Décisions
CA Versailles, 12e ch., 7 septembre 2023, n° 22/00028
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/00028 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U5SE
AFFAIRE :
[T] [V] veuve [M]
C/
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux du TJ de VERSAILLES
N° RG : 21/02116
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Dan ZERHAT
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [T] [V] veuve [M]
née le 28 Mai 1930 à [Localité 4] (92)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Sabrina LEULMI et Me Elodie MARCET de l'AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J082
APPELANTE
****************
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
RCS Paris n° 382 900 942
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 et Me Jean-Pierre DUGAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d'un acte authentique en date du 21 juillet 2000, M. [M] et Mme [T] [V], son épouse, ont consenti à la société Caisse d'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France, ci-après dénommée la Caisse d'Epargne, un bail commercial à effet du 1er septembre 2000 portant sur des locaux situés [Adresse 9] (78), à destination d'agence bancaire, pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel de 260.000 francs hors taxes et hors charges.
A la suite du décès de son époux en 2008, Mme [V] est seule propriétaire de l'immeuble objet du bail.
Par acte délivré le 13 mars 2017, la Caisse d'Epargne a signifié au bailleur une demande de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2017 moyennant un loyer annuel de 30.000 € hors taxes et hors charges.
Suivant courrier en date du 13 juin 2017, Mme [V] a décliné cette offre et a proposé que le montant du loyer renouvelé soit fixé à la somme de 60.000 € par an.
Par lettre recommandée en date du 14 septembre 2017, la Caisse d'Epargne a notifié à Mme [V] un mémoire préalable tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2017 à la somme de 30.000 € par an en principal.
Aucun accord n'est intervenu entre les parties.
Par acte d'huissier en date du 31 janvier 2018, la Caisse D'Epargne a fait assigner Mme [V] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles afin de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 30.000 € par an.
Par jugement en date du 19 juillet 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles a :
- Déclaré irrecevables devant le juge des loyers commerciaux les demandes de la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France concernant la date à compter de laquelle le bail a été renouvelé, la durée du bail renouvelé et la reconduction des clauses et charges du bail expiré ;
- Dit que le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 n'est pas soumis à la règle du plafonnement de l'article L145-34 alinéa 1er du code de commerce et sera fixé par référence à la valeur locative ;
Avant dire droit sur le montant du loyer du bail renouvelé ;
- Ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [P] [U] ;
- Sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Réservé les dépens.
L'expert a déposé son rapport le 31 mai 2019. Il a conclu à une valeur locative de marché annuelle hors charges, en renouvellement au 1er avril 2017, de 47.000 €, soit 264 €/m² utile et 350 €/m²P.
Par jugement du 15 novembre 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles a :
- Déclaré irrecevables devant le juge des loyers commerciaux les demandes portant sur la durée du bail renouvelé et la reconduction des clauses, charges et conditions du bail échu ;
- Rejeté la demande de Mme [V] veuve [M] tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé, au 1er avril 2017, à la valeur locative contractuelle ;
- Fixé à la somme annuelle de 37.958,25 € hors taxes et hors charges, le montant du loyer renouvelé au 1er avril 2017 des locaux situés [Adresse 9] (78);
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France tendant à voir dire et juger qu'aucun intérêt de droit ne sera du à compter du 1er avril 2017 et que lesdits intérêts ne seront pas capitalisés ;
- Rappelé que le présent jugement vaut titre exécutoire ;
- Rejeté la demande d'indemnisation formée par la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France au titre de ses frais irrépétibles ;
- Partagé par moitié entre les parties les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 30 décembre 2021, Mme [V] veuve [M] a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, Mme [V] veuve [M] demande à la cour de :
- Déclarer l'appelante recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux exclusivement en ce qu'il a fixé à la somme annuelle de 37.958,25 € HT et HC le montant du loyer renouvelé au 1er avril 2017 des locaux situés [Adresse 9];
Statuant à nouveau,
- Fixer le loyer du bail renouvelé des locaux situés [Adresse 9] à effet du 1er avril 2017, à la somme annuelle de 51.197,30 € HT et HC ;
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux pour le surplus ;
- Condamner la Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile De France à payer à Mme [V] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'intimée en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Me Ricard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2023, la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement de première instance en date du 15 novembre 2021 en ce qu'il a fixé
le loyer de renouvellement à la somme annuelle de base en principal de 35.475 €, et dire n'y
avoir lieu à majorations complémentaires ;
- Dire et juger qu'il n'y a lieu à statuer sur les intérêts de retard à compter du 1er avril 2017, en
application des dispositions des articles 1231 et 1231-1 à 1231-7 du code civil, et sur la capitalisation des intérêts qui ne porteront pas eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamner le bailleur au paiement d'une somme de 10.000 € par application des dispositions
de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance
et ceux d'appel dont distraction par Me Dan Zerhat conformément à l'article 699 du code de procédure civil, en ce compris les frais d'expertise pour leur totalité, infirmant de ce chef le jugement de première instance.
A titre subsidiaire, demande à la cour de bien vouloir :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance en date du 15 novembre 2021 en ce qu'il a fixé le loyer de renouvellement toutes majorations comprises à la
somme en principal de 37.958,25 € hors charges, à compter du 1er avril 2017 ;
- Dire et juger qu'il n'y a lieu à statuer sur les intérêts de retard à compter du 1er avril 2017, en
application des dispositions des articles 1231 et 1231-1 à 1231-7 du code civil, et sur la capitalisation des intérêts qui ne porteront pas eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamner le bailleur au paiement d'une somme de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction par Me Dan Zerhat conformément à l'article 699 du code de procédure civil.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
L'appelante fait valoir qu'en vertu d'une jurisprudence constante, les locaux loués à des agences bancaires sont assimilés à des locaux à usage exclusif de bureau, de sorte que le loyer du bail renouvelé, ou révisé, doit être fixé sur le fondement des dispositions de l'article R. 145-11 du code de commerce. Elle expose que les locaux sont situés à [Localité 8], commune qui se caractérise par le pouvoir d'achat élevé de ses habitants, dans la rue principale qui est la plus commerçante.
Concernant la surface, Mme [V] explique que le preneur a installé des cloisons qui réduisent la surface utile. Elle indique que le premier juge n'a pas appliqué la méthodologie préconisée par la Charte de l'expertise concernant :
- le local affecté au distributeur automatique de billets (DAB) qui selon elle doit être affecté d'un coefficient de 1 dès lors qu'il se situe à moins de 5 mètres de l'entrée constitue un élément essentiel de la clientèle ;
- la zone d'accueil qui selon elle doit être affectée d'un coefficient de 0,9 dès lors qu'elle se situe à moins de 5 ou 10 mètres de la vitrine et qu'elle sert de salle d'attente et de passage de la clientèle.
Elle estime donc que la surface pondérée est de 134,20 m²P.
Concernant le prix unitaire, la bailleresse considère qu'au regard des références qu'elle produit, de la situation très favorable des locaux situés dans une commune à pouvoir d'achat élevé, en plein centre-ville dans la rue principale la plus commerçante, de la superficie et du bon état d'usage et d'entretien des locaux, ainsi que des éléments d'équipement tels que la climatisation, un prix unitaire de 350€/m2P est justifié, faisant ainsi ressortir une valeur locative brute de 46.970 €.
Mme [V] fait encore valoir que le bail comporte une clause autorisant le preneur à créer une issue de secours débouchant sur les parties communes, qui doit s'analyser en clause exorbitante de droit commun, justifiant une majoration de la valeur locative de 6%.
Enfin, elle indique que la création d'un puits de lumière valorise le fonds de commerce et constitue une plus-value pour ces locaux compte tenu de leur configuration, justifiant une majoration de 3% sur la valeur locative.
Elle demande donc à la cour de fixer la valeur locative à la somme de 51.197,30 € HT et HC par an.
La Caisse d'Epargne répond que le montant du loyer doit être fixé en application des dispositions des articles L.145-36, R.145-11 et R.145-7 alinéa 2 du code de commerce. Elle considère qu'il convient de retenir une surface de 176,12 m² au regard du plan du géomètre-expert. Elle estime que l'expert, qui a à juste titre rappelé que les locaux à usage bancaire sont communément considérés comme des " bureaux boutiques ", donc soumis à pondération, n'a pas appliqué à tort la pondération aux espaces ouverts à la clientèle. L'intimée demande à la cour de confirmer la surface pondérée retenue par le premier juge, ainsi que la répartition des espaces qu'il a effectuée et la pondération qu'il a appliquée. Elle souligne que le DAB ne constitue pas une zone de vente et fait partie des annexes, justifiant, en application de la charte de l'expertise le coefficient de 0,4 retenu par le tribunal. Concernant la zone d'accueil, la Caisse d'Epargne explique qu'elle regroupe trois fonctions, l'accueil, l'attente et le passage de la clientèle, justifiant ainsi la pondération à 0,7.
L'intimée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a entériné l'évaluation de l'expert à 330 € par m²P au regard de diverses références avoisinantes.
La Caisse d'Epargne sollicite également la confirmation du prix de base de la valeur locative de renouvellement fixé par le premier juge. En revanche, elle s'oppose à la majoration retenue au titre de la sortie de secours, qui n'est pas un accès vers les locaux loués et ne donne aucun droit de jouissance permanent au couloir commun. L'intimée souligne que ce droit de sortie et non d'usage est indispensable à l'exploitation des locaux loués au regard des règles de sécurité. S'agissant du puits de lumière, la Caisse d'Epargne explique qu'il résulte des travaux autorisés par le bailleur lors de son installation, de sorte qu'il doit être considéré comme inclus dans les données locatives, sans avantage supplémentaire. Elle estime en tout état de cause que la majoration au titre du puits de lumière ne peut excéder 3%. Elle sollicite donc, à titre principal, la fixation du prix du loyer à la somme de 35.475 € et subsidiairement, la confirmation du jugement sur ce point.
*****
Sur le loyer du bail renouvelé
L'article L.145-33 du code de commerce dispose que :
" Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° - Les caractéristiques du local considéré ;
2° - La destination des lieux ;
3° - Les obligations respectives des parties ;
4° - Les facteurs locaux de commercialité ;
5° - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ".
L'article L.145-36 alinéa 1er du même code prévoit que :
" Les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'État ".
L'article R.145-11 du code précité énonce que:
" Le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureau est fixé par référence au prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence ".
Enfin, l'article R.145-7 du code susvisé précise que : " Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation ".
Sur la destination des lieux
En l'espèce, les locaux sont destinés à l'activité d'agence bancaire.
Le premier juge a rappelé à juste titre que les agences bancaires relèvent de la catégorie des bureaux de par leur activité essentiellement comptable, administrative et juridique, non affectée par la réception de clients et sont donc assujetties aux dispositions de l'article R.145-11 précité, ce dont conviennent les parties.
Le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 doit donc être fixé par référence à la valeur locative.
Sur les caractéristiques des locaux
Le local commercial est situé au rez-de-chaussée d'un immeuble comportant deux étages. Il dispose d'un linéaire de 5,50 mètres environ. Il est accessible depuis l'extérieur par une porte vitrée à laquelle on accède par une marche. La porte mène à un sas où se situe le DAB et à une seconde porte vitrée automatique donnant accès au hall d'accueil à la suite duquel se trouvent quatre bureaux en aveugle délimités par des cloisons amovibles, un local administratif destiné aux archives et à la photocopieuse, un local destiné au personnel, des sanitaires, un local technique et un couloir d'issue de secours.
Les locaux, équipés d'une alarme et d'une climatisation réversible sont en bon état d'entretien général.
Le bail commercial conclu le 21 juillet 2000 entre les époux [M] et la Caisse d'Epargne mentionne une superficie des locaux de 184 m² :
" Désignation des lieux loués :
Une boutique sise à [Adresse 9], comprenant : au rez-de-chaussée, un local à usage d'agence bancaire d'une superficie de 184 m2 environ.
Figurant sous liseré rose au plan ci-annexé ".
Cependant, le plan annexé ne fournit aucun détail concernant la surface calculée et comme l'a pertinemment relevé le premier juge, il comporte la mention suivante : " Les surfaces sont à vérifier ".
Le plan établi par le géomètre [R] en février 2019 s'avère beaucoup plus précis et il convient de s'y reporter comme l'a à juste titre fait l'expert.
Il en ressort que la surface des locaux se décompose comme suit :
Surfaces accessibles à la clientèle : 119,67 m²
- hall d'entrée : 15,65 m²,
- accueil : 61,98 m²,
- bureaux : 42,04 m² (11,63 + 9,97 + 9,76 + 10,68).
Surfaces non-accessibles à la clientèle : 56,45 m²
- local DAB son local d'accès (local 1) : 15 m² (11 + 4),
- local 2 : 9,75 m²,
- local technique : 2,20 m²,
- sanitaires : 2,60 m² (1,39 + 1,21),
- dégagements : 11,44 m² (8,88 + 2,56),
- cuisine : 9,62 m²,
- couloir : 5,40 m²,
- placard : 0,44 m².
Il résulte de ces éléments que la surface totale des locaux s'élève à 176,12 m², contrairement à ce qu'a retenu l'expert judiciaire.
Après avoir rappelé à juste titre que les agences bancaires sont considérées comme des bureaux-boutiques, l'expert [U] en déduit que les surfaces qui sont destinées à l'accueil de la clientèle n'ont pas à être pondérées. Or, les parties conviennent de ce que ces surfaces doivent être soumises à pondération conformément aux recommandations de la Charte de l'expertise en évaluation immobilière de mars 2017 et aux usages.
La pondération de la surface des locaux sera donc appréciée en référence à la 7ème édition de la charte de l'expertise applicable depuis le 1er juillet 2015 pour les boutiques d'une surface inférieure à 600 m².
Les parties s'opposent quant à la pondération à appliquer au local DAB et à la zone d'accueil des clients.
Concernant le local DAB, situé dans la première zone des 5 mètres de profondeur à compter de la vitrine, les photographies figurant en page 23 du rapport d'expertise établissent qu'il n'est pas accessible au public contrairement à ce que soutient la bailleresse. Ce local, qui relève de la catégorie des " annexes diverses (réserves, locaux sociaux et techniques) " aux termes de la charte précitée, revêt un intérêt essentiel pour l'activité de la banque, justifiant l'application du coefficient de pondération maximal de 0,4, comme l'a décidé le premier juge. Mme [V] invoque vainement un rapport d'expertise et une décision de justice communiqués en pièce n°12-1 par l'intimée, qui auraient affecté à ce type de local un coefficient de 1, alors qu'il ressort de ces documents que les surfaces annexes comprenant le local d'accès des convoyeurs aux DAB ont été affectées d'un coefficient de 0,4. Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu un coefficient de pondération de 0,4 pour le local DAB.
S'agissant de la zone d'accueil, il ressort du plan du géomètre [R] qu'elle est située pour une très faible partie dans la zone des 5 mètres de profondeur à compter de la vitrine, pour une partie conséquente dans la zone des 10 mètres de profondeur à compter de la vitrine et pour une dernière partie, dans la zone comprise entre 10 et 20 mètres de profondeur à compter de la vitrine. Cet espace assure à la fois la fonction d'accueil des clients, mais également de salle d'attente et de zone de circulation pour la clientèle et les personnels vers les bureaux et les locaux sociaux réservés à ces derniers. Ces multiples destinations présentent un intérêt particulier pour l'activité de la banque. Ces éléments justifient l'application d'un coefficient de pondération de 0,8. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Les autres pondérations retenues par le premier juge ne sont pas sujettes à contestation des parties et apparaissent justifiées, au regard de la charte de l'expertise, par la configuration des lieux et l'intérêt présenté par chaque espace pour l'activité commerciale exploitée au sein des locaux. Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a appliqué un coefficient de 1 pour le hall d'entrée, de 0,8 pour les quatre bureaux, de 0,3 pour le couloir d'accès à la sortie de secours et de 0,2 pour les espaces sociaux réservés au personnel, les locaux techniques et le placard.
Il résulte de ces éléments que la surface pondérée doit être évaluée à 113,69 m²P.
Sur les facteurs locaux de commercialité
Les opérations d'expertise ont permis d'établir que l'agence bancaire de la Caisse d'Epargne se situe à [Localité 8], commune des Yvelines de 15.000 habitants à pouvoir d'achat élevé, à 18 kilomètres à l'Ouest de [Localité 3], 6 kilomètres de [Localité 12] et 14 kilomètres de [Localité 14]. La ville est desservie par cinq lignes de bus la reliant aux gares RER du Vésinet, de [Localité 5] et de [Localité 6]. Deux lignes de bus disposent d'un arrêt à environ 125 mètres de l'agence bancaire.
Le local commercial est implanté au c'ur du centre-ville historique, dans la [Adresse 9] qui est la rue principale et la plus commerçante de [Localité 8]. Elle comporte en effet de nombreux commerces de proximité, tels qu'une pharmacie, des boulangeries, une boucherie, un primeur, un bar-tabac, un opticien, un magasin de prêt à porter, ainsi que plusieurs autres agences bancaires ' Il s'agit d'une bonne situation au regard de l'activité comme l'a noté l'expert, qui a toutefois relevé l'existence d'un important centre commercial dans le quartier de la Borde en direction de [Localité 13] et une assez forte concurrence à proximité de la Caisse d'Epargne (LCL, CIC, BNP Paribas, Banque Populaire).
Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
Le premier juge a rappelé tant la méthode utilisée par l'expert pour évaluer le prix unitaire de 330 € m²P que l'ensemble des références qu'il a évoquées, regroupées en trois types : les références des commerces de villes mitoyennes avec une destination différente, celles de villes mitoyennes avec une activité similaire et celles de villes mitoyennes avec une activité similaire et celles situées dans la même rue que les locaux pris à bail.
Plusieurs de ces références ne s'avèrent pas pertinentes, dès lors que les surfaces concernées sont trop éloignées de celle louée par la caisse d'Epargne. Au surplus, l'expert ne communique pas de précisions concernant les facteurs locaux de commercialité, l'état d'entretien et les éventuelles caractéristiques propres des références citées en dehors de celles situées dans la même rue que l'agence bancaire de l'intimée, ce qui rend les données difficilement exploitables. Enfin, pour certaines références, la date de fixation du loyer n'est pas précisée.
Néanmoins, les références suivantes peuvent être retenues :
- les locaux exploités par la société Hair Roncq à [Localité 13], d'une surface de 109 m², à destination de salon de coiffure, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2013 à la somme de 424 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Lissac Optique à [Localité 13], d'une surface de 92 m², à destination de commerce d'optique, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 373 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Optic 2000 à [Localité 5], d'une surface de 85 m², à destination de commerce d'optique, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2016 à la somme de 282 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Nicolas à [Localité 5], d'une surface de 82 m², à destination de vente de vins et spiritueux, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2015 à la somme de 486 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Picard Surgelés à [Localité 13], d'une surface de 151 m², à destination de commerce de produits alimentaires surgelés, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2017 à la somme de 230 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Nicolas au Vésinet, d'une surface de 86 m², à destination de vente de vins et spiritueux, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2016 à la somme de 301 €/m²P,
- les locaux exploités par le CIC à [Localité 13], d'une surface de 165 m², à destination d'agence bancaire, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 216 €/m²P,
- les locaux exploités par le CIC à [Localité 13], d'une surface de 165 m², à destination d'agence bancaire, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 216 €/m²P,
- les locaux exploités par la BNP Paribas à [Localité 6] [Localité 13], d'une surface de 165 m², à destination d'agence bancaire ; le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2014 à la somme de 318 €/m²P,
- les locaux exploités par la Société Générale à [Localité 13], d'une surface de 71 m², à destination d'agence bancaire; le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2017 à la somme de 288 €/m²P.
- les locaux exploités par le Crédit Agricole, [Adresse 11], à destination d'agence bancaire, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 260 €/m²P, étant toutefois relevé, comme l'a souligné le premier juge, que la surface des locaux est de 270 m²P, soit plus du double de la surface de l'agence bancaire de la Caisse d'Epargne.
L'expert précise n'avoir recensé aucune décision judiciaire récente portant sur des locaux de même type et activité à proximité et évoque à titre informatif une décision rendue en 2013 concernant une agence immobilière de 66 m²P à [Adresse 7], ayant fixé le loyer renouvelé au 1er octobre 2010 à la somme de 25.000 € avec une valeur indexée au 1er avril 2017 à 27.420 €, soit 415 € /m²P. Cependant, la surface de ce local s'avère de moitié plus petite que celle louée par la Caisse d'Epargne.
Mme [V] demande à la cour d'écarter les références se rapportant à des activités non similaires à celle exploitée par la Caisse d'Epargne. Toutefois, il doit être rappelé qu'en application de l'article R.145-7 du code de commerce, à défaut d'équivalence des références proposées, les prix peuvent être utilisés à titre indicatif sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les baux conclus entre 2012 et 2020 dont se prévaut la bailleresse concernant une boutique de 25 m² et 20 m²P, dont elle est propriétaire [Adresse 10], ont été à juste titre écartées par le premier juge, dès lors qu'il s'agit de baux de courte durée et donc précaires et dérogeant au statut des baux commerciaux. Aussi, le loyer fixé en 2020 la somme de 600 € le m² n'apparaît pas être un élément de comparaison pertinent.
Si Mme [V] se prévaut de la conclusion d'un bail conclu sur ce même local commercial le 13 janvier 2023, il doit être rappelé que la valeur locative des locaux exploités par la Caisse Epargne doit être fixée au 1er avril 2017, de sorte que ce bail, postérieur de près de 6 ans à cette date, ne peut être pris en compte.
Sur le prix unitaire
Au regard de l'ensemble des éléments précédemment développés concernant les caractéristiques des locaux, la destination des lieux, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage, il convient, par confirmation du jugement sur ce point, de fixer la valeur locative des locaux pris à bail par la Caisse d'Epargne au 1er avril 2017 à la somme de 330 €/m²P.
Sur les majorations
Mme [V] demande à la cour de majorer le loyer au titre d'une part de la sortie de secours et d'autre part du puit de lumière.
- Sur la majoration au titre de la sortie de secours
Mme [V] sollicite l'entérinement du rapport d'expertise par l'application d'une majoration de 6 % au titre de la clause du bail autorisant le preneur à créer une issue de secours débouchant sur les parties communes de l'immeuble, cette clause devant, selon elle s'analyser en une clause exorbitante du droit commun
Il n'est pas contesté que le preneur a été autorisé aux termes du bail à créer au fond du local commercial une sortie de secours donnant sur un passage qui, appartenant aux parties communes de l'immeuble, permet de rejoindre la [Adresse 9].
Le premier juge a à juste titre considéré que cette clause doit s'analyser en une clause exorbitante du droit commun en ce qu'elle a pour effet de grever l'immeuble d'une servitude de passage au bénéfice du preneur.
Néanmoins, la cour relève que pour réclamer une majoration de 6 %, Mme [V] se fonde sur un article paru dans la revue AJDI de 2018 qui est rappelé en page 43 du rapport d'expertise. Toutefois, cette majoration correspond à un droit de jouissance du preneur sur une partie privative ou commune, alors qu'en l'espèce, la création de la sortie de secours ne génère qu'un droit de passage exceptionnel exclusivement dédié à l'évacuation des occupants de l'agence bancaire en cas d'incendie.
Si la Caisse d'Epargne soutient que la sortie de secours est indispensable à l'exploitation, des locaux loués au regard des règles de sécurité, elle ne justifie pas cette affirmation.
En conséquence, la majoration sera limitée à 1%. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
- Sur la majoration au titre du puits de lumière
Il est constant que lors de la prise à bail des locaux, la Caisse d'Epargne a été autorisée à créer un puits de lumière qui a permis d'apporter la lumière naturelle au sein des locaux.
Si la Caisse d'Epargne considère que le puit de lumière doit être considéré comme inclus dans les données locatives et donc comme contractuellement consenti, il doit être souligné que les travaux n'ont pu être réalisés que postérieurement à la conclusion du bail et qu'en conséquence, le loyer a été fixé sans qu'il en soit tenu compte.
En application de l'article R145-8 du code de commerce, le bailleur ne peut se prévaloir des travaux d'aménagement réalisés par le preneur pour majorer le loyer que s'ils sont devenus sa propriété par accession et seulement à compter du second renouvellement.
Aux termes du bail, il est prévu que 'Tous travaux, embellissements et améliorations quelconques qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur deviendront à la fin de la jouissance quel qu'en soit le motif, la propriété de ce dernier, sans indemnité ...'.
Dès lors que l'accession est contractuellement repoussée à la fin, non pas du bail, mais de la jouissance, c'est à dire au jour où le locataire quittera les lieux, la bailleresse ne peut prétendre, dans le cadre du renouvellement du bail, à aucune majoration de loyer au titre du puits de lumière.
*
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 doit être fixé à la somme de 37.892,88 € (113,69 m²P x 330 €) + 1 %.
La cour constate qu'il n'a pas été interjeté appel du chef du jugement disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la Caisse d'Epargne tendant à voir dire et juger qu'aucun intérêt de droit ne sera dû à compter du 1er avril 2017 et que lesdits intérêts ne seront pas capitalisés.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, dès lors que les parties succombent toutes deux partiellement, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge de leurs dépens d'appel et de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions relative au montant du loyer du bail renouvelé ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Fixe à la somme annuelle de 37.892,88 € hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 des locaux situés [Adresse 9] (78);
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
DE
VERSAILLES
Code nac : 30C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/00028 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U5SE
AFFAIRE :
[T] [V] veuve [M]
C/
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux du TJ de VERSAILLES
N° RG : 21/02116
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Dan ZERHAT
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [T] [V] veuve [M]
née le 28 Mai 1930 à [Localité 4] (92)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Sabrina LEULMI et Me Elodie MARCET de l'AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J082
APPELANTE
****************
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
RCS Paris n° 382 900 942
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 et Me Jean-Pierre DUGAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d'un acte authentique en date du 21 juillet 2000, M. [M] et Mme [T] [V], son épouse, ont consenti à la société Caisse d'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France, ci-après dénommée la Caisse d'Epargne, un bail commercial à effet du 1er septembre 2000 portant sur des locaux situés [Adresse 9] (78), à destination d'agence bancaire, pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel de 260.000 francs hors taxes et hors charges.
A la suite du décès de son époux en 2008, Mme [V] est seule propriétaire de l'immeuble objet du bail.
Par acte délivré le 13 mars 2017, la Caisse d'Epargne a signifié au bailleur une demande de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2017 moyennant un loyer annuel de 30.000 € hors taxes et hors charges.
Suivant courrier en date du 13 juin 2017, Mme [V] a décliné cette offre et a proposé que le montant du loyer renouvelé soit fixé à la somme de 60.000 € par an.
Par lettre recommandée en date du 14 septembre 2017, la Caisse d'Epargne a notifié à Mme [V] un mémoire préalable tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2017 à la somme de 30.000 € par an en principal.
Aucun accord n'est intervenu entre les parties.
Par acte d'huissier en date du 31 janvier 2018, la Caisse D'Epargne a fait assigner Mme [V] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles afin de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 30.000 € par an.
Par jugement en date du 19 juillet 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles a :
- Déclaré irrecevables devant le juge des loyers commerciaux les demandes de la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France concernant la date à compter de laquelle le bail a été renouvelé, la durée du bail renouvelé et la reconduction des clauses et charges du bail expiré ;
- Dit que le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 n'est pas soumis à la règle du plafonnement de l'article L145-34 alinéa 1er du code de commerce et sera fixé par référence à la valeur locative ;
Avant dire droit sur le montant du loyer du bail renouvelé ;
- Ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [P] [U] ;
- Sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Réservé les dépens.
L'expert a déposé son rapport le 31 mai 2019. Il a conclu à une valeur locative de marché annuelle hors charges, en renouvellement au 1er avril 2017, de 47.000 €, soit 264 €/m² utile et 350 €/m²P.
Par jugement du 15 novembre 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles a :
- Déclaré irrecevables devant le juge des loyers commerciaux les demandes portant sur la durée du bail renouvelé et la reconduction des clauses, charges et conditions du bail échu ;
- Rejeté la demande de Mme [V] veuve [M] tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé, au 1er avril 2017, à la valeur locative contractuelle ;
- Fixé à la somme annuelle de 37.958,25 € hors taxes et hors charges, le montant du loyer renouvelé au 1er avril 2017 des locaux situés [Adresse 9] (78);
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France tendant à voir dire et juger qu'aucun intérêt de droit ne sera du à compter du 1er avril 2017 et que lesdits intérêts ne seront pas capitalisés ;
- Rappelé que le présent jugement vaut titre exécutoire ;
- Rejeté la demande d'indemnisation formée par la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France au titre de ses frais irrépétibles ;
- Partagé par moitié entre les parties les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 30 décembre 2021, Mme [V] veuve [M] a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, Mme [V] veuve [M] demande à la cour de :
- Déclarer l'appelante recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux exclusivement en ce qu'il a fixé à la somme annuelle de 37.958,25 € HT et HC le montant du loyer renouvelé au 1er avril 2017 des locaux situés [Adresse 9];
Statuant à nouveau,
- Fixer le loyer du bail renouvelé des locaux situés [Adresse 9] à effet du 1er avril 2017, à la somme annuelle de 51.197,30 € HT et HC ;
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux pour le surplus ;
- Condamner la Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile De France à payer à Mme [V] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'intimée en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Me Ricard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2023, la société Caisse D'Epargne Et De Prévoyance D'Ile de France demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement de première instance en date du 15 novembre 2021 en ce qu'il a fixé
le loyer de renouvellement à la somme annuelle de base en principal de 35.475 €, et dire n'y
avoir lieu à majorations complémentaires ;
- Dire et juger qu'il n'y a lieu à statuer sur les intérêts de retard à compter du 1er avril 2017, en
application des dispositions des articles 1231 et 1231-1 à 1231-7 du code civil, et sur la capitalisation des intérêts qui ne porteront pas eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamner le bailleur au paiement d'une somme de 10.000 € par application des dispositions
de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance
et ceux d'appel dont distraction par Me Dan Zerhat conformément à l'article 699 du code de procédure civil, en ce compris les frais d'expertise pour leur totalité, infirmant de ce chef le jugement de première instance.
A titre subsidiaire, demande à la cour de bien vouloir :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance en date du 15 novembre 2021 en ce qu'il a fixé le loyer de renouvellement toutes majorations comprises à la
somme en principal de 37.958,25 € hors charges, à compter du 1er avril 2017 ;
- Dire et juger qu'il n'y a lieu à statuer sur les intérêts de retard à compter du 1er avril 2017, en
application des dispositions des articles 1231 et 1231-1 à 1231-7 du code civil, et sur la capitalisation des intérêts qui ne porteront pas eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamner le bailleur au paiement d'une somme de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction par Me Dan Zerhat conformément à l'article 699 du code de procédure civil.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
L'appelante fait valoir qu'en vertu d'une jurisprudence constante, les locaux loués à des agences bancaires sont assimilés à des locaux à usage exclusif de bureau, de sorte que le loyer du bail renouvelé, ou révisé, doit être fixé sur le fondement des dispositions de l'article R. 145-11 du code de commerce. Elle expose que les locaux sont situés à [Localité 8], commune qui se caractérise par le pouvoir d'achat élevé de ses habitants, dans la rue principale qui est la plus commerçante.
Concernant la surface, Mme [V] explique que le preneur a installé des cloisons qui réduisent la surface utile. Elle indique que le premier juge n'a pas appliqué la méthodologie préconisée par la Charte de l'expertise concernant :
- le local affecté au distributeur automatique de billets (DAB) qui selon elle doit être affecté d'un coefficient de 1 dès lors qu'il se situe à moins de 5 mètres de l'entrée constitue un élément essentiel de la clientèle ;
- la zone d'accueil qui selon elle doit être affectée d'un coefficient de 0,9 dès lors qu'elle se situe à moins de 5 ou 10 mètres de la vitrine et qu'elle sert de salle d'attente et de passage de la clientèle.
Elle estime donc que la surface pondérée est de 134,20 m²P.
Concernant le prix unitaire, la bailleresse considère qu'au regard des références qu'elle produit, de la situation très favorable des locaux situés dans une commune à pouvoir d'achat élevé, en plein centre-ville dans la rue principale la plus commerçante, de la superficie et du bon état d'usage et d'entretien des locaux, ainsi que des éléments d'équipement tels que la climatisation, un prix unitaire de 350€/m2P est justifié, faisant ainsi ressortir une valeur locative brute de 46.970 €.
Mme [V] fait encore valoir que le bail comporte une clause autorisant le preneur à créer une issue de secours débouchant sur les parties communes, qui doit s'analyser en clause exorbitante de droit commun, justifiant une majoration de la valeur locative de 6%.
Enfin, elle indique que la création d'un puits de lumière valorise le fonds de commerce et constitue une plus-value pour ces locaux compte tenu de leur configuration, justifiant une majoration de 3% sur la valeur locative.
Elle demande donc à la cour de fixer la valeur locative à la somme de 51.197,30 € HT et HC par an.
La Caisse d'Epargne répond que le montant du loyer doit être fixé en application des dispositions des articles L.145-36, R.145-11 et R.145-7 alinéa 2 du code de commerce. Elle considère qu'il convient de retenir une surface de 176,12 m² au regard du plan du géomètre-expert. Elle estime que l'expert, qui a à juste titre rappelé que les locaux à usage bancaire sont communément considérés comme des " bureaux boutiques ", donc soumis à pondération, n'a pas appliqué à tort la pondération aux espaces ouverts à la clientèle. L'intimée demande à la cour de confirmer la surface pondérée retenue par le premier juge, ainsi que la répartition des espaces qu'il a effectuée et la pondération qu'il a appliquée. Elle souligne que le DAB ne constitue pas une zone de vente et fait partie des annexes, justifiant, en application de la charte de l'expertise le coefficient de 0,4 retenu par le tribunal. Concernant la zone d'accueil, la Caisse d'Epargne explique qu'elle regroupe trois fonctions, l'accueil, l'attente et le passage de la clientèle, justifiant ainsi la pondération à 0,7.
L'intimée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a entériné l'évaluation de l'expert à 330 € par m²P au regard de diverses références avoisinantes.
La Caisse d'Epargne sollicite également la confirmation du prix de base de la valeur locative de renouvellement fixé par le premier juge. En revanche, elle s'oppose à la majoration retenue au titre de la sortie de secours, qui n'est pas un accès vers les locaux loués et ne donne aucun droit de jouissance permanent au couloir commun. L'intimée souligne que ce droit de sortie et non d'usage est indispensable à l'exploitation des locaux loués au regard des règles de sécurité. S'agissant du puits de lumière, la Caisse d'Epargne explique qu'il résulte des travaux autorisés par le bailleur lors de son installation, de sorte qu'il doit être considéré comme inclus dans les données locatives, sans avantage supplémentaire. Elle estime en tout état de cause que la majoration au titre du puits de lumière ne peut excéder 3%. Elle sollicite donc, à titre principal, la fixation du prix du loyer à la somme de 35.475 € et subsidiairement, la confirmation du jugement sur ce point.
*****
Sur le loyer du bail renouvelé
L'article L.145-33 du code de commerce dispose que :
" Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° - Les caractéristiques du local considéré ;
2° - La destination des lieux ;
3° - Les obligations respectives des parties ;
4° - Les facteurs locaux de commercialité ;
5° - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ".
L'article L.145-36 alinéa 1er du même code prévoit que :
" Les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'État ".
L'article R.145-11 du code précité énonce que:
" Le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureau est fixé par référence au prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence ".
Enfin, l'article R.145-7 du code susvisé précise que : " Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation ".
Sur la destination des lieux
En l'espèce, les locaux sont destinés à l'activité d'agence bancaire.
Le premier juge a rappelé à juste titre que les agences bancaires relèvent de la catégorie des bureaux de par leur activité essentiellement comptable, administrative et juridique, non affectée par la réception de clients et sont donc assujetties aux dispositions de l'article R.145-11 précité, ce dont conviennent les parties.
Le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 doit donc être fixé par référence à la valeur locative.
Sur les caractéristiques des locaux
Le local commercial est situé au rez-de-chaussée d'un immeuble comportant deux étages. Il dispose d'un linéaire de 5,50 mètres environ. Il est accessible depuis l'extérieur par une porte vitrée à laquelle on accède par une marche. La porte mène à un sas où se situe le DAB et à une seconde porte vitrée automatique donnant accès au hall d'accueil à la suite duquel se trouvent quatre bureaux en aveugle délimités par des cloisons amovibles, un local administratif destiné aux archives et à la photocopieuse, un local destiné au personnel, des sanitaires, un local technique et un couloir d'issue de secours.
Les locaux, équipés d'une alarme et d'une climatisation réversible sont en bon état d'entretien général.
Le bail commercial conclu le 21 juillet 2000 entre les époux [M] et la Caisse d'Epargne mentionne une superficie des locaux de 184 m² :
" Désignation des lieux loués :
Une boutique sise à [Adresse 9], comprenant : au rez-de-chaussée, un local à usage d'agence bancaire d'une superficie de 184 m2 environ.
Figurant sous liseré rose au plan ci-annexé ".
Cependant, le plan annexé ne fournit aucun détail concernant la surface calculée et comme l'a pertinemment relevé le premier juge, il comporte la mention suivante : " Les surfaces sont à vérifier ".
Le plan établi par le géomètre [R] en février 2019 s'avère beaucoup plus précis et il convient de s'y reporter comme l'a à juste titre fait l'expert.
Il en ressort que la surface des locaux se décompose comme suit :
Surfaces accessibles à la clientèle : 119,67 m²
- hall d'entrée : 15,65 m²,
- accueil : 61,98 m²,
- bureaux : 42,04 m² (11,63 + 9,97 + 9,76 + 10,68).
Surfaces non-accessibles à la clientèle : 56,45 m²
- local DAB son local d'accès (local 1) : 15 m² (11 + 4),
- local 2 : 9,75 m²,
- local technique : 2,20 m²,
- sanitaires : 2,60 m² (1,39 + 1,21),
- dégagements : 11,44 m² (8,88 + 2,56),
- cuisine : 9,62 m²,
- couloir : 5,40 m²,
- placard : 0,44 m².
Il résulte de ces éléments que la surface totale des locaux s'élève à 176,12 m², contrairement à ce qu'a retenu l'expert judiciaire.
Après avoir rappelé à juste titre que les agences bancaires sont considérées comme des bureaux-boutiques, l'expert [U] en déduit que les surfaces qui sont destinées à l'accueil de la clientèle n'ont pas à être pondérées. Or, les parties conviennent de ce que ces surfaces doivent être soumises à pondération conformément aux recommandations de la Charte de l'expertise en évaluation immobilière de mars 2017 et aux usages.
La pondération de la surface des locaux sera donc appréciée en référence à la 7ème édition de la charte de l'expertise applicable depuis le 1er juillet 2015 pour les boutiques d'une surface inférieure à 600 m².
Les parties s'opposent quant à la pondération à appliquer au local DAB et à la zone d'accueil des clients.
Concernant le local DAB, situé dans la première zone des 5 mètres de profondeur à compter de la vitrine, les photographies figurant en page 23 du rapport d'expertise établissent qu'il n'est pas accessible au public contrairement à ce que soutient la bailleresse. Ce local, qui relève de la catégorie des " annexes diverses (réserves, locaux sociaux et techniques) " aux termes de la charte précitée, revêt un intérêt essentiel pour l'activité de la banque, justifiant l'application du coefficient de pondération maximal de 0,4, comme l'a décidé le premier juge. Mme [V] invoque vainement un rapport d'expertise et une décision de justice communiqués en pièce n°12-1 par l'intimée, qui auraient affecté à ce type de local un coefficient de 1, alors qu'il ressort de ces documents que les surfaces annexes comprenant le local d'accès des convoyeurs aux DAB ont été affectées d'un coefficient de 0,4. Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu un coefficient de pondération de 0,4 pour le local DAB.
S'agissant de la zone d'accueil, il ressort du plan du géomètre [R] qu'elle est située pour une très faible partie dans la zone des 5 mètres de profondeur à compter de la vitrine, pour une partie conséquente dans la zone des 10 mètres de profondeur à compter de la vitrine et pour une dernière partie, dans la zone comprise entre 10 et 20 mètres de profondeur à compter de la vitrine. Cet espace assure à la fois la fonction d'accueil des clients, mais également de salle d'attente et de zone de circulation pour la clientèle et les personnels vers les bureaux et les locaux sociaux réservés à ces derniers. Ces multiples destinations présentent un intérêt particulier pour l'activité de la banque. Ces éléments justifient l'application d'un coefficient de pondération de 0,8. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Les autres pondérations retenues par le premier juge ne sont pas sujettes à contestation des parties et apparaissent justifiées, au regard de la charte de l'expertise, par la configuration des lieux et l'intérêt présenté par chaque espace pour l'activité commerciale exploitée au sein des locaux. Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a appliqué un coefficient de 1 pour le hall d'entrée, de 0,8 pour les quatre bureaux, de 0,3 pour le couloir d'accès à la sortie de secours et de 0,2 pour les espaces sociaux réservés au personnel, les locaux techniques et le placard.
Il résulte de ces éléments que la surface pondérée doit être évaluée à 113,69 m²P.
Sur les facteurs locaux de commercialité
Les opérations d'expertise ont permis d'établir que l'agence bancaire de la Caisse d'Epargne se situe à [Localité 8], commune des Yvelines de 15.000 habitants à pouvoir d'achat élevé, à 18 kilomètres à l'Ouest de [Localité 3], 6 kilomètres de [Localité 12] et 14 kilomètres de [Localité 14]. La ville est desservie par cinq lignes de bus la reliant aux gares RER du Vésinet, de [Localité 5] et de [Localité 6]. Deux lignes de bus disposent d'un arrêt à environ 125 mètres de l'agence bancaire.
Le local commercial est implanté au c'ur du centre-ville historique, dans la [Adresse 9] qui est la rue principale et la plus commerçante de [Localité 8]. Elle comporte en effet de nombreux commerces de proximité, tels qu'une pharmacie, des boulangeries, une boucherie, un primeur, un bar-tabac, un opticien, un magasin de prêt à porter, ainsi que plusieurs autres agences bancaires ' Il s'agit d'une bonne situation au regard de l'activité comme l'a noté l'expert, qui a toutefois relevé l'existence d'un important centre commercial dans le quartier de la Borde en direction de [Localité 13] et une assez forte concurrence à proximité de la Caisse d'Epargne (LCL, CIC, BNP Paribas, Banque Populaire).
Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
Le premier juge a rappelé tant la méthode utilisée par l'expert pour évaluer le prix unitaire de 330 € m²P que l'ensemble des références qu'il a évoquées, regroupées en trois types : les références des commerces de villes mitoyennes avec une destination différente, celles de villes mitoyennes avec une activité similaire et celles de villes mitoyennes avec une activité similaire et celles situées dans la même rue que les locaux pris à bail.
Plusieurs de ces références ne s'avèrent pas pertinentes, dès lors que les surfaces concernées sont trop éloignées de celle louée par la caisse d'Epargne. Au surplus, l'expert ne communique pas de précisions concernant les facteurs locaux de commercialité, l'état d'entretien et les éventuelles caractéristiques propres des références citées en dehors de celles situées dans la même rue que l'agence bancaire de l'intimée, ce qui rend les données difficilement exploitables. Enfin, pour certaines références, la date de fixation du loyer n'est pas précisée.
Néanmoins, les références suivantes peuvent être retenues :
- les locaux exploités par la société Hair Roncq à [Localité 13], d'une surface de 109 m², à destination de salon de coiffure, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2013 à la somme de 424 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Lissac Optique à [Localité 13], d'une surface de 92 m², à destination de commerce d'optique, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 373 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Optic 2000 à [Localité 5], d'une surface de 85 m², à destination de commerce d'optique, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2016 à la somme de 282 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Nicolas à [Localité 5], d'une surface de 82 m², à destination de vente de vins et spiritueux, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2015 à la somme de 486 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Picard Surgelés à [Localité 13], d'une surface de 151 m², à destination de commerce de produits alimentaires surgelés, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2017 à la somme de 230 €/m²P,
- les locaux exploités par la société Nicolas au Vésinet, d'une surface de 86 m², à destination de vente de vins et spiritueux, dont le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2016 à la somme de 301 €/m²P,
- les locaux exploités par le CIC à [Localité 13], d'une surface de 165 m², à destination d'agence bancaire, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 216 €/m²P,
- les locaux exploités par le CIC à [Localité 13], d'une surface de 165 m², à destination d'agence bancaire, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 216 €/m²P,
- les locaux exploités par la BNP Paribas à [Localité 6] [Localité 13], d'une surface de 165 m², à destination d'agence bancaire ; le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2014 à la somme de 318 €/m²P,
- les locaux exploités par la Société Générale à [Localité 13], d'une surface de 71 m², à destination d'agence bancaire; le loyer du bail renouvelé a été fixé en 2017 à la somme de 288 €/m²P.
- les locaux exploités par le Crédit Agricole, [Adresse 11], à destination d'agence bancaire, dont le loyer a été fixé en 2012 à la somme de 260 €/m²P, étant toutefois relevé, comme l'a souligné le premier juge, que la surface des locaux est de 270 m²P, soit plus du double de la surface de l'agence bancaire de la Caisse d'Epargne.
L'expert précise n'avoir recensé aucune décision judiciaire récente portant sur des locaux de même type et activité à proximité et évoque à titre informatif une décision rendue en 2013 concernant une agence immobilière de 66 m²P à [Adresse 7], ayant fixé le loyer renouvelé au 1er octobre 2010 à la somme de 25.000 € avec une valeur indexée au 1er avril 2017 à 27.420 €, soit 415 € /m²P. Cependant, la surface de ce local s'avère de moitié plus petite que celle louée par la Caisse d'Epargne.
Mme [V] demande à la cour d'écarter les références se rapportant à des activités non similaires à celle exploitée par la Caisse d'Epargne. Toutefois, il doit être rappelé qu'en application de l'article R.145-7 du code de commerce, à défaut d'équivalence des références proposées, les prix peuvent être utilisés à titre indicatif sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les baux conclus entre 2012 et 2020 dont se prévaut la bailleresse concernant une boutique de 25 m² et 20 m²P, dont elle est propriétaire [Adresse 10], ont été à juste titre écartées par le premier juge, dès lors qu'il s'agit de baux de courte durée et donc précaires et dérogeant au statut des baux commerciaux. Aussi, le loyer fixé en 2020 la somme de 600 € le m² n'apparaît pas être un élément de comparaison pertinent.
Si Mme [V] se prévaut de la conclusion d'un bail conclu sur ce même local commercial le 13 janvier 2023, il doit être rappelé que la valeur locative des locaux exploités par la Caisse Epargne doit être fixée au 1er avril 2017, de sorte que ce bail, postérieur de près de 6 ans à cette date, ne peut être pris en compte.
Sur le prix unitaire
Au regard de l'ensemble des éléments précédemment développés concernant les caractéristiques des locaux, la destination des lieux, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage, il convient, par confirmation du jugement sur ce point, de fixer la valeur locative des locaux pris à bail par la Caisse d'Epargne au 1er avril 2017 à la somme de 330 €/m²P.
Sur les majorations
Mme [V] demande à la cour de majorer le loyer au titre d'une part de la sortie de secours et d'autre part du puit de lumière.
- Sur la majoration au titre de la sortie de secours
Mme [V] sollicite l'entérinement du rapport d'expertise par l'application d'une majoration de 6 % au titre de la clause du bail autorisant le preneur à créer une issue de secours débouchant sur les parties communes de l'immeuble, cette clause devant, selon elle s'analyser en une clause exorbitante du droit commun
Il n'est pas contesté que le preneur a été autorisé aux termes du bail à créer au fond du local commercial une sortie de secours donnant sur un passage qui, appartenant aux parties communes de l'immeuble, permet de rejoindre la [Adresse 9].
Le premier juge a à juste titre considéré que cette clause doit s'analyser en une clause exorbitante du droit commun en ce qu'elle a pour effet de grever l'immeuble d'une servitude de passage au bénéfice du preneur.
Néanmoins, la cour relève que pour réclamer une majoration de 6 %, Mme [V] se fonde sur un article paru dans la revue AJDI de 2018 qui est rappelé en page 43 du rapport d'expertise. Toutefois, cette majoration correspond à un droit de jouissance du preneur sur une partie privative ou commune, alors qu'en l'espèce, la création de la sortie de secours ne génère qu'un droit de passage exceptionnel exclusivement dédié à l'évacuation des occupants de l'agence bancaire en cas d'incendie.
Si la Caisse d'Epargne soutient que la sortie de secours est indispensable à l'exploitation, des locaux loués au regard des règles de sécurité, elle ne justifie pas cette affirmation.
En conséquence, la majoration sera limitée à 1%. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
- Sur la majoration au titre du puits de lumière
Il est constant que lors de la prise à bail des locaux, la Caisse d'Epargne a été autorisée à créer un puits de lumière qui a permis d'apporter la lumière naturelle au sein des locaux.
Si la Caisse d'Epargne considère que le puit de lumière doit être considéré comme inclus dans les données locatives et donc comme contractuellement consenti, il doit être souligné que les travaux n'ont pu être réalisés que postérieurement à la conclusion du bail et qu'en conséquence, le loyer a été fixé sans qu'il en soit tenu compte.
En application de l'article R145-8 du code de commerce, le bailleur ne peut se prévaloir des travaux d'aménagement réalisés par le preneur pour majorer le loyer que s'ils sont devenus sa propriété par accession et seulement à compter du second renouvellement.
Aux termes du bail, il est prévu que 'Tous travaux, embellissements et améliorations quelconques qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur deviendront à la fin de la jouissance quel qu'en soit le motif, la propriété de ce dernier, sans indemnité ...'.
Dès lors que l'accession est contractuellement repoussée à la fin, non pas du bail, mais de la jouissance, c'est à dire au jour où le locataire quittera les lieux, la bailleresse ne peut prétendre, dans le cadre du renouvellement du bail, à aucune majoration de loyer au titre du puits de lumière.
*
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 doit être fixé à la somme de 37.892,88 € (113,69 m²P x 330 €) + 1 %.
La cour constate qu'il n'a pas été interjeté appel du chef du jugement disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la Caisse d'Epargne tendant à voir dire et juger qu'aucun intérêt de droit ne sera dû à compter du 1er avril 2017 et que lesdits intérêts ne seront pas capitalisés.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, dès lors que les parties succombent toutes deux partiellement, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge de leurs dépens d'appel et de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions relative au montant du loyer du bail renouvelé ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Fixe à la somme annuelle de 37.892,88 € hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2017 des locaux situés [Adresse 9] (78);
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,