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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 7 septembre 2023, n° 22/01515

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 22/01515

7 septembre 2023

N° RG 22/01515 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LKHP

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY

la SELARL BEYLE AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 07 SEPTEMBRE 2023

Appel d'un jugement (N° RG 19/01055)

rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE

en date du 04 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 12 avril 2022

APPELANTE :

S.A.S. ECTRA au capital de 267.264 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de GRENOBLE sous le numéro B 321 561 334, représentée par son Président en exercice domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée et plaidant par Me RIEHL de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

S.C.I. DU RAFFOUR au capital de 1.524,49 € inscrite au RCS de Grenoble sous le numéro 320.684.509, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 7]

[Localité 3]

La Société ARCHE, au capital de 2.000 € inscrite au RCS de GRENOBLE sous le numéro 840.292.056, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentées et plaidant par Me Myriam TIDJANI de la SELARL BEYLE AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 mai 2023, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 22 octobre 2001, la SCI Du Raffour a donné à bail commercial à la SAS Ectra, des locaux à usage industriel situés à [Adresse 5] pour une durée de neuf ans à compter du 5 novembre suivant et moyennant un loyer annuel de 747.452,16 francs ttc.

A son terme, le 4 novembre 2010, le bail a été tacitement prolongé.

Par acte d'huissier du 26 septembre 2011, la locataire a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2011. La bailleresse y a consenti, mais les parties ne se sont pas accordées sur le montant du loyer et après échange de mémoires, la société Ectra a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer.

Après expertises dont la dernière, confiée à Mme [T], a conclu à une valeur locative de 71.400 euros ht, la société Ectra a fait signifier à la SCI Du Raffour le 26 septembre 2018 l'exercice de son droit d'option sur le fondement de l'article L.145-57 du code de commerce.

Le 10 octobre 2018, la SCI Arche a fait l'acquisition du tènement immobilier objet du bail.

Par jugement du 18 mars 2019, le juge des loyers commerciaux a déclaré sans objet la demande en fixation du loyer du bail renouvelé.

Sur l'assignation délivrée le 12 mars 2019 par les SCI Du Raffour et Arche aux fins de fixation de l'indemnité d'occupation due par la société Ectra et par jugement du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- condamné la société Ectra à payer aux SCI Du Raffour et Arche la somme de 90.014 euros au titre des taxes foncières,

- condamné la société Ectra à payer à la SCI Du Raffour la somme de 30.832 euros au titre du solde d'indemnité d'occupation dû,

- condamné la société Ectra à payer à la SCI Arche la somme de 6.015,09 euros au titre de l'indemnité d'occupation due,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné la société Ectra à payer aux SCI Du Raffour et Arche la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Ectra aux entiers dépens.

Suivant déclaration au greffe du 12 avril 2022, la société Ectra a relevé appel de cette décision, en ce qu'elle a :

- condamné la société Ectra à payer aux SCI Du Raffour et Arche la somme de 90.014 euros au titre des taxes foncières,

- condamné la société Ectra à payer à la SCI Du Raffour la somme de 30.832 euros au titre du solde d'indemnité d'occupation dû,

- condamné la société Ectra à payer à la SCI Arche la somme de 6.015,09 euros au titre de l'indemnité d'occupation due,

- condamné la société Ectra à payer aux SCI Du Raffour et Arche la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Ectra aux entiers dépens.

Prétentions et moyens de la société Ectra :

Au terme de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 juin 2022, la société Ectra demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Ectra à payer à la SCI Du Raffour la somme de 30.862 euros au titre du solde d'indemnité d'occupation dû;

- infirmer le jugement du 4 avril 2022 en ce qu'il condamné la société Ectra à payer à la SCI Arche la somme de 6.015, 09 euros au titre du solde d'indemnité d'occupation dû ;

- juger que la valeur locative des lieux est d'un montant annuel de 71.400 euros ht ;

- juger que la société Ectra a réglé à la SCI Du Raffour, sur la période du 1er octobre 2011 au 1er octobre 2018, la somme totale de 825.972 euros ht (9 833 euros ht x 84 mois) ;

- juger que la société Ectra aurait donc dû payer au titre de l'indemnité d'occupation la somme de 499.800 euros ht correspondant à la valeur locative ;

- juger que la société Ectra est donc créancière de la différence, soit 326.172 euros ht, soit 391.406,40 euros ttc ;

- condamner par conséquent la SCI Du Raffour à payer à la société Ectra la somme de 391.406,40 euros ttc au titre du trop-perçu ;

- juger que la société Ectra a réglé à la SCI Arche, sur la période du 1er octobre 2018 au 31 janvier 2019, la somme totale du 39.332 euros ht (9 833 euros ht x 4 mois) ;

- juger que la société Ectra aurait donc dû payer au titre de l'indemnité d'occupation la somme de 23.800 euros ht correspondant à la valeur locative ;

- juger que la société Ectra est donc créancière de la différence, soit 15.532 euros ht, soit ttc 18.638,40 euros ttc ;

- condamner par conséquent la SCI Arche à payer à la société Ectra la somme de 18.638,40 euros ttc au titre du trop-perçu ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrites toutes demandes de condamnation s'agissant des taxes foncières et de digue pour les années 2011, 2012 , 2013 et 2014 ;

- juger qu'aucune condamnation ne pourra intervenir contre la société Ectra s'agissant des taxes foncières et de digue pour les années 2011,2012, 2013 et 2014 ;

- infirmer le jugement du 4 avril 2022 en ce qu'il a condamné la société Ectra à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les intimées à payer à la société Ectra la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

La société Ectra soutient que l'indemnité d'occupation doit être fixée selon la valeur locative et non le loyer contractuel, l'expert étant intervenu dans une instance visant à obtenir la baisse du loyer du bail renouvelé pour le ramener à la valeur locative.

Elle fait valoir que le premier juge a confondu la question du déplafonnement du loyer et celle du retour à la valeur locative et ne pouvait retenir une valeur de 60 % plus élevée que celle retenue par l'expert qui s'est basé sur l'hypothèse du financement par le preneur des travaux d'amélioration réalisés en début du bail.

Elle soutient qu'elle s'est acquittée pendant 3 ans d'un surloyer représentant 72,94 % du coût total des travaux, que la bailleresse ne s'est donc pas acquittée de l'intégralité des travaux qui ne peuvent être pris en compte dans l'évaluation du loyer.

Elle considère qu'ayant continué de payer le montant du loyer contractuel du 1er octobre 2011 au 31 janvier 2019, elle est créancière de ses bailleresses successives.

Elle oppose la prescription quinquennale aux réclamations de ces dernières au titre des taxes foncières et de digue.

Prétentions et moyens des sociétés Du Raffour et Arche:

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, les intimées entendent voir :

- à titre principal,

- réformer le jugement déféré ;

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Ectra à compter du 31 mars 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux, à une somme de 800.000 euros par an ;

- condamner la société Ectra à payer aux sociétés SCI Du Raffour et SCI Arche, respectivement ses bailleresses, les taxes foncières dues, soit la somme de 101.139, 59 euros ;

- condamner la société Ectra à payer à la société Arche la somme de 346.666,66 euros correspondant à l'indemnité d'occupation pour la période du 1er février au 13 février ;

- condamner la société Ectra à payer à la société Arche la somme de 252,45 euros correspondant au procès-verbal de constat de Me [W] ;

- à titre subsidiaire,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Ectra à compter du 31 mars 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux, à une somme de 141.064 euros par an, soit 77 euros du m² par an outre charges ;

- dire que la société Ectra est redevable d'une somme de 202.998 euros ttc ;

- condamner la société Ectra à payer à la société SCI Du Raffour 161.476 euros ht outre charges soit 193.771,20 euros ttc ;

- condamner la société Ectra à payer à la société Arche la somme de 7.689 euros ht outre charges, soit 9.226,80 euros ttc ;

- à titre infiniment subsidiaire,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Ectra à compter du 31 mars 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux, à une somme de 128.240 euros par an, soit 70 du m² par an outre charges ;

- condamner la société Ectra à payer à la société SCI Du Raffour, puis à la société Arche la somme de 128.240 euros par an outre charges ;

- condamner la société Ectra à payer à la société SCI Du Raffour 71.708 euros outre charges soit 86.049,60 euros ttc ;

- condamner la société Ectra à payer à la société Arche la somme de 3.415 euros outre charges, soit 4.098 euros ttc ;

- à titre encore plus infiniment subsidiaire,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Ectra à compter du 31 mars 2012 jusqu'à la date de libération effective des lieux, à une somme équivalente au montant du loyer majoré des droits et taxes, ainsi que de l'avance sur charges, qui auraient été dus si le preneur n'avait fait usage de son droit d'option, soit la somme mensuelle de 9.833 euros ht, soit 117.996 euros ht annuel ;

- au besoin, condamner la société Ectra à payer aux sociétés SCI Du Raffour et SCI Arche, la somme annuelle au titre des indemnités d'occupation soit 117.996 euros ht/hc depuis la date pour laquelle le renouvellement a été formulé soit le 31 mars 2012, soit respectivement 766.974 ht/hc pour la SCI Du Raffour et 39.332 ht/hc pour la SCI Arche,

- condamner la société Ectra à payer à la société Arche la somme de 5.478,40 euros correspondant à l'indemnité d'occupation pour la période du 1er février au 13 février ;

- à titre encore plus infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement,

- en tout état de cause,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société Ectra à payer aux SCI Du Raffour et Arche la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Ectra à payer aux sociétés SCI Du Raffour et SCI Arche la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure;

- condamner la même aux entiers dépens.

Les intimées exposent que la société Ectra est devenue preneur, par l'intermédiaire d'une SCI Espace Logistique Grésivaudan, dans une opération de crédit-bail immobilier portant sur des locaux situés à proximité de ceux qu'elle leur louait, dont le loyer s'élève à 898.822, 86 euros, soit 74.900 euros par mois et considèrent que la valeur locative évaluée à 71.400 euros annuels par l'expert est donc hors de proportion avec la réalité.

Elles soutiennent que la valeur locative s'élève a minima à 177.996 euros ht par an depuis le 12 mars 2012, que le rapport d'expertise de Mme [T] est tronqué, qu'en acceptant un loyer annuel de 898.822, 86 euros, la société Ectra considère qu'il s'agit de la valeur locative et que celle des anciens locaux doit être fixée à la somme annuelle de 800.000 euros.

Elles font valoir que la taxe foncière est contractuellement due par le preneur à bail qui a reconnu devoir ces sommes dans un courrier du 4 janvier 2018, que l'obligation porte sur l'intégralité de la période sans être éteinte par la prescription.

A titre subsidiaire, elles discutent les conclusions du rapport de l'expert [T] aux motifs que :

- la situation géographique est primordiale pour évaluer la valeur locative qui se détermine au regard de l'intérêt de l'activité en cause pour le locataire,

- la société Ectra réalise 85 % de son activité de stockage pour son client principal, la société ST Microélectronics, qui est établie à [Adresse 5] à proximité de ses entrepôts,

- l'absence de références à proximité aurait dû conduire l'expert à déduire l'existence d'une plus value résultant de la rareté majorant la valeur locative,

- c'est en contradiction avec les dispositions légales que l'expert a recherché des références dans d'autres secteurs de l'agglomération grenobloise, faisant fi de la notion de voisinage et obtenant ainsi une minoration de la valeur locative.

Elles font valoir que la bailleresse a effectué des travaux importants dont une partie est demeurée à sa charge, malgré le paiement d'un surloyer par la société Ectra, que l'expert a écarté toute majoration de la valeur locative au titre de ces améliorations financées pour 328.000 euros, au motif que la participation de la bailleresse n'était pas totale, que cette appréciation relève de la mission du juge et non de l'expert.

Elles insistent sur la particulière attractivité des locaux situés dans la zone de [Localité 6] que démontre l'opération immobilière réalisée par la société Ectra, le développement et le dynamisme de cette zone portée par la société ST Microélectronics dont l'activité est directement liée à celle de la société Ectra et se prévalent d'une augmentation notable des facteurs locaux de commercialité.

En conséquence, elles revendiquent la fixation de la valeur locative à 77 euros le m² ht par an et subsidiairement à 70 euros le m² ht par an.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur l'indemnité d'occupation :

Ayant exercé le droit de renoncer au renouvellement du bail prévu par l'article L.145-57 du code de commerce, la société Ectra se trouve redevable d'une indemnité d'occupation déterminée conformément aux prescriptions de l'article L.145-28 du même code et qui doit être, en conséquence, fixée à la valeur locative.

L'expertise judiciaire réalisée dans le cadre de l'instance en fixation du loyer du bail renouvelé ne peut être écartée puisque conformément aux dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à cette valeur locative, sauf application de la règle du plafonnement à laquelle n'est pas soumise l'indemnité d'occupation.

S'agissant d'une indemnité d'occupation statutaire, elle est distincte de la valeur locative de marché, laquelle résulte de la libre négociation des parties, et ne saurait en conséquence être alignée, ainsi que le suggèrent les bailleresses, sur le prix du loyer annuel que la société ECTRA a accepté de payer pour bénéficer de ses nouveaux locaux dans le cadre d'une opération de crédit-bail.

En application des dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce, la valeur locative se détermine en fonction des caractéristiques des locaux, leur destination, les obligations des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage, ces éléments s'appréciant dans les conditions énoncées par les article R.145-3 à R.145-11 du même code, au regard des caractéristiques propres des locaux, de leur destination, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, des obligations respectives des parties et des éventuelles restrictions à la jouissance des lieux.

Les parties ne critiquent pas la description des locaux objets du bail faite par Mme [T] dans son rapport d'expertise, à laquelle la cour se réfèrera, ni leur surface de 1832 m² et leur nature d'entrepôt à usage de stockage retenues.

Il résulte des termes du bail et des éléments recueillis par l'expert que des travaux ont été réalisés pendant le cours du bail et qu'il s'agit :

- d'une première part, de travaux touchant principalement à l'isolation, au chauffage et à la mise aux normes électriques que l'expert a qualifié de travaux d'amélioration,

- de seconde part, de travaux d'aménagement dont l'expert a pu estimer qu'ils avaient améliorés la fonctionnalité des lieux,

- de troisième part, de travaux de modification du réseau des eaux usées du bâtiment, de voirie, d'accès et d'aménagement extérieur que Mme [T] a estimé resssortir de l'entretien n'apportant pas de modification notable des caractéristiques du local loué.

L'indemnité d'occupation due par le preneur qui se maintient dans les locaux après le terme du bail devant être fixée à la valeur locative, celle-ci doit être appréciée à la date où cette indemnité prend effet en considération de l'état et des caractéristiques des locaux tels qu'ils apparaissent à cette date et résultent des travaux réalisés tant par le bailleur que par le preneur à ses frais, puisqu'en l'espèce, ces travaux se trouvent acquis au bailleur à la fin du bail, conformément au droit commun, le contrat ne comportant aucune clause d'accession.

Compte tenu de la nature des travaux décrits, c'est avec raison que l'expert a pu considérer qu'ils procuraient une modification notable des caractéristiques propres et il y a donc bien lieu de tenir compte de ces améliorations comme facteur de majoration de la valeur locative.

La commune de [Localité 6] sur laquelle sont implantés les locaux loués est située sur des axes de circulation (A41, RD 190, RD 10) propres à favoriser son accessibilité et l'implantation d'une activité économique dynamique, plusieurs grandes entreprises à vocation nationale y ayant installé leur site de production et la présence de la société ST Microelectronics sur la zone ayant attiré depuis 1989 trente-trois entreprises du secteur de l'électronique.

Ainsi que l'a parfaitement relevé le premier juge, il est indéniable que l'implantation des locaux présente pour la société ECTRA un intérêt particulier compte tenu d'une part de son activité de logistique, entreposage, stockage, conditionnement, transports routiers, d'autre part de leur situation à proximité de son principal client, la société ST Microelectronics, laquelle représente 85 % de son chiffre d'affaires.

Il doit être cependant noté que l'expert n'a pas identifié d'évolution notable de ces facteurs de commercialité entre novembre 2001 et octobre 2011.

L'expert [T] a procédé au recensement des prix pratiqués dans le voisinage qui l'a conduite à la détermination d'un prix moyen de 70 euros / m² /an, mais s'est heurtée au manque de locaux comparables, les références de comparaison ne présentant pas des caractéristiques équivalentes à celles des lieux loués à raison de surfaces utiles moindres et d'une destination plus commerciale.

La cour observe que les prix des baux régularisés sur le secteur de [Localité 6] entre 2010 et 2011 sont compris dans une fourchette de 61 à 105 euros/m2/an et que la seule référence relative à un local à usage d'entrepôt (Joue Club) d'une surface utile de 300 m2 s'établit à 83 euros/m2/an, au titre d'un bail du mois de juin 2014, postérieur à la période de référence.

Pour affiner son travail de comparaison, Mme [T] a également recherché d'autres références équivalentes sur d'autres zones d'activités de l'agglomération grenobloise et dégagé un loyer moyen de 46 euros /m²/an pour des locaux à destination exclusive d'entrepôt.

