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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 22 septembre 2023, n° 23/01648

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/01648

22 septembre 2023

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01648 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7WB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Décembre 2022 -Président du TJ de [Localité 4] - RG n° 22/00835

APPELANTE

S.A.R.L. BTP SERVICES PLUS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 6]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMES

M. [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Mme [I] [C] épouse [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistés par Me Xavier NGUYEN, avocat au barreau de PARIS, toque D901

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 juin 2023, en audience publique, Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président et par Saveria MAUREL, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

*****

M. [F] et Mme [I] [R], acquéreurs d'un appartement situé [Adresse 3]), en vue de sa mise en location, ont confié la rénovation du système électrique de cet appartement à la SARL BTP services plus.

[R] 29 avril 2021, M. et Mme [R] ont fait constater par un huissier de justice les travaux réalisés par la société BTP services plus.

Invoquant l'abandon du chantier par la société BTP services plus et estimant que les prestations commandées n'avaient pas été réalisées ou n'étaient pas conformes au devis signé, M. et Mme [R] ont, le 6 mai 2021, mis en demeure la société BTP services plus de leur rembourser la somme de 5.229,95 euros, puis, le16 septembre 2021, ont obtenu du juge des référés la désignation d'un expert judiciaire, M. [W] [Y]. Ce dernier a déposé son rapport le 4 mai 2022.

Par acte du 3 juin 2022, M. et Mme [R] ont fait assigner la société BTP Services Plus devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de la voir condamner à leur verser par provision les sommes relatives aux travaux de réfection de l'installation électrique, aux frais d'expertise judiciaire et à la perte de loyers.

Par ordonnance contradictoire rendue le 1er décembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

- condamné la société BTP services plus à payer à M. et Mme [R] une provision d'un montant total de 13.759,50 euros correspondant aux frais de réfection de l'installation électrique (5.659,50 euros) et aux frais d'expertise judiciaire (8.100 euros) ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par M. et Mme [R] ;

- condamné la société BTP services plus à payer à M. et Mme [R] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les demandes de la société BTP services plus en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société BTP services plus aux dépens de l'instance en référé.

Par déclaration du 12 janvier 2023, la société BTP Services Plus a interjeté appel de cette décision critiquant l'ensemble des chefs du dispositif, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par M. et Mme [R].

Par conclusions remises et notifiées le 19 avril 2023, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance déférée d'une part, en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. et Mme [R] une provision d'un montant de 13.759,50 euros, la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens et, d'autre part, en ce qu'elle a rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par M. et Mme [R] à son encontre ;

- débouter M. et Mme [R] de l'intégralité de leurs prétentions ;

- les condamner au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 22 mars 2023, M. et Mme [R], appelants à titre incident, demandent à la cour, sur le fondement des articles 835, alinéa 2, du code de procédure civile et 1231-1 du code civil, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise uniquement en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par eux à l'encontre de la société BTP services plus ;

statuant à nouveau,

- condamner à titre provisionnel la société BTP services plus à leur verser les sommes de 6.011,50 euros au titre du montant des travaux de réfection de leur installation électrique, de 3.721,30 euros au titre du montant des travaux de second œuvre, de 19.600 euros à valoir sur l'indemnisation de l'absence de perception des loyers du 1er mai 2021 au 31décembre 2022, de 406,17 euros au titre du montant des frais d'huissier de justice, de 20.000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral et de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

L'article 835 du code de procédure civile dispose : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur la demande de provision au titre des malfaçons

La société BTP services plus soutient que les travaux réalisés ont été acceptés, aucune réserve n'ayant été portée par les clients sur la facture, qu'elle ne pouvait être condamnée au paiement d'une indemnité provisionnelle correspondant à une réfection complète et à neuf de l'installation électrique, alors qu'elle n'avait qu'une mission de réfection partielle, qu'aucun élément ne permet d'affirmer avec certitude que les désordres allégués lui sont imputables puisque d'autres entreprises sont intervenues a posteriori, tel qu'il ressort du courrier du 6 mai 2021, faisant suite à son intervention du 13 avril 2021et d'une facture du 16 avril 2021 établie au titre de travaux complémentaires après réception.

M. et Mme [R] opposent que les malfaçons qu'ils invoquent ressortent du rapport d'expertise de M. [Y], que le devis concernant les travaux confiés à la société BTP services plus ne prévoyait pas de simples mises aux normes partielles, mais bien la réfection complète et la mise aux normes de l'installation électrique de leur appartement, qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 29 avril 2021 que la société BTP services plus est bien intervenue sur l'ensemble de l'installation électrique, et ce d'autant plus que le devis ne comporte aucune réserve ou prestation optionnelle et qu'il n'y a pas eu d'autre intervenant sur les travaux que le salarié de la société BTP services plus, M. [R] n'étant pas intervenu sur l'installation électrique.

Il est en l'espèce constant que la société BTP services plus, par devis en date du 10 février 2021, accepté par M. et Mme [R] le 4 mars 2021, s'est engagée à réaliser des travaux d'électricité consistant en une mise aux normes électriques de l'installation, en la création d'une ligne spéciale pour le lave-linge et la plaque induction et en la création de ligne RJ 45 pour certaines pièces (pièce BTP services plus n°2).

