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Décisions

CA Versailles, 2e ch. sect. 1, 7 septembre 2023, n° 22/03247

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/03247

7 septembre 2023

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 22G

2e chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/03247 -

N° Portalis DBV3-V-B7G- VGEH

AFFAIRE :

Monsieur [C] [X]

C/

[J] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 31 Mars 2022 par le Juge aux affaires familiales de PONTOISE

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 18/03422

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 07.09.2023

à :

Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de VAL D'OISE

Me Bettina JOLY de la SCP JOLY TAUZIN, avocat au barreau de VAL D'OISE

TJ PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [X]

né le 13 Janvier 1960 à KARIKAL (INDE)

de nationalité Française

[Adresse 6] (suite en complément)

INDE

Représentant : Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 9 - N° du dossier 1826126

Me Daniel LE FUR, Plaidant, avocat au barreau de BREST, vestiaire : 4-5

APPELANT

****************

Madame [J] [S]

née le 29 Octobre 1970 à [Localité 5] (REUNION)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Bettina JOLY de la SCP JOLY TAUZIN, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 83

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2023 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique SALVARY, Président,

Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,

Madame Sophie MATHE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Elisa PRAT,

FAITS ET PROCEDURE

Mme [J] [S] et M. [X] [C] ont vécu en concubinage et ont eu trois enfants : [B] née en 1991, [G] né en 1997 et [Z] né en 1999.

Ils ont acquis un bien immobilier situé [Adresse 1] (95) le 29 décembre 1994 en indivision, à concurrence de 80% pour M. [C] et de 20% pour Mme [S].

Dénonçant l'impossibilité de parvenir à un partage amiable, Mme [S] a, le 23 février 2018, fait assigner M. [C] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de liquidation et partage judiciaire des intérêts patrimoniaux des anciens concubins.

Par un jugement du 31 mars 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise a notamment :

- déclaré l'action de Mme [S] recevable,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [S] et M. [C],

- désigné pour y procéder, en application des dispositions de l'article 1364 du code de procédure civile et suivants, Maître [D], notaire, afin notamment de :

* évaluer le bien immobilier en cause au moyen de trois estimations, récentes, effectuées par trois agences immobilières locales différentes communiquées par chacune des parties ou par tout autre moyen à disposition du notaire,

* évaluer la valeur locative du bien immobilier,

* évaluer les éventuelles créances de l'indivision, sur l'indivision ou directement entre les anciens concubins,

* établir un projet de compte, liquidation et partage de l'indivision,

- commis le juge aux affaires familiales du cabinet 3 de ce tribunal pour surveiller les opérations de partage et statuer sur tout incident,

- dit que conformément à l'article 1368 du code de procédure civile, le notaire dressera un état liquidatif qui établira les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

- dit que le notaire établira avec les parties dès la première réunion un calendrier des rendez-vous avec indication des diligences à accomplir par chacune et la date de la transmission de son projet d'état liquidatif au juge commis, avec rappel des dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile; ce calendrier sera communiqué aux parties et au juge commis,

- rappelé que le notaire commis pourra s'adjoindre si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou à défaut désigné par le juge commis,

- dit que si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informera le juge qui constatera la clôture de la procédure,

- dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,

- précisé que les frais du notaire seront supportés par moitié par les parties,

- dit qu'en cas d'empêchement, le notaire et le juge commis pourront être remplacés par simple ordonnance rendue sur requête,

- rappelé que le délai est d'un an pour dresser l'état liquidatif,

- débouté M. [C] de sa demande au titre de l'apport personnel effectué lors de l'opération d'acquisition du bien immobilier indivis,

- débouté Mme [S] de sa demande de licitation du bien immobilier indivis,

- rappelé qu'à tout moment les parties peuvent abandonner les voies judiciaires et, poursuivre le partage amiable,

- débouté Mme [S] et M. [C] de leur demande de dommages et intérêts,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, et dit n'y avoir lieu au bénéfice de leur distraction,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par une déclaration du 10 mai 2022, M. [C] a fait appel de cette décision en ce qu'elle :

- l'a débouté de sa demande au titre de l'apport personnel effectué lors de l'opération d'acquisition du bien immobilier indivis,

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 15 000 euros,

- l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 5 000 euros.

