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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 15 septembre 2023, n° 22/13645

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/13645

15 septembre 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13645 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGQN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/51490

APPELANTE

S.A.S. DUMEZ ILE DE FRANCE

agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 6]

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046,

et par Me Eva MARQUET de la SELARL CABOUCHE & MARQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0531

INTIMEE

S.N.C. [Adresse 8] SEGUR

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111,

et par Me Stéphanie DE LAROULLIERE de l'AARPI SQUAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : R041

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

La société [Adresse 8] [Adresse 9] est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 4]), dit ' [Adresse 7]', d'une surface de plancher d'environ 6.791 m², constitué de deux hôtels particuliers réunis, l'hôtel [Adresse 8] et l'hôtel de [Adresse 9], destiné à être loué.

Elle a fait entreprendre des travaux de rénovation de cet ensemble immobilier dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement d'entreprises non solidaires, constitué, notamment, de la société Calq en qualité d'architecte et mandataire du groupement, et dont la réalisation a été assurée par la société Dumez Ile de France (IDF), désormais dénommée DP.r, en qualité d'entreprise générale.

Une police d'assurance dommage ouvrage a été souscrite auprès de la société Groupama.

La réception des travaux est intervenue, avec réserves, le 10 juin 2021.

A la suite d'importants orages survenus en juin 2021, peu après la réception, la société [Adresse 8] [Adresse 9] a relevé une forte humidité en plusieurs zones du sous-sol et a fait constater, par procès-verbaux du 1er juillet 2021, la présence de fuites dans la galerie technique située en R-1 et dans le local CTA.

La société [Adresse 8] [Adresse 9] a dénoncé ces désordres ainsi que d'autres survenus dans l'année de la garantie de parfait achèvement à la société Dumez IDF et l'a mise en demeure, à plusieurs reprises et en vain, de procéder à la levée des réserves relevant de cette garantie.

La société [Adresse 8] [Adresse 9] a adressé une déclaration de sinistre à la société Groupama du fait des infiltrations généralisées au sous-sol de l'immeuble, laquelle a désigné un expert, qui a préconisé des mesures conservatoires d'urgence et a préfinancé les travaux de réparation à hauteur de 2.000.000 euros.

Par acte du 16 février 2022, la société Dumez IDF a fait assigner la société [Adresse 8] [Adresse 9] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir le règlement, par provision, de la somme de 667.845,37 euros TTC, majorée des intérêts moratoires contractuels, outre capitalisation de ceux-ci, au titre de la situation de travaux n° 20 demeurée impayée et la fourniture de la garantie de paiement du marché, conformément aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil, sous astreinte journalière de 1.500 euros.

À titre reconventionnel, la société [Adresse 8] [Adresse 9] a demandé une expertise aux fins d'établir la conformité de l'exécution des travaux aux règles de l'art, le paiement, par provision, de la somme de 5.900.000 euros au titre des préjudices immatériels subis en lien avec les infiltrations en sous-sol et que soient levées, sous astreinte, les réserves relevant de la garantie de parfait achèvement.

Par ordonnance du 27 juin 2022, le premier juge a :

ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [D], aux fins, notamment, d'examiner les désordres dénoncés, déterminer leurs causes et conséquences, en particulier sur la solidité ou la destination de l'ouvrage, fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer leur imputabilité, chiffrer le coût des travaux de réfection, donner son avis sur l'évaluation des préjudices subis et proposer un compte entre les sociétés Dumez IDF et [Adresse 8] [Adresse 9] ;

condamné la société [Adresse 8] [Adresse 9] à fournir à la société Dumez IDF le cautionnement solidaire prévu par l'article 1799-l alinéa 3 du code civil sous astreinte, passé un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance, de 100 euros par jour de retard, l'astreinte courant durant un délai de 90 jours à l'issu duquel il devra être de nouveau statué ;

rejeté les autres demandes des parties ;

condamné la société Dumez IDF aux dépens.

Par déclaration du 15 juillet 2022, la société Dumez IDF de France a interjeté appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives au rejet de ses demandes de provision et d'indemnité titre des frais irrépétibles, à l'expertise judiciaire ordonnée et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 mai 2023, la société DP.r, anciennement dénommée Dumez IDF, demande à la cour de :

lui donner acte de sa nouvelle dénomination sociale ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société [Adresse 8] [Adresse 9] à lui fournir le cautionnement solidaire prévu par l'article 1799-1 du code civil sous astreinte, passé un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance, de 100 euros par jour de retard et rejeté les demandes de la société [Adresse 8] [Adresse 9] tendant au paiement d'une provision de 5.900.000 euros et à sa condamnation, sous astreinte, à lever les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement ;

infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle :

l'a déboutée de sa demande en paiement, par provision, de la somme en principal de 667.845,37 euros TTC, majorée des intérêts applicables,

l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles,

ordonné une mesure d'expertise ;

statuant à nouveau,

condamner la société [Adresse 8] [Adresse 9] à lui payer, par provision, la somme en principal de 667.845,37 euros TTC, majorée des intérêts moratoires contractuels de retard de l'article 20.6 de la norme NFP 03.001 d'octobre 2017, dus de plein droit à compter du 16 juillet 2021, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente (en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts ont commencé de courir) majoré de 10 points, avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

rejeter la mesure d'expertise à tout le moins s'agissant du désordre d'infiltrations dans les sous-sols et les préjudices matériels et immatériels consécutifs ;

déclarer la société [Adresse 8] [Adresse 9] irrecevable et la dire en toutes hypothèses mal fondée, en sa demande relative à la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement ;

débouter la société [Adresse 8] [Adresse 9] de toutes ses demandes ;

condamner la société [Adresse 8] [Adresse 9] à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile ;

condamner la société [Adresse 8] [Adresse 9] aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Eva Marquet, pour ceux de première instance dans les termes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et au profit de Maître Caroline Hatet, pour ceux d'appel ;

confirmer l'ordonnance dont appel pour le surplus.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 31 mai 2023, la société [Adresse 8] [Adresse 9] demande à la cour de :

débouter la société Dumez IDF de sa demande d'infirmation de l'ordonnance entreprise, celle-ci se heurtant à plusieurs contestations sérieuses ou étant sans objet ;

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

débouté la société Dumez IDF de sa demande de provision,

désigné M. [D] en qualité d'expert judiciaire, avec la mission telle que définie dans l'ordonnance déférée ;

condamné la société Dumez IDF aux dépens ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles aux fins de voir condamner la société Dumez IDF à :

lui payer une provision d'un montant de 5.900.000 euros au titre de ses préjudices subis directement en lien avec les infiltrations survenues dans le sous-sol de l'immeuble situé [Adresse 5]) ;

lever les désordres de la garantie de parfait achèvement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, une fois expiré un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

statuant à nouveau,

condamner la société Dumez IDF à lui régler la provision de 5.900.000 euros au titre de ses préjudices subis directement en lien avec les infiltrations ;

condamner la société Dumez IDF, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, une fois expiré un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, à lever les désordres de la garantie de parfait achèvement listés dans 'l'état des GPA' mis à jour au 14 septembre 2022 (Pièce n°34) ;

condamner la société Dumez IDF à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance ;

en tout état de cause,

débouter la société Dumez IDF de ses demandes présentées à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, celles-ci étant infondées ;

à titre reconventionnel,

condamner la société Dumez IDF à lui régler la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 31 mai 2023.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Il sera rappelé à titre liminaire que la cour ne statue que sur les prétentions des parties au sens de l'article 4 du code de procédure civile. Il en résulte que la demande de donner acte, qui n'emporte aucune conséquence juridique et ne constitue pas une prétention, ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes de provisions

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur la demande de la société DP.r

Au cas présent, la société DP.r sollicite le paiement de la somme provisionnelle de 667.845,37 euros TTC au titre de la situation de travaux n° 20, correspondant à l'avancement réel des travaux à la fin du mois de mai 2021, validée par [Adresse 8] d'oeuvre de l'opération et arrivée à échéance le 15 juillet 2021.

La société [Adresse 8] [Adresse 9] s'oppose à cette prétention en soutenant qu'elle se heurte à de nombreuses contestations sérieuses tenant :

d'une part, au fait que le rythme de facturation imposé par le contrat n'ayant jamais été appliqué par [Adresse 8] d'oeuvre d'exécution et l'entreprise générale, aucune somme n'était due à cette dernière à la fin du mois de mai 2021 en raison d'un trop-versé de 211.336,23 euros au titre de la situation n°19 ;

d'autre part, au fait qu'elle n'a pas validé la situation litigieuse dont elle n'a cessé de contester le quantum et qui n'était pas échue au 15 juillet 2021 ;

enfin, à l'établissement en cours du décompte général définitif intégrant la situation n°20 ainsi que des pénalités et retenues en lien avec les réserves et désordres survenus, précisant disposer de créances à ce titre à l'égard de la société appelante, responsable, en tout ou partie, de l'important préjudice subi résultant des infiltrations généralisées en sous-sol, lesquelles ont mobilisé la garantie de l'assureur dommage ouvrage, nécessité des travaux évalués à la somme de 2.438.363,89 euros HT et engendré un préjudice financier de plus de 13 millions d'euros.

Selon l'article 20.7.2 du cahier des charges administratives particulières (CCAP), 'l'entrepreneur reçoit du maître de l'ouvrage des acomptes mensuels sur la base de l'avancement réel des travaux le jour de l'établissement de la demande (...). Les demandes d'acomptes sont présentées au maître d'oeuvre d'exécution pour vérification le 15 de chaque mois (...) (lequel) vérifie la demande d'acompte au regard de l'état d'avancement des travaux de l'entrepreneur. [Adresse 8] d'oeuvre d'exécution vérifie ou déduit s'il y a lieu de la demande d'acompte les retenues et pénalités prévues dans le CCAP et établit une proposition d'acompte. La vérification a un caractère provisoire et ne pourra être opposée à la vérification définitive des mémoires de l'entrepreneur'.

L'article 20.7.3 du CCAP dispose que 'les échéances du prix sont réglées par [Adresse 8] de l'ouvrage dans les quarante-cinq jours de la réception de la facture :

93 % sur présentation de situations mensuelles à l'avancement réel ;

3 % après réalisation des OPR sur au moins 80 % des surfaces de l'immeuble ;

2 % à la réception ;

1 % à la remise de la totalité des documents visés aux articles 19.7.1 à 19.7.4 ;

1 % à la remise des documents permettant la délivrance du certificat HQE et labélisation BBC.

Ces échéances seront réglées par [Adresse 8] de l'ouvrage, déduction faite de toutes sommes dont l'entrepreneur sera redevable envers [Adresse 8] de l'ouvrage (pénalités notamment) et de la retenue de garantie prévue à l'article 20.7.5'.

Il a été prévu à ce dernier article que 'la retenue de garantie ne sera pas pratiquée si l'entrepreneur fournit un cautionnement personnel et solidaire émanant d'un établissement financier (...)', lequel garantit au maître de l'ouvrage la levée des réserves mentionnées au procès-verbal de réception.

En l'espèce, la société Dumez IDF a, en application de l'article 20.7 du CCAP, présenté, par mail du 12 mai 2021, une situation mensuelle de travaux à l'avancement à fin mai, datée du 3 juin 2021, d'un montant de 961.670,16 euros TTC, exigible 45 jours plus tard, soit le 19 juillet suivant ainsi que retenu par l'expert judiciaire dans sa note aux parties n°5.

Cette situation a été ramenée, le 4 juin 2021, à la somme de 716.816,17 euros par la société Calq, maître d'oeuvre d'exécution, puis à celle de 667.845,37 euros le 9 août 2021, après rectification, la société Calq ayant indiqué par mail du 10 août 2021 adressé à l'appelante : 'la MOE a commis une petite erreur sur les retenues de la proposition de paiement n° 20, nous venons de nous en rendre compte. Vous trouverez ci-joint la proposition corrigée, qui a été validée par le MO'.

Par la suite, en réponse au mémoire définitif relatif à la proposition de décompte général définitif (DGD) adressé par l'entreprise le 9 juillet 2021, [Adresse 8] de l'ouvrage lui a fait part de ses remarques sur la situation litigieuse intégrée dans ledit décompte, pratiquant sur celle-ci une nouvelle retenue de 1 % du prix (293.824,79 euros) au titre de l'absence de réception en intégralité du dossier des ouvrages exécutés (DOE), ramenant ainsi la situation litigieuse à la somme de 374.020,59 euros, puis déduisant des retenues et pénalités pour des réserves non levées.

Il convient de rappeler que la demande de la société DP.r ne porte que sur le seul paiement provisionnel de la situation de travaux n° 20 établie à fin mai 2021, correspondant aux travaux exécutés antérieurement à la réception de l'ouvrage en date du 10 juin 2021 et non sur le solde du marché tel qu'il pourrait résulter du DGD, dont nul ne conteste qu'il est en cours d'établissement, étant relevé que l'expert judiciaire a reçu mission de faire les comptes entre les parties.

A l'examen des pièces produites, il n'est pas justifié d'un trop perçu de l'entreprise générale à la date de l'établissement de la situation litigieuse, et donc, d'une absence de dette du maître de l'ouvrage au titre des travaux exécutés à fin mai 2021, le trop-versé allégué dans le cadre de la procédure n'ayant été évoqué ni par [Adresse 8] d'oeuvre d'exécution lors de l'examen de la demande d'acompte et l'établissement de la proposition de paiement après rectification ni par [Adresse 8] de l'ouvrage à réception de cette proposition, celui-ci n'ayant d'ailleurs pas remis en cause le principe de la dette mais entendu la limiter par les retenues appliquées.

Le premier moyen soulevé par la société [Adresse 8] [Adresse 9] n'est donc pas de nature à faire obstacle à la demande de provision.

La société [Adresse 8] [Adresse 9] conteste avoir accepté la situation litigieuse pour la somme de 667.845,37 euros en dépit des indications quant à l'accord du 'MO' dans le mail susvisé de la société Calq.

Cependant, il apparaît qu'en exécution des dispositions précitées du CCAP, [Adresse 8] d'oeuvre d'exécution a vérifié la demande d'acompte et arrêté la proposition de paiement à la somme réclamée. Il en résulte que le moyen invoqué par l'intimée tenant à son absence d'acceptation, à la supposer avérée, ne saurait constituer une contestation sérieuse alors que la situation litigieuse a été validée par [Adresse 8] d'oeuvre d'exécution, seul à même de pouvoir vérifier la concordance entre la situation présentée et le volume de travaux exécutés et alors que [Adresse 8] de l'ouvrage a l'obligation contractuelle d'assurer les paiements au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Il sera en outre relevé que les retenues effectuées par la société [Adresse 8] [Adresse 9] postérieurement à la vérification de la situation de travaux litigieuse et à sa rectification en date du 9 août 2021 ne sont pas justifiées.

En effet, il apparaît d'une part, que les DOE ont été remis en intégralité ainsi qu'il résulte du mail de la société Calq en date du 6 octobre 2021 de sorte que la retenue pratiquée par [Adresse 8] de l'ouvrage à ce titre et à hauteur de 293.824,79 euros n'est pas fondée, d'autre part, qu'aucune pénalité ou retenue de garantie ne pouvait être pratiquée pour des réserves non levées sur la situation n°20 relative à l'exécution de travaux avant réception et, en tout état de cause, qu'il n'est pas contesté qu'un cautionnement bancaire avait été fourni par la société Dumez IDF ne permettant pas d'appliquer des retenues de garantie.

Par ailleurs, si les désordres survenus postérieurement à la situation litigieuse ont donné lieu à la mise en jeu de la garantie dommage ouvrage, sont susceptible d'engager la responsabilité décennale du constructeur et d'entraîner l'indemnisation des préjudices tant matériels qu'immatériels subis, ils ne relèvent pas du décompte du marché et sont sans lien avec les comptes présents et futurs des parties contractantes concernées par le présent litige.

Au surplus, ces désordres et les préjudices en résultant font actuellement l'objet d'une mesure d'expertise de sorte que la créance du maître de l'ouvrage à ce titre n'est à ce jour ni liquide ni exigible et ne peut donc se compenser avec la somme incontestablement due au titre des travaux réalisés avant réception.

Enfin, il y a lieu de relever à la lecture du mail de la société Calq en date du 16 février 2022 et de la proposition de DGD effectuée au 15 février, que les certifications ont été obtenues de sorte que la retenue de 1% du prix visée à l'article 20.7.3 (293.824,79 euros) n'est plus justifiée et qu'il resterait dû, selon [Adresse 8] d'oeuvre d'exécution, par [Adresse 8] de l'ouvrage la somme de 982.038,54 euros en ce compris la situation litigieuse demeurée impayée.

Ainsi, aucune contestation sérieuse n'étant opposée à la demande de provision formée par la société DP.r, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise sans qu'il y ait lieu de statuer sur les critiques émises par cette dernière sur l'insuffisance de motivation de cette décision, celle-ci n'étant pas, en tout état de cause, de nature à emporter son infirmation.

En conséquence, la société [Adresse 8] [Adresse 9] sera condamnée au paiement de la somme provisionnelle de 667.845,37 euros outre intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points depuis le 20 juillet 2021, conformément à l'article 20.6 de la norme AFNOR NFP03.001 à laquelle se réfère le préambule du CCAP. Ces intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de la société [Adresse 8] [Adresse 9]

La société [Adresse 8] [Adresse 9] sollicite pour sa part l'octroi d'une provision de 5.900.000 euros au titre des préjudices immatériels subis en lien avec les infiltrations généralisées en sous-sol. Elle soutient que l'intégralité du sous-sol de l'ensemble immobilier a été affectée par ce désordre, survenu quelques jours après la réception de l'ouvrage. Elle explique qu'au regard de l'ampleur du sinistre et des travaux nécessaires pour y remédier, préfinancés par l'assureur dommage ouvrage, elle a dû cesser la commercialisation de l'immeuble, destiné à la location, précisant que le loyer annuel est évalué à 6.000.000 euros hors taxes et hors charges.

Elle fonde sa demande sur des rapports d'expertise amiable établis par la société Abergel & Associés, laquelle a identifié plusieurs chefs de préjudices financiers en lien avec la perte d'exploitation basée sur la valeur locative, les charges et taxes refacturables aux locataires qu'elle a été contrainte de supporter, la perte de valeur de l'immeuble résultant des travaux d'isolation des murs ayant entraîné une perte de surfaces utiles, le non-refinancement des prêts bancaires et le non-remboursement du compte-courant actionnaire.

Elle indique que la société Abergel & Associés a chiffré son préjudice financier en lien avec 'les désordres techniques' à la somme de 5.900.000 euros et celui en lien avec l'augmentation des taux d'intérêts à celle de 7.820.000 euros.

Elle précise enfin que l'assureur dommage ouvrage n'a pas fait de proposition d'indemnisation, laquelle ne pourra excéder la limite contractuelle de garantie fixée à 1.500.000 euros.

Cependant, le préjudice allégué, établi unilatéralement par la société Abergel & Associés, fait actuellement l'objet de l'expertise judiciaire, l'expert s'étant adjoint un sapiteur pour le chiffrer contradictoirement.

Ainsi, la demande de provision apparaît en l'état prématurée dès lors que seule l'expertise judiciaire permettra d'apprécier l'existence et l'étendue du préjudice financier consécutif aux infiltrations en sous-sol, qui, pour partie, s'analyse en une perte de chance de louer l'ensemble immobilier et doit être établie par les démarches entreprises, les offres de location déclinées, les baux effectivement souscrits, pièces réclamées par le sapiteur, qui a également sollicité tous justificatifs utiles aux données présentées dans le chiffrage du préjudice dont l'examen est en cours.

En outre, cette demande en ce qu'elle implique de statuer sur la responsabilité de l'appelante, n'apparaît pas relever des pouvoirs de la juridiction des référés.

Ainsi, en l'état de ces éléments, il convient, confirmant l'ordonnance entreprise de ce chef, de dire n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'application de ce texte suppose qu'aucune procédure n'ait été préalablement engagée au fond et que soit constatée l'existence d'un procès 'en germe' possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, l'expertise judiciaire ordonnée n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Au cas présent, la société DP.r conteste la mesure d'instruction ordonnée estimant, en toute hypothèse, que celle-ci ne saurait porter sur le désordre d'infiltrations en sous-sol et les dommages consécutifs y compris immatériels, qui font l'objet de l'expertise diligentée par l'assureur dommage ouvrage. Elle soutient que l'expertise judiciaire ne présente aucune utilité pour les préjudices matériels couverts par l'assurance dommage ouvrage dont la mise en oeuvre est un préalable obligatoire.

Cependant, au regard du litige opposant les parties portant sur la qualité des travaux exécutés, la société [Adresse 8] [Adresse 9] justifie d'un motif légitime à obtenir une mesure d'instruction qui permettra d'éclairer utilement la juridiction éventuellement saisie au fond sur la conformité des travaux aux règles de l'art, les causes et conséquences des désordres survenus et leur imputabilité, toute action en responsabilité et en réparation des préjudices consécutifs à ces derniers que pourrait engager l'intimée n'apparaissant pas manifestement vouée à l'échec.

En outre, la déclaration de sinistre effectuée par [Adresse 8] de l'ouvrage auprès de l'assureur dommage ouvrage et l'expertise organisée par ce dernier ne font pas obstacle à la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire au contradictoire des constructeurs concernés par les désordres, d'autant que celle-ci permettra de fonder la décision du juge du fond.

Ainsi, l'existence d'un procès en germe étant établie à l'encontre de la société DP.r, il y a lieu de confirmer l'ordonnance en qu'elle a ordonné une mesure d'expertise.

Sur la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement

La société [Adresse 8] [Adresse 9] demande que la société DP.r soit condamnée à lever les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement listés dans 'l'état des GPA' mis à jour au 14 septembre 2022 et repris en pièce 34.

Elle indique que les principaux désordres survenus durant l'année de parfait achèvement, non levés par l'appelante, consistaient en des fuites à répétition sur la verrière côté [Adresse 3], des fissures dans les zones patrimoniales aux étages R+2 et R+3 et en sous-face du porche du [Adresse 3] et affectaient les revêtements de façades aux droits des verrières du 7 et du 9, ajoutant, sans préciser lesquels, que certains de ces désordres ont été levés.

Il ressort de la note aux parties n° 1 du 8 août 2022 que l'expert judiciaire a constaté, au début de ses opérations, que les réserves formulées à la réception avaient été intégralement levées et qu'il subsistait au titre des réserves postérieures, outre les infiltrations en sous-sol faisant l'objet d'un traitement au titre de l'assurance dommage ouvrage,

un défaut de déclenchement de l'alarme anti-intrusion qui était en cours de traitement ;

des décollements d'enduits au-dessus des verrières en couverture des patios ayant fait l'objet de reprises restées infructueuses selon l'intimée, pour lesquels la société Dumez IDF ne se considérait pas concernée, celle-ci imputant le désordre au mur mitoyen dont la protection côté avoisinant ne serait pas assurée contre les infiltrations et migrations d'eau ;

une problématique de déficience de climatisation concernant une zone de bureaux, contestée par la société Dumez IDF et relevant, selon elle, de la maintenance.

Ces trois derniers désordres sont listés en pièce 34 comme n'ayant pas été levés par l'appelante puisqu'ils sont contestés par elle.

La société DP.r soutient que le dysfonctionnement de la climatisation a été réparé et produit pour justifier le dire n°3 de l'intimée en date du 9 novembre 2022 dans lequel il est indiqué 'les travaux réparatoires de climatisation réversible défaillants ont été réalisés'.

Ainsi, il résulte de la note aux parties n° 1 et de ce dire que les dysfonctionnements de l'alarme anti-intrusion et de la climatisation apparaissent avoir été levés.

S'agissant des revêtements de façades, l'obligation de la société DP.r au titre de la reprise de ce désordre n'apparaît pas établie avec toute l'évidence requise en référé au regard des contestations émises sur son origine et de la mesure d'instruction en cours qui permettra de déterminer sa cause et son imputabilité.

Il convient donc, confirmant l'ordonnance entreprise de ce chef, de rejeter cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Au regard de l'issue du litige en appel, chacune des parties conservera la charge des dépens exposés tant en première instance qu'en appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise, rejeté les demandes de la société [Adresse 8] [Adresse 9] tendant à l'octroi d'une provision au titre du préjudice financier et à la levée des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement et rejeté les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;

L'infirme en ses autres dispositions dont il a été fait appel, relatives à la demande de provision formée par la société DP.r et aux dépens ;

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,

Condamne la société [Adresse 8] [Adresse 9] à payer à la société DP.r la somme provisionnelle de 667.845,37 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points depuis le 20 juillet 2021, au titre de la situation de travaux n°20 ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Dit que chacune des parties supportera les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT