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Décisions

CA Papeete, cabinet c, 24 août 2023, n° 21/00477

PAPEETE

Arrêt

Autre

CA Papeete n° 21/00477

24 août 2023

N° 303

CG

--------------

Copies exécutoires

délivrées à :

- Me Eftimie-Spitz,

- Me Piriou,

le 25.08.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 24 août 2023

RG 21/00477 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 564, rg n° 20/00064 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 9 décembre 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 28 décembre 2021 ;

Appelant :

M. [R] [Z], né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;

Représenté par Me Marie EFTIMIE-SPITZ, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

Mme [H] [E], née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] ;

Ayant pour avocat la Selarl Juripol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 9 juin 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 22 juin 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE:

Par acte sous-seing privé non daté, mais enregistré le 23 juillet 1998, M. [G] [Y] a donné à bail, à M. [R] [Z] les parcelles de terre numéros [Cadastre 5] et [Cadastre 3] du bien immobilier lui appartenant dépendant de la terre [Localité 8] située à [Adresse 7] cadastrée section M numéro [Cadastre 4], pour une durée de vingt ans ans du 1er mai 1998 au 1er mai 2018, le loyer annuel étant fixé à un franc pacifique.

Selon acte authentique en date des 21 mai et 10 juin 2018, M. [G] [Y] a vendu à Mme [H] [E] ledit bien immobilier au prix de 10.420.000 cfp.

Par ordonnance rendue le 28 janvier 2013, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a débouté Mme [H] [E] de ses demandes tendant à ce que le bail conclu entre les parties et aux droits duquel elle est intervenue aux lieu et place de [G] [Y] soit déclaré nul et à ce que le preneur en soit expulsé, relevant l'existence d'une contestation sérieuse sur le congé délivré le 1er octobre 2011 par la bailleresse.

Par jugement rendu le 20 janvier 2016, le tribunal civil de première instance de Papeete a débouté Mme [H] [E] de ses prétentions tendant principalement à ce que la clause insérée au bail litigieux prévoyant qu' «à charge pour le bailleur de payer au preneur une indemnité correspondant à la valeur vénale de la construction à l'expiration du bail'' soit réputée non écrite et que, subsidiairement, il soit fait injonction à M. [R] [Z] de produire toutes factures ou de travaux qu'il aurait réalisés et l'ensemble des permis de construire ou déclarations de travaux et le certificat de conformité de la construction qu'il a pu solliciter.

Par requête en date du 27 janvier 2020, enregistrée le 12 février 2020 et par acte d'huissier du 10 février 2020, Mme [H] [E] a fait assigner devant le tribunal civil de première instance de Papeete M. [R] [Z] sollicitant du tribunal de :

- dire nul le bail consenti au défendeur le 23 juillet 1998 pour défaut de loyer,

- en conséquence constater que M. [R] [Z] est occupant sans droit ni titre et ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef des parcelles numéro [Cadastre 5] et [Cadastre 3] de la terre [Localité 8] située à [Adresse 6], sous astreinte de 50.000 cfp par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la signification du jugement à intervenir,

le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement,

- condamner le défendeur à lui payer la somme de 150.000 cfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

En ses écritures reçues le 17 août 2020 M. [R] [Z] a soulevé la prescription de l'action introduite à son encontre au visa des dispositions de l'article 1304 du code civil applicable en Polynésie française et en ses dernières conclusions récapitulatives enregistrées le 11 mai 2021, Mme [H] [E] a expressément reconnu que son action est prescrite et qu'elle ne pouvait plus invoquer la nullité du bail litigieux.

Par jugement en date du 9 décembre 2021 le tribunal de première instance de Papeete a :

Déclaré parfait le désistement de Mme [H] [E] de son action tendant à la nullité du contrat de bail enregistré le 23 juillet 1998 ;

Dit que la valeur vénale des constructions édifiées par M. [R] [Z] sur les parcelles de terre appartenant à Mme [H] [E] doit être fixée à la somme de 4.900.000 cfp, avec un indice de vétusté mensuelle de 1,55 % ;

Dit que la valeur locative mensuelle de ces parcelles doit être chiffrée à la somme de 36.750 Cfp ;

Dit que M. [R] [Z] doit à Mme [H] [E] une indemnité d'occupation mensuelle de 36.750 cfp à compter du 1er mai 2018, date de fin du bail ;

Fixé par suite au 31 décembre 2020, l'indemnité d'occupation due par M. [R] [Z] à Mme [H] [E] à la somme de 1.176.000 cfp ;

Condamné en conséquence Mme [H] [E] à payer à M. [R] [Z], à titre d'indemnité due à ce dernier, la somme de 4.400.060 cfp arrêtée au mois de mai 2021, soit, après compensation avec sa créance d'índemnité d'occupation sur M. [R] [Z], arrêtée au 31 décembre 2020, la somme de 3.224.060 Cfp ;

Dit que M. [R] [Z] devra libérer les lieux dans le délai d'un mois à compter du versement par Mme [H] [E] de l'indemnité à lui due ;

Dit qu'à défaut, son expulsion des lieux dont s'agit, et celle de tous occupants de son chef, sera ordomée, sans astreinte, passé ce délai et si besoin avec l'assistance de la force publique ;

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

Condamné M. [R] [Z] à payer à Mme [H] [E] la somme de 150.000 cfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Débouté M. [R] [Z] de sa demande fondée de ce chef ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamné M. [R] [Z] aux dépens.

Par requête en date du 28 décembre 2021 M. [R] [Z] a relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :

lnfirmer le jugement du 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Constater que Mme [H] [E] s'est désistée de sa demande de nullité du bail, reconnaissant qu'elle était prescrite,

Décerner acte à M. [R] [Z] qu'il accepte ce désistement, mais ne renonce pas à sa demande de frais irrépétibles,

Dire ce désistement parfait,

Déclarer nulle la clause du bail par laquelle les parties s'en remettent à dire d'expert, comme constituant une clause compromissoire nulle,

Dire et juger que Mme [H] [E] reconnaît devoir à M. [R] [Z] une indemnité correspondant à la valeur vénale de la construction,

Dire et juger que les travaux d'expertise conduisant à une évaluation partielle et partiale de la valeur vénale des constructions due à M. [R] [Z] sont entâchés d'une erreur grossière,

Débouter Mme [H] [E] de toute demande relative à une indemnité d'occupation, autre que celle correspondant au loyer annuel du bail de 1 XPF/an,

Avant dire droit :

Ordonner une expertise confiée à un expert en estimation immobilière, avec pour mission de :

- convoquer les parties, et leurs conseils,

- se rendre sur la parcelle de la terre [Localité 8], sise à [Adresse 6],

- se faire remettre tout document, en ce y compris les éléments de la précédente expertise conduite par Mme [T], et le rapport établi par l'agence Degout du 12 juillet 2012,

- donner toute explication utile sur les écarts des estimations entre le 12 juillet 2012 de 26 728 000 XPF, du 5 juillet 2018 de 17 300 000 XPF, et du 6 mai 2020 de 4 900 000 XPF,

- recueillir tout renseignement pouvant concourir à l'accomplissement de sa mission,

- décrire toutes les constructions érigées par M. [R] [Z] sur ladite parcelle,

- chiffrer leur valeur vénale,

- donner tout renseignement susceptible d'éclairer le tribunal sur le présent litige,

Dire que les frais d'expertise seront définitivement à la charge de Mme [E], débitrice de l'obligation d'indemnisation, et demanderesse,

A titre subsidiaire,

Condamner Mme [H] [E] à payer à M. [R] [Z] la somme de 16 309 333 XPF au titre de l'indemnisation à laquelle il peut prétendre en contrepartie de la valeur vénale de la construction qu'il laisse sur le terrain objet du bail du 1er mai 1998,

Lui accorder un droit au maintien dans les lieux jusqu'à l'expiration délai de trois mois suivant le versement de l'indemnité due,

Condamner Mme [H] [E] à payer à M. [R] [Z] la somme de 500 000 XPF au titre des frais irrépétibles d'instance et d'appel sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Condamner Mme [H] [E] aux entiers dépens dont distraction d'usage profit de Me Marie Eftimie-Spitz

Par ses dernières conclusions en date du 4 novembre 2022 M. [R] [Z] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du 9 décembre 2021 in parte qua, à savoir :

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré parfait le désistement de Mme [H] [E] de son action tendant à la nullité du contrat de bail enregistré le 23 juillet 1998,

L'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déclarer nulle la clause du bail par laquelle les parties s'en remettent à dire d'expert, comme constituant une clause compromissoire nulle,

Dire et juger que Mme [H] [E] reconnaît devoir à M. [R] [Z] une indemnité correspondant à la valeur vénale de la construction,

Dire et juger que les travaux d'expertise conduisant à une évaluation partielle et partiale de la valeur vénale des constructions due à M. [R] [Z] sont entâchés d'une erreur grossière,

Débouter Mme [H] [E] de toute demande relative à une indemnité d'occupation, autre que celle correspondant au loyer annuel du bail de 1 XPF/an,

Avant dire droit :

Ordonner une expertise confiée à un expert en estimation immobilière, avec pour mission de :

- convoquer les parties, et leurs conseils,

- se rendre sur la parcelle de la terre [Localité 8], sise à [Adresse 6],

- se faire remettre tout document, en ce y compris les éléments de la précédente expertise conduite par Mme [T], et le rapport établi par l'agence Degout du 12 juillet 2012,

- donner toute explication utile sur les écarts des estimations entre le 12 juillet 2012 de 26 728 000 XPF, du 5 juillet 2018 de 17 300 000 XPF, et du 6 mai 2020 de 4 900 000 XPF,

- recueillir tout renseignement pouvant concourir à l'accomplissement de sa mission,

- décrire toutes les constructions érigées par M. [R] [Z] sur ladite parcelle,

- chiffrer leur valeur vénale,

- donner tout renseignement susceptible d'éclairer le tribunal sur le présent litige,

Dire que les frais d'expertise seront définitivement à la charge de Mme [E], débitrice de l'obligation d'indemnisation, et demanderesse,

A titre subsidiaire,

Condamner Mme [H] [E] à payer à M. [R] [Z] la somme de 16 309 333 XPF au titre de l'indemnisation à laquelle il peut prétendre en contrepartie de la valeur vénale de la construction qu'il laisse sur le terrain objet du bail du 1er mai 1998, lui accorder un droit au maintien dans les lieux jusqu'à l'expiration délai de trois mois suivant le versement de l'indemnité due,

Condamner Mme [H] [E] à payer à M. [R] [Z] la somme de 500 000 XPF au titre des frais irrépétibles d'instance et d'appel sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Condamner Mme [H] [E] aux entiers dépens dont distraction d'usage profit de Me Marie Eftimie-Spitz.

Par ses dernières conclusions en date du 1er décembre 2022 Mme [H] [E] demande à la cour de :

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par M. [R] [Z],

Le dire mal fondé,

Donner acte à Mme [H] [E] de ce qu'elle n'est pas opposée à ce que M. [R] [Z] récupère les matériaux et notamment le bois précieux,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la valeur vénale des constructions à la somme de 4 900 000 XPF, au 6 mai 2020 avec application d'un indice de vétusté annuel, et non mensuel, de 1, 55 %,

La fixer à la somme de 4 661 766 XPF au 1 juillet 2022, sous réserve de l'indice de vétusté annuel de 1,55 '%,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 36 750 XPF et condamné M. [R] [Z] à payer cette somme à compter du 1er avril 2018,

Dire que M. [R] [Z] sera redevable de cette somme jusqu'à la libération effective des lieux,

Ordonner la compensation des indemnités représentant la valeur vénale avec l'indemnité d'occupation, arrêtée à la date effective de libération des lieux par M. [R] [Z],

lnfirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que M. [R] [Z] devra libérer les lieux dans un délai d'un mois à compter du versement par Mme [H] [E] de l'indemnité à lui due,

Ordonner la consignation de l'indemnité nette due par Mme [H] [E] entre lesmains de la CARPA et dire qu'elle sera déconsignée sur justiflcation de la libération effective des lieux par M. [R] [Z],

Ordonner l'expulsion de M. [R] [Z] et de tous occupants de son chef des lieux loués 'une parcelle dépendant de la terre [Localité 8], sise à [Adresse 7] cadastrée section M n° [Cadastre 4] pour une contenance de sept ares huit centiares (7a 8ca),

Et les constructions y édifiées consistant en une maison en bois, couverte en tôles, divisée en un séjour-salle à manger, une chambre et une salle d'eau, le tout en état de vétusté,

Sous astreinte de 10 000 XPF par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Condamner M. [R] [Z] à payer à Mme [H] [E] la somme de 500 000 CFP au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Le condamner aux entiers dépens dont distraction d'usage au profit de la SELARL Jurispol.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes de donner acte :

La cour n'a pas à statuer sur les demandes de donner acte qui ne constituent pas des demandes juridictionnelles en ce qu'elles ne confèrent aucun droit à la partie qui les a sollicitées et obtenues.

Tel est le cas, en l'espèce, de la demande de Mme [E] de lui voir donner acte de ce qu'elle n'est pas opposée à ce que M. [R] [Z] récupère les matériaux et notamment le 'bois précieux'.

Sur la portée de l'appel :

Aux termes des dispositions de l'article 346-1 du code de procédure civile l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressement et de ceux qui en dépendent.

La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce aucune des parties n'a relevé appel du chef de dispositif ayant déclaré parfait le désistement de Mme [H] [E] de son action tendant à la nullité du contrat de bail enregistré le 23 juillet 1998 de sorte qu'il n'appartient pas à la cour de le confirmer.

Sur les demandes des parties :

La cour doit se prononcer, selon les dispositions de l'article 21-2 du code de procédure de la Polynésie française sur sur les prétentions des parties telles qu'exposées en leurs dernières conclusions déposées, les prétentions étant, aux termes de l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française celles qui déterminent l'objet du litige.

Il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes récapitulées au dispositif ne constituant pas des prétentions mais n'étant qu'un rappel des moyens développés au soutient des prétentions.

Tel est le cas des demandes suivantes :

Dire et juger que Mme [H] [E] reconnaît devoir à M. [R] [Z] une indemnité correspondant à la valeur vénale de la construction,

Dire et juger que les travaux d'expertise conduisant à une évaluation partielle et partiale de la valeur vénale des constructions due à M. [R] [Z] sont entâchés d'une erreur grossière,

Sur le montant de l'indemnisation due par Mme [E] à M. [Z] :

Le bail qui fait la loi des parties, enregistré le 23 juillet 1998, contient une clause aux termes de laquelle : 'à l'expiration du présent bail, pour quelque raison que ce soit, les constructions édifiées deviendront la propriété du bailleur, à charge pour le bailleur de payer au preneur une indemnité correspondant à la valeur vénale de la construction à l'expiration du bail.

A défaut d'accord sur la valeur vénale de la construction, celle-ci sera fixée à dire d'expert. A cet effet, le bailleur et le preneur désigneront, d'un commun accord, un expert. A défaut d'accord sur l'expert, ils pourront demander au tribunal compétent la désignation d'un expert. Dans tous les cas, la décision de l'expert s'imposera à toutes les parties'.

Aux termes des dispositions de l'article 968 du code de procédure civile de la Polynésie française la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat.

En l'espèce la clause contenue dans le contrat de bail liant les parties ne peut s'analyser en une clause compromissoire, laquelle au demeurant ne se trouverait prohibée par aucune disposition du code civil tel qu'applicable en Polynésie française, mais prévoit le recours à un tiers estimateur, lequel n'intervient pas pour trancher un litige ou pour éclairer le juge sur un point de fait, mais pour fixer un prix qui s'imposera, en principe et sauf erreur grossière, aux parties.

Dès lors le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité présentée par M. [Z] à ce titre.

En l'espèce, au terme du contrat de bail, les parties se sont accordées sur le nom d'un expert, en l'espèce Mme [T] qui a établi un rapport dont les conclusions sont contestées par M. [Z].

L'expert désigné par les parties ne peut être considéré comme un expert judiciaire et, en l'absence de méthode d'évaluation convenue entre les parties, l'expert désigné en qualité de tiers évaluateur jouit d'une pleine liberté dans l'exécution de sa mission d'évaluation ; il lui appartient de se déterminer selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce, en tenant compte, le cas échéant, des spécificités des biens sur lesquels porte sa mission.

Seule l'erreur grossière de nature par ailleurs à affecter de manière significative le résultat de l'évaluation, que l'homme de l'art consciencieux et avisé ne saurait commettre, est susceptible de permettre d'écarter l'estimation faite par le tiers évaluateur.

L'appréciation d'une telle erreur doit donc se faire par référence au comportement d'un professionnel normalement compétent et diligent.

En l'espèce l'expert a conclu, dans son rapport définitif en date du 6 mai 2020, à une valeur vénale d'un montant de 4 900 000 XPF avec un coefficient de vétusté de 31 %. Elle explique avoir retenu la valeur de reconstruction en tenant compte des surfaces et des dates de réalisations.

Son rapport retient une superficie de 70 m2 pour la maison affectée d'un coût de reconstruction de 72 000 XPF le m2 et 56, 5 m2 pour le deck et les coursives affectés un coût de 36 000 XPF le m2.

Son prérapport en date du 5 juillet 2018 retenait un coût de reconstruction pour la maison de 140 000 XPF le m2 et, pour le deck et les coursives, un prix moyen de 70 000 XPF le m2. Les superficies retenues étant 115 m2 pour la maison et 120 m2 pour le deck et les coursives.

Le dire de Mme [E] qui lui avait été adressé le 25 septembre 2018 faisait notamment état d'une superficie de constructions autorisées inférieure à celles retenues par l'expert dans son pré-rapport de sorte que la correction opérée tient compte des éléments ainsi développés de sa part dans le dire qu'elle avait adressé.

Si l'expert a également mentionné une entrée de 17 mètres de longueur avec pont en béton armé permettant l'accès à la maison d'habitation, il n'a retenu cet élément, ni dans son pré-rapport, ni dans son rapport définitif et M. [R] [Z], qui critique cette omission, n'a adressé aucun dire à ce titre à l'expert.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucune erreur grossière ne peut être reprochée à l'expert dans son rapport définitif de sorte que le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a dit que la valeur vénale des constructions édifiées par M. [R] [Z] sur les parcelles de terre appartenant à Mme [H] [E] doit être fixée à la somme de 4.900.000 cfp.

Il sera cependant infirmé en ce qu'il a retenu un indice de vétusté mensuelle de 1,55 % et l'indice de vétusté sera de 1,55% annuel.

Compte tenu de cet indice de vétusté, la valeur vénale des constructions représente 4 661 766 XPF à la date du 1er juillet 2022 sans qu'il y ait lieu d'ajouter en ce sens à la décision attaquée dans la mesure où le jugement a retenu les sommes dues après compensation de l'indemnité d'occupation sans que ces chefs de dispositifs ne soient contestés , les calculs devant être réactualisés à la date du présent arrêt.

Sur l'indemnité d'occupation :

Les parties ne contestent pas que M. [Z] soit redevable d'une indemnité d'occupation depuis la fin du contrat de bail soit depuis le 1er mai 2018.

Dès lors que l'expertise réalisée n'est entâchée d'aucune erreur grossière, le montant retenu par l'expert au titre de la valeur locative est justifié et le jugement attaqué seara confirmé en ce qu'il a fixé celle-ci à la somme mensuelle de 36 750 F CFP à compter du 1er mai 2018.

Sur la demande d'astreinte :

Il n'est pas contesté que M. [Z] doive libérer les lieux, cependant au vu de l'indemnisation à laquelle il a droit au titre de la valeur des constructions qu'il a effectuées le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il devrait libérer les lieux dans le délai d'un mois à compter du versement par Mme [H] [E] de l'indemnité à lui due et qu'à défaut, son expulsion des lieux dont s'agit, et celle de tous occupants de son chef, sera ordonnée, sans astreinte, passé ce délai et si besoin avec l'assistance de la force publique.

Sur la demande de consignation Carpa :

Mme [E] demande à être autorisée à consigner la somme qu'elle devra à M. [Z] afin de s'assurer du départ effectif de celui-ci des lieux . Rien ne permet de présumer le refus de M. [Z] de partir de sorte que cette demande, non justifiée, sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [Z] sera condamné aux dépens d'appel sans qu'aucune raison d'équité ne commande de de même que les demandes au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans les limites de l'appel, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

Dit que la valeur vénale des constructions édifiées par M. [R] [Z] sur les parcelles de terre appartenant à Mme [H] [E] doit être fixée à la somme de 4.900.000 cfp,

Dit que la valeur locative mensuelle de ces parcelles doit être chiffrée à la somme de 36.750 Cfp ;

Dit que M. [R] [Z] doit à Mme [H] [E] une indemnité d'occupation mensuelle de 36.750 cfp à compter du 1er mai 2018, date de fin du bail ;

Fixé par suite au 31 décembre 2020 l'indemnité d'occupation due par M. [R] [Z] à Mme [H] [E] à la somme de 1.176.000 cfp ;

Condamné en conséquence Mme [H] [E] à payer à M. [R] [Z], à titre d'indemnité due à ce dernier, la somme de 4.400.060 cfp arrêtée au mois de mai 2021, soit, après compensation avec sa créance d'índemnité d'occupation sur M. [R] [Z], arrêtée au 31 décembre 2020, la somme de 3.224.060 Cfp ;

Dit que M. [R] [Z] devra libérer les lieux dans le délai d'un mois à compter du versement par Mme [H] [E] de l'indemnité à lui due ;

Dit qu'à défaut, son expulsion des lieux dont s'agit, et celle de tous occupants de son chef, sera ordonnée, sans astreinte, passé ce délai et si besoin avec l'assistance de la force publique ;

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a:

Dit que la valeur vénale des constructions est affectée d'un indice de vétusté mensuel de 1,55%

Statuant sur le chef infirmé:

Dit que la valeur vénale des constructions est affectée d'un indice de vétusté annuel de 1,55%,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne M. [Z] aux dépens.

Prononcé à Papeete, le 24 août 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD