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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 26 octobre 2023, n° 20/17016

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 20/17016

26 octobre 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 20/17016 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWK2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 mars 2020 -Tribunal judiciaire de Bobigny- Chambre 5 section 2 - RG n°19/04009 (n° Portalis DB3S-W-B7D-S46T)

APPELANTES

Mme [D] [B] [J]

Née le 27 juin 1970

Demeurant [Adresse 1]

S.A.S. AZH MULTIMEDIA

Immatriculée au R.C.S. de Bobigny sous le numéro 804 673 432

Agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentées par Me Catherine COMME, avocat au barreau de Seine-saint-Denis, toque PB 250

INTIMEE

S.C.I. M2B

Immatriculée au R.C.S. de Bobigny sous le numéro 518 559 547

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre MBANG, avocat au barreau de PARIS, toque C 2096

Assistée de Me Sefik TOSUN, avocat au barreau du Val-d'Oise, toque 190

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie GIROUSSE, conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Marie Girousse, conseillère

M. Douglas Berthe, conseiller

Greffière lors des débats : Mme Carole Trejaut

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 mai 2014, le maire de la commune de Saint Denis (93) a pris un arrêté de péril imminent enjoignant aux copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 2]) d'effectuer des travaux pour remédier aux graves désordres affectant les bâtiments.

Le 7 août 2014, la SCI M2B, copropriétaire au sein de cet ensemble immobilier, a consenti à la société AZH MULTIMÉDIA un bail commercial portant sur une boutique en rez-de-chaussée et plusieurs caves, pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 2014, pour l'exercice de l'activité de « achat, ventes de tous les produits et équipements informatiques et de téléphonie, produits audio-visuel ; maintenance ; conseil, services d'information et communication ». Le loyer a été fixé à la somme de 24.000 euros par an hors taxes et hors charges.

Le 7 novembre 2014, le maire de [Localité 3] a pris un nouvel arrêté de péril imminent à la suite de la constatation de désordres supplémentaires affectant l'ensemble immobilier.

Par ordonnance du 9 juillet 2015, le président du tribunal de grande instance de Bobigny, saisi par le syndic de la copropriété sur le fondement de l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, a désigné Maître [I] [M] en qualité d'administrateur provisoire du syndicat, avec mission de prendre toutes les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. La mission de Maître [I] [M] a été régulièrement reconduite depuis lors. Les travaux prescrits par le maire de la commune n'ont pas été effectués.

Le 27 octobre 2016, le maire de [Localité 3] a pris un arrêté d'urgence portant sur les équipements communs enjoignant aux copropriétaires et au syndicat d'empêcher l'accès à l'immeuble, lequel se voyait interdit à l'habitation et à tout usage compte tenu du danger encouru par les occupants du fait de l'état des lieux.

Le 2 novembre 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris un arrêté portant déclaration d'insalubrité à titre irrémédiable, aux termes duquels les logements et locaux situés dans l'ensemble immobilier étaient définitivement interdits à l'habitation et à toute utilisation. Les arrêtés susvisés n'ont jamais fait l'objet d'une mainlevée.

La société AZH MULTIMÉDIA a quitté les lieux, le 8 mars 2017 selon ses déclarations.

Par actes des 28 mars et 1er avril 2019, la société AZH MULTIMÉDIA et Madame [D] [B] [J], sa gérante, ont fait assigner la SCI M2B et le syndicat des copropriétaires représenté par Maître [I] [M] devant le tribunal judiciaire de Bobigny en condamnation au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 10 mars 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- condamné la SCI M2B à payer à la société AZH MULTIMEDIA les sommes suivantes :

- 6.000 euros à titre de restitution du dépôt de garantie, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019 ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les intérêts courant sur les sommes susvisées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté la société AZH MULTIMEDIA du surplus de ses demandes ;

- dit Madame [D] [B] [J] recevable en ses demandes ;

- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la SCI M2B aux entiers dépens de l'instance;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.

Par déclaration d'appel du 23 mars 2020, la société AZH MULTIMEDIA et Mme [B] [J] ont interjeté appel contre ce jugement à l'encontre de la SCI M2B et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] mais par ordonnance du 15 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque cette procédure d'appel (N° RG 20/5634).

Par déclaration du 24 novembre 2020, Mme [D] [B] [J] et la société AZH MULTIMEDIA ont interjeté appel du jugement à l'encontre de la SCI M2B seulement. Il s'agit de la présente procédure à laquelle le syndicat des copropriétaires n'est pas partie (N° RG 20/17016).

Par conclusions déposées le 23 mars 2021, la SCI M2B a interjeté appel incident partiel du jugement.

Saisi par la SCI M2B, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 26 janvier 2022, rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel ; fait injonction aux appelantes de communiquer à l'intimée les pièces visées dans leurs conclusions ; dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; dit que les dépens de l'incident suivraient le sort de l'instance principale.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans leurs dernières conclusions déposées le 10 janvier 2023, la société AZH Multimedia et Mme [D] [B] [J], appelantes à titre principal et intimées à titre incident, demandent à la Cour de :

- juger la société AZH Multimedia et Madame [B] [J] recevables et bien fondées en leurs appels ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny rendu le 10 mars 2020 en ce qu'il a :

- retenu la responsabilité de la SCI M2B pour faute ;

- retenu la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour faute ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny rendu le 10 mars 2020 en ce qu'il a :

- condamné la SCI M2B à payer à la société AZH MULTIMEDIA les sommes de 6.000 euros au titre de restitution du dépôt de garantie, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019 ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny rendu le 10 mars 2020 en ce qu'il a :

- débouté la société AZH Multimedia du surplus de ses demandes ;

- débouté Madame [B] [J] de ses demandes ;

Et statuant à nouveau :

- condamner la société SCI M2B et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] en la personne son administrateur judiciairement désigné Me [I] [M], tenus in solidum, à payer à la société AZH MULTIMEDIA les sommes de :

- 81.750 euros au titre des loyers, provisions sur charges et taxes foncières indues ;

- 5.816,40 euros TTC en remboursement du coût des travaux ;

- 16.889,50 euros en remboursement de la valeur du fonds de commerce ;

- 71.232,50 euros en indemnisation du préjudice de perte d'exploitation ;

- 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société SCI M2B et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] son administrateur judiciairement désigné Maître [I] [M], tenus in solidum, à payer à Madame [B] [J] les sommes de :

- 4.333 euros en réparation de son préjudice financier ;

- 2.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- juger que toutes ces condamnations seront assorties d'un intérêt légal et dire et juger qu'il sera fait application de la règle de l'anatocisme.

Dans ses conclusions déposées le 22 septembre 2022, la SCI M2B, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

Sur les prétentions des appelantes :

Sur les prétentions de la société AZH MULTIMEDIA au titre des loyers, provisions sur charges et taxes foncières indues :

À titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny qui a rejeté la demande ;

En conséquence,

- débouter la société AZH Multimedia de sa demande sur ce point ;

À titre subsidiaire :

- limiter la restitution à la somme de 34.950 euros comme représentant les seules sommes que la société AZH Multimedia justifie avoir payées ;

Reconventionnellement,

- condamner la société AZH MULTIMEDIA à payer à la SCI M2B la somme de 34 950 euros ou à l'équivalent du montant alloués à la société AZH MULTIMEDIA à titre de restitution de loyers ;

- ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d'autre ;

Sur les prétentions de la société AZH MULTIMEDIA fondées sur le remboursement de travaux :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny qui a rejeté la demande ;

En conséquence,

- débouter la société AZH MULTIMEDIA de sa demande sur ce point ;

Sur les prétentions de la société AZH MULTIMEDIA au titre du remboursement de la valeur du fonds de commerce :

À titre liminaire,

- déclarer l'irrecevabilité de la demande comme présentée pour la première fois en cause d'appel ;

Si la demande est jugée recevable :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny qui a rejeté la demande ;

En conséquence,

- débouter la société AZH MULTIMEDIA de sa demande sur ce point ;

Sur les prétentions de la société AZH MULTIMEDIA au titre d'un prétendu préjudice lié à une perte d'exploitation :

À titre liminaire,

- déclarer l'irrecevabilité de la demande comme présentée pour la première fois en cause d'appel ;

Si la demande est jugée recevable :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny qui a rejeté la demande ;

En conséquence,

- débouter la Société AZH MULTIMEDIA de sa demande sur ce point ;

Sur le prétendu préjudice financier de Madame [B] [J] :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny qui a rejeté la demande ;

En conséquence,

- débouter Madame [B] [J] [D] de sa demande sur ce point ;

Sur le prétendu préjudice moral de Madame [B] [J] :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny qui a rejeté la demande ;

En conséquence,

- débouter Madame [B] [J] [D] de sa demande sur ce point ;

Sur l'appel incident de la SCI M2B :

Sur la condamnation tendant à la restitution de la somme de 6.000 euros au titre du dépôt de garantie :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny du 10 mars 2020 en ce qu'il a condamné la SCI M2B à payer à la société AZH Multimedia la somme de 6.000 euros à titre de remboursement du dépôt de garantie ;

En conséquence,

- débouter la société AZH MULTIMEDIA de toute demande tendant à la condamnation de la SCI

M2B à lui rembourser le dépôt de garantie ;

Sur la condamnation à la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny du 10 mars 2020 en ce qu'il a condamné la SCI M2B à payer à la société AZH Multimedia la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;

En conséquence,

- débouter la société AZH MULTIMEDIA de toute demande tendant à la condamnation de la SCI M2B aux frais irrépétibles ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

- condamner les appelantes à payer à la SCI M2B la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Alexandre Mbang, avocat aux offres de droit.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1.Sur la responsabilité de la SCI M2B

La SCI M2B ne rapporte pas la preuve de son affirmation selon laquelle la société AZH MULTIMÉDIA aurait eu connaissance de l'arrêté de péril lors de la conclusion du bail.

Par motifs pertinents et détaillés, auxquels il convient de renvoyer, le tribunal a considéré à juste titre que selon les anciennes dispositions de l'article L. 511-5 du code de la construction et de l'habitation, applicables en l'espèce, la location de locaux pour quelque usage que ce soit est interdite à compter de la notification d'un arrêté de péril; que selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur un local en état de servir conformément à sa destination et de l'en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail; que la SCI M2B a commis une faute contractuelle en donnant à bail les locaux en cause le 7 août 2014 à la société AZH MULTIMEDIA, malgré l'arrêté de péril imminent du 20 mai 2014, concernant l'intégralité de l'immeuble y compris ces locaux contrairement à ce que soutien la SCI M2B, de sorte que la locataire s'est trouvée prématurément évincée des locaux loués en raison de la persistance des graves désordres affectant l'immeuble; que la SCI M2B a, de ce fait, engagé sa responsabilité contractuelle.

2.Sur les demandes pécuniaires de la société AZH MULTIMEDIA

2.1. Sur les loyers et charges

La société AZH MULTIMÉDIA sollicite la condamnation de la SCI M2B à lui payer la somme de 81'750 € au titre des loyers, provisions sur charges et taxes foncières indues. Cette dernière s'oppose à cette demande en faisant valoir que les relevés bancaires produits font apparaître des virements à son profit d'un montant de 34'950 € seulement, que si ce montant était alloué à la locataire qui a exploité son activité dans les locaux, il devrait être restitué à la bailleresse à titre d'enrichissement sans cause.

Le tribunal avait rejeté cette demande faute de pièces justificatives.

Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation dont se prévaut l'appelante pour solliciter le remboursement des loyers qu'elle a versés ne sont pas applicables en l'espèce car elles ne concernent que les locations à usage d'habitation.

Dès lors que la société AZH MULTIMÉDIA a continué à exploiter son activité dans les locaux et qu'elle ne démontre pas le préjudice de jouissance ou financier qu'elle aurait subi dans son exploitationdu du fait de l'arrêté de péril, elle n'est pas fondée à solliciter que lui soit remboursé le montant des loyers versés.

Conformément aux anciennes dispositions de l'article 1315 du code civil dans leur rédaction applicable au contrat en cause dont le principe est repris au nouvel article 1353 du même code, c'est au bailleur qu'incombe la charge de prouver sa créance relative aux charges locatives et à la taxe foncière. Le contrat de bail stipule d'ailleurs expressément : « le bailleur effectuera un arrêté annuel des comptes. En conséquence il s'engage à fournir au preneur un décompte exact des charges de l'année écoulée, et s'engage en outre, à fournir au preneur sur sa demande copie des justificatifs qui lui seront adressés par le syndic de l'immeuble. ». Il résulte de ces éléments qu'il incombe au bailleur de produire les justificatifs des charges dont il a déjà reçu paiement par provision et qu'à défaut ces paiements étant sans cause, il en doit restitution preneur.

Les parties ne produisent ni avis d'échéances ni quittances.

L'examen des relevés bancaires de la société AZH MULTIMÉDIA, produits en appel, relatifs aux années 2015 et 2016 révèlent que cette société a opéré des virements au profit de sa bailleresse pour un montant de total de 66'019 € durant cette période, la preuve n'étant pas rapportée que les autres paiements dont se prévaut la locataire l'ont été au profit de sa bailleresse. Le contrat de bail prévoyait un loyer indexé de 24'000 € HT, soit 28'800 € TTC outre une provision sur charges 120 € HT. La locataire indique que la provision payée était de 150 € et qu'elle s'est acquittée, en outre de 1.300 € chaque année au titre de la taxe foncière.

En l'espèce, les sommes versées par la société AZH MULTIMEDIA pour les années 2015 et 2016 s'élèvent au total à 64.019 €, montant excèdant de 6.419 € celui du loyer principal pour deux années s'élevant à 57'600 € TTC (28'800 x 2), sans que la SCI M2B ne verse aux débats de pièces justificatives de charges ou de taxes foncières. La société AZH MULTIMEDIA indique avoir réglé des provisions sur charges mensuelles de 150 €, ce que confirme les virements mensuels de 2.550 € figurant sur ses relevés bancaires, soit pour deux années 3.600 € de provisions sur charges. De même le versement allégué de 1.350 € chaque année pour provision sur charges se trouve confirmé par les relevés bancaires, soit un total de 2.700 €. Faute pour la bailleresse de produire les justificatifs des sommes ainsi perçues, la société AZH MULTIMEDIA est bien fondée à solliciter la restitution de la somme totale de 6.300 € (3.600 € +2.700 €) perçue au titre de provisions sur charges et taxes foncières dont la bailleresse ne justifie pas .

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la société AZH MULTIMEDIA de l'intégralité de ses demandes à titre de restitution de loyers, charges et taxes et la SCI M2B sera condamnée à payer à la société AZH MULTIMÉDIA la somme totale de 6.300 € (3.600 €+ 2700 €) en restitution des sommes payées à titre de provision sur charges et sur taxes foncières pour les années 2015 et 2016. La société AZH MULTIMEDIA sera déboutée du surplus de sa demande au titre de la restitution des loyers.

2.2. Sur le coût des travaux

La société AZH MULTIMÉDIA sollicite le remboursement d'une somme de 5.816,40 € au titre des travaux qu'elle a effectués dans les locaux loués tandis que la SCI M2B s'oppose à cette demande en faisant notamment valoir qu'il n'est pas justifié du paiement de ces factures ni précisé les avantages fiscaux dont aurait bénéficié la locataire.

Le jugement déféré avait rejeté cette demande en l'absence de pièces justificatives.

L'appelante produit en appel plusieurs factures de la société IZA BAT, datés de mai à décembre 2016 correspondant à des travaux réalisés à l'adresse des locaux en cause pour un montant total de 5.816,40 €. Dès lors que ces factures étaient libellées au nom de la société AZH MULTIMÉDIA, leur paiement incombait nécessairement à cette dernière. En outre la SCI M2B ne produit aucune pièce de nature à démontrer que les travaux décrits sur ces factures n'ont pas été réalisés dans les locaux loués. Elle ne démontre pas non plus que la locataire aurait bénéficié d'avantages fiscaux susceptibles de réduire sa dépense de travaux. Il apparaît donc que la société AZH MULTIMEDIA justifie valablement de son préjudice à cet égard.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande sur ce point et la SCI M2B sera condamnée à lui payer la somme de 5.816,40 € en remboursement des travaux qu'elle a effectués dans les locaux qu'elle a été contrainte de délaisser par la faute de la bailleresse.

2.3.Sur la restitution du dépôt de garantie

La SCI M2B produit l'original d'un chèque de 6.000 € établi par Monsieur [J] à son profit qui correspondrait, selon elle, au montant du dépôt de garantie prévu au contrat de bail et qu'elle n'aurait pas encaissé.

La mention dans le contrat de bail à l'article V relatif au dépôt de garantie : « à l'appui du présent bail, le preneur verse entre les mains du bailleur ou de son mandataire la somme de 6.000 € (...) correspondant à trois mois de loyer principal » ne permet pas de rapporter la preuve de ce paiement dès lors que celui-ci est contesté par la bailleresse qui produit un chèque non encaissé.

La société AZH MULTIMÉDIA à qui incombe la charge de prouver qu'elle a réglé le dépôt de garantie dont elle demande la restitution, ne répond pas sur ce point et ne rapporte pas cette preuve. Elle n'est donc pas fondée à solliciter la restitution d'une somme de 6.000 € à ce titre. En conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SCI M2B à payer la somme de 6.000 € à la société AZH MULTIMÉDIA au titre du dépôt de garantie et cette dernière sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

2.4.Sur le préjudice financier

La société AZH MULTIMÉDIA sollicite d'une part, la somme de 16.889,50 € en remboursement de la valeur du fonds de commerce et d'autre part, la somme de 71.232,50 € en indemnisation du préjudice de perte d'exploitation.

La SCI M2B fait valoir que la demande formée au titre de la perte de valeur du fonds de commerce et celle formée au titre de la perte d'exploitation seraient irrecevables comme étant faites pour la première fois en cause d'appel et soutient qu'en tout état de cause, ces demandes ne sont pas justifiées.

Les parties ne produisent pas les conclusions de première instance. Il ressort du jugement déféré que la société multimédia avait sollicité la condamnation de sa bailleresse à lui payer une somme de 100.000 € "d'indemnisation financière pour perte de fonds de commerce".

Les demandes formées en première instance et en appel tendent aux mêmes fins à savoir la réparation du préjudice financier résultant pour la locataire, contrainte de délaisser les locaux en cours de bail, de la perte de son fonds de commerce et de la perte en résultant de la possibilité d'exploiter son fonds de commerce dans les locaux objet du bail jusqu'au terme contractuel, du fait du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance. Les demandes formées au titre de perte de la valeur du fonds de commerce et de la perte d'exploitation sont donc recevables.

Il est constant que la société AZH MULTIMEDIA a dû quitter les locaux objet du bail en raison de l'arrêté de péril et qu'elle a, de ce fait, cessé son activité. Aucun élément ne permet d'établir que son fonds de commerce était transférable dans des locaux équivalents sans perte de clientèle. Elle est donc fondée à solliciter l'indemnisation de la perte de son fonds de commerce à charge pour elle de justifier du montant du préjudice qu'elle réclame.

Contrairement à ce qu'elle soutient, ce préjudice ne correspondant pas à son actif net comptable au 31 décembre 2016 s'élevant à 16.889,50 €, une telle estimation n'étant pas justifiée.

La société AZH MULTIMEDIA ne produit aucun élément de comparaison permettant d'apprécier la valeur locative des locaux, abstraction faite de l'état de péril, et celle du droit au bail en résultant.

Les seuls éléments produits sont, d'une part, les comptes de l'année 2015 dont il résulte un chiffre d'affaires de 100.904 € et un bénéfice de 7.824 € et, d'autre part, ceux de l'année 2016 dont il résulte un chiffre d'affaires de 130.290 € et un bénéfice de 12.282 €.

Au regard de ces éléments comptables, du montant du loyer, de l'activité exercée et de la situation du local il convient d'évaluer à 10.000 € la valeur du fonds de commerce perdu du fait de la bailleresse.

Le contrat de bail a été conclu pour neuf années à compter du 1er juin 2014 soit jusqu'au 1er juin 2023, le preneur ayant la faculté d'y mettre fin à l'issue de chaque période triennale. Il n'est pas contesté que les locaux ont été rendus par la locataire en mars 2017, soit six ans avant la date d'échéance du bail. La société AZH MULTIMEDIA a subi une perte d'exploitation correspondant à la perte de chance de percevoir un gain en exploitant son activité encore six années dans les locaux en cause. Ce préjudice ne correspond donc pas à la moyenne des marges brutes des années 2015 et 2016, s'élevant à la somme de 71.232,50 €, réclamée par l'appelante.

La chance perdue sera évaluée notamment au regard de la faculté de résiliation triennale, des restrictions sanitaires liées au COVID ayant affecté la période en cause ainsi que des incertitudes liées au marché qu'illustre la variation importante des chiffres d'affaires et bénéfices entre les années 2015 et 2016.

Au regard de ces éléments, la perte de chance de percevoir un revenu de son exploitation jusqu'à l'expiration du bail, résultant de la perte du fonds de commerce, sera évaluée à la somme de 20.000 €.

La SCI M2B sera condamnée à payer ces sommes à la société AZH MULTIMEDIA.

3. Sur le préjudice de Madame [D] [B] [J]

Il ressort des pièces produites que Mme [B] [J] , gérante de la société AZH MULTIMEDIA , ne démontre pas avoir perdu son emploi en raison du départ de cette société des lieux loués puisque selon l'extrait du registre du personnel, le motif de sa sortie est une "démission". Il est inopérant de faire valoir que cette mention ne serait pas sincère car elle visait à éviter des frais l'entreprise. Par ailleurs, selon les bulletins de paie versés aux débats, le salaire mensuel de Madame s'élevait à 339 €. Aucune pièce n'est produite quant à la situation de l'intéressée au regard de l'indemnisation du chômage et quant à la date à laquelle elle a retrouvé un emploi. Elle ne rapporte donc pas la preuve d'un préjudice financier ayant un lien de causalité avec le manquement de la SCI M2B à l'égard de la société AZH MULTIMEDIA, son employeur.

Mme [B] [J] ne rapporte pas non plus la preuve du préjudice moral dont elle fait état, lequel est distinct de celui de la société AZH MULTIMEDIA, les démarches administratives liées à la fin d'activité de l'entreprise dont elle était gérante ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un préjudice moral.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [B] [J] de ses demandes de dommages-intérêts.

4. Sur les demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires

Dès lors que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] (93) n'est pas visé dans la déclaration d'appel déposée le 24 novembre 2020 par la société AZH MULTIMEDIA et Mme [B] [J] et que le syndicat des copropriétaires n'est donc pas partie à la présente procédure, l'ensemble des demandes formées par les appelants à son égard sont irrecevables. Le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires et débouté ce dernier de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

5. Sur les autres demandes

Les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal et les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI M2B aux dépens de première instance ainsi qu'à payer à la société AZH MULTIMEDIA une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI M2B qui succombe partiellement , sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à la société AZH MULTIMEDIA une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 10 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny (RG N° 19/04009) en ce qu'il a débouté la société AZH MULTIMÉDIA de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2], déclaré Mme [B] [J] recevable en ses demandes, débouté Mme [B] [J] de l'intégralité de ses demandes, débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais irrépétibles, condamné la SCI M2B à payer à la société AZH MULTIMEDIA la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et ordonné l'exécution provisoire,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées en appel à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2],

Déclare recevable les demandes de la société AZH MULTIMEDIA aux fins de voir condamner la SCI M2B à lui payer 16.889,50 € en remboursement de la valeur du fonds de commerce et la somme de 71.232,50 € en indemnisation du préjudice de perte d'exploitation,

Condamne la SCI M2B à payer à la société AZH MULTIMEDIA les sommes de:

- 6.300 € en restitution des sommes versées au titre des provisions sur charges et taxes foncières,

- 5.816,40 € en remboursement du coût des travaux effectués dans les locaux loués,

-10.000 € au titre de la perte du fonds de commerce,

- 20.000 € au titre du préjudice de perte d'exploitation,

Déboute la société AZH MULTIMEDIA du surplus de sa demande formée au titre des loyers, provisions sur charges et taxes foncières,

Déboute la société AZH MULTIMEDIA de sa demande aux fins de voir condamner la SCI M2B à lui restituer la somme de 6.000 € avec intérêts au taux légal en restitution du dépôt de garantie prévu au bail,

Déboute la société AZH MULTIMEDIA de ses demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2],

Condamne la SCI M2B à payer à la société AZH MULTIMEDIA la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCI M2B de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI M2B à payer les intérêts au taux légal sur les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée,

Dit que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leur demande,

Condamne la SCI M2B aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître AUDINEAU, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE