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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 21 septembre 2023, n° 22/05375

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/05375

21 septembre 2023

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/05375 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M72C

[V] [G]

[X] [W] épouse [G]

c/

S.A.S. IFB FRANCE

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE LOIRE ATLANTIQUE ET DU CENTRE OUEST

S.A. SURAVENIR

S.A. EDELIS

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6] ALOUETTE

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 2022 (Pourvoi N°P 21-19.899) par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 26 mai 2021 (RG 18/00801) par la 1ère chambre civile de la Cour d'Appel d'AGEN en suite d'un jugement du 26 juin 2018 du Tribunal de grande instance d'AGEN (RG 16/01533), suivant déclaration de saisine en date du 28 novembre 2022

DEMANDEURS :

[V] [G]

né le 04 Mars 1967 à [Localité 23] (ETATS UNIS)

de nationalité Française

Profession : Directeur d'usine,

demeurant [Adresse 1] - [Localité 12]

[X] [W] épouse [G]

née le 08 Mars 1966 à [Localité 18] (TAMIL NADU - INDE)

de nationalité Française

Profession : Professeur d'anglais,

demeurant [Adresse 1] - [Localité 12]

Représentés par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSES :

S.A.S. IFB FRANCE

société par actions simplifiée inscrite au RCS de Toulouse sous le n°429 912 249, dont le siège social est à [Localité 13], [Adresse 5], pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Cécile BOULE, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me RIVET substituant Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE LOIRE ATLANTIQUE ET DU CENTRE OUEST,

Société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 870 800 299, dont le siège social est [Adresse 2] à [Localité 20] prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me DEVALMONT substituant Me Annie BERLAND de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES

S.A. SURAVENIR

Société Anonyme au capital de 1 235 000 000,00 € dont le siège est situé [Adresse 3] - [Localité 4], immatriculée au RCS de BREST sous le n° 330 033 127, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Elisabeth PHILY de la SCP GLOAGUEN & PHILY, avocat au barreau de BREST

S.A. EDELIS

anciennement dénommée AKERYS PROMOTION,

SAS immatriculée au RCS de Toulouse sous le N°338 434 152 dont le siège social est établi [Adresse 5] [Localité 13] pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

A

Représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me BOSSON de la SELARL THEVENOT & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6] ALOUETTE,

société coopérative de crédit à capital variable et responsabilité statutairement limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux, sous le numéro 411 655 822, dont le siège social est situé [Adresse 7], [Localité 6]

A

Représentée par Me ALLEMAND substituant Me Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 juin 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 octobre 2004 après avoir été démarchés à domicile par un commercial de la SAS IFB France qui leur a proposé un investissement immobilier dans un programme intitulé '[Adresse 17]' à [Localité 14] (47), M. [V] [G] et Mme [X] [W] épouse [G] ont signé avec la SAS Prestigium, promoteur, un 'contrat de réservation zone de revitalisation rurale' d'un appartement de type T3 de 38,77 m² inclus dans la copropriété de cette résidence à construire et ce pour un prix de 109 100 euros TTC.

Il s'agissait d'acquérir un bien immobilier dans une résidence de tourisme neuve destiné à être donné à bail sous le bénéfice d'un dispositif permettant une déduction fiscale de 25 % du prix d'achat hors taxes, plafonnée à 50 000 euros pour une personne seule, moyennant l'obligation de donner à bail le logement nu pendant une durée minimale de 9 ans à l'exploitant de la résidence.

L'acquéreur pouvait également récupérer la TVA payée sur l'acquisition.

Par acte authentique en date du 26 juillet 2005, M. et Mme [G] ont acquis le bien objet du contrat de réservation.

Cet investissement a été financé par un emprunt de 96 802 euros souscrit auprès de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest (le Crédit Mutuel de Loire Atlantique) d'une durée de 240 mois, remboursable en 12 mensualités de 419,48 euros suivies de 228 mensualités de 669,14 euros, selon offre de crédit acceptée le 6 décembre 2004.

L'emprunt a été assuré auprès de la société Suravenir.

En parallèle, par acte du 20 septembre 2004, M. et Mme [G] ont donné à bail commercial l'appartement à la société Goelia Gestion pour une durée de neuf ans à compter de la livraison moyennant un loyer annuel de 4 561 euros.

L'appartement a été livré à M. et Mme [G] le 29 juin 2006 et donné à bail commercial à compter de la livraison selon ces modalités.

Par lettre en date du 27 juin 2014, la société Goelia Gestion a informé M. et Mme [G] qu'elle ne renouvellerait pas le bail commercial compte tenu d'une conjoncture concurrentielle, lui proposant de l'aider à mettre son bien en vente.

Un nouveau bail a finalement été conclu le 12 septembre 2015 pour un moindre loyer fixé à la somme annuelle de 2 410 euros.

A la demande de M. et Mme [G], l'agence Bussy Expertise a évalué l'appartement à une somme comprise entre 32 000 et 38 000 euros HT, le 25 mars 2015.

Par actes délivrés les 20, 21, 22 et 27 juin 2016, M. et Mme [G] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Agen :

- la société Akerys Promotion venant aux droits de la société Prestigium, aux droits de laquelle vient désormais la société Edelis,

- la société IFB France,

- le Crédit Mutuel de Loire-Atlantique et le Crédit Mutuel de [Localité 6],

- la compagnie Suravenir, afin d'obtenir l'annulation de la vente de l'appartement, avec toutes ses conséquences, pour dol tenant à la surévaluation de la valeur de l'appartement et du loyer, et, subsidiairement pour manquement à l'obligation de conseil.

Les défendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'absence de publication de l'assignation au service chargé de la publicité foncière, de la prescription de l'action en nullité et, subsidiairement, conclu à l'absence de dol.

Par jugement rendu le 26 juin 2018, le tribunal de grande instance d'Agen a:

- prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture,

- prononcé la clôture de l'instruction au jour de l'audience de plaidoiries,

- rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publicité foncière,

- déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action en nullité de la vente fondée sur le dol introduite par M. et Mme [G] ,

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité délictuelle introduite par M. et Mme [G] ,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [G] aux dépens recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP Polle Vivier Polle et par Maître Tandonnet,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que le point de départ du délai pour agir en nullité de la vente pour dol, de cinq ans à partir de la connaissance du vice, devait être fixé au jour de la vente car au cours du bail commercial les époux [G] avaient perçu le loyer convenu et que la baisse de rentabilité observée dix années après l'achat ne permettait pas de démontrer l'existence d'une surévaluation au jour de la conclusion du bail commercial dont les acquéreurs n'auraient découvert l'existence que neuf ans plus tard, qu'ils n'établissaient pas davantage, en l'absence d'éléments de comparaison contemporains de la vente, l'existence d'une surévaluation de la valeur du bien au jour de la vente et que, s'agissant de l'action en responsabilité, la prescription courait à compter de la manifestation du dommage qui devait être également fixée à la date de la vente, en sorte que l'action introduite au delà du 19 juin 2013 était prescrite sur les deux fondements.

Le 25 juillet 2018, M. et Mme [G] ont interjeté appel limité de ce jugement y intimant la société Edelis, la société IFB France, le Crédit Mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest, le Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette et la société Suravenir, aux dispositions ayant :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité de la vente fondée sur le dol introduite par M. et Mme [G],

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité délictuelle introduite par M. et Mme [G],

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [G] aux dépens.

Par arrêt rendu le 26 mai 2021, la Cour d'appel d'Agen a infirmé le jugement du tribunal de grande instance d'Agen du 26 juin 2018 sauf en ce qu'il a :

- rabattu l'ordonnance de clôture,

- prononcé la clôture de l'instruction au jour de l'audience de plaidoirie,

- rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publicité foncière,

- déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité délictuelle introduite par [V] [G] et [X] [W] épouse [G],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [V] [G] et [X] [W] épouse [G] aux dépens recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP Polle Vivier Polle et de Maître Briat,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

- débouté [V] [G] et [X] [W] épouse [G] de toutes leurs demandes,

Y ajoutant,

- condamné [V] [G] et [X] [W] épouse [G] aux dépens d'appel,

- condamné [V] [G] et [X] [W] épouse [G] à verser à la société Edelis 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [V] [G] et [X] [W] épouse [G] à verser à la société IFB France 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [V] [G] et [X] [W] épouse [G] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Mutuel de Loire Atlantique et du Sud Ouest 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [V] [G] et [X] [W] épouse [G] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- autorisé la SCP Vivier Polle Vivier, et Maître Hélène Guilhot, cabinet Tandonnet et associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [G] se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt en date 26 octobre 2022, la troisième chambre de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publicité foncière, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

- remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

- dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les sociétés Suravenir et Caisse régionale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest ;

- condamné les sociétés Edelis et IFB France aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Par déclaration de saisine en date du 28 novembre 2022, M. et Mme [G] ont saisi la cour d'appel de renvoi.

M. et Mme [G], dans leurs dernières conclusions d'appelants en date du 23 juin 2023, demandent à la cour, au visa des articles 1116, 1131 et 1382 du code civil en leur version en vigueur à la date de la vente et l'article L 111-1 du code de la consommation en sa version en vigueur à la date de la vente, de :

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Agen du 26 juin 2019 en ce qu'il :

- déclare irrecevable comme étant prescrite l'action en nullité de la vente fondée sur le dol introduite par M. et Mme [G] ,

- déclare irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité délictuelle introduite par M. et Mme [G] ,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. et Mme [G] aux dépens, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SCP Vivier-Polle Vivier et par Maître Tandonnet.

Et statuant à nouveau :

- déclarer M. et Mme [G] recevables en leur action et en l'entièreté de leurs demandes,

- déclarer M. et Mme [G] recevables et bien fondés en leur appel,

- prononcer la nullité de l'acte de vente conclu le 26 juillet 2005 entre M. et Mme [G] et la société Prestigium ayant pour objet l'acquisition du bien immobilier répondant à la désignation suivante :

«Dans un ensemble immobilier dénommé « Residence [Adresse 17] »,[Localité 14] (Lot et Garonne), [Localité 15], lieudits « [Adresse 19] » et « [Adresse 22] », en cours d'édification sur un terrain cadastré savoir :

Section N° Lieudit Surface

K [Cadastre 10] [Adresse 19] 00ha 51a 65ca

K [Cadastre 11] [Adresse 22] 03ha 08a 85ca

Total surface : 03ha 60a 50ca

Etant ici précisé, ainsi qu'il résulte du règlement de copropriété, que le vendeur se réserve le droit et aura tous pouvoir à cet effet par simple adhésion des copropriétaire audit règlement, de constituer toute servitude de passage, notamment canalisation souterraine ou aérienne, ou encore passage de piéton ou véhicule de tourisme, au profit par exemple de la commune ou de propriétaires voisins, en précisant toutefois que les servitudes de passage devront s'exercer sur la voirie de copropriété.

Division cadastrale :

Ce bien provient des divisions de parcelles de plus grande importance qui appartenaient à la Commune de [Localité 14], situées sur cette même commune, anciennement cadastrées section K numéro [Cadastre 9], pour une superficie de 3ha 56a 82ca et section K numéro [Cadastre 8], pour une

superficie de 23ha 35a 51ca. (')

Les biens vendus consistent en :

Lot numéro seize (16) :

Dans le bloc D, un appartement de Type 3 dans le bâtiment D3, au rez-de-chaussée, d'une superficie de 38,77 m2.

Comprenant : Séjour + kitchenette, chambre 1 + placard, chambre 2 + placard, Dégagement, Salle de Bain, W.C. et une terrasse de 7,20 m2.

Avec les mille deux cent quarante neuf cent-millièmes (1249/100.000°) des parties communes générales,

Etant précisé que sera attribué au propriétaire et occupant la jouissance d'un parking, au bon soin du gestionnaire et/ou du syndic, conformément au règlement de copropriété.

Ces biens et droits sont vendus tels qu'ils existeront, se comporteront, après achèvement complet de la construction avec toutes leurs aisances et dépendances, sans aucune exception ni réserve.

Un plan côté des biens vendus et une notice en indiquant les biens d'équipement certifiés exacts par le vendeur et acceptés ne varietur par l'acquéreur, ou son représentant ès nom, constitueront une annexe du présent acte. »

Etant ici précisé que l'ensemble immobilier sus désigné a fait l'objet d'un état Descriptif de division règlement de copropriété établi aux termes d'un acte reçu le 30 juin 2005 par Maître [L] [B], Notaire associé, membre de la société civile professionnelle « [D] [I], [P] [S], [H] [J], [A] [F], [L] [B], [T] [K], [E] [U], [O] [Y] », titulaire d'un office notarial ayant son siège sis à [Localité 21] (Alpes Maritimes), [Adresse 16], dont une copie authentique a été publiée le 18 juillet 2005 au Bureau des Hypothèques d'Agen, sous les références volume :

2005 P numéro 4082.

- condamner en conséquence la société Edelis, anciennement dénommée Akerys Promotion et venant aux droits de la société Prestigium, à rembourser à M. et Mme [G] le prix de vente dudit immeuble, soit la somme de 109.100,00 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2005.

- ordonner que la restitution du bien immobilier par M. et Mme [G] n'interviendra qu'après remboursement complet du prix de vente par la société Edelis,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux services de publicité foncière à la diligence de M. et Mme [G] et aux frais de la société Edelis.

-condamner in solidum la société Edelis et la société IFB France à payer à M. et Mme [G] la somme de 14.603,00 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger que les sommes allouées à M. et Mme [G] à titre de dommages et intérêts, porteront intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

- ordonner résolution du contrat de prêt souscrit par M. et Mme [G] auprès de la société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette pour un montant de 93.663,00 euros.

- constater que la société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette reconnaît que ce prêt a déjà été intégralement remboursé par les concluants,

- juger en conséquence que la résolution de ce prêt entraînera exclusivement le remboursement par la banque de l'ensemble des intérêts et frais versés par les emprunteurs au titre de cet emprunt et condamner en conséquence la société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette à rembourser à M. et Mme [G] l'ensemble de ces intérêts et frais.

- ordonner la résolution du contrat de prêt souscrit par M. et Mme [G] auprès de la société Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et du Centre Ouest pour un montant de 96.802,00 euros.

- constater que la société Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et reconnaît que ce prêt a déjà été intégralement remboursé par les concluants,

- juger en conséquence que la résolution de ce prêt entraînera exclusivement le remboursement par la banque de l'ensemble des intérêts et frais versés par les emprunteurs au titre de cet emprunt,

- condamner en conséquence la société Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et du Centre Ouest à rembourser à M. et Mme [G] l'ensemble de ces intérêts et frais.

- constater que la société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette du Centre Ouest ne forme plus de demande visant à faire subsister le privilège de prêteur de deniers et l'hypothèque conventionnelle inscrits en garanti de ce prêt,

- ordonner la résiliation du contrat d'assurance affecté au prêt résolu entre M. et Mme [G] et la société Suravenir,

- juger que pour le cas où une procédure collective serait ouverte à l'encontre de la société Edelis, même postérieurement à la décision à intervenir mais avant que le remboursement du prix ait été intégralement opéré, à l'annulation du contrat de vente, à la résolution du contrat de prêt et à la résiliation du contrat d'assurance, se substitueront des dommages et intérêts complémentaires à la charge in solidum de la société IFB France et de la société Edelis à hauteur de 60.000 euros.

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la nullité de la vente ne serait pas prononcée,

- constater que la société Prestigium (dont la société Edelis vient aux droits) et la société IFB France ont manqué à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil l'égard de M. et Mme [G] et ont également engagé leur responsabilité civile au titre du dol,

-constater au surplus que la société Prestigium (dont la société Edelis vient aux droits) est solidairement tenue par les fautes de son mandataire commercial démarcheur,

En conséquence :

- condamner in solidum la société Edelis et la société IFB France à payer à M. et Mme [G] la somme de 75.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier et moral subis.

- juger que les sommes allouées à M. et Mme [G] à titre de dommages et intérêts porteront intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

En tout état de cause,

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires, et notamment les demandes formées par les sociétés IFB France et Edelis visant à faire juger que la preuve d'un dol ne serait pas rapportée, qu'aucune faute ne pourrait leur être imputée et qu'aucun préjudice ne serait établi.

- condamner in solidum la société Edelis et la société IFB France à payer à M. et Mme [G] la somme de 15.000,00 euros à titre d'indemnité et par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouter les sociétés IFB France et Edelis de leurs demandes formées contre les concluants au titre de ces mêmes dispositions,

-condamner les mêmes in solidum en tous les dépens de première instance et d'appel.

La société IFB, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 22 juin 2023, demande à la cour, au visa des articles 2224 du code civil, 32, 122 et suivants et 803 du code de procédure civile et les dispositions du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, de :

- ordonner la révocation de la clôture au jour des plaidoiries

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

A titre principal :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité introduite par M. et Mme [G],

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité délictuelle introduite par M. et Mme [G];

A titre subsidiaire,

Vu les articles 1116, 1134 et 1184, 1984 et suivants du Code civil,

Vu l'article L111-1 du Code de la consommation,

- dire et juger que M. et Mme [G] ne rapporte la preuve d'un dol commis à son préjudice ;

- dire et juger qu'aucune faute ne peut être imputée à la société IFB France, en qualité de mandataire de la société Akerys Promotion,

- dire et juger, en toute hypothèse, que M. et Mme [G] n'ont subi aucun préjudice,

Par conséquent,

- débouter purement et simplement M. et Mme [G] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- débouter la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette et la Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest de leurs demandes formulées à l'encontre de la société IFB France, celles-ci étant infondées.

En tout état de cause :

- condamner à payer à la société IFB France la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Cécile BOULE, Avocat de son affirmation de droit.

La société Edelis anciennement dénommée Akerys Promotion, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 20 mars 2023, demande à la cour, au visa des articles 1116, 1132 et 1382 anciens du code civil , de :

- ordonner la révocation de la clôture au jour des plaidoiries

A titre principal

Confirmer le jugement entrepris, ce faisant :

- juger que l'action de M. et Mme [G] est irrecevable pour cause de prescription,

- débouter M. et Mme [G] de l'intégralité de leurs demandes,

Y ajoutant :

- condamner M. et Mme [G] à payer à la société Edelis la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit au profit de Maître Mathieu Raffy, Selarl Mathieu Raffy Michel Puybaraud sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire

- juger que M. et Mme [G] ne rapportent pas la preuve d'un dol imputable au vendeur ou à ses mandataires.

- juger que la Sté Edelis n'a nullement manqué à ses obligations à l'égard de Mme [N] [Z].

- débouter en conséquence M. et Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- condamner M. et Mme [G] à payer à la société Edelis la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Mathieu Raffy, Selarl Mathieu Raffy Michel Puybaraud sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

Très subsidiairement :

- juger que les consorts [G] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils revendiquent,

- débouter en conséquence M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. et Mme [G] à payer à la société Edelis la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Mathieu Raffy, Selarl Mathieu Raffy Michel Puybaraud sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En tout état de cause

- débouter la Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest ainsi que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la Sté Edelis, en ce compris sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la SA Suravenir de ses demandes dirigées à l'encontre de la Sté Edelis, en ce compris sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

Encore plus subsidiairement si leur action sur le terrain du dol devait prospérer :

- débouter les consorts [G] de leur demande tendant à voir la Sté Edelis et la Sté IFB condamnées in solidum à les relever et garantir des sommes qu'ils devront restituer au Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette.

- débouter les consorts [G] de leur demande tendant à voir la Sté Edelis et la Sté IFB condamnées in solidum à les relever et garantir des sommes qu'ils pourraient être amenés à restituer à l'administration fiscale.

- débouter les consorts [G] de leur demande tendant à faire juger que la restitution du bien litigieux par eux n'aura à intervenir qu'après paiement par les Sté IFB et Edelis des sommes mises à leur charge par le tribunal.

- dire et juger que les dispositions de l'article 1154 du Code civil n'ont pas vocation à s'appliquer.

- débouter les consorts [G] de leur demande indemnitaire à hauteur de 60.000 euros.

- débouter la Caisse Régional de Crédit Mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest ainsi que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Allouette de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la Sté Edelis, en ce compris sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédures civiles.

La société Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et du Centre Ouest, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 9 juin 2023, demande à la cour, au visa des articles L. 313-23 (ancien article L 312-14) du code de la consommation et 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de :

Dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de nullité du contrat de vente immobilière conclu par M. [V] [G] et Mme [X] épouse [G], entraînant la résolution du contrat de prêt conclu entre M. [V] [G] et Mme [X] [W], épouse [G] et la Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et du Centre Ouest :

- juger que la Caisse Régional de Crédit Mutuel De Loire Atlantique et du Centre Ouest ne serait redevable à l'égard de M. [V] [G] et Mme [X] [W], épouse [G], que de la restitution des seuls intérêts et frais de dossier qu'elle a perçus au titre de l'offre de prêt acceptée le 6 décembre 2004 et de l'acte notarié reçu par Maître [B], Notaire à [Localité 21], le 26 juillet 2005.

Vu l'article 1382 du Code civil (dans sa rédaction applicable au présent litige),

Vu l'article R. 312-2 du Code de la consommation,

- condamner in solidum les sociétés Edelis et IFB France, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et du Centre Ouest, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente aux restitutions qui seront ordonnées à son encontre par la Cour de céans.

- condamner la ou les partie (s) succombante(s), le cas échéant in solidum, à payer à la Caisse Régionale du Crédit Mutuel de Loire Atlantique du Centre Ouest et du Centre Ouest une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la ou les partie(s) succombante(s), le cas échéant in solidum aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Annie Berland - Selarl Racine - conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 27 mars 2023, demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, de :

- donner acte à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant à la demande de nullité du contrat de vente formée par les consorts [G], et quant à la demande de dommages et intérêts qu'ils ont formulée à l'encontre de la société Edelis et de la société IFB France.

S'il est fait droit à la demande de nullité de la vente entraînant la nullité du contrat de prêt conclu entre la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette et les Consorts [G],

- juger que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette ne pourra être condamnée à rembourser à Mme [X] [W] épouse [G] et à M. [V] [G] que les seuls intérêts perçus à ce jour, soit la somme de 20.314,82 euros, et la commission de renégociation de 150 euros.

- condamner in solidum la société Edelis et la société IFB France, ou l'une à défaut de l'autre, à relever et garantir indemne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette de toute condamnation à restituer à Mme [X] [W] épouse [G] et à M. [V] [G] qui serait prononcée à son encontre.

En tout état de cause,

- condamner la ou les partie(s) succombante(s), le cas échéant in solidum, à payer une indemnité de 3.100 euros à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] Alouette en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la ou les partie(s) succombante(s), le cas échéant in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Suravenir, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 14 mars 2023, demande à la cour de :

- constater que la compagnie d'assurances Suravenir s'en rapporte à justice sur la demande de nullité du contrat de vente conclu entre la Société Akerys Promotion et les époux [G].

Dans l'hypothèse où le jugement serait réformé et où la nullité de ce contrat serait prononcée par la Cour, ainsi que dans l'hypothèse de la résolution subséquente du contrat de prêt, constater que Suravenir ne s'oppose pas à la résiliation du contrat d'assurance sollicitée par les époux [G] et prononcer cette résiliation avec effet à la date de la décision à intervenir.

- condamner la ou les parties succombant à payer à Suravenir, solidairement entre elles, la somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la ou les parties succombant, solidairement entre elles, aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2023.

Lors de l'audience des plaidoiries, les parties se sont entendues, avant tous débats au fond, pour révoquer l'ordonnance de clôture et prononcer la nouvelle clôture de l'instruction à la date des plaidoiries.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la portée de la cassation

Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé, étant tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 625 que sur les points qu'elle atteint la décision replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l'acte d'appel initial, dans les limites du dispositif de l'arrêt de cassation.

Par arrêt rendu le 26 octobre 2022, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel d'Agen, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publicité foncière, étant précisé que la déclaration d'appel portait sur tous les chefs du jugement sauf sur ce point, la cour d'appel n'ayant été saisie que par voie d'appel incident de la question de l'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publicité.

Par ailleurs, la cour d'appel d'Agen avait réformé le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action entreprise sur le terrain du dol pour en débouter les époux [G].

Dès lors, en l'état de la cassation, la cour de renvoi n'est plus saisie que du bien fondé de l'action en nullité entreprise sur le fondement du dol, à l'exception de la recevabilité de l'action sur ce fondement ainsi que le cas échéant des conséquences qui découleraient de la nullité de la vente et, à titre subsidiaire, de la recevabilité et le cas échéant du bien fondé de l'action en responsabilité pour manquement des professionnels, les sociétés Prestigium et Edelys, à leur devoir de conseil.

I - Sur l'action en nullité de la vente pour dol :

Le tribunal qui avait déclaré l'action prescrite ne s'est pas prononcé sur le fond du litige.

L'arrêt de la cour d'appel d'Agen a été cassé en ce qu'il a débouté les époux [G] de leur action en nullité de la vente pour dol au motif que les acquéreurs s'étaient enrichis de la propriété de l'appartement, des loyers perçus durant neuf années et que le passif de l'opération avait été diminué du montant de l'avantage fiscal, de sorte qu'à défaut de justifier de l'avantage fiscal dont ils ont bénéficié, ils n'établissaient pas avoir été victime d'un dol, la cour de cassation ayant sur ce point reproché à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si les acquéreurs n'avaient pas été induits en erreur sur la rentabilité et la valeur du bien par des manoeuvres consistant en la conclusion d'un fond de concours avec l'exploitant et la cession à celui-ci des locaux destinés à l'accueil et à la réception de la résidence et par l'absence d'analyse des prix du marché par un organisme indépendant.

Les acquéreurs persistent à soutenir qu'ils ont été victimes de manoeuvres dolosives destinées à surprendre leur consentement en leur masquant la valeur réelle du bien acquis et sa rentabilité constituées par une surévaluation grossière de la valeur du bien et de sa rentabilité, l'occultation d'une important convention de concours avec pour volonté de cacher la fragilité de l'investissement et la référence à une garantie d'un organisme indépendant qui ne l'est finalement pas, le tout ayant participé d'une présentation fallacieuse du projet destinée à surprendre leur consentement.

Selon les dispositions de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 29 janvier 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En aucun cas l'évaluation expertale qui a été faite de la valeur du bien en 2015, à dix ans de la vente, pour un montant compris entre 32 000 à 38 000 euros, ne suffit à établir que la valeur du bien était volontairement et grossièrement surévaluée à la date de la vente.

Les époux [G] font valoir que la Cote Annuelle des Valeurs Vénales Immobilières et Foncières au 1er janvier 2005 fait état d'un prix des biens neufs à [Localité 14] d'un montant de 1 610 euros HT du mètre carré, soit 74 653 euros pour un bien d'une superficie de 38,77 m2 identique à celui des époux [G] alors qu'ils l'ont acquis pour la somme de 109 100 euros mais force est d'observer que ce prix de référence est issu de leur pièce n° 7-3, constituée d'un unique feuillet qui ne permet pas d'affirmer qu'il s'agit de la côte de 2005, au contraire de la pièce précédente n° 7-2, ni qu'il s'agit du prix de l'immobilier commercial ou du prix de l'immobilier de standing en sorte qu'elle ne constitue pas un élément de comparaison sérieux suffisant à attester une surévaluation grossière de la valeur du bien et de son rendement locatif à la date de la vente.

En outre, si l'erreur résultant du dol est toujours excusable, il s'agit en l'occurrence de documents auxquels les acquéreurs avaient libre accès au moment de l'acquisition et il n'est pas allégué que des manoeuvres auraient été déployées pour les en dissuader.

Certes, l'expert judiciaire indique que les principaux critères d'évaluation de la valeur de ce type de bien immobilier sont intrinsèquement liés aux conditions du bail commercial et à l'identité du bailleur mais il indique à ce propos que l'identité du gestionnaire bailleur, la société Geolia, était par son envergure et sa réputation une garantie pour les acquéreurs.

De même, les courriers versés aux débats par les époux [G], adressés par Geolia aux propriétaires en 2014 et 2015 font état de comptes d'exploitation catastrophiques de la résidence de [Localité 14] et notamment d'une difficulté accrue sur les années 2011/2013 mais, contrairement à ce qui est prétendu, ne permettent pas de retenir que les difficultés locatives ont existé dès l'origine, les comptes d'exploitation versés aux débats ne visant que les années 2008/2009 et postérieures.

Certes, depuis cette date il apparaît que les résultats sont déficitaires avec des loyers commerciaux de l'ordre de 350 000 euros par an, absorbant plus 80 % du CA (pièce 5-9 des appelants) mais il ne peut en être évincé que cette situation était d'ores et déjà obérée au moment de la vente.

Pas davantage, il ne peut être retenu que la projection financière établie par la société IFB France fondée sur l'hypothèse favorable d'une augmentation continue de la valeur du bien au rythme annuel de 2% et un loyer annuel HT de 4 561 euros correspondrait à une présentation dolosive du projet d'investissement que les investisseurs savaient être totalement déconnectée de la situation du marché immobilier et de l'économie locale, alors qu'un tel document à vocation publicitaire n'a pas valeur contractuelle, qu'il n'apparaît pas procéder d'une exagération grossière ou d'une présentation fallacieuse du projet dès lors qu'il n'est pas établi qu'au jour de la vente cette perspective d'évolution n'était pas raisonnable, l'acquéreur/investisseur ne pouvant de surcroît prétendre à aucune garantie s'agissant de l'évolution par nature incertaine du marché immobilier.

D'ailleurs, la société IFB justifie qu'elle s'est finalement heurtée à une forte concurrence de projets qui ont fleuri dans le même temps sur la petite ville thermale de [Localité 14] sans qu'il soit établi que cette situation pouvait être anticipée dès le 26 juillet 2005, date de signature de l'acte authentique par les époux [G].

Quant à la société Edelys, elle rappelle avec justesse que l'opération à laquelle les époux [G] ont adhéré dénommée 'Demessine ZRR', créée par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 2005, consistait précisément à développer l'investissement dans les zones rurales désertées et économiquement moroses permettant aux acquéreurs de se constituer un patrimoine et de bénéficier d'une déduction fiscale de 25 % dans le neuf, en sorte que les appelants ne sauraient prétendre avoir été trompés quant à la situation du bien en zone économiquement fragile, ce qui ne permet pas de retenir que ce projet était dès l'origine voué à l'échec puisque ce programme avait vocation à redynamiser l'économie locale.

Les époux [G] font encore valoir que la convention de fonds de concours conclue entre le promoteur et l'exploitant de la résidence de tourisme, dont ils n'étaient pas informés, a eu pour effet de masquer artificiellement et temporairement la surévaluation du prix de vente du bien litigieux et sa faible rentabilité, alors que l'opération n'était dès l'origine économiquement pas viable et que l'équilibre n'en aurait été maintenu que par le versement de fonds de concours d'un montant de 485 000 euros, porté à 681 000 euros si l'on tient compte de la cession à titre gratuit au gestionnaire des lots destinés à l'accueil et à la réception, ainsi qu'il résulte de la convention versée aux débats (leur pièce n° 5-11).

Il observent ainsi que selon l'Association Nationale des Conseils Financiers (ANACOFI) ces fonds de concours ne devraient pas dépasser 6 à 12 mois de loyers à percevoir, sauf à semer le doute sur un éventuel accord entre promoteur et gestionnaire en vue de doper la rentabilité du produit et accélérer sa commercialisation (cf pièce 5-14 des appelants).

Cependant, ce document fait suite à l'ouverture courant 2014 d'une commission ayant pour finalité de dégager un guide de bonnes pratiques dans le cadre du régime fiscal de la location meublée et aucun élément ne permet en l'espèce de retenir que le concours que la société Prestigium s'était engagée à verser à Geolia par 'la convention [Localité 14]' du 28 septembre 2004, soit 10 ans avant les travaux de la commission, qui portait en définitive sur un peu moins de deux années de loyers (environ 350 000 euros par an) n'avait d'autre utilité que de tromper les acquéreurs en dopant artificiellement les résultats d'exploitation pour les amener à contracter. En effet, réparti sur les 9 premières années d'exploitation de la résidence (2005/2014), le concours ne correspondait qu'à 1/5 du montant annuel des loyers HT (75 666 euros). Il avait par ailleurs vocation à lancer le programme et à permettre de mener à terme l'investissement défiscalisé et partant à assurer aux investisseurs de bénéficier de la totalité du droit à défiscalisation et à récupération de la TVA sur neuf années, en sorte que les époux [G] n'établissent, ni que ce fonds de concours leur a été sciemment dissimulé, de mauvaise foi, ni que cette 'dissimulation', qui s'apparente également à une garantie, aurait été déterminante de leur consentement, à savoir que, informés de cet élément, ils n'auraient pas contracté.

Ils insistent encore sur une présentation dolosive du projet, le vendeur leur ayant fait croire à la certification par un organisme indépendant (EDC) lequel devait garantir en amont notamment le prix d'achat du bien et son rendement financier.

Cependant, alors que la pièce 1-5 versée aux débats par les appelants est un document parfaitement vierge faisant apparaître in fine la référence à la garantie d'un Label EDC, la société IFB France fait justement valoir qu'aucun élément ne permet de retenir qu'en l'occurrence cette garantie est entrée dans le champ contractuel et qu'en conséquence elle a pu être déterminante du consentement des époux [G] et procéder d'une quelconque présentation dolosive du projet d'investissement. D'ailleurs, les courriers versés aux débats par les appelants émanant d'EDC ne sont pas des courriers qui leur ont été personnellement adressés, en sorte que ceux-ci n'établissent, ni avoir adhéré à cette association, ni que cela leur a été proposé, ayant en conséquence participé d'une présentation fallacieuse du projet.

Si plusieurs articles de presse se sont fait l'écho de la désillusion des investisseurs dans ce type de produits défiscalisés, notamment dans de petites villes ayant subi de plein fouet la crise économique, il n'est pas établi que le produit proposé aux époux [G] n'était, dès l'origine, pas viable, ni que leur consentement a été surpris par une surévaluation grossière de la valeur du bien, des manoeuvres ou dissimulations sans lesquelles ils n'auraient pas contracté, alors que l'attractivité de cet investissement résidait précisément dans son régime fiscal dont les appelants ont pleinement bénéficié et dans la constitution d'un patrimoine essentiellement réglé par les loyers, compensant sa situation en zone économiquement fragile.

Les époux [G] sont en conséquence déboutés de leur action en nullité de la vente pour dol et il est ajouté en ce sens au jugement entrepris.

II - Sur les actions en responsabilité :

A - Sur la fin de non-recevoir de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil des sociétés IFB et Edelis :

Pour accueillir la prescription de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil du vendeur et du conseiller en investissement, le tribunal a retenu que le dommage en résultant consistait en la perte de chance de ne pas acquérir le bien proposé laquelle se manifeste à la date de l'acquisition, en sorte que le point de départ du délai de prescription de cette action court à compter de la signature de l'acte authentique de vente, soit le 26 juillet 2005, et que l'action en responsabilité délictuelle introduite par actes des 20, 21, 22 et 27 juin 2016 est irrecevable comme étant prescrite.

La troisiième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt confirmatif de de la cour d'appel d'Agen sur ce point considérant, après avoir relevé le moyen d'office, au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, que:

12. Selon ce texte, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

13. Il est jugé, sous l'empire de ces textes, que le délai de l'action en responsabilité, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance (1 Civ., 11 mars 2010, pourvoi n 09-12.710, Bull. 2010, I, n 62 ; 2 Civ., 18 mai 2017, pourvoi n 16-17.754, Bull. 2017, II, n 102).

14. Pour fixer le point de départ de l'action en responsabilité exercée par les acquéreurs contre le vendeur et son mandataire au jour de la signature de l'acte authentique de la vente en l'état futur d'achèvement, soit le 26 juillet 2005, l'arrêt retient que, s'agissant d'un manquement à l'obligation d'information ou de conseil, le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'établissement de l'acte critiqué.

15. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour les acquéreurs ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé'.

M. et Mme [G] sollicitent la réformation du jugement sur ce point, soutenant que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement en litige a été conclu avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, de sorte que le point de départ du délai de prescription doit donc être déterminé en application de l'article 2270-1 ancien du code civil que dispose que 'Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation'; qu'ainsi le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date à laquelle l'acquéreur a pris conscience des pertes qu'il a subies, la date de réalisation du dommage devant être distinguée de la date à laquelle il se manifeste à l'égard de la victime et qu'ils n'ont pris conscience de la surévaluation des valeurs locative et vénale du bien qu'à l'issue de la période de neuf ans ayant suivi la livraison du bien, soit à compter de juin 2014.

Le litige concernant un commerçant et un non commerçant, l'action en responsabilité est soumise à la prescription de l'article L110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription et s'est trouvée soumise à compter du 19 juin 2008 au délai plus court de 5 ans résultant de la loi du 17 juin 2008, la rédaction de cet article n'ayant été modifiée par la réforme de la prescription qu'en ce qui concerne la durée de la prescription mais pas en son point de départ.

L'article L 110-4 du code de commerce tant dans sa rédaction ancienne que dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008 est taisant sur le point de départ de la prescription devenue quinquennale à compter du 17 juin 2008 pour les prescriptions en cours, sauf à ne pas excéder la durée initiale de prescription de dix ans.

Dès avant la réforme de 2008, cet article était déjà interprété en matière d'action en responsabilité comme faisant courir la prescription à compter de la date de réalisation du dommage et il est désormais admis qu'il s'agit de la date de manifestation du dommage ou à laquelle le dommage s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance antérieurement.

Il ne s'agit donc pas non plus de la date à laquelle la victime 'a connu ou aurait dû connaître' les faits lui permettant d'agir ainsi qu'il résulte de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008, inapplicable à l'espèce, en sorte que la prescription ne saurait être écartée au motif d'un manque de vigilance de la part des acquéreurs.

Or, ainsi qu'il résulte des éléments du dossier, les époux [G] n'ont été avisés qu'à compter de 2014 par des courriers adressés par le gestionnaire, à l'occasion du renouvellement des baux commerciaux, de la difficulté tenant à la rentabilité du bien et partant à sa valeur vénale et il n'apparaît pas qu'ils aient, antérieurement à cette date, été alertés d'une quelconque manière sur de telles difficultés en sorte que l'action en responsabilité délictuelle introduite par les appelants par actes des 20, 21, 22 et 27 juin 2016, soit dans le délai de cinq ans de la manifestation du dommage à leurs yeux, est recevable comme n'étant pas prescrite.

B )- Sur le bien fondé de l'action en responsabilité pré-contractuelle:

M. et Mme [G] soutiennent, que la nullité soit ou non prononcée, que les agissements du vendeur, la société IFB France et de son mandataire commercial, la société Prestigium, anciennement Akerys Promotion désormais la société Edelis, lui ont incontestablement causé un préjudice indemnisable, la première étant tenue des fautes de son mandataire.

* Sur la responsabilité la société IFB France :

Il est constant que l'agent immobilier est tenu vis à vis de ses clients d'un devoir de conseil et de mise en garde et que lorsqu'il s'entremet dans des opérations immobilières d'investissement, il est également tenu d'un devoir de mise en garde supplémentaire quant aux caractéristiques du placement et des risques y afférents, étant au surplus tenu comme tout mandant des fautes de son mandataire. Il appartient par ailleurs au professionnel de justifier qu'il a rempli son devoir d'information et de conseil.

Les époux [G] soutiennent que l'agent immobilier a engagé sa responsabilité en raison des manoeuvres dolosives sus évoquées mais également en manquant à son devoir d'information et de conseil. Ils considèrent sur ce point que la société IFB est intervenue à la fois en qualité d'agent immobilier (en s'immisçant dans la conclusion d'une vente immobilière), comme conseiller fiscal (en proposant une solution de défiscalisation) et comme conseil en gestion de patrimoine (en proposant un investissement immobilier locatif), et qu'elle a manqué à son obligation précontractuelle d'information en laissant croire qu'une étude objective et indépendante du marché avait été effectuée en amont de l'opération par l'association EDC, en s'abstenant de procéder à une étude de marché et de vérifier le niveau de risque de l'opération, en présentant de manière extrêmement flatteuse l'opportunité de l'acquisition d'un bien à des fins locatives, alors que ce bien est situé dans une région dont le potentiel locatif est faible.

La société IFB observe qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de vendeur dans le cadre d'une vente immobilière soumise aux dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, elles mêmes exclusives des dispositions des articles L 541-1 et L 550-1 renvoyant aux articles L 550-2 et suivants du code monétaire et financier applicables aux différentes activités d'intermédiaires en biens mobiliers ou immobiliers auxquelles échappent les opérations donnant normalement droit à l'attribution en propriété ou en jouissance de parties déterminées d'un ou plusieurs immeubles bâtis, les dispositions de la loi Alur du 24 mars 2014 n'ayant sur ce point pas modifié la situation des intermédiaires en opérations immobilières. A ce titre, elle soutient que son obligation de conseil ne portait que sur les caractéristiques du bien vendu et qu'elle y a incontestablement satisfait.

Cependant, elle ne conteste pas utilement qu'en sa qualité d'agent immobilier elle s'est s'entremise habituellement dans des opérations immobilières incluant un programme d'investissement immobilier défiscalisant. Ainsi, résulte t-il des éléments versés aux débats par les époux [G] (leurs pièces 1-3- 1 et 1-4 ) que la projection financière qui leur a été remise émanait de la société IFB et plus précisément de M. [M] dont la carte professionnelle mentionne qu'il est conseiller en gestion de patrimoine pour la société IFB et membre du syndicat des métiers de la défiscalisation.

Dès lors, nonobstant les termes du contrat de recherche signé avec les époux [G] et les dispositions du code monétaire et financier, il apparaît que la société IFB, intervenue en qualité de mandataire des époux [G], n'est pas qu'un simple intermédiaire de la vente immobilière et qu'elle est au contraire intervenue comme intermédiaire dans une opération d'investissement locatif défiscalisant, qu'elle a, à destination des acquéreurs, établi une projection financière anticipant une évolution progressive de la valeur du loyer commercial de2% annuel, incluant les fruits du placement et l'avantage fiscal et même si ce document n'avait pas valeur contractuelle, elle se trouvait de facto tenue d'un devoir d'information et de conseil supplémentaire portant sur les caractéristiques des placements proposés et sur les choix à effectuer dans lesquels elle s'est entremise.

Certes, il a été sus relevé qu'il n'avait pas été caché aux époux [G] que leur investissement était réalisé en zone 'Demessine ZRR', créée par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 2005 en vue du développement de l'investissement en zone rurale fragile, ce qui excluait la preuve d'une manoeuvre dolosive sur ce point, mais il ne peut pour autant en être évincé que ceux ci avaient vu leur attention attirée sur la fragilité d'un tel placement et sur le risque d'un investissement dans une zone dévitalisée, même compensé par un important dispositif fiscal et la constitution d'un patrimoine immobilier financé en grande partie par les loyers.

En effet, il n'est pas contesté que la projection financière sur la base de laquelle les époux [G] se sont déterminés prévoyait une évolution annuelle du loyer de plus de 2% et la société IFB ne justifie avoir remis aux époux [G] une projection tenant compte d'une possible évolution défavorable du marché immobilier local, ni une quelconque étude sérieuse de la configuration de ce marché et de ses perspectives d'évolution, ce qui aurait permis aux époux [G] d'investir en pleine connaissance de cause des risques encourus tenant à la zone particulière de leur investissement, appartenant à eux seuls de décider ce qu'ils entendaient faire de cette information.

Et quand bien même aucun conseiller en gestion de patrimoine ne peut garantir une évolution favorable de ce type d'investissement, il a toujours le devoir de mettre en garde sur les risques encourus, obligation que la société IFB ne justifie pas avoir remplie en l'espèce, en sorte qu'elle a engagé sa responsabilité délictuelle.

Pour le surplus, en regard de ce qui a été précédemment jugé quant à l'absence de tout élément permettant de retenir une surévaluation du prix d'acquisition du bien immobilier et partant de sa valeur locative, il n'apparaît pas que la société IFB ait manqué à son obligation d'information concernant la valeur d'achat du bien ayant ainsi fait perdre aux époux [G] une chance d'acquérir au prix du marché et de réaliser en conséquence une plus value.

*Sur la responsabilité de la société Edelis (venant aux droits de la société Prestigium) :

M. et Mme [G] soutiennent, sur le fondement de l'article L111-1 du code de la consommation, que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service, qu'il incombe au professionnel de justifier qu'il a satisfait à son devoir d'information et de conseil et que la société Edelis a manqué à ses obligations en la matière en s'abstenant d'informer les acquéreurs de l'existence de la convention de fonds de concours et du fait du fait que divers lots indispensables à l'exploitation de la résidence avaient été cédés à la société Goelia Gestion.

Cependant les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation ont été créées par l' ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, en sorte que, postérieures à la conclusion de celui-ci, elles lui sont inapplicables.

De manière générale, ainsi que les époux [G] le relèvent, la société Edelis venant aux droits de Prestigium se devait en qualité de conseiller en investissement, au même titre que la société IFB, d'attirer l'attention de ses clients sur les risques inhérents à ce type d'investissement et plus précisément en regard de la zone dans lequel il était réalisé, s'agissant d'un investissement comportant un plus grand risque quant à l'évolution du marché immobilier.

Or, la société Edelis ne justifie pas avoir rempli son obligation d'information.

En effet, contrairement à ce qu'elle soutient, l'information inhérente à ce type de placement en matière de risque ne résulte pas de l'information qui leur a été donnée chez le notaire selon la pièce 18 (en réalité 4-2 des pièces adverses) article 25, cet article ne contenant aucune mise en garde particulière sur ce type de risque hormis que l'attention des acquéreurs a été attirée sur les conséquences fiscales d'une interruption du contrat de location de 9 années, sans que leur attention ait cependant été attirée sur un risque particulier de vacance locative ou de moindre rendement tenant à ce type d'investissement ou à la zone d'investissement.

Il est encore reproché à la société Edelis de n'avoir pas attiré l'attention des acquéreurs sur la convention de concours.

S'il a été exclu que la société IFB, en sa qualité de vendeur, ait commis un dol s'agissant du défaut d'information relativement à cette convention de concours, il apparaît cependant que cette convention a été conclue entre la société Prestigium et la société Geolia Gestion et qu'il s'agissait d'un élément important concernant le financement global de l'opération à laquelle les époux [G] envisageaient d'adhérer et qu'elle constituait pour eux un élément d'information qui devait être porté à leur connaissance dans le cadre d'un choix éclairé sur le rapport rentabilité/garantie de l'opération, en sorte que ne justifiant pas avoir porté cet élément à la connaissance des acquéreurs, la société Edelis voit sa responsabilité engagée pour manquement à son devoir de conseil.

C. Sur les préjudices indemnisables :

Le manquement des sociétés IFB et Edelys à leur devoir de conseil est à l'origine d'une perte de chance pour les époux [G] de ne pas acquérir le bien.

Pour apprécier l'importance de la chance perdue, c'est à dire la perte de chance d'un événement favorable, il doit être retenu que mieux informés sur un risque de dévalorisation du bien tenant au secteur choisi ou sur l'existence d'un fonds de concours, il demeure peu probable que les époux [G] n'auraient pas contracté. En effet, il a été sus relevé que les époux [G] n'ignoraient pas qu'ils investissaient dans une zone fragile et si toute leur attention n'avait pas été attirée de manière circonstanciée sur la vitalité économique de la zone, le placement choisi leur permettait précisément de bénéficier de neuf années d'un avantage fiscal d'autant plus important qu'il s'agissait d'attirer les investisseurs dans des territoires à revitaliser. D'ailleurs, les époux [G] qui n'ont connu aucune vacance locative durant neuf années ont bénéficié au maximum de cet avantage et sur ce point la convention de concours apparaissait une garantie, de sorte qu'informés du montant de ces concours, il est également peu probable qu'ils n'auraient pas contracté, alors qu'ils étaient assurés de bénéficier dans tous les cas de la totalité de l'avantage fiscal et de récupérer la totalité de la TVA mais également de se constituer un capital, l'emprunt étant à tout le moins durant neuf années entièrement remboursé par les loyers, en sorte qu'il ne pouvait s'agir que d'une opération gagnante dans sa globalité, même en cas d'évolution défavorable du marché local qui ne faisait que diminuer le bénéfice de l'opération sans constituer de perte.

Quant à la perte de chance de réaliser une plus value immobilière, elle est quasi inexistante dans ce type d'investissement bénéficiant d'un régime fiscal particulièrement attractif pour compenser une situation en zone économiquement fragile et demeure par nature aléatoire.

Enfin, en l'état de la carence probatoire des époux [G] quant à la surévaluation du bien au jour de la vente, ceux-ci ne sauraient solliciter l'indemnisation d'un préjudice constitué par la perte de chance d'acquérir le bien au prix du marché.

Pour calculer leur préjudice en terme de perte de chance de ne pas contracter, qui ne dépasserait pas 10% du montant de l'avantage perdu, les époux [G] doivent justifier du montant de cet avantage qui en constitue la base de calcul. Or, si cet avantage est constitué par la différence entre le prix d'acquisition et la valeur résiduelle du bien, il doit nécessairement être diminué des différents avantages, y compris la récupération de la TVA, que les époux [G] ont perçu durant neuf années et sur lesquels ils sont taisants, en sorte qu'ils ne justifient pas de l'avantage perdu à partir duquel doit être évaluée la perte de chance, ni dès lors de l'existence et du montant de leur préjudice.

Au surplus, ils sollicitent la somme de 60 000 euros au titre de la surévaluation du bien et de 22 950 euros au titre de la perte de loyers et du préjudice moral, somme qui correspondrait à l'avantage perdu, sans distinguer entre ces deux préjudices et sans proposer un pourcentage de perte de chance, ne saisissant pas la cour d'une demande à ce titre, ne la mettant pas en mesure de statuer.

Pas davantage, il ne peut être envisagé d'indemniser les époux [G] d'un préjudice moral qui ne résulte d'aucun élément et qu'au surplus ils ne chiffrent pas en sollicitant une somme de 22 950 euros à la fois en termes de loyers perdus et de préjudice moral, sans distinguer la demande formulée de ce seul chef.

Les époux [G] seront en conséquence déboutés de toutes demandes de dommages et intérêts.

Succombant en leur recours, les époux [G] seront condamnés aux dépens ainsi que ceux exposés devant la cour d'appel d'Agen, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance et a rejeté les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité justifiant qu'ils ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties au litige au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant dans les limites de sa saisine.

Infirme le jugement entrepris des chefs déférés, sauf en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance :

Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant :

Déclare recevable l'action en responsabilité à l'encontre de la société IFB France et Edelis, anciennement Akerys Promotion.

Déboute M. [V] [G] et Mme [X] [W] épouse [G] de toutes leurs demandes.

Rejette les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [V] [G] et Mme [X] [W] épouse [G] aux dépens du présent recours ainsi qu'à ceux exposés devant la cour d'appel d'Agen, avec distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande.

Le présent arrêt a été signé par M. Alain DESALBRES, conseiller en remplacement de Mme Paule POIREL, président légitimement empêché et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,