Si les bailleresses critiquent le travail de l'expert et son appréciation selon laquelle des locaux à usage exclusif de stockage ont une valeur locative inférieure à des locaux commerciaux ou d'activités comportant de grandes surfaces de bureaux, elles ne produisent aucune référence de comparaison supplémentaire, ni aucun élément contraire.

Bien que l'article R.145-7 du code de commerce se réfère aux prix pratiqués dans le voisinage, cette notion géographique peut néanmoins être appréciée différemment selon la nature de l'activité du preneur. En l'occurence, s'agissant d'une activité de logistique, stockage et transports, la comparaison avec des locaux à usage exclusif d'entrepôt, sans surface de vente, situés dans d'autres zones d'activités de l'agglomération grenobloise présentant des caractéristiques similaires de proximité de voies routières et autoroutières, est pertinente dès lors qu'il ne s'agit pas d'activités de proximité et qu'il n'est pas démontré qu'une implantation géographique spécifique soit exigée par la clientèle, ni qu'elle conditionne l'exercice de ces activités.

Cependant, l'article R145-7 du code de commerce indique qu'à défaut d'équivalence, les prix peuvent être utilisés à titre indicatif, pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Ainsi, les références situées sur la zone d'activité de [Localité 6] pouvaient être utilisées mais devaient être corrigées pour tenir compte de la distinction nécessaire entre un local comportant des surfaces de vente et /ou de bureaux et un entrepôt dont les surfaces affectées à l'activité principale de stockage représentent 88,91 % de l'ensemble.

C'est donc avec raison que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus par l'avis de l'expert, ont pris en compte ces références, en retenant principalement les entrepôts sans atelier, ni zone de vente, caractéristiques les plus proches des locaux en litige et ont utilisé les références obtenues sur le reste de l'agglomération pour déterminer une valeur locative de 67 euros ht- hc/m²/an, tenant compte de l'intérêt particulier de la société ECTRA pour ces locaux et des améliorations intervenues en cours de bail.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné la locataire à payer les compléments d'indemnité d'occupation dus, sauf à la compléter en fixant expressément le montant de cette indemnité à la somme de 122.744 euros ht et hc par an.

2°) sur les taxes foncières :

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont constaté que si la société ECTRA ne contestait pas le principe de son obligation au paiement des taxes foncières et de digue, la réclamation des bailleresses se heurtaient à la prescription quinquennale dès lors que le courrier du 4 janvier 2018 par lequel la locataire a indiqué : « afin de vous payer ces montants, nous vous demandons de bien vouloir nous faire parvenir le justificatif du prorata de la taxe foncière et du syndicat des digues pour chaque année concernée » ne pouvait constituer une reconnaissance expresse et univoque des sommes dues à ses bailleresses puisqu'au contraire, elle soumettait l'exécution de son obligation à la justification de leur calcul, et que seule l'assignation du 12 mars 2019 avait pu valablement interrompre le délai de prescription.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la réclamation portant sur les années antérieures à 2014, comme prescrites et limité la condamnation de la société ECTRA au paiement de la somme de 90.014 euros au titre des années 2014 à 2018.

3°) sur les frais de constat :

La restitution des locaux est intervenue le 13 février 2019 et a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal d'huissier de justice dont le coût doit être partagé entre les parties.

La décision de première instance qui a rejeté la demande en remboursement de la SCI Arche, sera infirmée sur ce point et la société ECTRA sera condamnée à lui verser la somme de 252,04 euros au titre de sa quote-part.

4°) sur les dépens :

Chacune des parties a un intérêt à la fixation de l'indemnité d'occupation et toutes deux ont relevé appel de la décision de première instance de telle sorte que les dépens des instances en fixation seront partagés entre elles et qu'elles devront chacune supporter leurs frais de représentation en justice.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 4 avril 2022 sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande de la SCI Arche en paiement par la SAS ECTRA de sa quote-part du coût du procès-verbal d'huissier,

- condamné la société Ectra à payer aux SCI Du Raffour et Arche la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Ectra aux entiers dépens.

Y ajoutant,

FIXE l'indemnité d'occupation due par la SAS ECTRA à la somme de 122.744 euros hors taxes et hors charges par an,

CONDAMNE la SAS ECTRA à verser à la SCI Arche la somme de 252,04 euros,

REJETTE les demandes de condamnation réciproques sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié entre la SAS ECTRA d'une part, les SCI Du Raffour et Arche d'autre part.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente