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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 11 octobre 2023, n° 22/01313

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 22/0131…

11 octobre 2023

Arrêt N°23/

PC

R.G : N° RG 22/01313 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FYFL

[K]

S.A.R.L. EGMM ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE (SARLU)

C/

S.E.L.A.R.L. [N] ET [P] [F]

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2023

Chambre commerciale

Appel d'une ordonnance rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 31 AOUT 2022 suivant déclaration d'appel en date du 14 SEPTEMBRE 2022 rg n°: 2021F513

APPELANTS :

Monsieur [X] [K] en son nom personnel et en qualité de gérant de la SARL EGMM - ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE MATALLIQUE (en liquidation judiciaire)

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentant : Me Lynda LEE MOW SIM-WU TAO SHEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. EGMM ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE (SARLU)

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentant : Me Lynda LEE MOW SIM-WU TAO SHEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [N] ET [P] [F], Mandataires judiciaires, prise en la personne de Maître [P] [F], Mandataire Judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SARL EGMM ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE (SARLU), dont le siège est sis [Adresse 3] à [Localité 8]

désignée à ces fonctions par jugement rendu le 21 mars 2018 par le Tribunal mixte de commerce de Saint Denis (rectifié par jugement du 18 avril 2018)

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentant : Me Sophie LE COINTRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience en chambre du conseil du 21 Juin 2023 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 21 juin 2023 prorogé par avis au 11 octobre 2023.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 11 Octobre 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * *

LA COUR

La société ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE (EGMM) a été créée en 2005 pour exercer une activité de fabrication et pose de menuiseries et constructions métalliques. Monsieur [X] [K], associé unique, en a exercé la gérance.

Par jugement du 21 mai 2018, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL ENTREPRISE GENEALE DE MACONNERIE METALLIQUE (EGMM), désignant la SELARL [F] en qualité de mandataire liquidateur.

La procédure a révélé une insuffisance d'actif de 323.097,98 euros.

Se prévalant de relations financières anormales entre la société EGMM et son gérant, la SELARL [F], ès qualité de liquidateur judiciaire, a fait assigner Monsieur [X] [K] en extension de la liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire, prononcé le 31 août 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :

ORDONNE l'extension à Monsieur [K] [X] de la procédure de liquidation judiciaire de la société EGMM ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE.

DECLARE la cessation des paiements de la société EGMM ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE commune à Monsieur [K] [X],

DEBOUTE Monsieur [K] [X] de ses demandes de dommage et intérêts, et indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, (')

DESIGNE la SELARL [F], prise en ma personne de Maître [P] [F], en qualité de liquidateur judiciaire, (')

* * *

Monsieur [X] [K] et la société EGMM ont interjeté appel de ce jugement le 14 septembre 2022.

Un avis de fixation de l'affaire à bref délai a été adressé aux parties le 10 octobre 2022.

Les appelants ont signifié la déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai par acte d'huissier délivré à la SELALR [F] le 18 octobre 2022.

La SELARL [F], ès qualité de liquidateur de la SARL EGMM, a constitué avocat le 4 novembre 2022.

Les appelants ont remis leurs premières conclusions au greffe de la cour le 8 novembre 2022.

La SELARL [F] a déposé ses premières conclusions d'intimée par RPVA le 5 décembre 2022.

La procureure générale près la cour d'appel a remis son avis par RPVA le 30 janvier 2023.

La clôture est intervenue le 15 mars 2023.

* * *

Selon leurs dernières conclusions N° 2, remises à la cour le 4 janvier 2023, les appelants demandent à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de SAINT-DENIS le 31 août 2022 en toutes ses dispositions.

En conséquence, STATUER à nouveau et,

REJETER la demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL EGMM - ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE à Monsieur [X] [K] et les demandes subséquentes de déclaration de la cessation de paiements commune, et de désignation des organes de la procédure.

CONDAMNER la SELARL [N] et [P] à payer à Monsieur [X] [K] la somme de 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

DECHARGER la SARL EGMM - ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE de toutes demandes dirigées à son encontre et la METTRE hors de cause.

CONDAMNER la SELARL [N] et [P] [F] au paiement de la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître Lynda LEE MOW SIM conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

* * *

Aux termes de ses uniques conclusions d'intimée, la SELARL [F], ès qualité, demande à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement en date du 31 août 2022 rendu le par le Tribunal mixte de commerce de Saint Denis.

DEBOUTER l'appelant de toutes ses demandes, fins et prétentions.

DIRE les dépens employés en frais privilégiés de la procédure.

* * *

Selon avis en date du 30 janvier, le ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris, considérant que les arguments tirés de la confusion des bâtiments lors de l'inventaire et de la compensation des loyers par l'exécution de travaux de valeur similaire ne résiste pas à l'analyse ni aux moyens développés par la SELARLHIROU, démontrant une parfaite confusion des patrimoines de Monsieur [K] et de la SARL EGMM.

* * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Sur l'extension de la procédure collective de la SARL EGMM :

Pour décider de l'extension de la liquidation à l'appelant, le tribunal mixte de commerce a considéré que :

. Monsieur [K] a donné à bail à la société EGMM un terrain nu de 400 mi situé [Adresse 6] à [Localité 10], cadastre AM [Cadastre 5], dont il avait fait l'acquisition conjointement avec son épouse en 2000 ;

. L'analyse des grands livres met en évidence que la société EGMM a payé un loyer mensuel de 3.000 euros en 2010, puis de 2.000 euros en 2011, et qu'elle a cessé de payer tout loyer à compter de 2013 ;

. Monsieur [K] s'est en sa qualité de bailleur abstenu de toute réclamation, mise en demeure, ou commandement de payer; que des relations contractuelles normales auraient dû le conduire à adresser au preneur ;

. L'avantage qu'elle a procuré au bailleur en contrepartie du défaut de paiement des loyers, soit 60.596 euros, n'équivalait pas au coût de la construction sur le terrain loué, aux frais de la société EGMM, d'un espace de bureaux et restauration pour les salariés, en considération de la valeur locative alléguée par Monsieur [K] durant les cinq exercices de 2013 à 2018 à 180.000 euros (5 x 12 x 3000) ;

. En réalité, la réduction du loyer, puis l'absence de réclamation de son paiement en dépit de l'importance de la créance, n'ont pas eu d`autre but que de différer artificiellement la cessation des paiements de la société EGMM ;

. Monsieur [K] n'y a consenti que parce qu'il était dans le même temps le gérant de cette société, et que cette dernière poursuivait sous une autre forme l'activité qu'il exerçait auparavant dans le cadre d'une entreprise individuelle ;

. Ces circonstances, révélatrices de l'imbrication durable des intérêts de la société et de son dirigeant, caractérisent des relations financières anormales, manifestant la confusion de leurs patrimoines.

Pour contester la décision des premiers juges, Monsieur [K] fait valoir que :

. Il n'y a jamais eu de confusion entre le compte bancaire de la société et celui de son dirigeant.

. Il y a bien eu remise des éléments comptables de la société EMGM.

. Les recettes clients de la société n'ont pas été encaissées par Monsieur [X] [K].

. Aucune relation anormale ne peut être retenue entre le bailleur et le preneur.

. Il n'y pas eu de perception de loyers exorbitants ayant couvert en un temps très bref le prix d'acquisition du bien immobilier.

. Aucun soutien financier anormal de la société par Monsieur [X] [K] dans un contexte de survie artificielle de l'activité de la SARLU EGMM n'est avéré.

. Le détournement du personnel de la SARLU EGMM n'est pas démontré.

. Aucune faute de gestion ne peut être reprochée à Monsieur [K] alors qu'aucun organisme n'a sollicité l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la SARLU EGMM.

En réplique, la SELARL [F] fait valoir qu'un faisceau d'indices concordants révèle la volonté systématique de Monsieur [K] d'entretenir des relations financières anormales entre son patrimoine et celui de la société E.G.M.M. ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE :

1. L'utilisation du compte bancaire personnel du dirigeant pour l'encaissement des recettes et le paiement des factures de la société

2. L'encaissement des recettes clients de la société par le dirigeant sur d'autres de ses comptes bancaires.

3. Des relations bailleur / preneur totalement anormales par la perception de loyers exorbitants ayant couvert en un temps très bref le prix d'acquisition du bien immobilier, de lourds investissements réalisés par la société d'exploitation au profit du bailleur, des loyers impayés pendant plus de six années consécutives.

Ceci étant exposé,

Aux termes de l'article L. 621-2 du code de commerce, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.

Pour l'application des deuxième et troisième alinéas du présent article, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens du défendeur à l'action mentionnée à ces mêmes alinéas, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office.

Selon les dispositions de l'article L. 641-1 du même code, les dispositions des articles L. 621-1 et L. 621-2 ainsi que celles de l'article L. 622-6 relatives aux obligations incombant au débiteur sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire.

La notion de confusion de patrimoines n'est pas définie par la loi. Deux critères sont dégagés par la jurisprudence : la confusion des comptes, d'une part, et les relations financières anormales, d'autre part.

La confusion des comptes implique une imbrication des actifs et passifs des entreprises en cause qui rend leur dissociation impossible (Com., 12 oct. 1993 Bull. IV n° 334 ; Com., 26 mai 1998, Bull. IV 168 ; Com., 2 mars 1999, n° 95-14.007).

Les relations financières anormales peuvent, lorsqu'elles sont démontrées, également établir une confusion des patrimoines. De façon générale, la présence de dirigeants ou d'associés communs, l'identité des objets sociaux, la mutualisation de moyens matériels ou financiers ne suffisent pas à eux seuls à caractériser des relations financières anormales. De même, la confusion des patrimoines a été écartée lorsque les relations financières anormales se sont déroulées sur une brève période (Com. 13 mars 2007, N° 05-15.833). Il a par ailleurs déjà été jugé que la seule constatation du défaut de paiement des loyers pendant une année et de l'abstention de la SCI de poursuivre le recouvrement de sa créance n'était pas de nature à révéler l'imbrication des éléments d'actif et de passif composant les patrimoines de la SCI bailleresse et deux sociétés preneuses (Com. 15 févr. 2000, n° 97-17.195). L'absence de réclamation des loyers dus pendant une longue période peut être justifiée par la prise en charge, par une société commerciale locataire, d'importants travaux immobiliers au bénéfice de la société civile immobilière propriétaire des locaux loués (Com., 26 mars 2013, n° 12-14.809). Seule la répétition des relations financières anormales et la volonté de créer une confusion des patrimoines justifient l'extension (Com., 13 mars 2007, n° 05-15.833 ; Com., 8 janv. 2013, n° 11-30.640 ; Com 11 février 2014, n° 13-12.270 ; Com., 13 janv. 2015, n° 13-27.868), approuvant des cours d'appel d'avoir écarté une telle confusion en l'absence de preuve d'une volonté systématique). Par ailleurs, l'extension n'est pas encourue lorsque les engagements financiers et les règlements trouvent leur cause dans des engagements réciproques.

Mais, au contraire, en l'absence de contrepartie, l'extension pourra être justifiée (Com., 19 nov. 1996, n° 94.19-738 et Com., 17 mars 1998, n° 96-10.224).

Enfin, l'absence d'appauvrissement du débiteur est indifférente à la confusion des patrimoines.

La doctrine retient que 'l'extension de procédure pour cause de confusion des patrimoines ne repose pas plus sur l'idée de sanction du débiteur que de réparation d'un préjudice causé à ses créanciers. Le mécanisme ne se fonde donc pas sur un critère subjectif et personnel, mais sur un critère objectif et patrimonial : il s'agit de reconstituer la réalité économique de l'entreprise, de la faire primer sur l'artifice de montages juridiques dissimulant, sous le couvert de l'autonomie de chaque personne morale, des relations financières, sinon frauduleuses, du moins anormales. »

L'existence de relations financières anormales vise à « appréhender des situations dans lesquelles, sans qu'il y ait de véritable transfert d'actif d'un patrimoine dans l'autre, une personne juridique abandonne certaines prérogatives, renonce sans contrepartie ou sans motif légitime à percevoir certaines créances au bénéfice d'une autre ou lui concède des avantages injustifiés ». De telles relations s'entendent de relations financières « incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales » (Com., 27 septembre 2016, Bull. IV n° 123, pourvoi n 14-29.278 ; Com., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.601) et dès lors qu'est établie l'existence de relations financières anormales, il n'est pas nécessaire de constater une « imbrication des patrimoines » (Com., 2 novembre 2016, pourvoi n° 15-13.006 ; Com., 28 février. 2018, pourvoi n° 16-24.507 ; Com. 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-20.725).

En l'espèce, il convient donc de rechercher si la SELARL [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société EGMM, démontre qu'il a existé des relations financières anormales entre la SARL EGMM et Monsieur [K] son gérant et associé unique.

1. L'utilisation du compte bancaire personnel du dirigeant pour l'encaissement des recettes et le paiement des factures de la société :

Pour soutenir l'imbrication des patrimoines de la société EGMM et de Monsieur [K], la SELARL [F] verse aux débats le procès-verbal de remise des archives du 28 mars 2018, les courriels échangés avec la CEPAC pour connaître le titulaire du compte bancaire, ainsi que les relevés bancaires de mars 2017 à mai 2018 du compte 0801533605 ouvert à la CEPAC au nom de M. [K] (Pièces N° 6, 7 et 8).

Monsieur [K] réplique qu'avant la création de la société, il exerçait en tant qu'artisan et détenait ainsi un seul compte professionnel. Lors de la création de la SARLU EGMM, c'est ce même compte professionnel qui a été affecté à l'activité de la société.

Si le compte CEPAC n° 08015333605 apparait au nom de Monsieur [X] [K], il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas de son compte personnel mais bien du compte professionnel pour l'activité de la SARLU EGMM, sur lequel tous les règlements des clients (clients particuliers et clients publics, notamment la SEMADER, la SEMAC, la SIDR). D'ailleurs, la SARLU EGMM n'a pas d'autres comptes et seul ce compte bancaire a fonctionné durant les quinze ans. Preuve en est encore, il n'y a aucune opération sur ce compte bancaire de nature personnelle.

Il résulte de ces éléments que la SELARL [F], hormis le fait que le compte de la SARL EGMM soit intitulé au nom de Monsieur [K], ne justifie d'aucune dépense personnelle de l'intimé sur ce compte. Cette absence d'opérations litigieuses permet d'accréditer la version de l'intimé selon laquelle le maintien du nom du titulaire du compte, malgré la création de la société EGMM, est dû à une erreur persistante de la CEPAC après l'absorption de la Banque de la Réunion, et d'écarter l'hypothèse de l'imbrication des patrimoines à partir du compte bancaire de la société EGMM alors que Monsieur [K] démontre qu'il dispose d'un compte personnel à la BRED (Pièces N° 7.1 et 7-2).

2. L'encaissement des recettes clients de la société par le dirigeant sur d'autres de ses comptes bancaires :

La SELARL [F] affirme qu'aucun dossier de recouvrement ne lui a été remis par le dirigeant alors qu'il y était expressément invité.

Elle expose qu'aucun élément comptable n'a été transmis malgré les demandes du liquidateur pour la période du 1er janvier 2018 au 21 mars 2018 et que les relevés bancaires obtenus auprès de la banque pour le compte n° 0801533605 déclaré par M. [K] comme étant celui utilisé par la société E.G.M.M. ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE enregistrent au titre des encaissements client sur la période considérée uniquement deux virements bancaires respectivement pour 1.531,50 euros le 19.02.2018 et pour 7.455,89 euros le 01.03.2018. Elle en tire comme conséquence que, sauf à démontrer la dépréciation de l'intégralité des créances clients, Monsieur [K] a encaissé ou détourné les créances clients sur d'autres comptes bancaires lui appartenant pour une somme représentant de 211.511 euros.

Monsieur [K] réplique qu'il a transmis les éléments comptables dont il disposait. Il conteste avoir encaissé une quelconque créance de la société EGMM, produisant ses relevés bancaires ainsi que les bilans établis régulièrement contredisant l'allégation de l'intimée.

Ainsi, il n'existe pas suffisamment d'éléments permettant de décider de la confusion des patrimoines au motif d'hypothétiques détournements de créances non démontrées particulièrement par la SELARL [F] qui ne fournit aucun exemple d'un paiement devant revenir à la société EGMM ayant été encaissé par Monsieur [K].

3. La confusion des patrimoines grâce au bail commercial :

Il est d'abord incontestable que Monsieur [K] a donné à bail à la société EGMM un terrain nu de 400 m² situé [Adresse 6] à [Localité 10], cadastre AM [Cadastre 5], dont il avait fait l'acquisition conjointement avec son épouse en 2000 au prix de 700.000 Francs, au moyen d'un prêt de 500.000 Francs alors que la SARLU EGMM n'était pas encore créée.

Mais Monsieur [K] établit que les travaux de construction de l'atelier édifié sur la parcelle AM [Cadastre 5] étaient achevés le 5 juin 2001 (Pièce N° 10-2). Cet acte mentionne en effet clairement que les travaux ont été réalisés sur les deux parcelles AM [Cadastre 2] et AM [Cadastre 1].

Or, la SELARL se limite à évoquer le procès-verbal d'inventaire dressé le 5 avril 2018 pour estimer que l'appelant aurait remboursé cet investissement grâce à la perception de loyers exorbitants lui permettant de percevoir 84.000,00 euros entre 2010 et 2012.

En alléguant ces faits, elle ne rapporte aucune preuve du caractère exorbitant des loyers payés par la société EGMM puisqu'elle ne compare le coût locatif qu'au prix d'acquisition du terrain nu plus de dix ans auparavant.

En outre, le fait seulement allégué que la même parcelle aurait été louée aussi à deux autres sociétés, RUN ALU INDUSTRIES à partir de 2008, et MABOUTIK à partir de 2011 jusqu'en 2016, n'emporte aucune conséquence sur la réalité du bail conclu avec la SARL EGMM, en l'absence de pièces établissant une impossibilité matérielle de consentir plusieurs baux en un même lieu.

La SELARL [F] évoque ensuite les lourds investissements réalisés par la société EGMM au profit du bailleur, évalué à la somme de 60.596,00 euros suivant la balance 2016, représentant 20 % du chiffre d'affaire annuel de la société débitrice, sans aucune contrepartie, les installations ainsi financées revenant au patrimoine de Monsieur [K] dès la liquidation judiciaire de la société EGMM.

Cependant, cette situation ne permet pas de considérer une situation anormale s'agissant des effets de la liquidation judiciaire entre un preneur et un bailleur, le preneur conservant la faculté de réclamer éventuellement le remboursement des investissements réalisés si le contrat de bail le prévoit.

La SELARL [F] reproche à Monsieur [K] de s'être abstenu en sa qualité de bailleur de toute réclamation, mise en demeure, ou commandement de payer à l'encontre de la société EGMM, ce que des relations contractuelles normales auraient dû le conduire à adresser au preneur.

Toutefois, si ce fait peut constituer un indice de confusion de patrimoine, il est insuffisant à l'établir en l'espèce puisque le bailleur, Monsieur [K] n'a déclaré aucune créance au passif de la société EGMM, corroborant ainsi la thèse de la compensation avec les investissements réalisés par la société EGMM.

LA SELARL n'apporte aucune preuve de sa motivation selon lequel l'avantage procuré au bailleur en contrepartie du défaut de paiement des loyers, soit 60.596 euros, n'équivalait pas au coût de la construction sur le terrain loué, aux frais de la société EGMM, d'un espace de bureaux et restauration pour les salariés, en considération de la valeur locative alléguée par Monsieur [K] durant les cinq exercices de 2013 à 2018 à 180.000 euros (5 x 12 x 3000).

La volonté de préserver la survie de la société EGMM par l'abandon de loyers pour différer la cessation des paiements de la société EGMM ne constitue pas une faute de la part de l'intimé.

Ainsi, la SELARL [F] échoue à établir des relations financières anormales, manifestant la confusion de leurs patrimoines.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement querellé et de rejeter la demande de la SELARL [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société EGMM.

Sur les autres demandes :

La SELARL [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société EGMM, supportera les dépens qui seront liquidés en frais privilégiés de liquidation.

Il est cependant équitable de rejeter la demande de Monsieur [K], formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la SELARL [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARLU ENTREPRISE GENERALE DE MENUISERIE METALLIQUE (EGMM) de sa demande de confusion de patrimoine à l'encontre de Monsieur [X] [K] ;

DEBOUTE Monsieur [X] [K] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les dépens seront liquidés en frais privilégiés de procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT