Décisions
CA Lyon, 1re ch. civ. b, 5 septembre 2023, n° 21/07755
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 21/07755 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N43U
N° RG 21/08017 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N5QX
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Communauté METROPOLE DE [Localité 7]
C/
[I] [M], [P] [T] épouse [M], COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
--------------
APPEL D'UNE DECISION DU :
Juge de l'expropriation de LYON
du 30 Août 2021
RG : 20/00032
COUR D'APPEL DE LYON
1ère CHAMBRE CIVILE- EXPROPRIATIONS
ARRET DU 05 Septembre 2023
APPELANT ET INTIME :
LA METROPOLE DE [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Laurent JACQUES de la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON
INTIMES ET APPELANTS :
Monsieur [I] [M]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON
Madame [P] [T] épouse [M]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON
En présence de :
Monsieur [E] [G] représentant Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques du département du Rhône,
Commissaire du gouvernement
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mai 2023
Date de mise à disposition : 05 Septembre 2023
Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
désignés conformément à l'article L 211-1 du Code de l'expropriation, assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
ARRET : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile;
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu les pièces de la procédure :
- mémoires déposés par l'appelant régulièrement notifiés,
- mémoires déposés par l'intimé régulièrement notifiés,
- conclusions déposées par le commissaire du gouvernement régulièrement notifiées,
- les convocations régulièrement adressées aux parties,
L'affaire ayant été mise en délibéré après clôture des débats, l'arrêt ayant été prononcé le 05 Septembre 2023
'''
'
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mr et Mme [M] sont propriétaires d'un appartement avec une cave dans un immeuble situé [Adresse 1].
Ce bien est situé dans un secteur concerné par un projet d'opérations de démolitions-reconstructions et de réhabilitation de quatre immeubles d'habitation sur emplacement réservé et par un arrêté préfectoral en date du 26 septembre 2014, prorogé par un arrêté en date du 14 août 2019, le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique les acquisitions de terrain et les travaux à entreprendre par la communauté urbaine de [Localité 7] pour la réalisation du projet d'opérations d'immeubles d'habitation inscrits en emplacement réservés en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux.
Par un arrêté en date du 18 février 2020, le préfet du Rhône a déclaré cessible au profit de la Métropole de [Localité 7] les propriétés nécessaires à la réalisation de ce projet de démolition-reconstruction et réhabilitation de ces immeubles dont celui du [Adresse 1].
Par ordonnance en date du 15 juin 2020, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné l'expropriation des dites parcelles pour cause d'utilité publique.
A défaut d'accord amiable entre les parties, la Métropole de Lyon a par requête en date du 15 juillet 2020 saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de fixation de la valeur du bien susvisé
Le transport sur les lieux s'est déroulé le 22 mars 2021 et les parties ont été entendues le même jour.
Par jugement du 30 août 2021, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon a :
- fixé à 109.000 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M],
- dit que la somme de 109.000 € se décompose de la manière suivante soit 99.000 € (indemnité principale) + 10.900 € (indemnité de réemploi),
- rejeté les autres demande des époux [M] (préjudice de jouissance, des pertes locatives postérieurement à l'expropriation, des frais liés à la procédure d'expropriation devant le juge administratif, du trouble dans les conditions d'existence), à l'exception des frais d'expertise et condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 765 € à ce titre,
- condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Métropole de [Localité 7] aux dépens de la procédure.
Par déclaration du 22 octobre 2021, la Métropole de [Localité 7] a interjeté appel de ce jugement.
Par déclaration du 4 novembre 2021, Mr et Mme [M] ont également interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2022 (doss N° 21/7755) et le 15 avril 2022 (21/8017), la Métropole de [Localité 7] demande à la cour de :
- réformer le jugement du 30 août 2021 en ce qu'il a :
- fixé à 109.000 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M],
- dit que la somme de 109.000 € se décompose de la manière suivante soit 99.000 € (indemnité principale) + 10.900 € (indemnité de réemploi),
- rejeté les autres demande des époux [M] (préjudice de jouissance, des pertes locatives postérieurement à l'expropriation, des frais liés à la procédure d'expropriation devant le juge administratif, du trouble dans les conditions d'existence), à l'exception des frais d'expertise et condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 765 € à ce titre,
- condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Métropole de [Localité 7] aux dépens de la procédure.
et statuant de nouveau,
- fixer les indemnités dues par elle à Mr [I] [M] et Mme [P] [T] épouse [M] aux sommes suivantes :
- 64.779 € au titre de l'indemnité principale,
- 7.477,90 € au titre de l'indemnité de réemploi,
- condamner Mr [I] [M] et Mme [P] [T] épouse [M] au paiement d'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre la condamnation aux dépens de l'instance,
- rejeter les demandes des expropriés.
A l'appui de son appel, la Métropole de [Localité 7] déclare que :
- l'immeuble est situé dans un quartier populaire de la ville de [Localité 7] bien qu'en évolution du fait des investissements de la Métropole de [Localité 7],
- composé de 8 logements, il a été construit en 1840, ne dispose pas d'ascenseur, il se trouve dans un état de délabrement très avancé ce qui a un impact considérable sur la valeur de chaque lot et il a fait l'objet de plusieurs arrêtés de péril dont le dernier en date du 20 juin 2014 a été levé le 22 juillet 2019,
- le premier juge a constaté que les appartements étaient inhabitables car complètement dégradés,
- la date de référence à prendre en considération est celle du 18 juin 2019, date d'entrée en vigueur de l'institution du droit de préemption urbain sur tout le territoire de la Métropole de [Localité 7].
Elle fait valoir que :
- le défaut d'entretien de l'immeuble depuis de nombreuses années est du à l'impéritie et à la mauvaise gestion des copropriétaires et non pas à la procédure d'expropriation et il ne peut lui être opposé les agissements de la Ville de [Localité 7], personne morale distincte, et propriétaire de lots dans l'immeuble,
- il appartient aux copropriétaires de contester s'ils l'estiment utile les agissements allégués devant la ville de [Localité 7] et une éventuelle responsabilité engagée à ce titre ne pourrait être traitée que devant le juge administratif,
- elle ne saurait en tout cas justifier une majoration de la valeur vénale ainsi que l'a fait le premier juge.
Elle demande donc à la cour de fixer la valeur des lots selon une approche du prix par la méthode du compte à rebours consistant à partir du prix de vente d'un programme de déduire les différents coûts de l'opération pour parvenir à la valeur de l'immeuble à rénover soit une valeur de 1.963 € le m² et pour une superficie de 33 m² la somme de 64.779 €.
S'agissant des éléments de comparaison produits par les époux [M], elle déclare qu'ils ne font l'objet d'aucune référence de publication permettant de les vérifier et qu'elles concernent des biens non comparables à celui objet de la présente instance qui est insalubre, vétuste et inhabitable.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 février 2022 (doss N° 21/8017), Mr et Mme [M] demandent à la cour de :
- réformer le jugement rendue par le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon le 30 août 2021 en ce qu'il a :
- fixé à 109.000 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M],
- dit que la somme de 109.000 € se décompose de la manière suivante soit 99.000 € (indemnité principale) + 10.900 € (indemnité de réemploi),
- rejeté les autres demande des époux [M] (préjudice de jouissance, des pertes locatives postérieurement à l'expropriation, des frais liés à la procédure d'expropriation devant le juge administratif, du trouble dans les conditions d'existence), à l'exception des frais d'expertise et condamne la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 765 € à ce titre,
statuant à nouveau,
- constater leur droit à indemnité communs en biens, propriétaires des lots N° 23 et 40 au sein de l'immeuble soumis au statut de la copropriété sis [Adresse 1] cadastré AO [Cadastre 2], du fait de l'expropriation engagée à leur encontre par la Métropole de [Localité 7],
- fixer les indemnités dues aux sommes suivantes :
* au titre de l'indemnité principale : 112.682 € et subsidiairement 105.000 €,
* au titre de l'indemnité de remploi : 12.268,20 €,
* au titre du préjudice de jouissance : 24.120 €
- au titre des pertes locatives postérieurement à l'expropriation : 4.020 €,
* au titre des frais liés à la procédure d'expropriation : 2.400 €,
* au titre des frais d'expert : 765 €,
* au titre du trouble dans les conditions d'existence : 10.000 €
en tout état de cause,
- condamner la Métropole de [Localité 7] au versement de la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
- condamner la Métropole de [Localité 7] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Les époux [M] font valoir que :
- l'offre faite par la Métropole de [Localité 7] est notoirement insuffisante et ne repose sur aucun terme de comparaison sérieux,
- ils ont donc été contraints de faire appel à un expert immobilier qui a établi un rapport sur lequel ils déclarent s'en rapporter, proposant une estimation en valeur vénale à 112.682 € selon la méthode par capitalisation ou 105.000 € selon la moyenne des méthodes employées,
Aux termes de son mémoire notifié le 24 mai 2022, le commissaire du gouvernement demande à la cour de réformer le jugement et de fixer les indemnités dues par la Métropole de [Localité 7] pour l'expropriation de ces biens aux sommes suivantes :
- indemnité principale 69.300 €,
- indemnité de réemploi 7.930 €.
Le commissaire du gouvernement déclare que :
- la date de référence à prendre en compte pour apprécier l'usage effectif du bien est le 18 juin 2019,
- il a produit en première instance et en appel divers termes de comparaison qu'il convient de retenir,
- il est proposé de ne pas retenir la méthode par capitalisation, le bien n'étant pas loué,
- les termes de comparaison de Mr et Mme [M] portent sur des biens habitables alors qu'en l'espèce, l'immeuble est vétuste voire délabré dans les étages.
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient au préalable en vue d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les N° 21/7755 et 21/8017.
1° sur la fixation de l'indemnité :
Aucune des parties ne remet en cause la date de référence qui a été justement fixée par le premier juge, s'agissant d'un bien soumis au droit de préemption, au 18 juin 2019, date à laquelle est devenu opposable au tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.
Selon l'article L 322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance et selon l'article L 322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
En application de ces principes et en l'absence d'annulation du jugement, il convient d'évaluer le bien litigieux à la date du 30 août 2021, date du jugement dont appel.
* sur l'évaluation du bien :
Au vu du procès-verbal de transport le bien concerné par la procédure est constitué d'un appartement très vétuste à l'entresol du bâtiment A de l'immeuble datant de 1850 d'une surface de 33 m² nécessitant des travaux de rénovation importants et d'une cave.
L'état vétuste des lieux tant de l'immeuble que de l'appartement de Mr et Mme [M] est confirmé par le procès-verbal de transport et par le rapport d'expertise de Mr [O] produit par les expropriés qui évoque la nécessité d'importants travaux d'ensemble.
Au plan local d'urbanisme, le bien est situé en zone UCe2a.
Il s'agit d'un quartier bien situé dans le [Localité 4] de la ville de [Localité 7] à proximité des commodités et du centre commercial de la Part-Dieu.
Dés lors que des termes de référence probants sont versés aux débats, il convient d'utiliser la méthode dite "par comparaison" consistant à évaluer le bien en le comparant avec des termes de référence constitués par des mutations de biens de même nature, comparables ou similaires au bien exproprié, cette méthode étant la seule permettant en l'espèce de déterminer un préjudice certain.
En effet, la méthode du compte à rebours, ou méthode dite 'du promoteur' proposée par la Métropole de [Localité 7] consistant à partir d'un prix prévisionnel de vente d'un programme à reconstituer les différentes dépenses à engager pour en déduire la valeur de l'immeuble doit être écartée comme étant aléatoire dés lors qu'elle dépend de divers facteurs inconnus notamment la marge bénéficiaire fixée par le constructeur et les frais de commercialisation ou de publicité qui peuvent varier d'une opération à l'autre et alors au surplus que la valeur d'un bien ne peut être déterminée en fonction de son utilisation future.
Les époux [M] se prévalent d'un rapport d'expertise en valeur vénale établi par Mr [O] le 24 septembre 2020 faisant ressortir à partir de termes de comparaison extraits des données Patrim entre octobre 2017 et juin 2020 des ventes d'appartements (T1 et studios) de taille proche de celui en litige (25 à 33 m²), à proximité et dans des immeubles anciens pour un prix moyen de 4.017 € le m² et proposant une valeur vénale de 97.150 € selon la méthode de comparaison et de 112.682 € par la méthode de capitalisation.
De son côté, le commissaire du gouvernement produit en cause d'appel :
- le résultat de recherches de ventes sur un périmètre de 50 mètres en 2020 et 2021 dans des immeubles anciens recensant un prix de vente moyen de 4.786 € le m² en surface utile,
- le résultat de recherches de ventes sur un périmètre de 100 mètres en 2020 et 2021 dans des immeubles anciens recensant un prix de vente moyen de 5.125 € le m² en surface utile,
- un arrêt de la présente cour du 22 mars 2022 pour un immeuble situé à proximité retenant (évaluation septembre 2020) pour l'ensemble de l'immeuble avant abattement pour travaux un prix de 4.250 € le m².
La Métropole de [Localité 7] qui revendique une autre méthode d'évaluation ne produit de son côté aucun élément de comparaison mais propose de régler une somme de 1.963€ le m² après déduction du coût des travaux de rénovation, de divers honoraires et d'une marge opérateur sur la base d'un prix de 5.000 € correspondant à un logement rénové.
Les éléments ci-dessus produits constituent des termes de comparaison pertinents et permettent de fixer la valeur moyenne du bien de Mr et Mme [M] à 5.000 € le m².
Cette valeur ne peut toutefois être retenue en l'état dés lors que sauf indications contraires, les biens de comparaison correspondent à des biens en bon état et il est nécessaire ainsi que le relève justement le commissaire du gouvernement et que le proposent les parties, de pratiquer un abattement pour tenir compte des travaux de remise en état à faire.
Au vu des éléments produits, notamment l'évaluation 2013, réactualisée en 2021, des travaux à faire produite par la Métropole de [Localité 7], sans prendre en compte les honoraires de vente et de marge de l'opérateur, la cour retient un abattement de 2.300 € le m² au titre des travaux.
Il convient par conséquent de chiffrer l'indemnité principale du bien exproprié à 2.700 € le m², soit pour 33 m² , 89.100 €.
L'indemnité de remploi fixée conformément à l'usage, soit 20 % du montant de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 €, 15 % entre 5.000 € et 15000 € et 10 % pour le surplus, s'établit à 11.160 €.
L'indemnité totale s'élève donc à 89.100 € + 11.160 €, soit 100.260 €, le jugement étant infirmé de ce chef.
2° sur les indemnités accessoires :
L'article L. 321-1 du code de l'expropriation, prévoit que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Les époux [M] sollicitent le paiement de différentes indemnités accessoires à savoir :
- l'indemnisation des pertes de jouissance de leur bien dés lors que le déclenchement de la procédure d'expropriation leur a ôté toute chance de louer le bien, soit sur la base d'une valeur locative annuelle de 8.040 €, une indemnité de 24.120 €,
- une indemnité pour perte de loyers pendant le temps nécessaire à la recherche d'un bien de remplacement, soit un préjudice locatif de 4.020 €,
- les frais de procédure qu'ils ont du engager devant la juridiction administrative en raison de l'irrégularité de la procédure d'expropriation,
- un préjudice de trouble dans leurs conditions de vie alors qu'ils sont âgés et en situation de handicap et qu'ils avaient mis dans cet appartement et ses revenus une partie de leurs espoirs de compléter leurs revenus à la retraite, soit la somme de 10.000 €,
- les frais d'expertise à hauteur de 765 €.
La Métropole de [Localité 7] déclare que le premier juge a écarté à raison les autres indemnités sollicitée par les époux [M] en faisant valoir qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'impossibilité de louer le bien et la procédure d'expropriation, que l'appréciation de la longueur alléguée de la procédure relève des juridictions administratives, que la demande d'indemnité pour pertes de loyers doit également être rejetée, le bien n'étant pas loué à la date de l'ordonnance, que les frais liés aux procédures parallèles n'ont pas à être indemnisés dans le cadre de la procédure d'expropriation et que le préjudice matériel et moral n'est pas démontré et que ce dernier ne peut l'être dans le cadre de la procédure d'expropriation.
Le commissaire du gouvernement soutient que les indemnités accessoires ne doivent pas être retenues en l'absence de lien entre les préjudices allégués et la procédure d'expropriation.
Sur ce :
Il est constant que le bien des époux [M] n'était pas loué en raison de l'insalubrité des locaux et de l'immeuble, fait totalement indépendant de la procédure d'expropriation qui n'est donc pas la cause du préjudice de perte de jouissance invoqué ou d'une perte de chance de mettre leur bien en location, laquelle n'est au surplus étayée par aucun élément précis et pertinent.
Le premier juge a justement constaté que les frais de procédure devant le juge administratif pour contester la procédure d'expropriation ne peuvent être sollicités que devant la juridiction compétente et que selon ce que déclare la Métropole de [Localité 7], ils ont été rejetés par la juridiction administrative.
En application de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation dont les dispositions ont été rappelées ci-dessus, seul préjudice matériel causé par l'expropriation peut donner lieu à indemnisation.
Or en l'espèce, le préjudice allégué par les époux [M] au titre d'un trouble dans les conditions d'existence est en réalité un préjudice moral qui ne peut donc donner lieu à indemnisation.
La somme de 3.000 € allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile couvre le montant des frais de l'expert auxquels ont fait appel les époux [M] et il convient de rejeter ce chef de demande.
3° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au regard de la solution donnée au litige, les dépens d'appel sont mis à la charge de la Métropole de [Localité 7] qui succombe partiellement en ses prétentions.
La cour estime que l'équité ne commandepas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
la cour,
Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les N° 21/7755 et 21/8017.
Confirme la décision déférée sauf en son évaluation du bien de Mr et Mme [M] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe à 100.260 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à Mr et Mme [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M] ;
Dit que la somme de 100.260 € se décompose de la manière suivante soit 89.100 € (indemnité principale) + 11.160 € (indemnité de réemploi) ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la Métropole de [Localité 7] aux dépens d'appel.
La greffière, Le Président,
N° RG 21/08017 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N5QX
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Communauté METROPOLE DE [Localité 7]
C/
[I] [M], [P] [T] épouse [M], COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
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APPEL D'UNE DECISION DU :
Juge de l'expropriation de LYON
du 30 Août 2021
RG : 20/00032
COUR D'APPEL DE LYON
1ère CHAMBRE CIVILE- EXPROPRIATIONS
ARRET DU 05 Septembre 2023
APPELANT ET INTIME :
LA METROPOLE DE [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Laurent JACQUES de la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON
INTIMES ET APPELANTS :
Monsieur [I] [M]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON
Madame [P] [T] épouse [M]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON
En présence de :
Monsieur [E] [G] représentant Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques du département du Rhône,
Commissaire du gouvernement
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mai 2023
Date de mise à disposition : 05 Septembre 2023
Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
désignés conformément à l'article L 211-1 du Code de l'expropriation, assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
ARRET : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile;
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu les pièces de la procédure :
- mémoires déposés par l'appelant régulièrement notifiés,
- mémoires déposés par l'intimé régulièrement notifiés,
- conclusions déposées par le commissaire du gouvernement régulièrement notifiées,
- les convocations régulièrement adressées aux parties,
L'affaire ayant été mise en délibéré après clôture des débats, l'arrêt ayant été prononcé le 05 Septembre 2023
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mr et Mme [M] sont propriétaires d'un appartement avec une cave dans un immeuble situé [Adresse 1].
Ce bien est situé dans un secteur concerné par un projet d'opérations de démolitions-reconstructions et de réhabilitation de quatre immeubles d'habitation sur emplacement réservé et par un arrêté préfectoral en date du 26 septembre 2014, prorogé par un arrêté en date du 14 août 2019, le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique les acquisitions de terrain et les travaux à entreprendre par la communauté urbaine de [Localité 7] pour la réalisation du projet d'opérations d'immeubles d'habitation inscrits en emplacement réservés en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux.
Par un arrêté en date du 18 février 2020, le préfet du Rhône a déclaré cessible au profit de la Métropole de [Localité 7] les propriétés nécessaires à la réalisation de ce projet de démolition-reconstruction et réhabilitation de ces immeubles dont celui du [Adresse 1].
Par ordonnance en date du 15 juin 2020, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné l'expropriation des dites parcelles pour cause d'utilité publique.
A défaut d'accord amiable entre les parties, la Métropole de Lyon a par requête en date du 15 juillet 2020 saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de fixation de la valeur du bien susvisé
Le transport sur les lieux s'est déroulé le 22 mars 2021 et les parties ont été entendues le même jour.
Par jugement du 30 août 2021, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon a :
- fixé à 109.000 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M],
- dit que la somme de 109.000 € se décompose de la manière suivante soit 99.000 € (indemnité principale) + 10.900 € (indemnité de réemploi),
- rejeté les autres demande des époux [M] (préjudice de jouissance, des pertes locatives postérieurement à l'expropriation, des frais liés à la procédure d'expropriation devant le juge administratif, du trouble dans les conditions d'existence), à l'exception des frais d'expertise et condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 765 € à ce titre,
- condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Métropole de [Localité 7] aux dépens de la procédure.
Par déclaration du 22 octobre 2021, la Métropole de [Localité 7] a interjeté appel de ce jugement.
Par déclaration du 4 novembre 2021, Mr et Mme [M] ont également interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2022 (doss N° 21/7755) et le 15 avril 2022 (21/8017), la Métropole de [Localité 7] demande à la cour de :
- réformer le jugement du 30 août 2021 en ce qu'il a :
- fixé à 109.000 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M],
- dit que la somme de 109.000 € se décompose de la manière suivante soit 99.000 € (indemnité principale) + 10.900 € (indemnité de réemploi),
- rejeté les autres demande des époux [M] (préjudice de jouissance, des pertes locatives postérieurement à l'expropriation, des frais liés à la procédure d'expropriation devant le juge administratif, du trouble dans les conditions d'existence), à l'exception des frais d'expertise et condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 765 € à ce titre,
- condamné la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Métropole de [Localité 7] aux dépens de la procédure.
et statuant de nouveau,
- fixer les indemnités dues par elle à Mr [I] [M] et Mme [P] [T] épouse [M] aux sommes suivantes :
- 64.779 € au titre de l'indemnité principale,
- 7.477,90 € au titre de l'indemnité de réemploi,
- condamner Mr [I] [M] et Mme [P] [T] épouse [M] au paiement d'une somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre la condamnation aux dépens de l'instance,
- rejeter les demandes des expropriés.
A l'appui de son appel, la Métropole de [Localité 7] déclare que :
- l'immeuble est situé dans un quartier populaire de la ville de [Localité 7] bien qu'en évolution du fait des investissements de la Métropole de [Localité 7],
- composé de 8 logements, il a été construit en 1840, ne dispose pas d'ascenseur, il se trouve dans un état de délabrement très avancé ce qui a un impact considérable sur la valeur de chaque lot et il a fait l'objet de plusieurs arrêtés de péril dont le dernier en date du 20 juin 2014 a été levé le 22 juillet 2019,
- le premier juge a constaté que les appartements étaient inhabitables car complètement dégradés,
- la date de référence à prendre en considération est celle du 18 juin 2019, date d'entrée en vigueur de l'institution du droit de préemption urbain sur tout le territoire de la Métropole de [Localité 7].
Elle fait valoir que :
- le défaut d'entretien de l'immeuble depuis de nombreuses années est du à l'impéritie et à la mauvaise gestion des copropriétaires et non pas à la procédure d'expropriation et il ne peut lui être opposé les agissements de la Ville de [Localité 7], personne morale distincte, et propriétaire de lots dans l'immeuble,
- il appartient aux copropriétaires de contester s'ils l'estiment utile les agissements allégués devant la ville de [Localité 7] et une éventuelle responsabilité engagée à ce titre ne pourrait être traitée que devant le juge administratif,
- elle ne saurait en tout cas justifier une majoration de la valeur vénale ainsi que l'a fait le premier juge.
Elle demande donc à la cour de fixer la valeur des lots selon une approche du prix par la méthode du compte à rebours consistant à partir du prix de vente d'un programme de déduire les différents coûts de l'opération pour parvenir à la valeur de l'immeuble à rénover soit une valeur de 1.963 € le m² et pour une superficie de 33 m² la somme de 64.779 €.
S'agissant des éléments de comparaison produits par les époux [M], elle déclare qu'ils ne font l'objet d'aucune référence de publication permettant de les vérifier et qu'elles concernent des biens non comparables à celui objet de la présente instance qui est insalubre, vétuste et inhabitable.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 février 2022 (doss N° 21/8017), Mr et Mme [M] demandent à la cour de :
- réformer le jugement rendue par le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Lyon le 30 août 2021 en ce qu'il a :
- fixé à 109.000 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M],
- dit que la somme de 109.000 € se décompose de la manière suivante soit 99.000 € (indemnité principale) + 10.900 € (indemnité de réemploi),
- rejeté les autres demande des époux [M] (préjudice de jouissance, des pertes locatives postérieurement à l'expropriation, des frais liés à la procédure d'expropriation devant le juge administratif, du trouble dans les conditions d'existence), à l'exception des frais d'expertise et condamne la Métropole de [Localité 7] à payer aux époux [M] la somme de 765 € à ce titre,
statuant à nouveau,
- constater leur droit à indemnité communs en biens, propriétaires des lots N° 23 et 40 au sein de l'immeuble soumis au statut de la copropriété sis [Adresse 1] cadastré AO [Cadastre 2], du fait de l'expropriation engagée à leur encontre par la Métropole de [Localité 7],
- fixer les indemnités dues aux sommes suivantes :
* au titre de l'indemnité principale : 112.682 € et subsidiairement 105.000 €,
* au titre de l'indemnité de remploi : 12.268,20 €,
* au titre du préjudice de jouissance : 24.120 €
- au titre des pertes locatives postérieurement à l'expropriation : 4.020 €,
* au titre des frais liés à la procédure d'expropriation : 2.400 €,
* au titre des frais d'expert : 765 €,
* au titre du trouble dans les conditions d'existence : 10.000 €
en tout état de cause,
- condamner la Métropole de [Localité 7] au versement de la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
- condamner la Métropole de [Localité 7] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Les époux [M] font valoir que :
- l'offre faite par la Métropole de [Localité 7] est notoirement insuffisante et ne repose sur aucun terme de comparaison sérieux,
- ils ont donc été contraints de faire appel à un expert immobilier qui a établi un rapport sur lequel ils déclarent s'en rapporter, proposant une estimation en valeur vénale à 112.682 € selon la méthode par capitalisation ou 105.000 € selon la moyenne des méthodes employées,
Aux termes de son mémoire notifié le 24 mai 2022, le commissaire du gouvernement demande à la cour de réformer le jugement et de fixer les indemnités dues par la Métropole de [Localité 7] pour l'expropriation de ces biens aux sommes suivantes :
- indemnité principale 69.300 €,
- indemnité de réemploi 7.930 €.
Le commissaire du gouvernement déclare que :
- la date de référence à prendre en compte pour apprécier l'usage effectif du bien est le 18 juin 2019,
- il a produit en première instance et en appel divers termes de comparaison qu'il convient de retenir,
- il est proposé de ne pas retenir la méthode par capitalisation, le bien n'étant pas loué,
- les termes de comparaison de Mr et Mme [M] portent sur des biens habitables alors qu'en l'espèce, l'immeuble est vétuste voire délabré dans les étages.
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient au préalable en vue d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les N° 21/7755 et 21/8017.
1° sur la fixation de l'indemnité :
Aucune des parties ne remet en cause la date de référence qui a été justement fixée par le premier juge, s'agissant d'un bien soumis au droit de préemption, au 18 juin 2019, date à laquelle est devenu opposable au tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.
Selon l'article L 322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance et selon l'article L 322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
En application de ces principes et en l'absence d'annulation du jugement, il convient d'évaluer le bien litigieux à la date du 30 août 2021, date du jugement dont appel.
* sur l'évaluation du bien :
Au vu du procès-verbal de transport le bien concerné par la procédure est constitué d'un appartement très vétuste à l'entresol du bâtiment A de l'immeuble datant de 1850 d'une surface de 33 m² nécessitant des travaux de rénovation importants et d'une cave.
L'état vétuste des lieux tant de l'immeuble que de l'appartement de Mr et Mme [M] est confirmé par le procès-verbal de transport et par le rapport d'expertise de Mr [O] produit par les expropriés qui évoque la nécessité d'importants travaux d'ensemble.
Au plan local d'urbanisme, le bien est situé en zone UCe2a.
Il s'agit d'un quartier bien situé dans le [Localité 4] de la ville de [Localité 7] à proximité des commodités et du centre commercial de la Part-Dieu.
Dés lors que des termes de référence probants sont versés aux débats, il convient d'utiliser la méthode dite "par comparaison" consistant à évaluer le bien en le comparant avec des termes de référence constitués par des mutations de biens de même nature, comparables ou similaires au bien exproprié, cette méthode étant la seule permettant en l'espèce de déterminer un préjudice certain.
En effet, la méthode du compte à rebours, ou méthode dite 'du promoteur' proposée par la Métropole de [Localité 7] consistant à partir d'un prix prévisionnel de vente d'un programme à reconstituer les différentes dépenses à engager pour en déduire la valeur de l'immeuble doit être écartée comme étant aléatoire dés lors qu'elle dépend de divers facteurs inconnus notamment la marge bénéficiaire fixée par le constructeur et les frais de commercialisation ou de publicité qui peuvent varier d'une opération à l'autre et alors au surplus que la valeur d'un bien ne peut être déterminée en fonction de son utilisation future.
Les époux [M] se prévalent d'un rapport d'expertise en valeur vénale établi par Mr [O] le 24 septembre 2020 faisant ressortir à partir de termes de comparaison extraits des données Patrim entre octobre 2017 et juin 2020 des ventes d'appartements (T1 et studios) de taille proche de celui en litige (25 à 33 m²), à proximité et dans des immeubles anciens pour un prix moyen de 4.017 € le m² et proposant une valeur vénale de 97.150 € selon la méthode de comparaison et de 112.682 € par la méthode de capitalisation.
De son côté, le commissaire du gouvernement produit en cause d'appel :
- le résultat de recherches de ventes sur un périmètre de 50 mètres en 2020 et 2021 dans des immeubles anciens recensant un prix de vente moyen de 4.786 € le m² en surface utile,
- le résultat de recherches de ventes sur un périmètre de 100 mètres en 2020 et 2021 dans des immeubles anciens recensant un prix de vente moyen de 5.125 € le m² en surface utile,
- un arrêt de la présente cour du 22 mars 2022 pour un immeuble situé à proximité retenant (évaluation septembre 2020) pour l'ensemble de l'immeuble avant abattement pour travaux un prix de 4.250 € le m².
La Métropole de [Localité 7] qui revendique une autre méthode d'évaluation ne produit de son côté aucun élément de comparaison mais propose de régler une somme de 1.963€ le m² après déduction du coût des travaux de rénovation, de divers honoraires et d'une marge opérateur sur la base d'un prix de 5.000 € correspondant à un logement rénové.
Les éléments ci-dessus produits constituent des termes de comparaison pertinents et permettent de fixer la valeur moyenne du bien de Mr et Mme [M] à 5.000 € le m².
Cette valeur ne peut toutefois être retenue en l'état dés lors que sauf indications contraires, les biens de comparaison correspondent à des biens en bon état et il est nécessaire ainsi que le relève justement le commissaire du gouvernement et que le proposent les parties, de pratiquer un abattement pour tenir compte des travaux de remise en état à faire.
Au vu des éléments produits, notamment l'évaluation 2013, réactualisée en 2021, des travaux à faire produite par la Métropole de [Localité 7], sans prendre en compte les honoraires de vente et de marge de l'opérateur, la cour retient un abattement de 2.300 € le m² au titre des travaux.
Il convient par conséquent de chiffrer l'indemnité principale du bien exproprié à 2.700 € le m², soit pour 33 m² , 89.100 €.
L'indemnité de remploi fixée conformément à l'usage, soit 20 % du montant de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 €, 15 % entre 5.000 € et 15000 € et 10 % pour le surplus, s'établit à 11.160 €.
L'indemnité totale s'élève donc à 89.100 € + 11.160 €, soit 100.260 €, le jugement étant infirmé de ce chef.
2° sur les indemnités accessoires :
L'article L. 321-1 du code de l'expropriation, prévoit que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Les époux [M] sollicitent le paiement de différentes indemnités accessoires à savoir :
- l'indemnisation des pertes de jouissance de leur bien dés lors que le déclenchement de la procédure d'expropriation leur a ôté toute chance de louer le bien, soit sur la base d'une valeur locative annuelle de 8.040 €, une indemnité de 24.120 €,
- une indemnité pour perte de loyers pendant le temps nécessaire à la recherche d'un bien de remplacement, soit un préjudice locatif de 4.020 €,
- les frais de procédure qu'ils ont du engager devant la juridiction administrative en raison de l'irrégularité de la procédure d'expropriation,
- un préjudice de trouble dans leurs conditions de vie alors qu'ils sont âgés et en situation de handicap et qu'ils avaient mis dans cet appartement et ses revenus une partie de leurs espoirs de compléter leurs revenus à la retraite, soit la somme de 10.000 €,
- les frais d'expertise à hauteur de 765 €.
La Métropole de [Localité 7] déclare que le premier juge a écarté à raison les autres indemnités sollicitée par les époux [M] en faisant valoir qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'impossibilité de louer le bien et la procédure d'expropriation, que l'appréciation de la longueur alléguée de la procédure relève des juridictions administratives, que la demande d'indemnité pour pertes de loyers doit également être rejetée, le bien n'étant pas loué à la date de l'ordonnance, que les frais liés aux procédures parallèles n'ont pas à être indemnisés dans le cadre de la procédure d'expropriation et que le préjudice matériel et moral n'est pas démontré et que ce dernier ne peut l'être dans le cadre de la procédure d'expropriation.
Le commissaire du gouvernement soutient que les indemnités accessoires ne doivent pas être retenues en l'absence de lien entre les préjudices allégués et la procédure d'expropriation.
Sur ce :
Il est constant que le bien des époux [M] n'était pas loué en raison de l'insalubrité des locaux et de l'immeuble, fait totalement indépendant de la procédure d'expropriation qui n'est donc pas la cause du préjudice de perte de jouissance invoqué ou d'une perte de chance de mettre leur bien en location, laquelle n'est au surplus étayée par aucun élément précis et pertinent.
Le premier juge a justement constaté que les frais de procédure devant le juge administratif pour contester la procédure d'expropriation ne peuvent être sollicités que devant la juridiction compétente et que selon ce que déclare la Métropole de [Localité 7], ils ont été rejetés par la juridiction administrative.
En application de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation dont les dispositions ont été rappelées ci-dessus, seul préjudice matériel causé par l'expropriation peut donner lieu à indemnisation.
Or en l'espèce, le préjudice allégué par les époux [M] au titre d'un trouble dans les conditions d'existence est en réalité un préjudice moral qui ne peut donc donner lieu à indemnisation.
La somme de 3.000 € allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile couvre le montant des frais de l'expert auxquels ont fait appel les époux [M] et il convient de rejeter ce chef de demande.
3° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au regard de la solution donnée au litige, les dépens d'appel sont mis à la charge de la Métropole de [Localité 7] qui succombe partiellement en ses prétentions.
La cour estime que l'équité ne commandepas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
la cour,
Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les N° 21/7755 et 21/8017.
Confirme la décision déférée sauf en son évaluation du bien de Mr et Mme [M] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe à 100.260 € l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 7] à Mr et Mme [I] et [P] [M] dans le cadre de l'opération d'expropriation du bien situé au [Adresse 1] (parcelle cadastrée section AO N° [Cadastre 2]) pour les lots N° 23 et N° 40 appartenant aux époux [M] ;
Dit que la somme de 100.260 € se décompose de la manière suivante soit 89.100 € (indemnité principale) + 11.160 € (indemnité de réemploi) ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la Métropole de [Localité 7] aux dépens d'appel.
La greffière, Le Président,