Dans ses dernières conclusions du 13 avril 2023, M. [C] demande à la cour de :

- Dire et juger recevable et bien-fondé Monsieur [X] [C] en son appel,

- En conséquence, réformer le jugement dont appel :

- Dire que Monsieur [X] [C] a une créance contre Madame [J] [S] et à ce titre a droit à la reprise de son apport personnel d'un montant de 155 500 F soit la somme de 23 705 euros au 29 décembre 1994, valorisée au jour du partage,

- Condamner Madame [J] [S] à payer à Monsieur [X] [C] la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'ancien article 1382 du Code civil mais aussi de celles de l'article 1240 dudit code,

- Condamner Madame [J] [S] à régler à Monsieur [X] [C] la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- Confirmer pour le surplus le jugement dont appel,

Y additant :

- Condamner Madame [J] [S] à régler à Monsieur [X] [C] la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamner Madame [J] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- Dire et juger recevable mais non fondée Madame [J] [S] en son appel incident,

- Débouter purement et simplement Madame [J] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions du 14 avril 2023, Mme [S] demande à la cour de :

- DÉBOUTER Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes et de le déclarer irrecevable et non fondé en sa demande de condamnation aux dépens de première instance, non fondé en toutes ses autres demandes,

- Débouter Monsieur [C] de ses demandes contraires au présent dispositif,

- INFIRMER le jugement du 31.03.2022 en ce qu'il a :

* DÉBOUTÉ Madame [J] [S] de sa demande de dommages et intérêts,

* REJETTE la demande de Madame [J] [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, et dit n'y avoir lieu au bénéfice de leur distraction,

Et STATUANT à nouveau,

- DIRE que Madame [J] [S] est fondée et recevable en son appel incident et fondée et recevable en ses demandes,

- CONDAMNER Monsieur [C] à verser à Madame [S] la somme de 15000 € de dommages et intérêts au titre de l'article 1240 du code civil,

- CONDAMNER Monsieur [C] à verser à Madame [S] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- CONDAMNER Monsieur [C] aux entiers dépens de l'instance que Me Joly pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- CONFIRMER le jugement du 31.03.2022 en ce qu'il a :

* DÉCLARÉ l'action de Madame [J] [S] recevable,

* ORDONNE l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Madame [J] [S] et Monsieur [U] [C],

* DÉSIGNÉ pour y procéder Me [D], notaire à [Localité 4],

Afin notamment de :

'> Evaluer le bien immobilier en cause au moyen de trois estimations récentes, effectuées par trois agences immobilières locales différentes communiquées par chacune des parties ou par tout autre moyen à disposition du notaire,

'> Evaluer la valeur locative du bien immobilier,

'> Evaluer les éventuelles créances de l'indivision, sur l'indivision ou directement entre les anciens concubins,

'> Etablir un projet de compte, liquidation et partage de l'indivision,

* COMMET le juge aux affaires familiales du cabinet 3 ([O] [M]) de ce tribunal pour surveiller les opérations de partage et statuer sut tous incidents,

* DIT que conformément à l'article 1368 du code de procédure civile, le notaire dresse un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

* DIT que le notaire établira avec les parties dès la première réunion un calendrier des rendez-vous avec indication des diligences à accomplir par chacune et la date de la transmission de son projet d'état liquidatif au juge commis, avec rappel de dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile ; ce calendrier sera communiqué aux parties et au juge commis,

* DIT qu'en application de l'article 1365 du code de procédure civile, les parties devront remettre au notaire tout document utile à l'accomplissement de sa mission et qu'à défaut le juge commis pourra prononcer une astreinte à cette fin,

* DIT que le notaire devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelons qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives,

* DIT que si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge qui constate la clôture de la procédure,

* Dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,

* PRÉCISÉ que les frais du notaire seront supportés par moitié par les parties,

* DIT qu'en cas d'empêchement, le notaire et le juge commis pourront être remplacés par simple ordonnance rendue sur requête,

* RAPPELLE que le délai est d'un an pour dresser l'état liquidatif,

* DÉBOUTÉ Madame [J] [S] de sa demande de licitation du bien immobilier indivis,

* RAPPELLE qu'à tout moment les parties peuvent abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage amiable,

* DÉBOUTÉ Monsieur [U] [C] de sa demande de dommages et intérêts,

* DÉBOUTÉ les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

* REJETTE la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Monsieur [C],

* ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision,

* RAPPELLE que la présente décision doit être signifiée par huissier de justice par la partie la plus diligente, faute de quoi elle ne sera pas susceptible d'exécution forcée,

Y AJOUTANT,

- CONDAMNER Monsieur [C] à verser à Madame [S] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- CONDAMNER Monsieur [C] aux entiers dépens en cause d'appel que Me [Y] pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2023.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu'aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la créance invoquée par M. [C]

Le jugement du 31 mars 2022 a rejeté la demande de M. [C] au titre de l'apport personnel qu'il invoquait lors de l'acquisition de l'immeuble indivis au motif que l'acte de propriété prévoit une part de 80 % de la propriété pour M. [C] et que cette proportion a nécessairement été déterminée en fonction des apports effectués par les indivisaires. Le juge a relevé que l'acte d'acquisition contient une clause détaillant deux apports distincts respectivement de 213 250 francs et de 41 750 francs, sans indication de l'acquéreur concerné.

M.[C] critique cette décision en soulignant qu'il a investi ses économies personnelles pour l'acquisition de l'immeuble indivis et qu'il a donc une créance à ce titre à l'encontre de Mme [S]. Il ajoute qu'à cette époque sa compagne avait une activité professionnelle ne lui permettant pas d'épargner ni d'investir un capital dans un bien immobilier. Il conclut à l'infirmation du jugement sur ce point et revendique une créance sur Mme [S] de 155 500 francs, soit 23 705 euros au 29 décembre 1994, « valorisée au jour du partage ».

Mme [S] demande en réponse la confirmation du jugement. Elle souligne que M. [C] ne justifie pas de la totalité de l'apport qu'il revendique et que les apports ont été réalisés par les prêts « 1% patronal » outre l'épargne familiale. Elle souligne que l'absence de mention quant aux apports est la manifestation de l'intention libérale de M. [C] à son égard. Elle rappelle qu'au cours de la vie commune, elle a suivi M. [C] dans ses mutations professionnelles, elle a favorisé sa carrière en restant à domicile pour prendre soin des trois enfants du couple.

La cour rappelle le principe selon lequel lorsque des indivisaires font l'acquisition d'un immeuble dans des proportions déterminées par le titre de propriété, il y a lieu de procéder au partage du bien dans ces proportions, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée (Civ. 1re,10 janvier 2018, pourvoi n° 16-25.190, Bull. I n°3).

Ainsi, l'argumentation du juge aux affaires familiales et celle de Mme [S] quant à la répartition de la propriété indivise, qui serait le reflet des modalités de financement du bien indivis n'est pas pertinente et contraire à la règle précitée. Elle n'est donc pas retenue par la cour.

Il convient d'ajouter que, lorsqu'un indivisaire a financé, par un capital au moment de l'acquisition, plus que sa part de propriété dans l'indivision, il dispose d'une créance à l'égard de son co-indivisaire (1re Civ., 26 mai 2021, pourvoi n° 19-21.302, publié). Il appartient à l'indivisaire qui revendique une créance d'établir qu'il a bien employé des deniers personnels pour réaliser cet apport en capital.

En l'espèce, M. [C] soutient avoir versé la somme de 41 750 francs au titre du dépôt de garantie. Il résulte de la promesse de vente du 30 août 1994 signée entre la société Scor IDF 1 et M. [C], seul, que ce dernier a payé une indemnité d'immobilisation de 41 750 francs qui s'imputera sur le prix de vente (article 5 de cet acte).

Deux chèques ont été émis par M. [C], provenant d'un compte BNP n°1115469, dont le titulaire était bien M. [C] seul.

Ces éléments concordants justifient de retenir la créance de M. [C] à l'encontre de Mme [S] d'un montant de 41 750 francs.

De plus, l'acte d'acquisition de l'immeuble indivis mentionne que le prix de 835 000 francs a été payé de la façon suivante :

- un prêt consenti par la banque Crédit Agricole de 580 000 francs,

- des deniers personnels pour 213 250 francs,

- des deniers personnels pour 41 750 francs.

L'acte notarié ne précise pas l'origine de ces deniers personnels. Toutefois, la cour retient que la somme de 41 750 francs a bien été payée par M. [C] au moment de la réservation de l'appartement.

Il convient de se reporter au décompte du notaire qui répertorie les opérations intervenues entre le 15 novembre 1994 et le 13 avril 1995 pour cette acquisition. Il est mentionné les versements suivants :

- 130 000 francs reçus le 28 décembre 1994 de « CIL avenir prêt 1% »

- 83 250 francs reçus le 29 décembre 1994 de M. [C],

- 22 000 francs reçus le même jour au titre de frais de vente,

- 8 500 francs reçus le même jour au titre de frais de prêt.

Pour ces deux derniers versements, l'origine des fonds n'est pas précisée.

Selon ce document les fonds personnels versés au jour de l'acquisition représentent un montant total de 113 750 francs (addition des 3 dernières lignes précitées).

La cour relève que, contrairement à ce que soutient Mme [S], le prêt à 1% n'est pas un capital versé par un indivisaire au moment de l'acquisition de sorte qu'une créance entre indivisaires ne peut pas être revendiquée à ce titre, cette somme relève d'un autre régime juridique non invoqué par les parties.

Peu avant l'acquisition, M. [C] justifie par des relevés bancaires qu'il disposait de l'épargne suivante :

- 9 153 francs sur un compte CODEVI au 26 décembre 1994,

- 94 227 francs sur un compte PEL, capital qui a été retiré en totalité le 31 décembre 1994, au

moment de l'acquisition de l'immeuble indivis.

Le montant total de cette épargne était de 103 380 francs au jour de l'acquisition de l'immeuble indivis.

Mme [S] soutient que ces capitaux étaient une épargne familiale et non celle de M. [C] exclusivement. Toutefois, elle ne produit aucun élément bancaire justifiant qu'elle aurait versé des fonds personnels sur les comptes précités, les virements figurant sur les relevés produits par M. [C] ne précisent pas le compte bancaire d'origine. L'argument de Mme [S] n'est donc pas retenu.

La cour déduit des éléments financiers précités et concordants qu'au moment de l'acquisition de l'immeuble indivis, M. [C] a apporté un capital total de 103 380 francs pour financer l'acquisition. Il dispose donc d'une créance de ce montant à l'encontre de Mme [S].

Au total, la créance de M. [C] à l'encontre de Mme [S] est de :

41 750 F + 103 780 F = 145 530 F

145 530 F = 22 185,90 euros.

M.[C] demande la « valorisation au jour du partage » de cette créance. Toutefois, les parties n'ont pas été mariées de sorte que les règles prévues pour les époux séparés de biens (article 1543 du code civil) ne leur sont pas applicables. La demande de « valorisation » de la créance est donc rejetée.

Pour s'opposer au remboursement de la créance de M. [C], Mme [S] soutient que son concubin lui a consenti une donation au motif qu'elle a cessé de travailler au cours de la vie commune pour favoriser la carrière professionnelle de son compagnon et élever les trois enfants du couple. Elle invoque en outre un « devoir de conscience et d'honneur » qui empêche le concubin de réclamer le remboursement d'une dette contractée solidairement par le couple et acquittée personnellement pour les besoins du foyer.

M. [C] conteste cette libéralité.

Mme [S], qui invoque une intention libérale, doit la prouver. Elle ne produit toutefois aucune preuve à l'appui de son affirmation. De plus, le « devoir de conscience et d'honneur » entre concubins, qu'elle invoque ne repose sur aucun fondement légal ni jurisprudentiel de sorte que sa défense n'est pas retenue par la cour.

En conséquence, le jugement est infirmé et la cour retient la créance de M. [C] à l'encontre de Mme [S] d'un montant de 22 185,90 euros. Le notaire commis devra intégrer cette somme dans les comptes de liquidation de l'indivision.

Sur les demandes de dommages et intérêts des parties

Le juge aux affaires familiales a rejeté les demandes indemnitaires des parties en relevant qu'aucune d'entre elles ne démontrait l'existence d'une faute dans le retard pris pour la liquidation et le partage de l'indivision.

En appel les parties demandent l'infirmation du jugement. Chacun soutient que l'autre indivisaire s'est opposé à la vente du bien indivis et a paralysé les tentatives de partage amiable. M. [C] ajoute qu'il a assumé seul les charges de l'appartement, les travaux, que le bien a été donné en location et qu'il a subi une période de loyers impayés.

En réparation des préjudices invoqués, M. [C] et Mme [S] demandent chacun 15 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Ce texte dispose :

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Selon les conclusions des parties, le couple s'est séparé en novembre 2002. La famille n'occupait plus alors l'appartement indivis, qui était donné en location.

La cour relève que depuis la séparation aucune partie n'a assigné l'autre en partage judiciaire alors que cet acte pouvait intervenir à tout moment dès 2002 (article 815 du code civil). Ainsi, chaque indivisaire porte, en l'espèce, la responsabilité de son inertie, l'assignation en partage n'est intervenue qu'en février 2018.

De plus, les frais invoqués par M. [C] incombent à l'indivision dans les conditions de l'article 815-13 du code civil et il peut solliciter une rémunération de sa gestion, en application de l'article 815-12 du même code, de sorte que son préjudice financier est inexistant, les dépenses justifiées seront prises en compte lors des opérations de liquidation de l'indivision.

En conséquence, en l'absence de preuve d'une faute et d'un préjudice, les demandes indemnitaires des parties ne sont pas fondées. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt justifie de condamner Mme [S] à payer les dépens de l'instance. La charge des dépens de première instance est confirmée.

L'équité commande de rejeter les prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par un arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement prononcé le 31 mars 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise, sauf au titre de la créance revendiquée par M. [C] à l'encontre de Mme [S],

Statuant à nouveau,

FIXE le montant de la créance de M. [C] à l'encontre de Mme [S] à la somme de 22 185,90 euros,

REJETTE la demande de revalorisation de cette créance,

Y ajoutant,

RENVOIE les parties devant le notaire commis chargé d'établir l'acte de liquidation et de partage de l'indivision dans les termes du jugement du 31 mars 2022 et du présent arrêt,

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [S] à payer les dépens de l'instance d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame MOUTY TARDIEU Julie, Conseiller, faisant fonction de Président, le Président étant empêché, et par Madame PRAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,