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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 12 septembre 2023, n° 22/02849

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/02849

12 septembre 2023

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70C

1re chambre 2e section

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 12 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/02849 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VE4U

AFFAIRE :

Mme [G] [S]

C/

Mme [K] [R]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Décembre 2021 par le Tribunal de proximité de Gonesse

N° RG : 11-21-750

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12/09/23

à :

Me Abdelaziz MIMOUN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [G] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Présente à l'audience

Représentant : Maître Abdelaziz MIMOUN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89

APPELANTE

****************

Madame [K] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur [Z] [I]

[Localité 3]

Assignés à étude

INTIMES DEFAILLANTS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [S] est propriétaire d'un appartement sis [Adresse 1] à [Localité 3] (95). Elle expose l'avoir prêté au mois de septembre 2020 à sa nièce, Mme [K] [R] et son ami, M. [Z] [I] pour quelques temps mais que ces derniers se sont maintenus dans les lieux.

Par acte de commissaire de justice délivré le 20 avril 2021, Mme [S] a assigné Mme [R] et M. [I] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Gonesse aux fins d'obtenir :

- leur expulsion des lieux occupés sous astreinte de 400 euros par jour,

- leur condamnation en paiement de la somme de 750 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 13 décembre 2021, le tribunal de proximité de Gonesse a :

- débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Mme [R] et M. [I] de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de Mme [S].

Par déclaration reçue au greffe le 22 avril 2022, Mme [S] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 21 juillet 2022, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de paiement d'une somme de 750 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, de 1 000 euros de dommages et intérêts et de 1 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau, de :

- condamner in solidum Mme [R] et M. [I] à lui verser les sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période ayant couru du 6 septembre 2020 au 2 mai 2021 ou subsidiairement, si l'existence d'un bail verbal devait être confirmée la somme de 17 250 euros à titre d'arriérés de loyers et 750 euros de loyer mensuel jusqu'à la résiliation effective du bail,

* 2 869 euros au titre des frais de travaux,

* 1 469,58 euros à titre de remboursement des frais de consommation,

* 1 000 euros au titre du préjudice moral,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Mme [R] et M. [I] à lui verser les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Abdelaziz Mimoun avocat constitué conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [R] n'a pas constitué avocat. Par acte d'huissier de justice délivré le 10 juin 2022, la déclaration d'appel lui a été signifiée par dépôt à l'étude. Par acte de commissaire de justice délivré le 8 août 2022, les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées par dépôt à l'étude.

M. [I] n'a pas constitué avocat. Par acte d'huissier de justice délivré le 10 juin 2022, la déclaration d'appel lui a été signifiée par dépôt à l'étude. Par acte de commissaire de justice délivré le 8 août 2022, les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées par dépôt à l'étude.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 mai 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que l'article 472 du code de procédure civile dispose que 'lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; il n'est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée'

Sur l'appel de Mme [S].

- Sur l'occupation des lieux par les consorts [R] [I].

Mme [S], qui affirme que Mme [R] et M. [I] ne lui ont jamais réglé le moindre loyer et que l'occupation des lieux n'avait aucune contrepartie financière, reproche au premier juge d'avoir retenu que Mme [R] et M. [I] occupaient les lieux en vertu d'un bail verbal au motif erroné selon elle, que les pièces produites et notamment les échanges de sms permettaient d'établir l'existence d'un bail verbal. Mme [S] fait essentiellement valoir que cette analyse est contraire à l'examen des faits et à la jurisprudence applicable, qu'en effet, c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un bail verbal d'en rapporter la preuve qui peut être faite par tous moyens, que cependant l'existence du bail verbal ne peut résulter de la simple occupation des lieux. Mme [S] poursuit en concluant que Mme [R] et M. [I] doivent être considérés comme occupants sans droit ni titre.

Sur ce,

En l'espèce, compte tenu de la défaillance des intimés en cause d'appel, aucun élément ne permet d'établir que Mme [S] leur aurait consenti un bail verbal portant sur le bien, tel le règlement régulier d'un loyer, la souscription d'un abonnement à des fournisseurs d'énergie ou de téléphonie, la souscription d'une assurance pour le bien.

En revanche, il est constant que Mme [S] qui est la tante de Mme [R] a mis l'appartement à la disposition de sa nièce pour lui rendre service, ainsi qu'il ressort d'un sms que l'appelante a adressé à sa nièce.

Pour autant, Mme [R] et M. [I] ne peuvent être considérés comme occupants sans droit ni titre, dans la mesure où, précisément, Mme [S] leur a permis d'occuper provisoirement les lieux dans l'attente d'une autre solution d'hébergement, ainsi que le corroborent le message écrit que l'appelante a adressé à sa nièce, mais surtout l'attestation datée du 8 octobre 2020 produite aux débats par Mme [S] aux termes de laquelle Mme [R] s'engage à trouver un appartement dans les plus brefs délais.

Par application de l'article 12 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

La cour retient, en conséquence, que l'occupation des lieux par Mme [R] et M. [I] s'inscrit dans le cadre d'un prêt à usage dit 'commodat' que cette dernière leur a consenti, le prêt à usage ou commodat étant défini à l'article 1875 du code civil comme 'un contrat par lequel l'un des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s'en être servi', étant observé à cet égard que la rédaction d'un écrit n'est pas nécessaire, le contrat pouvant se nouer verbalement. Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un bail verbal conclu entre Mme [S] d'une part et Mme [R] et M. [I] d'autre part.

- Sur les conséquence juridiques.

Il ressort des pièces versées aux débats que Mme [S] a entendu mettre à disposition de sa nièce, Mme [R], l'appartement dont elle est propriétaire de manière provisoire pour lui permettre de trouver une solution d'hébergement.

En première instance, Mme [R], qui prétendait être titulaire d'un bail verbal, n'a pas contesté s'être maintenue dans les lieux avec son ami, M. [I], jusqu'au 3 mai 2021.

En l'absence de contrat écrit, aucune date de restitution n'est prévue, de sorte que la durée de la convention de prêt à usage est à durée indéterminée. Néanmoins, dans cette hypothèse, il est constamment admis que lorsqu'aucun terme n'a été convenu et lorsqu'aucun terme naturel n'est prévisible, ce qui est le cas en l'espèce, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable.

En l'espèce, Mme [R] s'est engagée le 10 octobre 2020 envers Mme [S] à trouver un appartement dans les plus brefs délais.

La cour estime devoir fixer l'expiration du délai de préavis raisonnable au 1er avril 2021, date à laquelle Mme. [R] et M. [I] sont devenus occupants dans droit ni titre des lieux.

A compter de cette date, Mme [R] et M. [I] sont redevables envers Mme [S] d'une indemnité d'occupation dont la cour a les éléments pour la fixer à la somme de750 euros au vu de l'attestation de valeur locative d'une agence immobilière du 28 décembre 2020. Ils doivent dont être condamnés à verser à Mme [S] la somme 750 euros au titre du mois d'avril 2021.

- Sur le remboursement des frais exposés par Mme [S].

Mme [S] sollicite la condamnation de Mme [R] et de M. [I] à lui verser la somme de 1 469,50 euros au titre des factures de consommation de gaz (458,04 euros), d'eau (309 euros) et d'électricité (702,54 euros).

Mme [S] ne justifie pas suffisamment des frais qu'elle prétend avoir exposés par les pièces qu'elle produit aux débats, soit un décompte qu'elle a établi au vu des photographies des compteurs d'eau froide et d'eau chaude ainsi que celles d'un compteur électrique et de gaz prises par le commissaire de justice qu'elle a mandaté pour dresser un procès-verbal de constat de sortie.

En l'absence de facture, Mme [S] doit être déboutée comme mal fondée en cette demande.

- Sur les frais de remise en état des lieux.

Mme [S] sollicite la condamnation de Mme [R] et de M. [I] à lui verser la somme de 2 869 euros au titre des frais de travaux de remise en état de l'appartement, soit la somme de 185 euros au titre des frais de nettoyage et celle de 2 684 euros au titre des travaux de peinture sur la base de devis qu'elle communique.

Aux termes d'un procès-verbal de constat d'état des lieux dressé le 27 mai 2021, Me [M], commissaire de justice, note avoir constaté :

* dans le séjour doté d'une cuisine américaine, des traces noires et de la moisissure sur la porte d'entrée, ainsi que sur la pan du mur à gauche et à droite de la porte d'entrée, de multiples traces sur le plan de travail et des éclats, l'opacité et la saleté de la porte du four, de multiples traces sur la plaque à induction, des impacts sur la façade du réfrigérateur et dans l'évier, des déchets sous les meubles de cuisine,

* dans la chambre, des impacts sur le pan de mur de face,

* des traces de moisissure en partie basse du pan de mur de face et du pan de mur de gauche,

* dans la salle d'eau, des traces noires sur les joints, fixation de douchette cassée, un trou avec un clou, impact sur l'étagère en partie haute de la salle d'eau,

* dans les toilettes, peintures écaillées, traces sur les murs.

Aucun état des lieux d'entrée n'est produit, de sorte qu'en vertu des dispositions de l'article 1731 du code civil applicables en matière de bail, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

En l'espèce, les constatations effectuées par le commissaire de justice mettent essentiellement en évidence l'état de saleté dans lequel les lieux ont été restitués plutôt que des dégradations imputables à faute aux occupants.

Au regard des éléments, Mme [S] n'est pas fondée à solliciter le coût de la remise à neuf des peintures de l'appartement mais le coût des prestations de nettoyage de l'appartement à hauteur de la somme de 750 euros.

- Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral allégué par Mme [S].

Mme [S] sollicite la condamnation de Mme [R] et de M. [I] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi du fait de leur maintien dans les lieux pendant neuf mois et des tensions que cette occupation prolongée a entraînées. Elle fait valoir qu'elle est veuve et vit seule dans cet ensemble de logements dont elle est propriétaire, qu'elle est aide-soignante et bénéficie d'un revenu modeste, qu'elle utilise les deux logements qu'elle n'occupe pas pour améliorer sa situation financière, et régler tous les mois les échéances d'un crédit d'un montant de 1 140 euros.

Le préjudice moral incontestablement subi par Mme [S], du fait de la situation conflictuelle avec Mme [R] dans un contexte familial doit être indemnisé à hauteur de la somme de 1 000 euros.

Sur les mesures accessoires.

Mme [R] et M. [I] doivent être condamnés aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, infirmées.

Il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [S] au titre des frais de procédure par elle exposés en première instance et en cause d'appel en condamnant in solidum Mme [R] et M. [I] à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

Statuant par défaut et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 13 décembre 2021 par le tribunal de proximité de Gonesse en toutes ses dispositions, sauf celle ayant débouté Mme [S] de sa demande tendant à voir condamner Mme [R] et M. [I] à lui rembourser les frais qu'elle prétend avoir exposés,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit et juge que l'occupation des lieux par Mme [R] et M. [I] s'inscrit dans le cadre d'un prêt à usage dit 'commodat' que cette dernière leur a consenti,

Déclare que Mme [R] et M. [I] sont devenus sans droit ni titre à occuper les lieux mis à leur disposition par Mme [S] à compter du 1er avril 2021,

Condamne in solidum Mme [R] et M. [I] à verser à Mme [S] :

* la somme de 750 euros à titre d'indemnité d'occupation correspondant au mois d'avril 2021,

* la somme de 750 euros au titre des frais de nettoyage de l'appartement mis à leur disposition,

* la somme de 1 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral subi par Mme [S];

Condamne in solidum Mme [R] et M. [I] à verser à Mme [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [R] et M. [I] aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel pouvant être recouvrés par Me Mimoun, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,