Décisions
CA Grenoble, 2e ch., 26 septembre 2023, n° 21/04958
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 21/04958 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LEDC
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY
Me Anaïs BOURGIER
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 20/05351) rendu par le Juge des contentieux de la protection de GRENOBLE en date du 21 octobre 2021, suivant déclaration d'appel du 29 Novembre 2021
APPELANTES :
Mme [U] [V]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 7]
S.A.S. LES DAMIERS D'[Localité 7] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentées par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Mme [O] [T]
née le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
M. [Z] [N]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentés par Me Anaïs BOURGIER, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Anne-Laure CHAUFOUR, avocat au Barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 juin 2023, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Claire Chevallet, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [O] [T] et M.[Z] [N] ont conclu le 6 août 2019 avec Madame [U] [V] un bail soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sur un appartement situé [Adresse 4] à [Localité 7].
Se prévalant de dol, ils ont sollicité l'annulation du contrat de bail.
Mme [T] étant magistrat, il a été fait application de l'article 47 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
-donné acte à Monsieur [N] de son intervention volontaire
-prononcé l'annulation pour dol avec effet au 26 mai 2021 du bail conclu le 6 août 2019
-dit n'y avoir lieu à fixer une indemnité d'occupation
-dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution qui pourrait résulter de la compensation avec les loyers.
-condamné in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de :
- 3000 euros en indemnisation de leur préjudice matériel, toutes causes confondues
- 500 euros en réparation de leur préjudice moral
- 120 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamné la SAS Les damiers d'[Localité 7] et Madame [V] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 29 novembre 2021, la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] ont interjeté appel.
Mme [T] et M.[N] ont interjeté appel incident.
Dans leurs conclusions notifiées le 28 juillet 2022, la SAS Les damiers d'[Localité 7] et Mme [V] demandent à la cour de:
Vu l'article 1137 du code civil,
Vu l'article 1217 du code civil
Vu l'article 1719 du code civil,
Vu le jugement du 21 octobre 2021
Vu les pièces jointes
-juger recevable, mais mal fondé l'appel incident relevé par Monsieur [N] et Madame [T];
-débouter Monsieur [N] et Madame [T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 21 octobre 2021 en ce qu'il a :
-Prononcé l'annulation pour dol avec effet au 26 mai 2021 du bail conclu le 6 août 2019
-Condamné in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de :
- 3000 euros en indemnisation de leur préjudice matériel, toutes causes confondues
- 500 euros en réparation de leur préjudice moral
- 120 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-Condamné la SAS Les damiers d'[Localité 7] et Madame [V] aux entiers dépens.
Le réformant, et statuant à nouveau :
-juger n'y avoir lieu à annulation du contrat de bail.
-débouter Monsieur [N] et Madame [T] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
-condamner Monsieur [N] et Madame [T] in solidum à payer à la SAS Les damiers d'[Localité 7] et à Madame [V] une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Au soutien de leurs demandes, les appelantes énoncent que s'il n'est pas contesté que ni la propriétaire, ni l'agence, n'ont songé à informer les locataires de l'existence de travaux de désamiantage des parties communes, elles ne pouvaient imaginer que lesdits travaux allaient poser problème, et qu'en tout état de cause, cette omission n'a eu aucune conséquence, et ne saurait être constitutive d'un dol.
Elles énoncent encore que la présence d'amiante dans les peintures est extrêmement courante, et que, même si elle est en présence infime, les travaux de ravalement sont l'occasion de la supprimer, qu'il n'y avait évidemment pas d'amiante dans les parties privatives et aucun danger pour quiconque.
Elles réfutent tout préjudice moral et soulignent que les locataires ont déménagé avant la réalisation des travaux litigieux. Elles ajoutent que le caractère prétendument précaire de l'occupation ne saurait justifier une diminution de la valeur locative. Elles s'opposent également à la demande formée à titre subsidiaire de résolution du bail en l'absence du manquement du bailleur à ses obligations contractuelles et concluent pour ces mêmes motifs au rejet de la demande de résiliation du bail.
Dans leurs conclusions notifiées le 15 mai 2022, Mme [T] et M.[N] demandent à la cour de:
Vu les articles 1112-1 et 1130 et suivants du code civil,
Vu la décision rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble le 21 octobre 2021,
- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble en ce qu'elle a annulé le contrat de bail pour dol et en ce qu'elle a condamné in solidum l'agence Les damiers d'[Localité 7] et Madame [U] [V] à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] à la somme de 500 euros au titre de leur préjudice moral, et 120 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-réformer la décision en ce qu'elle a fixé l'annulation du contrat à la date de départ des locataires et en ce qu'elle a condamné in solidum l'agence Les damiers d'[Localité 7] et Madame [U] [V] à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] la somme de 3.000 euros au titre de leur préjudice matériel.
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum l'agence Les damiers d'[Localité 7] et Madame [U] [V] à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] à la somme de :
- 910 euros au titre de la différence entre les loyers versés et l'indemnité d'occupation due, au jour de la requête,
- 3.000 euros au titre des frais de déménagement,
- 1.019 euros au titre des frais d'agence.
A titre subsidiaire,
-prononcer la résolution du contrat pour défaut d'exécution,
-condamner en conséquence in solidum Madame [U] [V] et l'agence Les damiers d'[Localité 7], es qualité de mandataire représentant de Madame [V] au contrat, à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] les sommes de :
- 3.240 euros au titre des frais de déménagement,
- 1.019 euros au titre des frais d'agence,
- 741 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
A titre infiniment subsidiaire,
-prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du bailleur,
- condamner en conséquence in solidum Madame [U] [V] et l'agence Les damiers d'[Localité 7], es qualité de mandataire représentant de Madame [V] au contrat, à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] les sommes de :
- 3.240 euros au titre des frais de déménagement,
- 1.019 euros au titre des frais d'agence,
- 741 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
En tout état de cause,
-condamner in solidum Madame [V] et la société Les damiers d'[Localité 7] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.
Mme [T] et M.[N] font valoir qu'ils avaient informé l'agence immobilière de leurs critères de recherches et notamment du fait que ce bien les intéressait en raison de sa tranquillité, de son espace extérieur et de la vue qu'il offrait, que pendant la durée des travaux, l'immeuble a nécessairement dû être bâché, obstruant ainsi les fenêtres et interdisant l'accès au balcon.
Subsidiairement, ils sollicitent la résolution voire la résiliation du contrat pour défaut d'exécution, du fait de la présence d'amiante, non mentionnée dans les documents remis.
La clôture a été prononcée le 1er mars 2023.
MOTIFS
Aux termes de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Selon l'article 1137 de ce même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
En l'espèce, les parties ont signé un bail pour un appartement avec balcon et vue sur les montagnes d'[Localité 7], moyennant un loyer de 1300 euros, outre 65 euros de provisions pour charges.
Compte tenu de la localisation du bien, du fait qu'il était situé au 7e étage, cette hauteur étant fréquemment recherchée pour la vue, il est indéniable que la présence d'un balcon joue un rôle essentiel dans le choix du logement.
Or, il ressort de la procédure que le 11 avril 2019, l'assemblée générale a voté le désamiantage des façades. Le projet de résolution était ainsi rédigé : « l'option 1 comprend le désamiantage de l'ensemble des surfaces amiantées, soit : les garde-corps + les tranches de dalles + les sous-faces des balcons en saillie + les enduits en façade + les sous-faces des balcons rectangulaires + les sous-faces des balcons triangulaires+ les sous-faces des escaliers ». Ces travaux devaient se dérouler entre les mois de mars et décembre 2021.
Même si les surfaces privatives ne contenaient pas d'amiante, et que les travaux n'ont, s'ils sont bien menés, pas d'impact sur la santé et la sécurité des occupants, en tout état de cause, lesdits travaux conduisent à obstruer les fenêtres et interdire l'accès au balcon.
Compte tenu par ailleurs de l'importance des travaux, qui ne peuvent être qualifiés de travaux ponctuels, il incombait à l'agence immobilière d'aviser les futurs locataires de l'existence de ces derniers, afin de leur permettre d'effectuer leur choix en pleine connaissance de cause, ce qu'elle n'a pas fait.
Cette réticence sur un élément déterminant constitue un dol, dont la sanction est la nullité du contrat.
Mme [V] en sa qualité de propriétaire, la SAS Les damiers d'[Localité 7] en sa qualité d'agence immobilière, en charge spécifiquement d'un devoir d'information à l'égard des locataires, engagent toutes les deux leur responsabilité.
L'annulation du contrat étant nécessairement rétroactive puisque le contrat est censé n'avoir jamais existé. Mme [T] et M.[N] sont donc redevables non pas d'un loyer, mais d'une indemnité d'occupation.
Toutefois, compte tenu des circonstances de l'espèce, le caractère précaire de l'occupation n'est pas avéré et il n'y a donc pas lieu de fixer une indemnité d'occupation à une somme moindre que celle du loyer. En tout état de cause, aucune demande en paiement n'est formulée par les appelants.
Si le contrat de bail n'avait pas été annulé, les locataires n'auraient pas eu à payer des frais d'agence, à hauteur de 1 019 euros, frais non contestés, et des frais de déménagement, la demande principale portant sur la somme de 3 000 euros, et non 3240 euros. Le fait qu'il s'agisse d'un contrat à durée déterminée est sans incidence, rien n'empêchant les locataires de rester de nombreuses années dans leur logement. Les appelants allèguent que l'employeur de M.[N] a pris en charge ces frais, toutefois, outre le fait qu'elle n'en rapporte pas la preuve, une telle prise en charge ne peut se renouveler sauf circonstances particulières telles qu'une mutation professionnelle, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
Mme [T] et M.[N] justifient d'un préjudice moral, lié à la nécessité d'effectuer des démarches dans une certaine urgence, il leur sera alloué la somme de 500 euros, le jugement sera confirmé.
Mme [V] et la SAS Les damiers d'[Localité 7] qui succombent à l'instance seront condamnées aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
-prononcé l'annulation pour dol avec effet au 26 mai 2021 du bail conclu le 6 août 2019,
-dit n'y avoir lieu à fixer une indemnité d'occupation,
-condamné in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de 3 000 euros en indemnisation de leur préjudice matériel, toutes causes confondues,
et statuant de nouveau,
Annule le contrat de bail pour dol,
Rappelle que l'annulation a un effet rétroactif à compter de la conclusion du contrat de bail,
Constate qu'aucune demande n'est formulée au titre de l'indemnité d'occupation,
Condamne in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de :
-3 000 euros au titre des frais de déménagement
-1 019 euros au titre des frais d'agence,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY
Me Anaïs BOURGIER
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023
Appel d'un Jugement (N° R.G. 20/05351) rendu par le Juge des contentieux de la protection de GRENOBLE en date du 21 octobre 2021, suivant déclaration d'appel du 29 Novembre 2021
APPELANTES :
Mme [U] [V]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 7]
S.A.S. LES DAMIERS D'[Localité 7] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentées par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Mme [O] [T]
née le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
M. [Z] [N]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentés par Me Anaïs BOURGIER, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Anne-Laure CHAUFOUR, avocat au Barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 juin 2023, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Claire Chevallet, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [O] [T] et M.[Z] [N] ont conclu le 6 août 2019 avec Madame [U] [V] un bail soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sur un appartement situé [Adresse 4] à [Localité 7].
Se prévalant de dol, ils ont sollicité l'annulation du contrat de bail.
Mme [T] étant magistrat, il a été fait application de l'article 47 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
-donné acte à Monsieur [N] de son intervention volontaire
-prononcé l'annulation pour dol avec effet au 26 mai 2021 du bail conclu le 6 août 2019
-dit n'y avoir lieu à fixer une indemnité d'occupation
-dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution qui pourrait résulter de la compensation avec les loyers.
-condamné in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de :
- 3000 euros en indemnisation de leur préjudice matériel, toutes causes confondues
- 500 euros en réparation de leur préjudice moral
- 120 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamné la SAS Les damiers d'[Localité 7] et Madame [V] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 29 novembre 2021, la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] ont interjeté appel.
Mme [T] et M.[N] ont interjeté appel incident.
Dans leurs conclusions notifiées le 28 juillet 2022, la SAS Les damiers d'[Localité 7] et Mme [V] demandent à la cour de:
Vu l'article 1137 du code civil,
Vu l'article 1217 du code civil
Vu l'article 1719 du code civil,
Vu le jugement du 21 octobre 2021
Vu les pièces jointes
-juger recevable, mais mal fondé l'appel incident relevé par Monsieur [N] et Madame [T];
-débouter Monsieur [N] et Madame [T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 21 octobre 2021 en ce qu'il a :
-Prononcé l'annulation pour dol avec effet au 26 mai 2021 du bail conclu le 6 août 2019
-Condamné in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de :
- 3000 euros en indemnisation de leur préjudice matériel, toutes causes confondues
- 500 euros en réparation de leur préjudice moral
- 120 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-Condamné la SAS Les damiers d'[Localité 7] et Madame [V] aux entiers dépens.
Le réformant, et statuant à nouveau :
-juger n'y avoir lieu à annulation du contrat de bail.
-débouter Monsieur [N] et Madame [T] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
-condamner Monsieur [N] et Madame [T] in solidum à payer à la SAS Les damiers d'[Localité 7] et à Madame [V] une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Au soutien de leurs demandes, les appelantes énoncent que s'il n'est pas contesté que ni la propriétaire, ni l'agence, n'ont songé à informer les locataires de l'existence de travaux de désamiantage des parties communes, elles ne pouvaient imaginer que lesdits travaux allaient poser problème, et qu'en tout état de cause, cette omission n'a eu aucune conséquence, et ne saurait être constitutive d'un dol.
Elles énoncent encore que la présence d'amiante dans les peintures est extrêmement courante, et que, même si elle est en présence infime, les travaux de ravalement sont l'occasion de la supprimer, qu'il n'y avait évidemment pas d'amiante dans les parties privatives et aucun danger pour quiconque.
Elles réfutent tout préjudice moral et soulignent que les locataires ont déménagé avant la réalisation des travaux litigieux. Elles ajoutent que le caractère prétendument précaire de l'occupation ne saurait justifier une diminution de la valeur locative. Elles s'opposent également à la demande formée à titre subsidiaire de résolution du bail en l'absence du manquement du bailleur à ses obligations contractuelles et concluent pour ces mêmes motifs au rejet de la demande de résiliation du bail.
Dans leurs conclusions notifiées le 15 mai 2022, Mme [T] et M.[N] demandent à la cour de:
Vu les articles 1112-1 et 1130 et suivants du code civil,
Vu la décision rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble le 21 octobre 2021,
- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble en ce qu'elle a annulé le contrat de bail pour dol et en ce qu'elle a condamné in solidum l'agence Les damiers d'[Localité 7] et Madame [U] [V] à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] à la somme de 500 euros au titre de leur préjudice moral, et 120 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-réformer la décision en ce qu'elle a fixé l'annulation du contrat à la date de départ des locataires et en ce qu'elle a condamné in solidum l'agence Les damiers d'[Localité 7] et Madame [U] [V] à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] la somme de 3.000 euros au titre de leur préjudice matériel.
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum l'agence Les damiers d'[Localité 7] et Madame [U] [V] à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] à la somme de :
- 910 euros au titre de la différence entre les loyers versés et l'indemnité d'occupation due, au jour de la requête,
- 3.000 euros au titre des frais de déménagement,
- 1.019 euros au titre des frais d'agence.
A titre subsidiaire,
-prononcer la résolution du contrat pour défaut d'exécution,
-condamner en conséquence in solidum Madame [U] [V] et l'agence Les damiers d'[Localité 7], es qualité de mandataire représentant de Madame [V] au contrat, à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] les sommes de :
- 3.240 euros au titre des frais de déménagement,
- 1.019 euros au titre des frais d'agence,
- 741 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
A titre infiniment subsidiaire,
-prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du bailleur,
- condamner en conséquence in solidum Madame [U] [V] et l'agence Les damiers d'[Localité 7], es qualité de mandataire représentant de Madame [V] au contrat, à payer à Madame [O] [T] et Monsieur [Z] [N] les sommes de :
- 3.240 euros au titre des frais de déménagement,
- 1.019 euros au titre des frais d'agence,
- 741 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
En tout état de cause,
-condamner in solidum Madame [V] et la société Les damiers d'[Localité 7] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.
Mme [T] et M.[N] font valoir qu'ils avaient informé l'agence immobilière de leurs critères de recherches et notamment du fait que ce bien les intéressait en raison de sa tranquillité, de son espace extérieur et de la vue qu'il offrait, que pendant la durée des travaux, l'immeuble a nécessairement dû être bâché, obstruant ainsi les fenêtres et interdisant l'accès au balcon.
Subsidiairement, ils sollicitent la résolution voire la résiliation du contrat pour défaut d'exécution, du fait de la présence d'amiante, non mentionnée dans les documents remis.
La clôture a été prononcée le 1er mars 2023.
MOTIFS
Aux termes de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Selon l'article 1137 de ce même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
En l'espèce, les parties ont signé un bail pour un appartement avec balcon et vue sur les montagnes d'[Localité 7], moyennant un loyer de 1300 euros, outre 65 euros de provisions pour charges.
Compte tenu de la localisation du bien, du fait qu'il était situé au 7e étage, cette hauteur étant fréquemment recherchée pour la vue, il est indéniable que la présence d'un balcon joue un rôle essentiel dans le choix du logement.
Or, il ressort de la procédure que le 11 avril 2019, l'assemblée générale a voté le désamiantage des façades. Le projet de résolution était ainsi rédigé : « l'option 1 comprend le désamiantage de l'ensemble des surfaces amiantées, soit : les garde-corps + les tranches de dalles + les sous-faces des balcons en saillie + les enduits en façade + les sous-faces des balcons rectangulaires + les sous-faces des balcons triangulaires+ les sous-faces des escaliers ». Ces travaux devaient se dérouler entre les mois de mars et décembre 2021.
Même si les surfaces privatives ne contenaient pas d'amiante, et que les travaux n'ont, s'ils sont bien menés, pas d'impact sur la santé et la sécurité des occupants, en tout état de cause, lesdits travaux conduisent à obstruer les fenêtres et interdire l'accès au balcon.
Compte tenu par ailleurs de l'importance des travaux, qui ne peuvent être qualifiés de travaux ponctuels, il incombait à l'agence immobilière d'aviser les futurs locataires de l'existence de ces derniers, afin de leur permettre d'effectuer leur choix en pleine connaissance de cause, ce qu'elle n'a pas fait.
Cette réticence sur un élément déterminant constitue un dol, dont la sanction est la nullité du contrat.
Mme [V] en sa qualité de propriétaire, la SAS Les damiers d'[Localité 7] en sa qualité d'agence immobilière, en charge spécifiquement d'un devoir d'information à l'égard des locataires, engagent toutes les deux leur responsabilité.
L'annulation du contrat étant nécessairement rétroactive puisque le contrat est censé n'avoir jamais existé. Mme [T] et M.[N] sont donc redevables non pas d'un loyer, mais d'une indemnité d'occupation.
Toutefois, compte tenu des circonstances de l'espèce, le caractère précaire de l'occupation n'est pas avéré et il n'y a donc pas lieu de fixer une indemnité d'occupation à une somme moindre que celle du loyer. En tout état de cause, aucune demande en paiement n'est formulée par les appelants.
Si le contrat de bail n'avait pas été annulé, les locataires n'auraient pas eu à payer des frais d'agence, à hauteur de 1 019 euros, frais non contestés, et des frais de déménagement, la demande principale portant sur la somme de 3 000 euros, et non 3240 euros. Le fait qu'il s'agisse d'un contrat à durée déterminée est sans incidence, rien n'empêchant les locataires de rester de nombreuses années dans leur logement. Les appelants allèguent que l'employeur de M.[N] a pris en charge ces frais, toutefois, outre le fait qu'elle n'en rapporte pas la preuve, une telle prise en charge ne peut se renouveler sauf circonstances particulières telles qu'une mutation professionnelle, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
Mme [T] et M.[N] justifient d'un préjudice moral, lié à la nécessité d'effectuer des démarches dans une certaine urgence, il leur sera alloué la somme de 500 euros, le jugement sera confirmé.
Mme [V] et la SAS Les damiers d'[Localité 7] qui succombent à l'instance seront condamnées aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
-prononcé l'annulation pour dol avec effet au 26 mai 2021 du bail conclu le 6 août 2019,
-dit n'y avoir lieu à fixer une indemnité d'occupation,
-condamné in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de 3 000 euros en indemnisation de leur préjudice matériel, toutes causes confondues,
et statuant de nouveau,
Annule le contrat de bail pour dol,
Rappelle que l'annulation a un effet rétroactif à compter de la conclusion du contrat de bail,
Constate qu'aucune demande n'est formulée au titre de l'indemnité d'occupation,
Condamne in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] les sommes de :
-3 000 euros au titre des frais de déménagement
-1 019 euros au titre des frais d'agence,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum la SAS Les damiers d'[Localité 7] avec Madame [V] à payer à Madame [T] et Monsieur [N] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,