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Décisions

CA Paris, Pôle 3 - ch. 1, 13 septembre 2023, n° 21/12357

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/12357

13 septembre 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2023

(n° 2023/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12357 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7CY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2021 - Juge aux affaires familiales de PARIS - RG n° 19/36921

APPELANTE

Madame [D] [F]

née le 28 Juin 1951 à [Localité 11] (86)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Sophie ULLIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1663

INTIME

Monsieur [I] [W]

né le 28 Juin 1947 à [Localité 6] (62)

[Adresse 12]

[Localité 4]

représenté par Me Isabelle VOLKRINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0757

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [L] [E] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [I] [W] et Mme [D] [F] se sont mariés le 26 avril 1980 à [Localité 4] (5e arrondissement) après avoir adopté, par contrat de mariage préalable en date du 21 avril 1980, le régime matrimonial de la séparation de biens.

Deux enfants sont nés de leur union : [O], en 1981, et [T], en 1983.

Leur divorce a été prononcé le 21 juin 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 24 mai 2018.

Me [M] [K], notaire à [Localité 8], a été choisie par les parties pour procéder à la liquidation amiable de leurs intérêts patrimoniaux qui n'a pas abouti.

Par acte d'huissier délivré le 27 juin 2019, Mme [F] a assigné M. [W] aux fins de voir notamment ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux existant entre eux.

Par jugement du 18 mars 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- ordonné le partage judiciaire des intérêts patrimoniaux de M. [W] et Mme [F],

- désigné, pour procéder aux opérations de partage, Me [C], notaire à [Localité 4],

- déclaré irrecevable la demande formée par Mme [F] relative à la révocation de la donation qu'elle a consentie à M. [W] le 31 août 2006,

- attribué préférentiellement à Mme [F] le bien indivis sis [Adresse 1],

- rejeté la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [F] portant sur le bien indivis situé [Adresse 1],

- attribué préférentiellement à M. [W] le bien indivis sis [Adresse 13],

- débouté Mme [F] de sa demande en partage des soldes des comptes bancaires en fonction des apports respectifs des époux,

- débouté Mme [F] de ses demandes relatives à la comptabilité de la SAS Tereko et à l'affectation d'une somme figurant sur le compte courant d'associés de cette société,

- débouté Mme [F] de sa demande relative aux actions Nestlé sa et Novartis SA,

- renvoyé les parties devant le notaire commis pour justifier de l'éventuelle perception par l'un des indivisaires de loyers provenant de la location du bien situé [Adresse 13],

- dit que Mme [F] est redevable à l'égard de l'indivision d'une créance de 101 250 euros au titre des loyers provenant de la location du bien situé [Adresse 1] entre le 12 octobre 2009 et le 3 juillet 2016,

- renvoyé les parties devant le notaire commis pour établir les comptes de l'indivision au titre des travaux effectués par chaque indivisaire dans les immeubles indivis, ainsi que les charges, impôts et taxes réglés par chacune des parties relativement aux biens indivis,

- dit que Mme [F] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation au titre de sa jouissance privative des biens situés [Adresse 1] à compter du 22 février 2017 et jusqu'à la date de libération effective des biens ou du partage,

- dit que M. [W] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation au titre de sa jouissance privative du bien situé [Adresse 13] à compter du 12 octobre 2009 et jusqu'à la date de libération effective des biens ou du partage,

- dit que la valeur locative des biens indivis sera déterminée par le notaire commis et que les indemnités d'occupation seront fixées à 80 % de cette valeur locative,

- dit que Mme [F] bénéficie d'une créance de 463 045 euros à l'égard de l'indivision au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3] et la déboute du surplus de sa demande à ce titre,

- dit qu'il appartiendra à M. [W] de justifier devant le notaire des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3],

- débouté Mme [F] de sa demande de créance au titre de l'utilisation par M. [W] des sommes issues des donations faites par ses parents et virées sur le compte joint des époux,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- débouté les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 699 du code de procédure civile.

Ce jugement a été signifié à Mme [F] par acte d'huissier du 3 juin 2021.

Par déclaration du 1er juillet 2021, Mme [F] a interjeté appel du jugement du 18 mars 2021 en ce qu'il :

- a rejeté la demande relative à la nullité de la donation consentie à M. [W] le 31 août 2006 et subsidiairement déclaré irrecevable la demande relative à la révocation de ladite donation,

- l'a déboutée :

* de ses demandes relatives à la comptabilité de la SAS Tereko et à l'affectation d'une somme figurant sur le compte courant d'associés de cette société,

* de sa demande relative aux actions Nestlé SA et Novartis SA,

* du surplus de sa demande au titre de sa créance à l'égard de l'indivision au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3],

* de sa demande de créance au titre de l'utilisation par M. [W] des sommes issues des donations faites par ses parents et virées sur le compte joint des époux,

* de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante a remis au greffe et notifié ses premières conclusions le 30 septembre 2021.

L'intimé a constitué avocat le 21 juillet 2021.

Par ses premières conclusions remises au greffe et notifiées le 29 décembre 2021, il a formé un appel incident s'agissant du montant de la créance de Mme [F] sur l'indivision au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3].

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 8 février 2023, l'appelante demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée :

* de sa demande de nullité ou subsidiairement déclaré irrecevable sa demande de révocation de la donation de la maison de [Adresse 10] qu'elle a consentie à M. [W] le 31 août 2006,

* de ses demandes tendant à ce que M. [W] réponde des sommes issues des deniers personnels et indivis affectés à la société Tereko à la suite de la vente de cette dernière,

* de ses demandes relatives aux actions nominatives Nestlé et Novartis données par ses parents,

* de sa demande au titre de sa créance à l'égard de l'indivision au titre des sommes personnelles ayant servi à l'acquisition de la maison du square de [Localité 7],

* de sa demande de fixation de sa créance au titre des sommes issues de donations de ses parents et déposées sur le compte joint des époux,

* de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, statuant à nouveau :

- dire nulle la donation consentie à M. [W] le 31 août 2006,

subsidiairement,

- la révoquer,

en tout état de cause,

- ordonner à M. [W] de rendre compte des sommes issues de la société Tereko et revenant à Mme [F] personnellement et à l'indivision,

- ordonner à M. [W] de rendre compte du sort des actions nominatives Nestlé de son épouse,

- ordonner que la créance de Mme [F] au profit subsistant s'effectue à partir de la valeur actuelle du bien de la [Adresse 13] et non à partir du prix de vente du bien situé [Adresse 3],

- fixer cette créance à la somme de 1 699 930 euros,

subsidiairement, si la créance de Mme [F] devait être effectuée à partir du prix de vente du bien sis [Adresse 3],

- la fixer à la somme de 1 049 522 euros,

en tout état de cause,

- fixer la créance de Mme [F] au titre des sommes issues de donations de ses parents à une somme ne pouvant être inférieure à 1 463 000 euros,

- allouer à Mme [F] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 février 2023, l'intimé demande à la cour de :

- le recevoir en ses écritures et ses demandes reconventionnelles et l'y déclarer bien fondé,

- confirmer le jugement du 18 mars 2021 en ce qu'il a :

* ordonné le partage judiciaire des intérêts patrimoniaux de M. [W] et Mme [F] conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile et selon ce qui est jugé par la décision,

* désigné, pour procéder aux opérations de partage, Me [C], notaire à [Localité 4],

* commis le magistrat du cabinet 102 du pôle famille du tribunal, ou son « délégataire », pour surveiller les opérations, statuer sur les difficultés et faire rapport au tribunal en cas de désaccords persistants des parties,

* autorisé le notaire désigné à prendre tous renseignements utiles auprès de la direction générale des finances publiques par l'intermédiaire du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) et à consulter l'association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (Agira),

* dit qu'il appartiendra au notaire désigné de préciser la consistance exacte de la masse à partager, de procéder, au besoin, à la constitution des lots pour leur répartition entre les parties, et réaliser, en cas de besoin, leur tirage au sort,

* dit que conformément aux dispositions de l'article 1365 du code de procédure civile, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, le notaire désigné pourra s'adjoindre d'un expert, choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis,

* rejeté la demande formée par Mme [F] relative à la nullité de la donation qu'elle lui a consentie le 31 août 2006,

* déclaré irrecevable la demande formée par Mme [F] relative à la révocation de la donation qu'elle lui a consentie le 31 août 2006,

* attribué préférentiellement à Mme [F] le bien indivis sis [Adresse 1],

* rejeté la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [F] portant sur le bien indivis situé [Adresse 1],

* attribué préférentiellement à M. [W] le bien indivis sis [Adresse 13],

* débouté Mme [F] de sa demande en partage des soldes des comptes bancaires en fonction des apports respectifs des époux,

* débouté Mme [F] de ses demandes relatives à la comptabilité de la SAS Tereko et a l'affectation d'une somme figurant sur le compte courant d'associés de cette société,

* débouté Mme [F] de sa demande relative aux actions Nestlé SA et Novartis SA,

* renvoyé les parties devant le notaire commis pour justifier de l'éventuelle perception par l'un des indivisaires de loyers provenant de la location du bien situé [Adresse 13],

* dit que Mme [F] est redevable à l'égard de l'indivision d'une créance de 101 250 euros au titre des loyers provenant de la location du bien situé [Adresse 1] entre le 12 octobre 2009 et le 3 juillet 2016,

* renvoyé les parties devant le notaire commis pour établir les comptes de l'indivision au titre des travaux effectués par chaque indivisaire dans les immeubles indivis, ainsi que les charges, impôts et taxes réglés par chacune des parties relativement aux biens indivis,

* dit que Mme [F] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation au titre de sa jouissance privative des biens situés [Adresse 1] à compter du 22 février 2017 et jusqu'à la date de libération effective des biens ou du partage,

* dit qu'il est quant à lui redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation au titre de sa jouissance privative du bien situé [Adresse 13] à compter du 12 octobre 2009 et jusqu'à la date de libération effective des biens ou du partage,

* dit que la valeur locative des biens indivis sera déterminée par le notaire commis et que les indemnités d'occupation seront fixées à 80 % de cette valeur locative,

* débouté Mme [F] de sa demande de créance au titre de l'utilisation par M. [W] des sommes issues des donations faites par ses parents et virées sur le compte joint des époux,

* dit qu'il appartiendra à M. [W] de justifier devant le notaire des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3],

* débouté les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

* dit n'y avoir lieu a application de l'article 699 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

en conséquence,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes d'infirmation du jugement et juger irrecevable Mme [F] en ses demandes nouvelles devant la cour,

- le recevoir lui-même en sa demande reconventionnelle et y faisant droit,

- « réformer » partiellement le jugement du 18 mars 2021 en ce qu'il a fixé la créance de Mme [F] sur l'indivision au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3] à la somme de 463 045 euros,

et statuant de nouveau,

- juger que la créance de Mme [F] sur l'indivision au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3] s'élève à un montant de 42 290 euros sur M. [W] et non sur l'indivision et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [F] du surplus de sa demande à ce titre,

- juger irrecevable et écarter des débats la pièce n° 74 de Mme [F],

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

- condamner Mme [F] au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'emploi des dépens d'appel en frais généraux de partage.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 15 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Dès lors, l'effet dévolutif n'a pas opéré pour les chefs de dispositif du jugement entrepris n'ayant été critiqués ni par la déclaration d'appel ni par les premières conclusions de l'intimé portant appel incident.

Ainsi, il n'y a même pas lieu de confirmer ces chefs de dispositif, comme le sollicite l'intimé.

Sur la demande de M. [W] tendant à juger irrecevable et écarter des débats la pièce n° 74 de Mme [F]

La pièce n°74 de l'appelante est constituée des témoignages respectifs des enfants des parties.

L'intimé fonde sa demande sur l'article 205 du code de procédure civile aux termes duquel « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps ».

Ce texte, qui ne sanctionne pas la production d'une attestation des descendants d'une irrecevabilité, autorise seulement le juge à l'écarter des débats.

M. [W], qui admet que l'article qu'il vise évoque la demande en divorce, soutient que la liquidation est toutefois nécessairement la suite de la procédure de divorce, et que Mme [F] commet donc un « détournement » de l'interdiction posée par l'article précité.

Ce faisant, M. [W] opère une confusion entre la demande en divorce, à laquelle est strictement limitée la prohibition du témoignage des enfants des parties, et qui concerne exclusivement la cause de la dissolution du lien matrimonial, et la procédure de divorce, qui peut inclure des demandes liquidatives découlant de la cessation du régime matrimonial par le divorce.

Sa demande sera donc rejetée et la pièce n°74 de l'appelante sera bien examinée par la cour.

Sur la donation consentie par Mme [F] à M. [W] le 31 août 2006

La maison située à [Localité 5] (Vienne) appartenait aux parents de Mme [F] qui lui en ont donné la nue-propriété en 2005. Mme [F] en a donné la moitié indivise à son conjoint par acte authentique du 31 août 2006.

Elle poursuit l'annulation de cette donation à titre principal, et sa révocation à titre subsidiaire.

Sur la demande principale en nullité

Aux termes de l'article 1109 du code civil dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, applicable à la date de la donation litigieuse, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Mme [F] affirme que M. [W] était violent à son égard comme à l'égard des enfants pendant toute la vie commune et qu'elle était sous son emprise. Elle en veut pour preuve en particulier le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Poitiers le 13 janvier 2012 confirmé par arrêt du 28 juin 2012, concernant des faits survenus le 30 octobre 2008, et les nombreuses attestations qu'elle verse aux débats.

Le premier juge a débouté Mme [F] de sa demande en nullité de la donation du 31 août 2006 au motif que l'acte avait été établi par un notaire en présence de ses propres parents et que la preuve de la contrainte ou de la violence lors de cette donation n'était pas rapportée, les attestations produites ne permettant pas d'établir la contrainte ou les violences qui auraient été exercées par M. [W] en vue de la conclusions de cet acte.

L'intimé reprend cette motivation à son compte en rappelant que l'intervention du notaire et la présence des parents de Mme [F] pour la signature de l'acte de donation exclut tout comportement « déplacé de sa part ».

Cependant, ces aspects formels et externes de l'acte ne sont pas de nature à exclure une violence conjugale de nature à avoir vicié le consentement de Mme [F] à cet acte par une contrainte psychologique généralisée.

Il découle de façon circonstanciée des attestations des enfants des parties, qui n'enfreignent pas la prohibition prévue à l'article 205 du code de procédure civile, que leur mère a été victime de « maltraitance » de la part de leur père, comme eux-mêmes l'ont été. Mme [O] [W] relate des « coups, cheveux tirés, et terreur ou menaces », ainsi que l'impossibilité pour sa mère d'avoir accès à des ressources financières alors qu'il résulte de façon constante du dossier que le patrimoine indivis a été constitué pour une large part grâce à la générosité des parents de Mme [F]. M. [T] [W] décrit quant à lui des scènes de violence physique caractérisée. Leurs attestations établissent, non des faits isolés mais une violence conjugale et intra-familiale permanente.

Si les autres attestations produites par l'appelante décrivent surtout un rapport conjugal déséquilibré où l'époux jouissait d'un fort ascendant et se montrait autoritaire, aucune ne fait état de violences, même verbales, auxquelles le témoin ait personnellement assisté. Toutefois, Mme [R] [V] épouse [G] fait état de confidences de Mme [O] [W] alors que celle-ci était âgée de 10 ou 11 ans, c'est-à-dire à une période où le conflit entre les parties n'avait pas encore éclos. De même, M. [B] [A] rapporte que les enfants lui ont raconté « les moments de terreur qui se passaient quand ils étaient seuls témoins », corroborant ainsi la sincérité de leurs attestations rédigées ultérieurement pour les besoins de la cause.

Par ailleurs, le courriel reçu par Mme [F] le 24 novembre 2008 depuis une adresse structurelle d'une entreprise gérée par M. [W], où l'auteur du message indique avoir regardé une émission audiovisuelle « sur les femmes battues » et reconnaît « dans certaines scènes [ses propres] comportements », ne peut émaner que de son conjoint eu égard au thème évoqué, et constitue dès lors un aveu des violences déjà établies par les attestations des enfants du couple.

Il est ainsi suffisamment prouvé que, durant la vie commune, Mme [F] a été victime de violence conjugale de la part de son conjoint. Compte tenu de la précision apportée par Mme [V] quant à l'âge de la fille des parties lorsqu'elle lui a confié que son père les frappait, il est établi que cette violence existait depuis environ 15 ans à la date du 31 août 2006 à laquelle la donation a été consentie par Mme [F].

Par ailleurs, il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers rendu en matière correctionnelle le 28 juin 2012 que, si cette décision a annulé le jugement prononcé le 13 janvier 2012 par le tribunal correctionnel de Poitiers en ce qu'il a statué sur les faits de coups et blessures volontaires reprochés à M. [W], c'est parce que ces faits avaient déjà été jugés le 19 mars 2010. La précision de l'existence d'une mention au casier judiciaire à cet égard implique que M. [W] a bien alors été déclaré coupable de coups et blessures volontaires sur la personne de son épouse pour des faits survenus le 30 octobre 2008. Par conséquent, il est établi que la violence conjugale subie par Mme [F] au moins depuis 1991 (10 ans de [O]) a perduré jusqu'en octobre 2008.

Elle existait donc à la date de la donation litigieuse, le 31 août 2006.

Infirmant le jugement entrepris, cette donation sera par conséquent déclarée nulle.

Sur la demande relative aux parts sociales et au compte courant de la société Tereko

Il est constant que cette société a été créée en 2002 par M. [W] et que ses actions étaient réparties comme suit :

- M. [W] : 24 200 actions,

- Mme [F] : 5 500 actions,

- chacun des deux enfants du couple : 5 500 actions.

L'appelante justifie que cette société a cédé son fonds de commerce en juin 2010 au prix de 133 200 euros.

M. [W] indique dans ses écritures qu'il avait arrêté l'exploitation de cette société, laquelle a été radiée du registre du commerce le 4 septembre 2013 sans que cette société ait été liquidée, le produit de la vente du fonds de commerce ayant « juste permis d'éponger les dettes avant l'arrêt de l'exploitation ».

Le premier juge a débouté Mme [F] de sa demande concernant la SAS Tereko au motif que, cette société étant un tiers à la procédure, il ne lui appartenait pas, en tant que juge chargé de la liquidation du régime matrimonial des époux, de se prononcer sur l'affectation d'une somme d'argent présente sur le compte courant d'associés.

Mme [F] souligne toutefois que tel n'est pas l'objet de sa demande et qu'elle sollicite seulement qu'il soit ordonné à M. [W] de rendre compte des sommes issues de la société Tereko et revenant à Mme [F] personnellement et à l'indivision.

Par ailleurs, la cour rappelle qu'au-delà de la liquidation du régime matrimonial, le juge aux affaires familiales a été saisi d'une demande aux fins de partage des intérêts patrimoniaux des époux, qu'il a d'ailleurs ordonné, ce point n'étant pas remis en question.

Le rappel opéré par M. [W] quant à la compétence d'attribution des tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales est dès lors inopérant.

Mme [F] justifie, par l'avis d'impôt de solidarité sur la fortune de l'année 2009 que le foyer fiscal avait déclaré un compte courant d'associés pour un montant de 31 563 euros ; M. [W] ne conteste pas la vente du fonds de commerce, au demeurant avérée, et il résulte de l'extrait K bis que la SAS Tereko a été radiée d'office le 4 septembre 2013 pour cessation d'activité, en application de l'article R.123-125 du code de commerce.

Puisque M. [W] était le dirigeant de la société lors de sa radiation, il lui revient de justifier du sort de l'actif social auprès des actionnaires, et en particulier de Mme [F], partie à la présente procédure.

En tant que de besoin, dans la mesure où il se contente, dans le cadre de celle-ci, de procéder par allégations, il y a lieu de lui ordonner de le faire, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes relatives aux actions Nestlé et Novartis

Il est constant que les parents de Mme [F] lui ont donné en 2004 des actions nominatives des sociétés Nestlé et Novartis.

L'appelante prétend qu'elle ne sait pas ce qu'il est advenu de ces actions, déposées sur le portefeuille joint des époux auprès de la banque Lazard.

Alors que M. [W] affirme que ces actions ont été vendues et que le prix de vente a été utilisé pour les besoins de la famille, Mme [F] souligne leur caractère nominatif et s'étonne dès lors qu'elles aient pu être vendues sans son accord. Elle sollicite qu'il soit ordonné à M. [W] de rendre compte de leur sort.

Elle a été déboutée de cette demande par le juge aux affaires familiales qui a retenu que, dès lors qu'elle était seule propriétaire des actions qui lui ont été données et que, « la somme d'argent procurée a été virée, selon les deux parties, sur leur compte commun », elle était en mesure de connaître l'affectation de la somme litigieuse.

Pour critiquer cette décision, l'appelante souligne qu'elle n'a jamais indiqué que les actions avaient été vendues et que le prix de vente avait été déposé sur le compte joint mais seulement que ces actions ont été déposées sur le portefeuille joint des époux lors de la donation. Elle ajoute que le compte joint ouvert auprès de la banque Lazard était géré par son conjoint.

Toutefois, il ressort de sa pièce n°47 que le compte de l'établissement Lazard sur lequel ont été déposées les actions litigieuses était ouvert au nom de « Mr ou Mme [W] » ; elle disposait donc de la possibilité juridique de s'enquérir directement auprès de la banque des opérations effectuées sur ce compte, au surplus au regard du caractère nominatif des actions concernées. Elle ne justifie pas avoir sollicité des renseignements auprès de l'établissement bancaire à ce sujet et s'être heurtée à une difficulté.

Par conséquent, nonobstant la confusion opérée par le jugement entrepris entre les actions elles-mêmes et « la somme d'argent procurée » par leur vente, il convient bien de retenir que Mme [F] était en mesure de connaître le sort des actions Nestlé et Novartis qui lui avaient été données et de confirmer le débouté de sa demande relative à ces actions, dont le fondement juridique n'est au demeurant pas précisé.

Sur la demande de créances de Mme [F] au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3]

Il est constant que :

- les parties ont, par acte du 16 décembre 1994, acquis en indivision pour moitié chacune une maison située [Adresse 3]) au prix de 4 600 000 francs (soit 701 265 euros), outre des frais de 426 000 francs (soit 64 943,28 euros),

- cette maison a été vendue, par acte du 17 septembre 2007 au prix de 1 420 000 euros,

- le 13 février 2007, les parties ont acquis en indivision pour moitié chacune un appartement situé [Adresse 12]) au prix de 980 000 euros, outre 70 000 euros de frais.

Sans en préciser le fondement juridique, Mme [F] se prévaut de créances au titre de donations investies lors de l'achat du bien situé [Adresse 3] dont le prix de revente aurait servi, selon elle, à financer l'acquisition du bien situé [Adresse 12], à l'aide d'un prêt relais.

Le premier juge a retenu, sans viser de texte particulier, qu'elle bénéficie d'une créance au titre de l'emploi, pour l'acquisition du bien du square de [Localité 7], d'une somme de 1 500 000 francs (soit 228 674 euros) issue d'une donation de ses parents en précisant qu'il s'agit d'une créance à l'égard de l'indivision et non de M. [W] puisque le bien immobilier concerné est un bien indivis. Il a rejeté la demande de créance au titre d'une remise de dette en date du 31 janvier 1998, au motif que celle-ci était postérieure de quatre années à l'acquisition de ce bien.

Devant la cour, Mme [F] fait valoir que l'acquisition de la maison située [Adresse 3] a été financée :

- à hauteur de 400 000 francs par sa part du prix de vente d'un précédent appartement situé à [Localité 9],

- à hauteur de 1 500 000 francs par la donation de ses parents en date du 3 décembre 1994 retenue par le premier juge,

- à hauteur de 1 500 000 francs par une donation indirecte de ses parents, consistant en un prêt de ce montant accordé en décembre 1994 qui a fait l'objet de deux remises de dettes successives en 1997 et 1998.

Concernant cette donation indirecte écartée par le premier juge, elle soutient que les fonds ont été mis à sa disposition dès le mois de décembre 1994, précisément en vue de permettre l'acquisition de la maison du square de [Localité 7] qui a été vendue pour permettre l'acquisition de l'appartement situé [Adresse 12], mais que, la vente n'ayant pu être conclue avant l'acquisition, un prêt relais de 1 000 000 euros a été souscrit par les époux, sous condition de la vente de la maison du square de [Localité 7] et remboursé après celle-ci.

L'intimé, qui ne conteste pas l'existence d'une créance au titre de l'investissement de la donation d'une valeur de 228 674 euros consentie le 3 décembre 1994 à Mme [F], souligne que cette dernière fait pour la première fois état devant la cour d'un apport de 400 000 francs (soit 60 979,60 euros) au titre de sa part du prix de vente de l'appartement de [Localité 9] et que seule une remise de dette du 31 janvier 1998 portant sur la somme de 700 000 francs (soit 106 714,31 euros) était par ailleurs évoquée devant le premier juge.

Aux termes du dispositif de ses conclusions, qui définit les prétentions de l'intimé dont la cour est saisie, il soulève l'irrecevabilité de ces demandes nouvelles.

Il sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf à revoir le calcul de la créance résultant de l'apport de la partie adverse. Il demande que soit seulement retenu l'excédent versé par Mme [F] du fait de l'investissement du montant de la donation du 3 décembre 1994 par rapport à ce qu'elle aurait dû financer pour l'acquisition de sa part indivise de 50 % dans la maison du square de [Localité 7] après l'emploi des fonds indivis (qu'il qualifie par erreur de « communs ») affectés à l'acquisition de ce bien. Il demande en conséquence que la créance de Mme [F] soit fixée à la somme de 42 290 euros et qu'il en soit le débiteur et non l'indivision « puisqu'il ne s'agit pas d'une indivision post-communautaire ».

Sur la recevabilité de la demande de créances de Mme [F]

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, et l'article 566 dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il est en outre de jurisprudence constante qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

En conséquence, l'objet de la présente instance étant précisément le partage de l'indivision existant entre les parties et de leurs éventuels autres intérêts patrimoniaux, les demandes nouvelles de Mme [F] n'encourent pas l'irrecevabilité prévue par l'article 564 du code de procédure civile.

Sur le fond de la demande de créances de Mme [F]

Un époux séparé de biens qui finance, par un apport de ses deniers personnels, la part de son conjoint pour l'acquisition d'un bien indivis peut invoquer à son encontre une créance évaluable selon les règles auxquelles renvoie l'article 1543 du code civil. (Cass. 1ère civ 26 mai 2021 n° 19-21.302)

S'agissant de l'apport des fonds provenant de la vente de l'appartement de [Localité 9], Mme [F] ne conteste pas le caractère indivis de ce bien et, dès lors, de son prix de vente. Alors que M. [W] affirme qu'un montant de 700 000 francs (soit 106 714 euros) provenant de cette vente a été investi dans l'acquisition de l'appartement du square de [Localité 7], Mme [F] ne caractérise pas un apport distinct, pour le montant de 400 000 francs allégué, ne faisant référence à aucune pièce sur ce point dans la discussion de ses conclusions.

Sa demande de créance à ce titre sera donc rejetée.

S'agissant de la donation indirecte de 1 500 000 francs résultant de remises de dettes, la cour constate que le prêt de ce montant consenti le 20 décembre 1994 par les parents de Mme [F] a été accordé à M. [W] et à leur fille, ensemble dénommés « le prêteur », sans précision quant à l'affectation prévue des fonds prêtés.

En outre, les remises de dettes des 8 mars 1997 et 31 janvier 1998 dont se prévaut Mme [F] portent sur les sommes respectives de 1 200 000 francs et 700 000 francs, chaque acte indiquant que le montant remis correspond au « montant en principal d'une obligation pour prêt souscrite par Madame [W] [D], née [F] au profit de Monsieur et Madame [F] [Y] ».

Dans ces conditions, à supposer que les fonds issus du prêt de 1 500 000 francs consenti par acte du 20 décembre 1994 aient été affectés à l'acquisition, quelques jours plus tôt, le 16 décembre 1994, du bien immobilier situé [Adresse 3]), il n'est pas démontré que les remises de dettes accordées à Mme [F] soient relatives à ce prêt alors que leur montant, tant individuel que cumulé, ne coïncide ni avec le montant total du prêt ni avec la part de ce prêt susceptible de devoir être supportée par Mme [F] seule.

Sa demande de créance formée à ce titre sera donc également rejetée.

Comme en première instance, seul l'apport personnel issu de la donation du 3 décembre 1994, d'un montant de 1 500 000 francs, soit 228 674 euros, sera retenu.

Par l'effet du renvoi opéré par l'article 1543 du code civil applicable au régime matrimonial de la séparation de biens à l'article 1479, lequel renvoie à son tour aux règles de l'article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci, la créance ne peut être inférieure au profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ; si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

Le premier juge, sans détailler son calcul, a évalué la créance de Mme [F] à ce titre la somme de 463 045 euros, sur la base du prix de vente du bien du square de [Localité 7], en soulignant que cette vente est intervenue sept mois après l'acquisition du bien situé [Adresse 12].

L'appelante demande une évaluation sur la base de la valeur actuelle du bien situé [Adresse 12] en faisant implicitement valoir que ce bien a été subrogé à celui du square de [Localité 7], puisqu'il a été acquis au moyen d'un prêt relais en attendant la vente de la maison du square de [Localité 7].

Cependant, si elle justifie bien de l'existence d'un prêt relais souscrit par acte notarié du 13 février 2007, à la même date que l'acte authentique d'acquisition de l'appartement situé [Adresse 12], l'acte de prêt, qui se réfère expressément à cette acquisition, n'est nullement conditionné à la vente de la maison du square de [Localité 7] comme elle le prétend ; l'acte envisage même deux hypothèses, au titre des conditions particulières du prêt relais (en page 7) : celle où ce prêt anticipe la vente d'un bien immobilier, sans aucune précision quant à celui-ci, et celle où il anticipe un encaissement quelconque autre qu'immobilier. Puisque l'appelante ne justifie pas davantage de son allégation selon laquelle le prêt relais aurait été remboursé au moyen du prix de vente de la maison du square de [Localité 7], en ne se référant à aucune pièce à ce sujet, elle ne démontre pas que l'appartement situé [Adresse 12] a été acquis à l'aide du prix de vente de la maison du square de [Localité 7].

Le profit subsistant de l'investissement de la donation du 3 décembre 1994 ne saurait dans ces conditions être évalué au regard de la valeur de l'appartement situé [Adresse 12].

Comme le premier juge, il convient de se référer au prix de vente de la maison du square de [Localité 7].

Les frais liés à l'acquisition de ce bien devant être pris en considération pour le calcul du profit subsistant, sa valeur d'acquisition est, d'après les éléments fournis de façon concordante par les parties, de 766 208,75 euros (prix d'achat de 4 600 000 francs, soit 701 265,47 euros + frais de 426 000 francs, soit 64 943,28 euros).

S'il est retenu que Mme [F] a contribué au financement de cette somme par un apport personnel de 1 500 000 francs, soit 228 674 euros, il ne saurait être considéré que les allégations de M. [W] quant à la ventilation du surplus, portant notamment sur un apport personnel de 186 902 euros, soient, comme il l'affirme, non contestées par Mme [F], puisqu'elle soutenait avoir financé l'acquisition de la maison du square de [Localité 7] avec des deniers personnels à hauteur de 3 400 000 francs (soit 518 327 euros) et que M. [W] indique que des fonds indivis d'un montant total de 350 632 euros ont été affectés à cette même acquisition.

La cour n'est donc pas en mesure de déterminer la proportion dans laquelle les fonds personnels apportés par l'épouse ont excédé le financement de sa part indivise. Les parties seront donc renvoyées devant le notaire commis, auquel elles devront produire toute pièce complémentaire utile à la détermination du montant des fonds indivis ayant servi au financement de l'acquisition de la maison du square de [Localité 7], pour procéder au calcul du profit subsistant sur la base des éléments fixés par le présent arrêt.

Sur la demande de créance de Mme [F] au titre des sommes données par ses parents et déposées sur le compte joint des époux

Mme [F] soutient que les sommes reçues de ses parents par donations non affectées au financement des biens immobiliers indivis ont été déposées sur le compte joint des époux ouvert à la banque Lazard qui alimentait les comptes joints ouverts auprès de la Société générale ou du Crédit Agricole de la Vienne servant aux dépenses de la famille mais que de nombreux virements ont été effectués par M. [W] vers d'autres comptes bancaires ouverts à son seul nom ou vers ses sociétés. Elle se prévaut d'un motif en ce sens de l'arrêt prononcé le 24 mai 2018 dans le cadre de l'appel du jugement de divorce, la cour ayant alors retenu qu'elle justifiait par la production de documents bancaires que les sommes perçues de ses parents « étaient pour une grande partie versées sur le compte commun (sic) des époux puis virées sur des comptes personnels de son époux. »

Elle évalue le montant total des sommes virées par M. [W] vers ses comptes personnels ou ceux de ses sociétés à « au moins » 1 463 000 euros au regard de ses pièces n°41 à 46.

Le premier juge a rejeté la demande de créance de Mme [F] à ce titre en retenant qu'elle ne justifiait pas de l'emploi par M. [W] à titre personnel des sommes issues des donations de ses parents et virées sur le compte joint, les ordres de virement produits n'étant pas pour la plupart en faveur d'un compte à son nom, et que, pour les virements effectués a partir du compte joint vers le compte personnel de son époux, elle ne justifiait pas davantage de l'utilisation de ces sommes pour des dépenses ne relevant pas du ménage.

L'appelante critique cette motivation au motif qu'elle inverse la charge de la preuve, en soulignant qu'elle ne peut connaître la destination des fonds une fois ceux-ci sortis du compte commun et virés sur les comptes personnels de M. [W] ou ceux de ses sociétés.

M. [W] soutient qu'il n'a jamais été titulaire de comptes bancaires ouverts à son seul nom et que les ordres de virement qui mentionnent son nom étaient à destination de comptes joints accessibles aux deux époux et que les fonds qui y ont été versés ont permis de régler les charges du ménage, le solde ayant été partagé le 12 octobre 2009 à la demande de Mme [F].

Comme le premier juge, la cour constate que le tableau produit en pièce n°40 par l'appelante est dépourvu de valeur probante à défaut de précision quant à son auteur et que la plupart des ordres de virement produits par Mme [F] ne sont pas rédigés au bénéfice de M. [W]. Certains sont même expressément établis en faveur de « Mr Mme [I] [W] ». S'agissant des ordres de virement au profit de sociétés, il y a lieu de préciser que M. [W] ne peut être assimilé à une société, quand bien même il l'aurait dirigée.

S'agissant des ordres de virements établis au nom de M. [W] et de lui seul, trois comptes bancaires destinataires sont identifiés :

- BNP [Localité 11] n° 3004 00361 00001418387 09

- Banque Populaire de [Localité 11] n° 81930636R 38

- Société générale n° 3003 03282 00050035702 01

S'agissant du compte ouvert auprès de la Société générale, bénéficiaire de trois ordres de virements (16 septembre 1999 : 100 000 francs, 19 mars 2001 : 40 000 francs, 20 mars 2001 : 6 097 euros, il ressort d'autres ordres de virement (des 17 janvier 2005 et 21 avril 2005 par exemple) et même de courriels de Mme [F] des 17 janvier 2005, 4 mars 2005, 9 mai 2005 et 27 janvier 2006 qu'il s'agit en réalité d'un compte joint (« notre compte Société Générale 03282 00050035702 01 ») sur lequel elle-même réalise des opérations.

De même, le compte ouvert auprès de la Banque Populaire de [Localité 11] figure comme un compte joint sur l'ordre de virement du 31 mars 2005.

Pour le compte ouvert auprès de la BNP de [Localité 11] au nom de « J.L. [W] », aucune des pièces versées aux débats n'établit qu'il s'agisse d'un compte joint. Il a bénéficié :

- d'une demande de virement de 150 000 francs par lettre du 12 juillet 1999,

- d'un ordre de virement en date du 15 juillet 1999 pour le même montant,

- d'une demande de virement de 50 000 francs par courriel du 24 mars 2000,

- d'un ordre de virement en date du 27 mars 2000 pour le même montant.

Il ressort de l'identité de montants et de la proximité des dates que ces documents retracent deux opérations seulement, pour un montant total de 200 000 francs, soit 30 489,80 euros.

Puisque Mme [F] justifie de son transfert d'un compte joint vers un compte au nom de M. [W], il appartient à ce dernier d'établir le sort des fonds. Il se contente à cet égard d'alléguer que les fonds ont servi à régler les charges du ménage.

A défaut de preuve, il convient de retenir que la somme de 30 489,80 euros lui a bénéficié et que Mme [F] dispose donc d'une créance de ce montant à son encontre, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Il convient, eu égard à la nature du litige et alors qu'il n'est que partiellement fait droit aux prétentions de l'appelante, de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage.

A défaut de condamnation d'une partie aux dépens, il ne saurait être fait application de l'article 700 du code de procédure civile, en appel comme en première instance.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de M. [I] [W] tendant à juger irrecevable et écarter des débats la pièce n° 74 de Mme [D] [F] ;

Infirme le jugement prononcé le jugement prononcé le 18 mars 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- débouté Mme [D] [F] de sa demande de nullité de la donation consentie à M. [I] [W] le 31 août 2006,

- débouté Mme [D] [F] de sa demande concernant la SAS Tereko,

- dit que Mme [D] [F] bénéficie d'une créance de 463 045 euros à l'égard de l'indivision au titre des sommes personnelles investies lors de l'acquisition du bien immobilier situé [Adresse 3] et la déboute du surplus de sa demande à ce titre,

- débouté Mme [D] [F] de sa demande de créance au titre de sommes provenant de donations de ses parents versées sur le compte joint des parties ouvert auprès de la banque Lazard ;

Statuant à nouveau,

Déclare nulle la donation consentie par Mme [D] [F] à M. [I] [W] par acte authentique du 31 août 2006 ;

Ordonne à M. [W] de justifier auprès de Mme [D] [F] du sort de l'actif de la SAS Tereko ;

Dit que Mme [D] [F] dispose à l'égard de M. [I] [W] d'une créance pour l'excès de financement de sa part indivise lors de l'acquisition de la maison située [Adresse 3]) au seul titre de l'apport personnel issu de la donation consentie par ses parents le 3 décembre 1994, d'un montant de 1 500 000 francs, soit 228 674 euros, et que cette créance doit être évaluée au profit subsistant calculé au regard de la valeur d'acquisition de ce bien fixée à 766 208,75 euros et de son prix de vente de 1 420 000 euros ;

Renvoie les parties devant le notaire commis afin de déterminer la proportion dans laquelle les fonds personnels apportés par Mme [D] [F] ont excédé le financement de sa part indivise pour le calcul du profit subsistant sur la base de ces éléments ;

Dit que Mme [D] [F] dispose à l'égard de M. [I] [W] d'une créance d'un montant de 30 489,80 euros au titre des sommes provenant de donations de ses parents versées sur le compte joint et virées sur un compte ouvert au nom de M. [W] ;

Confirme le jugement prononcé le 18 mars 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris en ses autres chefs de dispositif dévolus à la cour ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,