de jouissance exlusive et privative d'un immeuble indivis résultant de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coindivisaires, d'user de la chose.
Elle est due même en l'absence d'occupation effective des lieux.
Il appartient ainsi au coindivisaire qui réclame une indemnité d'occupation de démontrer que le bien litigieux ne fait pas l'objet d'une occupation concurrente mais exclusive et privative par les autres indivisaires.
Il ressort des pièces versées aux débats par M. [Z] [L] qu'il habitait chez sa mère d'avril 2010 à septembre 2011 (sa pièce 4) puis dans un appartement loué à la société Mésolia Habitat du 29 septembre 2011 au 28 août 2015 dont il payait le loyer et qu'il n'occupait pas l'immeuble indivis ainsi qu'en atteste l'absence de consommation d'eau (ses pièces 6 et 7 et 26).
Mais il n'est pas soutenu que Mme [B] ait eu la jouissance de l'immeuble commun pendant cette période.
Au demeurant, il ressort des conclusions de première instance (prises sur assignation du 7 septembre 2017) de M. [Z] [L], en date du 27 février 2018 (pièce 6 de l'intimée), que, s'il contestait devoir une indemnité d'occupation sur cette période mais admettait la devoir depuis le 29 août 2015, sans opposer aucune prescription à la demande de Mme [B], il demandait en même temps à la juridiction de lui accorder créance et/ou récompense au titre du remboursement de l'emprunt immobilier, des travaux réalisés sur l'immeuble, financés par ses deniers personnels, et des frais payés par lui (taxes foncières, d'habitation, d'eau, d'assurance).
Ainsi, quand la décision de 2018, sur assignation délivrée le 17 septembre 2017, a été rendue, alors qu'il était assisté d'un avocat, disant qu'il était redevable d'une indemnité d'occupation depuis le 10 juillet 2010, n'en-a-t-il pas relevé appel malgré qu'il ait conclu qu'aucune indemnité n'était due jusqu'au 29 août 2015.
La décision, définitive, a autorité de la chose jugée et M. [Z] [L] est irrecevable à opposer désormais devant la cour, alors qu'il était au surplus défaillant en première instance, la prescription de l'action en paiement d'une indemnité d'occupation, et à titre subsidiaire de la voir fixer uniquement à compter du 29 août 2015 et jusqu'au 28 août 2020 puisqu'aucune prescription quinquennale ne peut recevoir application.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation, l'expertise ordonnée en 2018 avait justement pour objet de l'évaluer. M. [Z] [L], alors qu'il demandait lui-même une expertise dans ses conclusions du 27 février 2018, n'a pas consigné sa part de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, et n'a pas conclu devant le juge de première instance, celui-ci faisant droit à la prétention de Mme [B] de voir son montant fixé à 900 euros par mois, eu égard à la valeur présumée du bien en considération de son prix d'achat.
M. [Z] [L] verse aux débats d'appel deux estimations locatives pour 650 et 680 euros réalisées en 2020 mais, alors qu'il fait référence à la valeur de 554 euros indiquée sur la taxe foncière 2020, ne répond pas à l'intimée qui rappelle que la base d'imposition de la taxe foncière est égale à la moitié de la valeur locative cadastrale.
Dès lors, M. [Z] [L], qui a empêché l'expertise de fonctionner, ne démontre pas que la décision déférée a fait une mauvaise appréciation des éléments de la cause, et il s'impose de la confirmer.
Sur les créances revendiquées par M. [Z] [L] :
L'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés. Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.
L'article 815-12 indique quant à lui que l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l'amiable, ou, à défaut, par décision de justice.
- la créance au titre de l'amélioration de l'immeuble :
La décision du 29 août 2018, définitive, a autorité de la chose jugée en ce qu'elle a a 'dit que M. [Z] [L] est créancier de l'indivision pour les travaux qu'il a effectués sur l'immeuble litigieux'.
Mais ce jugement a justement ordonné une expertise dans le but d'évaluer les travaux effectués par lui ainsi que la plus-value que ceux-ci ont apportée à l'immeuble indivis.
Or M. [Z] [L] a empêché le déroulement de l'expertise alors même qu'il la sollicitait.
Devant le premier juge, il a fait défaut, contraignant celui-ci à constater sa défaillance dans la preuve.
Devant la cour, il persiste à ne pas évaluer sa créance en demandant exclusivement à la cour de 'constater et juger qu'il a bien apporté la preuve des améliorations par lui apportées à l'immeuble indivis et ouvrant droit à créance à son profit conformément à l'article 815-13 du code civil'.
Il précise toutefois que ses pièces 8 et 9 démontreraient, selon lui, qu'il a acquis des matériaux pour effectuer des travaux de réfection de la toiture, huisseries, à l'aide de fonds perçus au décès de son grand-père, isolation, cuisine (pose de carrelage au sol et peinture) salon (pose de parquet), réfection de la salle de bain et des toilettes et rappelle qu'il avait invoqué une créance de 15 000 euros devant le premier juge.
Mais il convient de constater que les pièces 8 de l'appelant sont des factures d'achat de matériaux datant d'août 2002 à août 2006, soit pendant la période de vie commune, et que l'activité personnelle de M. [Z] [L] ne peut être assimilée à une dépense d'amélioration et il ne peut ainsi demander indemnisation de son travail.
Quant aux pièces 9 de l'appelant, s' il s'agit effectivement de factures postérieures à la séparation du couple, il s'impose de rappeler que l'indemnisation des travaux réalisés directement par un indivisaire sur un bien indivis se fait au titre de la rémunération du gérant sur le fondement de l'article 815-12 du code civil et non au titre des dépenses d'amélioration, la rémunération devant être évaluée en fonction des dépenses engagées, de la qualité du travail fourni, des bénéfices apportés à l'indivision et ne saurait se résumer au montant de la plus value apportée au bien indivis, celle-ci profitant à l'indivision.
Et en l'espèce, seule l'expertise aurait permis d'estimer une telle rémunération et à défaut, la cour ne peut que confirmer la décision.
- la créance au titre de la prise en charge de l'emprunt immobilier :
* sur la recevabilité de la demande :
Il est constant que M. [Z] [L], sans former pour autant aucune demande en ce sens dans le dispositif de ses conclusions du 27 février 2018, invoquait une créance sur l'indivision de 70 161,77 euros au titre des échéances de l'emprunt immobilier remboursé par lui seul.
Le tribunal, qui n'était saisi d'aucune demande en ce sens, ne pouvait ainsi statuer sur cet emprunt et c'est à tort que l'intimée reproche à l'appelant de n'avoir pas, plutôt, déposé une requête en omission de statuer.
Dès lors qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesse et défenderesse quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, c'est encore à tort que l'intimée oppose dans le corps de ses écritures, sans toutefois la reprendre au dispositif de celles-ci, l'irrecevablité de cette demande.
* sur le bien-fondé de la demande :
M. [Z] [L] soutient avoir seul remboursé l'emprunt afférent au prêt immobilier durant la vie commune et être ainsi recevable à réclamer une créance.
Il échet de rappeler que le remboursement des mensualités du crédit immobilier finançant le bien indivis, logement des concubins et de leurs enfants, par un seul des deux concubins constitue sa contribution aux charges de la vie courante au même titre que toutes les autres dépenses du ménage et que ce concubin ne peut ainsi faire valoir aucune créance à ce titre.
En revanche, en application de l'article 815-13 du code civil susvisé, il est de jurisprudence constante que les règlements d'échéances d'emprunts immobiliers ayant permis l'acquisition d'un immeuble indivis, lorsqu'il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision, constituent une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité.
Dès lors, M. [Z] [L], qui a continué à rembourser seul les échéances après la séparation du couple, a une créance sur l'indivision qui démarre le jour de la séparation et court jusqu'à la date du partage des biens.
Et c'est d'ailleurs ainsi que l'entend in fine l'appelant qui, dans le dispositif de ses écritures, ne demande à la cour que de juger qu'il a une créance de 19 922,017 euros au titre du remboursement des échéances du prêt depuis avril 2010. Cette créance correspond à la dépense réalisée par l'appelant au regard des droits de chacun dans l'immeuble.
Mme [B] considère que les pièces versées aux débats par l'appelant, censées prouver ses paiements au bénéfice de l'indivision sur la période 2010-2021, ne les prouvent nullement puisque les relevés de compte ne portent que sur la période de juin 2014 à janvier 2018 et que le décompte produit concernant la période de mars 2021 à mars 2022, terme du crédit, ne permet pas de connaître mes modalités de réglement du crédit, alors que l'appelant avait bénéficié d'un plan de surendettement en 2012.
Et il ressort de l'attestation pièce 45 de l'appelant, émanant de la Société Générale, du 28 décembre 2022, qu'au 7 mars 2022 le prêt accordé à M. [Z] [L] a été entièrement remboursé.
L'appelant déclare avoir pris en compte le montant des échéances telles qu'adaptées par la commission de surendettement pour parvenir à la somme de 54 239,09 euros remboursée entre le 1er avril 2010 et le 7 mars 2022.
Mais cependant, il convient de constater que l'appelant ne verse aux débats aucun relevé bancaire au delà du 8 janvier 2018 si en revanche sa pièce 3 débute au 7 janvier 2010.
Il existe donc indiscutablement une période, entre le 8 janvier 2018 et le 7 mars 2022, pour laquelle il n'existe aucune certitude sur la manière, et par qui, a été remboursé le prêt.
Dès lors, la cour ne peut fixer à 19 922, 017 € la créance de M. [Z] [L], ainsi qu'il le demande, mais simplement juger qu'il dispose d'une créance sur l'indivision pour les remboursements de l'emprunt qu'il a personnellement assumés entre le 1er avril 2010 et le 7 mars 2022 à charge pour lui de les justifier devant le notaire liquidateur, la créance s'entendant de la dépense réalisée au regard des droits de chacun dans l'immeuble.
- la créance au titre des charges inhérentes à l'indivision :
* sur la recevabilité de la demande :
Il échet de constater qu'encore une fois, si M. [Z] [L] évoquait avoir participé au paiement des taxes foncières, avoir réglé seul la taxe d'habitation, les frais d'abonnement d'eau et l'assurance de l'immeuble indivis, pour la période 2010-2017 et qu'il sollicitait 'récompense ou créance' pour ces trois derniers postes, aucune demande ne figurait à ce titre au dispositif de ses écritures du 27 février 2018.
La cour suit ainsi son raisonnement relatif à la recevabilité de la demande de créance au titre de la prise en charge de l'emprunt immobilier et déclare cette prétention recevable.
* sur le bien-fondé de la demande :
La demande de l'appelant est formée à hauteur de 1 592, 40 euros.
Il dit avoir réglé :
- au titre des taxes foncières 2012-2022 la somme de 1764, 50 €,
- au titre de la taxe d'habitation 2010-2022 la somme de 2 032 €,
- au titre de l'abonnement d'eau 2012- 2017 la somme de 693,60 € (en fait : 633,60 €),
- au titre de l'assurance du bien indivis la somme de 4 335,43 € (en fait en reprenant les pièces, il s'agit de la somme de 5 335,43 €).
Or sa demande est calculée au regard des droits de chaque indivisaire sur une dépense réalisée arrêtée à 4 335,43 €, ce qui ne correspond pas aux dépenses totales annoncées dans les écritures, et ce sans préciser comment il est parvenu à un tel montant.
Par ailleurs, si l'impôt foncier, la taxe d'habitation et l'assurance de l'immeuble, qui tendent à la conservation de l'immeuble, sont à charge de l'indivision, il n'en est pas de même de l'abonnement d'eau à la charge de l'indivisaire occupant redevable des charges d'entretien courant.
D'autre part, si l'intimée ne conteste pas la part réglée par l'appelant sur les taxes foncières, elle rappelle qu'elle a réglé quant à elle plus que sa part à ce titre.
Compte tenu de cette analyse, il n'est pas possible de retenir que l'appelant serait créancier de l'indivision à hauteur de 1 592,40 euros, sa demande étant rejetée par la cour et M. [Z] [L] invité à justifier de la réalité de ses dépenses devant le notaire liquidateur.
Sur les dommages et intérêts réclamés par Mme [B] :
M. [Z] [L] a été condamné à verser à Mme [B] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de son attitude dillatoire, son refus de consigner, son absence de tout élément d'explication sur sa carence.
L'appelant conteste tout comportement dillatoire, se retranchant derrière des difficultés financières qui l'auraient empêché de consigner.
Mais la cour constate que le défaut de consignation n'est qu'un des comportements dilatoires de M. [Z] [L], qui occupant privativement l'immeuble indivis depuis avril 2010, a opté pour un choix procédural visant à retarder l'échéance du partage de l'indivision (pas de conclusions en première instance, appel de la décision rendue en l'absence de Monsieur, tentatives pour revenir sur les choses jugées en sa présence de 2018 alors qu'il n'a pas fait appel...).
Il s'impose ainsi de confirmer la décision déférée qui a justement apprécié les fautes, le préjudice et le lien de causalité entre eux.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Si la décision doit être confirmée en ce qu'elle a affecté les dépens en frais privilégiés de partage et condamné M. [Z] [L] à verser à Mme [B] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en revanche, celle-ci sera ramenée à 1 500 euros.
En appel, M. [Z] [L], qui succombe, versera à Mme [B] une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant après rapport fait à l'audience, dans les limites de l'appel,
CONFIRME la décision déférée sauf sur le montant de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau de ce chef,
CONDAMNE M. [Z] [L] à verser à Mme [B] une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [Z] [L] de ses demandes à hauteur de 19 922,017 € au titre des échéances du prêt immobilier et de 1 592,40 € au titre des dépenses ;
CONDAMNE M. [Z] [L] à verser à Mme [B] une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,