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Décisions

CA Nouméa, ch. civ., 28 septembre 2023, n° 22/00023

NOUMÉA

Arrêt

Autre

CA Nouméa n° 22/00023

28 septembre 2023

N° de minute : 244/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 28 septembre 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 22/00023 - N° Portalis DBWF-V-B7G-SX3

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 janvier 2022 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :21/2631)

Saisine de la cour : 24 janvier 2022

APPELANTS

Mme [F], [E], [H] [S], en qualité d'ayant droit de Mme [L] [O] veuve [Z],

née le 18 avril 1951 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Valérie ROBERTSON, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [D], [N], [L] [S] épouse [A], en qualité d'ayant droit de Mme [L] [O] veuve [Z],

née le 2 décembre 1952 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Valérie ROBERTSON, avocat au barreau de NOUMEA

M. [I], [G] [S], en qualité d'ayant droit de Mme [L] [O] veuve [Z],

né le 8 juillet 1954 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Valérie ROBERTSON, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [U] [Y]

né le 1er septembre 1982 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

28/09/2023 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me DE GRESLAN

Expéditions : - Me ROBERTSON

- Dossier TPI ; Dossier CA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 21 août 2023 ayant été prorogé au 28 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************

Procédure de première instance :

Par acte sous seing privé en date du 14 juin 2012, M. [X] [Z], représenté par l'association pour la gestion des tutelles en Nouvelle-Calédonie, a consenti à M. [R] [K] un bail commercial pour l'exercice d'une activité de traiteur-snack portant sur un dock de 90 m² faisant partie d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3], moyennant un loyer mensuel indexé de 105 000 francs CFP hors charges.

Par acte du 12 janvier 2014, M. [K] a vendu son fonds de commerce à M. [U] [Y], exerçant sous l'enseigne Allo Paelo.

Suivant avenant n° 1 au bail commercial du 22 janvier 2014, M. [Y] a substitué en tant que locataire M. [K], les autres clauses du bail restant inchangées.

M. [Y] a sollicité le renouvellement du bail selon acte d'huissier du 1er décembre 2020, le loyer mensuel s'élevant alors à la somme de 110 135 francs CFP.

Par acte extrajudiciaire du 16 décembre 2020, la société Calédonienne d'immobilier a indiqué à M. [Y] qu'elle ne s'opposait pas au renouvellement du bail pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 2021, à condition que le prix du bail soit augmenté comme suit :

- 171 000 francs CFP pour la période du 1er juin 2021 au 31 mai 2024,

- 225 000 francs CFP pour la période du 1er juin 2024 au 31 mai 2027,

- 270 000 francs CFP pour la période du 1er juin 2027 au 31 mai 2030.

Exposant qu'il avait fait signifier son mémoire préalable en fixation du loyer le 20 juillet 2021, M. [Y] a assigné la société Calédonienne d'immobilier, par acte d'huissier en date du 2 septembre 2021, devant le juge des loyers commerciaux aux fins de :

- constater l'existence d'un prix du loyer révisé inférieur à celui versé par le preneur depuis le 1er juin 2013,

- fixer le loyer révisé 2016 à la somme de 75 909 francs CFP, le loyer révisé 2017 à la somme de 76 562 francs CFP, le loyer révisé 2018 à la somme de 77 283 francs CFP le loyer révisé 2019 à la somme de 77 208 francs CFP et le loyer révisé 2020 à la somme de 77 632 francs CFP,

- condamner Mme [Z] à restituer la quote-part du trop perçu des loyers révisés sur les cinq dernières années d'un montant global de 1 598 575 francs CFP,

- condamner Mme [Z] au versement de dommages-intérêts d'un montant de 500 000 francs CFP,

- fixer à 77 104 francs CFP le prix du loyer renouvelé mensuel afférent au local sis [Adresse 3],

- condamner Mme [Z] au paiement de la somme de 400 000 francs CFP au titre de l'article 700 du CPCNC, ainsi qu'aux dépens.

Par acte d'huissier en date du 15 novembre 2021, M. [Y] a fait assigner Mme [Z] en intervention forcée.

Si Mme [Z] a reconnu qu'elle avait perçu un excédent de 69 378 francs CFP compte tenu d'un calcul erroné de l'indexation du loyer qu'elle proposait de porter au crédit du compte de M. [Y], elle a contesté la somme réclamée par celui-ci au titre du trop-perçu ainsi que la demande de dommages-intérêts.

Le 14 janvier 2022, le luge des loyers commerciaux, a :

- déclaré irrecevable la demande formée à l'encontre de la société Calédonienne d'immobilier,

- déclaré recevable la demande en diminution du loyer formée par M. [Y],

- rejeté cette demande ainsi que la demande de dommages-intérêts,

- donné acte à Mme [Z] de ce qu'elle reconnaissait devoir la somme de 69 378 francs CFP au titre du trop-perçu,

- débouté Mme [Z] de sa demande en augmentation du loyer,

- maintenu le prix du bail à la somme de 110 135 francs CFP par mois,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de M. [Y].

Procédure d'appel :

Par requête et mémoire ampliatif déposés les 24 janvier et 2 mars 2022, auxquels il convient de se référer pour de plus amples développements, Mme [O] veuve [Z] a sollicité l'infirmation de la décision entreprise.

Mme [O] est décédée le 21 mai 2022.

Par conclusions de reprise d'instance déposées le 14 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, les consorts [S] en leur qualité d'ayants droit de Mme [O] veuve [Z] ont sollicité la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle avait déclaré recevables les demandes formées par M. [Y] à l'encontre de Mme [Z] le 15 novembre 2021 alors qu'il s'était écoulé moins d'un mois entre la dénonciation de mémoire et l'assignation devant le juge des loyers commerciaux et en ce qu'elle avait débouté Mme [Z] de sa demande d'augmentation du loyer du bail renouvelé et fixé son montant à 110 135 francs CFP. Statuant à nouveau, ils ont demandé à voir fixer le montant du loyer à 315 000 francs CFP par mois à compter du 1er juillet 2021.

M. [Y] a déposé des conclusions récapitulatives le 17 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, sollicitant la confirmation de la décision entreprise et la condamnation des appelants à lui payer la somme de 318 000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre de ceux d'appel.

Le 11 janvier 2023, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 mai 2023, la clôture étant fixée quant à elle le 28 février 2023.

Sur ce

Sur le rejet des conclusions récapitulatives de M. [Y] du 17 janvier 2023

Les consorts [S] demandent à la cour de rejeter les dernières conclusions récapitulatives déposées par M. [Y] le 17 janvier 2023, exposant qu'elles l'ont été après la clôture.

Or, il résulte de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 janvier 2023, que la clôture a été fixée au 28 février 2023, soit postérieurement à la date du dépôt des écritures contestées.

Ainsi, la cour déclare n'y avoir lieu à rejeter les conclusions récapitulatives contestées.

Sur la recevabilité des demandes de M. [Y]

La cour constate que les demandes de M. [Y] sont recevables dès lors qu'il a agi en toute bonne foi, en délivrant à la société Calédonienne d'immobilier le mémoire préalable, où avait élu domicile la bailleresse, croyant légitimement qu'elle agissait au nom et pour le compte de cette dernière en qualité de mandataire.

En effet, la cour relève que l'agence immobilière avait toujours été l'unique interlocuteur de M. [Y] durant l'exécution du bail, qu'elle lui avait, au surplus, notifié la proposition de déplafonnement du loyer renouvelé en accord avec la bailleresse, ce qui justifiait la légitimité de sa croyance dans la réalité de ses pouvoirs prétendus. La cour constate en outre, ce qui n'est pas contesté par les appelants, que l'agence immobilière en avait informé la bailleresse, laquelle avait répondu au mémoire préalable s'opposant aux propositions de déplafonnement du loyer de son preneur à la baisse.

Ainsi, dès lors, les circonstances dans lesquelles la société Calédonienne d'immobilier avait traité avec M. [Y] étaient telles qu'il avait pu légitimement croire que cette dernière était la mandataire de la bailleresse et juger inutile de vérifier les contours exacts de ses pouvoirs.

Et qu'en tout état de cause, la cour relève comme l'a fait à juste titre le premier juge que la procédure a été régularisée par M. [Y] qui a attrait en la cause la bailleresse, Mme [Z], par assignation du 15 novembre 2021, soit plus d'un mois après la notification du mémoire préalable dont il n'est pas contesté qu'elle en a eu connaissance.

Sur la fixation du loyer du bail renouvelé

La cour rappelle comme cela résulte de la délibération n° 094 du 8 août 2000, que le montant du loyer des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative déterminée par :

- les caractéristiques du local considéré ;

- la destination des lieux ;

- les obligations respectives des parties ;

- les facteurs locaux de commercialité;

- et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Ainsi, pour la détermination du montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser, et à défaut d'accord entre les parties, il est tenu compte des facteurs locaux de commercialité. Ces facteurs dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de I'indice du bâtiment de Nouvelle-Calédonie BT21 publié par l'institut territorial de la statistique et des études économiques intervenues depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer.

En l'espèce, les consorts [S] ont maintenu leur demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé, exposant que les facteurs locaux de commercialité dans la zone où M. [Y] exploite son commerce avaient évolué de manière substantielle compte tenu de l'installation de nombreuses enseignes, qui contribuent à l'attractivité de nombreux clients. Ils ont indiqué en outre que le local bénéficie dorénavant de places de stationnement public en grand nombre et que la commune a récemment procédé à la réfection totale de la route de la Baie des Dames, où se sont installés de nouveaux commerces de sorte que le prix moyen du m² s'élève à 3 504 francs CFP, ce qui conduit à un loyer de 315 360 francs CFP pour le local de 90 m² loué par M. [Y].

Sur la demande en révision du loyer, M. [Y] fait valoir quant à lui que les facteurs locaux de commercialité n'ont aucunement entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative de l'immeuble loué comme l'exige la réglementation en vigueur pour solliciter un déplafonnement du loyer et que celui-ci ne peut excéder la variation de l'indice BT21 de sorte qu'il s'élève actuellement à la somme de 77 104 francs CFP par mois.

La cour relève comme l'a fait à juste titre le premier juge que les intimés ne produisent pas d'éléments suffisamment probants pour établir que l'évolution des facteurs de commercialité qu'ils invoquent, a entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative justifiant le déplafonnement du loyer.

La cour confirme par conséquent la décision entreprise ayant rejeté la demande en augmentation du loyer formée par les bailleurs et maintenu celui-ci à la somme de 110 135 francs CFP par mois.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les consorts [S] succombant en la présente instance seront condamnés aux dépens d'appel et à payer à M. [Y] une somme de 150 000 francs CFP au titre les frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant

Condamne les consorts [S] à payer à M. [Y] une somme de 150 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Les condamne aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.