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [Y] l'existence de désordres, malfaçons et non conformités à la réglementation applicable, rendant l'installation électrique non conforme à la norme de sécurité NFC 15-100, l'expert ayant notamment constaté la reconduction de nombreux conduits et fils existants, le sectionnement de fils existants sans dépose, l'absence de conducteur de protection des lignes électriques des points d'éclairage, la non-conformité des bornes de type 'dominos' et l'absence d'obtention, par la société BTP services plus, du consuel (pièce BTP services plus n°11).

La société BTP services plus ne saurait invoquer :

- ni qu'elle n'était tenue qu'à une rénovation partielle, le devis du 10 février 2021 visant, par une mention claire, générale et dépourvue de réserve, 'la mise aux normes électriques' de l'appartement ;

- ni que les époux [R] ont accepté les prestations réalisées, alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'a été procédé à aucune réception des travaux ;

- ni que l'installation aurait été modifiée par d'autres intervenants sur le chantier, aucune preuve d'une telle intervention n'étant rapportée et l'expert judiciaire indiquant lui-même à cet égard 'nous ne pouvons nous prononcer sur d'éventuelles modifications électriques réalisées sur l'installation en aval du tableau de répartition après la date de fin des travaux du 10 mars 2021" (pièce BTP services plus n°11 - page 29).

Il s'en infère que les manquements de la société BTP services plus dans l'exécution des travaux commandés ne sont pas sérieusement contestables.

M. et Mme [R] n'opposent aucune critique pertinente au coût de la réfection de l'installation électrique tel que retenu par l'expert judiciaire selon le devis de la société Paris service, à hauteur de 5.659,50 euros, le poste 'dépose de l'ancienne installation', écarté par l'expert, en principe inclus dans les travaux de réfection, se heurtant à une contestation sérieuse.

Est, de même, sérieusement contestable la demande des époux [R] relative aux travaux de remise en peinture : si le rapport d'expertise retient que 'des travaux de second oeuvre et en plomberie sanitaires ont été entrepris après l'intervention de la société BTP services plus' (pièce BTP services plus n°11 - page 12), il n'est pas précisé si ces travaux de second oeuvre incluent des travaux de peinture, de sorte que le lien direct des prestations de peinture invoquées avec la réfection des installations électriques ne relève pas de l'évidence requise.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a retenu, au titre des malfaçons, une provision d'un montant de 5.659,50 euros TTC.

Sur les demandes de provisions au titre des frais d'expertise et des frais d'huissier

Si la société BTP services plus conteste la demande présentée à ce titre par les époux [R] en invoquant le caractère disproportionné de l'expertise judiciaire, elle n'articule aucun moyen au soutien de cette affirmation, d'autant qu'aux termes de l'ordonnance de référé du 16 septembre 2021 ayant désigné M. [Y], elle n'a pas sérieusement discuté la désignation d'un expert (pièce BTP services plus n°10).

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné la société BTP services plus au paiement d'une provision d'un montant de 8.100 euros.

La cour fera par ailleurs droit à la demande des époux [R] de condamnation provisionnelle au titre du coût du procès-verbal de constat d'huissier du 29 avril 2021 à hauteur de 406,17 euros, demande non contestée par la société BTP services plus, et ajoutera en ce sens à l'ordonnance entreprise qui n'a pas statué sur ce chef de demande.

Sur la demande de provision au titre de la perte de loyer

La société BTP services plus fait valoir que rien ne prouve que le préjudice invoqué au titre de la perte de loyer lui est exclusivement imputable, et qu'en tout état de cause, un tel préjudice requiert un examen au fond.

Les époux [R] ont été incontestablement privés, à compter de mai 2021 et jusqu'à la remise en état de l'appartement en décembre 2022, de la jouissance de leur bien qu'ils ont acquis en vue de sa mise en location. [R] préjudice qu'ils ont à ce titre subi s'analyse en une perte de chance de louer cet appartement qui justifie, au vu des références de la valeur locative de l'appartement en cause applicable en 2021, d'allouer aux époux [R] une provision de 500 euros par mois à valoir sur la réparation, soit un montant de 10.000 euros au titre de la période de mai 2021 à décembre 2022, le surplus de la somme réclamée n'étant pas établie avec toute l'évidence requise en référé.

La cour infirmera l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la perte de loyer et condamnera la société BTP services plus à payer à M. et Mme [R], à titre de provision, la somme de 10.000 euros.

Sur la demande de provision au titre du préjudice moral

Les époux [R] se bornent à faire état, au soutien de leur demande de provision au titre du préjudice moral, des ' tracasseries' inhérentes à une expertise judiciaire, 'd'un stress et d'une anxiété importante' et des conséquences financières de l'abandon du chantier par la société BTP services plus.

Ils ne justifient cependant pas du préjudice allégué, de sorte que la cour dira n'y avoir lieu à référé de ce chef et confirmera l'ordonnance entreprise.

Sur les frais et dépens

La charge des dépens et des frais irrépétibles de première instance a été exactement appréciée par le premier juge.

La société BTP services plus sera tenue aux dépens d'appel.

L'équité commande de la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la perte de loyers ;

Statuant à nouveau du chef infirmé ;

Condamne la société BTP services plus à payer à M. et Mme [R], à titre de provision, la somme de 10.000 euros ;

Ajoutant à l'ordonnance entreprise ;

Condamne la société BTP services plus à payer à M. et Mme [R] la somme provisionnelle de 406,17 euros au titre des frais d'huissier ;

Condamne la société BTP services plus aux dépens d'appel ;

La condamne au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT