Décisions
CA Chambéry, 1re ch., 12 septembre 2023, n° 21/00121
CHAMBÉRY
Autre
Autre
HP/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 12 Septembre 2023
N° RG 21/00121 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTI3
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 15 Décembre 2020
Appelante
S.C.I. ALBAN, dont le siège social est situé [Adresse 6]
Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SELARL CDMF AVOCATS, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
Intimées
S.C.P. BTSG² en sa qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
S.E.L.A.R.L. AXYME en sa qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.E.L.A.R.L. AJRS en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 5]
S.E.L.A.R.L. FHB en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentées par la SELARL CORDEL BETEMPS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentées par la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A.S. PEGASE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL DUBY DELANNOY JANICK, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL HSA, avocats plaidants au barreau de RENNES
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Date de l'ordonnance de clôture : 18 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 mai 2023
Date de mise à disposition : 12 septembre 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et procédure :
Par acte authentique en date du 27 mars 2007, la SCI Alban louait à la société La Halle (SAS) des locaux dans un ensemble commercial formant le lot n°3 qui comprenait une surface hors œuvre nette d'environ 1 501 m² sur une surface totale d'un projet de 4 496 m² sis [Adresse 7] à [Localité 8]. Le bail était conclu moyennant le règlement d'un droit d'entrée de 50 000 euros HT ainsi qu'un loyer annuel de 172 500 euros HT, payables par trimestre et d'avance. Les locaux à usage commercial étaient destinés à l'exercice de l'activité de vente de tous articles concernant l'équipement de la personne et notamment chaussures, vêtements en prêt à porter, sportswear, maroquinerie, bonneterie et accessoires.
Le bail était conclu pour une durée de 9 années à compter de la livraison des locaux, soit le 7 août 2007 pour se terminer le 6 août 2016. En date du 19 février 2016, la preneuse formait une demande de renouvellement de son bail à effet du 7 août 2016, avec un loyer fixé à la valeur locative.
Aucun accord n'étant intervenu sur le montant du loyer, par jugement en date du 11 décembre 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Chambéry ordonnait une expertise aux fins de voir fixer la valeur locative, et fixait un loyer provisionnel de 193 151,53 euros HT, correspondant au montant du loyer plafonné, à compter du 7 août 2016 jusqu'à la fixation définitive du loyer. L'expert judiciaire déposait son rapport le 20 février 2020.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2020, la société La Halle était mise en redressement judiciaire. Par jugement en date du 8 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris arrêtait le plan de cession des locaux, objets de la présente procédure, au profit de la société Pegase (SAS) avec une entrée en jouissance fixée au 15 juillet 2020.
Par jugement du 15 décembre 2020, le juge des loyers commerciaux de Chambéry, sur assignation de la société la Halle, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constatait l'intervention volontaire de la société Pegase ;
- fixait le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016, dont bénéficiait la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 140 170 euros sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8] ;
- disait que la SCI Alban devait rembourser les trop-perçus de loyers depuis le 7 août 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 7/08/2016, puis à compter de chaque échéance trimestrielle ;
- condamnait la SCI Alban à payer à la société La Halle, aux sociétés AJRS, FHB, BTSG² et AXYME intervenants ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, et à la société Pegase la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnait la SCI Alban aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
- rejetait toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties ;
Au visa principalement des motifs suivants :
Le bailleur ne pouvait se prévaloir de l'amélioration des locaux loués qu'aux termes du second bail ;
La Sci Alban ne démontrait pas à quoi elle s'était engagée en contrepartie de la décharge de la taxe foncière sur la preneuse si bien que le montant de l'impôt foncier devait être déduit de la valeur locative.
Par déclaration au greffe du 22 janvier 2021, la SCI Alban, interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions, hormis celle qui constatait l'intervention volontaire de la société Pegase.
Par déclaration au greffe du 26 mai 2021 la société La Halle, les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB et les liquidateurs judiciaires, les sociétés BTSG² et AXYME, interjetaient appel de cette décision en ce qu'elle fixait le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016, dont bénéficiait la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 140 170 euros.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 3 septembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Alban, sollicitait de la cour :
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 ;
- Homologuer purement et simplement le rapport d'expertise judiciaire déposé le 20 février 2020 ;
- Juger n'y avoir lieu aux deux abattements retenus par le tribunal ;
- Fixer la valeur locative au 7 août 2016 à la somme de 186 900 euros par an ;
- Débouter les sociétés BTSG², AJRS et FHB de leur appel incident ;
- Condamner la société Pegase à payer à la SCI Alban la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Pegase aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
Au soutien de ses prétentions, la Sci Alban faisait valoir notamment que :
La preneuse avait bénéficié d'un loyer inférieur à la valeur locative qui était complétée par la taxe foncière et qu'en retranchant le montant de la taxe foncière de la valeur locative en recherchant une quelconque contrepartie qui aurait dû être offerte par le locataire, le tribunal avait procédé à une confusion ;
Pour les abattements au titre des améliorations apportées par la société La Halle, aucun abattement ne devait être opéré dès lors que le loyer fixé initialement tenait compte de l'absence d'aménagement.
Par dernières écritures en date du 9 juin 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Pegase sollicitait de la cour de :
- Confirmer le jugement du 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
- Débouter la SCI Alban de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- Condamner la SCI Alban à régler à la société Pegase une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire.
Au soutien de ses prétentions, la société Pegase faisait valoir notamment que :
Il était de jurisprudence constante que constituait un facteur de diminution de la valeur locative les clauses transférant au preneur la taxe foncière ;
La société La Halle avait réalisé l'ensemble des travaux d'aménagement du local qui constituaient des améliorations ; ces travaux pouvaient donc être invoqués par le bailleur qu'à l'occasion du deuxième renouvellement et la valeur locative devait être fixée pour les locaux bruts de béton ;
La jurisprudence considérait de manière constante que les travaux d'aménagement qui permettaient une meilleure adaptation des locaux à l'activité, constituaient des améliorations.
Par dernières écritures en date du 23 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société La Halle, les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB et les liquidateurs judiciaires, les sociétés BTSG² et Axyme sollicitaient de la cour :
- Infirmer le jugement du 15 décembre 2020 en ce qu'il fixait le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016, dont bénéficie la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 140 170 euros sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8].
Statuant de nouveau,
- Mettre hors de cause les sociétés AJRS et FHB dont il était mis fin à leur mission d'administrateurs judiciaires de la société La Halle par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 octobre 2020 ;
- Déclarer recevable la société La Halle et les sociétés BTSG² et Axyme, en leur qualités de mandataires liquidateurs, recevables à agir en fixation du loyer du bail renouvelé à effet du 7 août 2016 ;
- Fixer à 137 792 euros l'an en principal le loyer du bail renouvelé au 7 août 2016 dont bénéficiait la société La Halle depuis le 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8] ;
- Débouter la SCI Alban de ses demandes, fins et conclusions ;
- Dire que la SCI Alban devait rembourser entre les mains des mandataires liquidateurs de la société La Halle, la société BSTG² et la société AXYME la somme totale de 301 696,79 euros correspondant aux trop-versés de loyers, de TVA et de dépôt de garantie, en principal et intérêts capitalisés depuis la date du renouvellement du 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 ;
- Condamner la SCI Alban au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SCI Alban aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise et autoriser, si besoin, Me Julien Betemps, avocat, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société La Halle, les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB et les liquidateurs judiciaires, les sociétés BTSG² et AXYME faisaient valoir notamment que :
En application des dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce lorsque la valeur locative est inférieure au plafond, le loyer doit être fixé à la valeur locative inférieure au plafond légale ;
Le loyer plafonné s'établissait à 193 151,53 euros l'an, or, la valeur locative, estimée par l'expert à 186 900 euros l'an avant déduction de l'impôt foncier et abattement était inférieure à ce montant ;
S'agissant de la valeur locative, la jurisprudence considérait que la valeur locative d'un local devait être diminuée à raison des charges exorbitantes de droit commun sans pouvoir invoquer le fait que les baux de comparaison supportaient les mêmes charges et il convenait donc de déduire le montant de l'impôt foncier de la valeur locative ;
Le loyer du bail renouvelé au 7 août 2016 devait donc être fixé à la valeur locative inférieure au plafond légal ;
Par application des dispositions de l'article R.145-8 du code de commerce, il fallait appliquer l'abattement de 20 % préconisé par l'expert sur la valeur locative.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 18 avril 2023 clôturait l'instruction de la procédure. L'affaire était plaidée à l'audience du 9 mai 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
I - Sur la procédure
Les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB seront mis hors de cause compte tenu de la fin de leur mission intervenue le 30 octobre 2020 par le jugement du tribunal de commerce de Paris.
Les société BTSG² et Axyme sont déclarées recevables à agir en leur qualité de mandataires liquidateurs.
II - Sur le fond
Il s'agit en l'espèce de fixer le montant du loyer du bail renouvelé entre les parties au 7 août 2016 à la valeur locative. Les parties s'accordent sur la valeur locative retenue par l'expert avant la prise en considération du critère lié aux obligations des parties, soit 140 euros par m² de surface pondérée, avec un total de 186 900 euros pour le local considéré et sont, comme l'a relevé le premier juge, en désaccord sur deux facteurs éventuels de pondération : la taxe foncière et les travaux d'aménagement effectués par la preneuse,
1 - Sur la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative
' sur la déduction de la taxe foncière
La Sci Alban estime que la taxe foncière ne doit pas être soustraite de la valeur locative retenue. Selon elle, elle s'ajoute aux loyers réglés et il importe d'effectuer des comparaisons à l'identique avec les loyers pratiqués par le voisinage, et ce sans qu'il soit envisagé l'existence d'une contrepartie. Selon elle, les travaux de l'expert ont démontré que la preneuse règlait un loyer inférieur à la valeur locative.
Les intimées font valoir que selon une jurisprudence constante, la prise en charge de la taxe foncière par le preneur constitue un facteur de diminution de la valeur locative et il est nécessaire de prendre en compte les prix pratiqués dans le voisinage sans tenir compte des charges réglées par les autres preneurs.
Aux termes de l'article L145-33 al 1 du code de commerce, 'le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage'
Les articles R.145-3 à R145-8 du code de commerce précisent les conditions dans lesquelles s'apprécient les facteurs de la valeur locative mentionnés aux 1 à 5° de l'article précité.
S'agissant des prix couramment pratiqués dans le voisinage, l'article R 147 prévoit 'Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation'.
S'agissant des obligations respectives des parties, l'article R 145-8 du même code précise ' Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé'.
Les critères d'équivalence pour les baux de comparaison auquel l'article R.145-7 renvoie expressément sont ceux prévus par les articles R. 145-3 à R. 145-6, c'est-à-dire les caractéristiques des locaux (articles R. 145-3 et R. 145-4), la destination des lieux (R 145-5) et les facteurs locaux de commercialité (R.145-5), mais pas les obligations respectives des parties (R145-8).
Selon la jurisprudence de la cour de cassation (nota cass civ 11 octobre 2011 pourvoi 10-21.389), lorsque la taxe foncière, qui doit normalement être supportée par le bailleur, est mise à la charge du preneur par le bail, cela constitue une charge exorbitante de droit commun qui doit se traduire par une minoration de la valeur locative, sauf si ce transfert de charge a une contrepartie. La jurisprudence récente (3e civ 8 avril 2021 pourvoi n°19-23.183 ; 3°civ, 24 novembre 2021 pourvoi n° 20-21.570) a confirmé que les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire, constituent un facteur de diminution de la valeur locative, sans avoir à rechercher si les baux de comparaison prévoyaient également le remboursement par le preneur de cette charge exorbitante.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la taxe foncière incombant au bailleur est prise en charge par la preneuse. Par ailleurs, comme l'a relevé le premier juge, la bailleresse n'a pas justifié d'une contrepartie à la prise en charge de cette taxe foncière par la preneuse qui aurait pu conduire à ne pas défalquer celle-ci de la valeur locative visée ci-dessus.
Les intimées sollicitent que le montant de la taxe foncière à déduire soit de 14 660,46 euros montant réglé en 2016. Toutefois, comme l'a précisé l'experte, il y a lieu de déduire la taxe d'ordures ménagères de ce montant représentant un peu plus de 20 % du montant total de la taxe foncière, cette taxe d'ordures ménagères étant due par la preneuse. Par ailleurs, l'experte a calculé la part de l'impôt foncier à la charge de la preneuse en prenant en compte la surface du local étudié (1 501/14496 m²), ce calcul cohérent et justifié aboutit à retenir un montant de 11 690 euros HT.
Cette somme sera, comme en première instance, déduite de la valeur locative retenue avant prise en considération du critère des obligations des parties soit 186 900 euros.
' sur les travaux d'aménagement
La société La Halle a pris possession du local commercial en état brut et en attente de fluides. Elle a procédé à des travaux d'aménagement (sol en parquet et en carrelage, rangées de néons, climatisation réversible, cloisonnement, sanitaires) qu'elle a financés. Contrairement à ce que soutient la bailleresse, ces travaux sont des améliorations, même s'il s'agit de prestations courantes pour ce type de local commercial. Le bail prévoit une accession des travaux d'amélioration en fin de bail par la bailleresse sans indemnité (article 7 du bail) et il est de principe que la bailleresse pourra solliciter la prise en compte de ces aménagements comme facteur d'augmentation de la valeur locative.
En l'espèce, tel n'est pas le cas, puisqu'au contraire, c'est la preneuse qui invoque ces travaux pour exiger une diminution de la valeur locative de 186 900 euros. Mais elle part du postulat selon lequel la valeur locative fixée par l'experte à 186 900 euros tient compte des améliorations, de sorte que selon elle, il faut les défalquer, les locaux loués initialement ayant été livrés bruts. Par ailleurs, la preneuse les valorise, par affirmation, au pourcentage de 20 %.
Or, l'experte a pu indiquer qu'elle avait étudié le local tel que livré : 'il ne convient pas d'exclure de l'estimation les travaux à proprement parler mais bien de considérer le local étudié au regard de temers de référence comparables et pris à bail dans le même état, à savoir brut et en attente de fluides'. L'experte a précisé que pour trois références de comparaison, les locaux étaient aussi livré dans un état brut avec des fluides en attente et a ajouté : ' la moyenne de ces trois références n'a toutefois pas permis d'observer une quelconque diminution de leur valeur locative au regard des autres références identifiées pour lesquelles nous n'avons pas de précision sur leur état au moment de la prise à bail', concluant que selon elle, il n'y avait pas appliquer d'abattement sur la valeur locative au regard des travaux d'aménagement effectués. Il ne résulte pas de ce rapport d'expertise que la valeur locative proposée de 140 euros in fine ait été calculée sur la valeur locative du local dans son état actuel, mais au contraire qu'elle a été calculée sur un local dans son état initial.
Les locaux de référence livrés dans le même état (références 5 à 7) ont un loyer au m² Sup respectif de 146 euros, 160 euros et 165 euros soit une moyenne de 157 euros, sachant que l'experte a retenue une valeur initiale de 155 euros de laquelle elle a ensuite défalqué 10 % en raison d'un emplacement moins favorable du local dont s'agit, par rapport à la majorité des locaux de comparaison.
Par ailleurs, l'experte n'a pas préconisé le taux de 20 % mais a indiqué que, si le tribunal estimait que son évaluation n'avait pas tenu compte de l'état du local étudié, il conviendrait d'appliquer l'abattement de 20 % proposé, étant ajouté qu'elle avait pu, à un dire de l'avocat des intimées que 'de surcroît, le quantum de 20 % invoqué en déduction de la valeur locative dans le dire de Me [O] n'est pas justifié'. Les dépenses d'aménagement n'ont pas non plus été justifiées en cause d'appel.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déduit de la valeur locative 'initiale' un pourcentage de 20 % pour tenir compte des travaux d'aménagement.
Dès lors, le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016 dont bénéficie la société Pegase depuis le 15 juillet 2020 sera fixé à la somme de 175 210 euros (186 900 euros HT moins 11 690 euros).
2 ) Sur la demande de remboursement des trop-versés
La demande des mandataires liquidateurs de la société La Halle de verser la somme totale de 301 696,79 euros correspondant aux trop versés de loyers, de TVA et de dépôt de garantie, en principal et intérêts capitalisés depuis la date de renouvellement du bail jusqu'au 14 juillet 2020, ne peut être accueillie en tant que telle dès lors que cette somme a été calculée sur un montant de loyer de bail renouvelé de 137 792 euros. Par ailleurs, la société Pegase sollicite la confirmation du jugement qui a dit que la Sci Alban serait tenu de rembourser les trop perçus de loyers avec intérêts au taux légal.
Il conviendra donc de condamner la Sci Alban a remboursé le montant des trop perçus de loyers depuis le 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 aux mandataires liquidateurs de la société La Halle calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros, au 7 août 2016 ainsi que des trop perçus de TVA et de dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2016 puis à compter de chaque échéance trimestrielle, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Il convient de préciser qu'au-delà de la date du 15 juillet 2020, la Sci Alban sera tenue de rembourser à la société Pegase le montant des trop perçus de loyers depuis le 15 juillet 2020 calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros au 7 août 2016, ainsi que des trop perçus de TVA, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020 puis à compter de chaque échéance trimestrielle.
3) Sur les mesures accessoires
La décision entreprise sera confirmée s'agissant des mesures accessoires, puisqu'il a été fait droit au principe de la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative et non en fonction du montant du loyer indexé.
En revanche, compte tenu de la succombance partielle de chacune des parties en cause d'appel, chacune d'elle conservera la charge de ses dépens et l'équité commande de débouter chacune d'elle de sa demande d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Met hors de cause les sociétés AJRS et FHB en leur qualité d'administrateur judiciaire dont la mission a pris fin le 30 octobre 2020,
Déclare recevables à agir les sociétés BTSG² et Axyme en qualité de liquidatrices de la société La Halle,
Infirme la décision entreprise sauf sur les mesures accessoires (dépens et indemnité procédurale),
Fixe le montant du loyer du bail commercial renouvelé au 7 août 2016, dont bénéfice la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 175 210 euros, sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8],
Condamne la Sci Alban à rembourser le montant des trop perçus de loyers depuis le 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 aux mandataires liquidateurs de la société La Halle calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros, au 7 août 2016, ainsi que les trop perçus de TVA et de dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2016 puis à compter de chaque échéance trimestrielle, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Condamne la Sci Alban à rembourser à la société Pegase le montant des trop perçus de loyers depuis le 15 juillet 2020 calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros au 7 août 2016, ainsi que des trop perçus de TVA, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020 puis à compter de chaque échéance trimestrielle,
Déboute les parties de leur demande d'indemnité procédurale et du surplus de leurs prétentions,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 12 septembre 2023
à
Me Michel FILLARD
la SELARL CORDEL BETEMPS
la SELARL DUBY DELANNOY JANICK
Copie exécutoire délivrée le 12 septembre 2023
à
Me Michel FILLARD
la SELARL CORDEL BETEMPS
la SELARL DUBY DELANNOY JANICK
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 12 Septembre 2023
N° RG 21/00121 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTI3
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 15 Décembre 2020
Appelante
S.C.I. ALBAN, dont le siège social est situé [Adresse 6]
Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SELARL CDMF AVOCATS, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
Intimées
S.C.P. BTSG² en sa qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
S.E.L.A.R.L. AXYME en sa qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 4]
S.E.L.A.R.L. AJRS en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 5]
S.E.L.A.R.L. FHB en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAS LA HALLE, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentées par la SELARL CORDEL BETEMPS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentées par la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A.S. PEGASE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL DUBY DELANNOY JANICK, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL HSA, avocats plaidants au barreau de RENNES
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Date de l'ordonnance de clôture : 18 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 mai 2023
Date de mise à disposition : 12 septembre 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et procédure :
Par acte authentique en date du 27 mars 2007, la SCI Alban louait à la société La Halle (SAS) des locaux dans un ensemble commercial formant le lot n°3 qui comprenait une surface hors œuvre nette d'environ 1 501 m² sur une surface totale d'un projet de 4 496 m² sis [Adresse 7] à [Localité 8]. Le bail était conclu moyennant le règlement d'un droit d'entrée de 50 000 euros HT ainsi qu'un loyer annuel de 172 500 euros HT, payables par trimestre et d'avance. Les locaux à usage commercial étaient destinés à l'exercice de l'activité de vente de tous articles concernant l'équipement de la personne et notamment chaussures, vêtements en prêt à porter, sportswear, maroquinerie, bonneterie et accessoires.
Le bail était conclu pour une durée de 9 années à compter de la livraison des locaux, soit le 7 août 2007 pour se terminer le 6 août 2016. En date du 19 février 2016, la preneuse formait une demande de renouvellement de son bail à effet du 7 août 2016, avec un loyer fixé à la valeur locative.
Aucun accord n'étant intervenu sur le montant du loyer, par jugement en date du 11 décembre 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Chambéry ordonnait une expertise aux fins de voir fixer la valeur locative, et fixait un loyer provisionnel de 193 151,53 euros HT, correspondant au montant du loyer plafonné, à compter du 7 août 2016 jusqu'à la fixation définitive du loyer. L'expert judiciaire déposait son rapport le 20 février 2020.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 juin 2020, la société La Halle était mise en redressement judiciaire. Par jugement en date du 8 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris arrêtait le plan de cession des locaux, objets de la présente procédure, au profit de la société Pegase (SAS) avec une entrée en jouissance fixée au 15 juillet 2020.
Par jugement du 15 décembre 2020, le juge des loyers commerciaux de Chambéry, sur assignation de la société la Halle, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constatait l'intervention volontaire de la société Pegase ;
- fixait le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016, dont bénéficiait la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 140 170 euros sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8] ;
- disait que la SCI Alban devait rembourser les trop-perçus de loyers depuis le 7 août 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 7/08/2016, puis à compter de chaque échéance trimestrielle ;
- condamnait la SCI Alban à payer à la société La Halle, aux sociétés AJRS, FHB, BTSG² et AXYME intervenants ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, et à la société Pegase la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnait la SCI Alban aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
- rejetait toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties ;
Au visa principalement des motifs suivants :
Le bailleur ne pouvait se prévaloir de l'amélioration des locaux loués qu'aux termes du second bail ;
La Sci Alban ne démontrait pas à quoi elle s'était engagée en contrepartie de la décharge de la taxe foncière sur la preneuse si bien que le montant de l'impôt foncier devait être déduit de la valeur locative.
Par déclaration au greffe du 22 janvier 2021, la SCI Alban, interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions, hormis celle qui constatait l'intervention volontaire de la société Pegase.
Par déclaration au greffe du 26 mai 2021 la société La Halle, les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB et les liquidateurs judiciaires, les sociétés BTSG² et AXYME, interjetaient appel de cette décision en ce qu'elle fixait le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016, dont bénéficiait la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 140 170 euros.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 3 septembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Alban, sollicitait de la cour :
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 ;
- Homologuer purement et simplement le rapport d'expertise judiciaire déposé le 20 février 2020 ;
- Juger n'y avoir lieu aux deux abattements retenus par le tribunal ;
- Fixer la valeur locative au 7 août 2016 à la somme de 186 900 euros par an ;
- Débouter les sociétés BTSG², AJRS et FHB de leur appel incident ;
- Condamner la société Pegase à payer à la SCI Alban la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Pegase aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
Au soutien de ses prétentions, la Sci Alban faisait valoir notamment que :
La preneuse avait bénéficié d'un loyer inférieur à la valeur locative qui était complétée par la taxe foncière et qu'en retranchant le montant de la taxe foncière de la valeur locative en recherchant une quelconque contrepartie qui aurait dû être offerte par le locataire, le tribunal avait procédé à une confusion ;
Pour les abattements au titre des améliorations apportées par la société La Halle, aucun abattement ne devait être opéré dès lors que le loyer fixé initialement tenait compte de l'absence d'aménagement.
Par dernières écritures en date du 9 juin 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Pegase sollicitait de la cour de :
- Confirmer le jugement du 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
- Débouter la SCI Alban de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- Condamner la SCI Alban à régler à la société Pegase une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire.
Au soutien de ses prétentions, la société Pegase faisait valoir notamment que :
Il était de jurisprudence constante que constituait un facteur de diminution de la valeur locative les clauses transférant au preneur la taxe foncière ;
La société La Halle avait réalisé l'ensemble des travaux d'aménagement du local qui constituaient des améliorations ; ces travaux pouvaient donc être invoqués par le bailleur qu'à l'occasion du deuxième renouvellement et la valeur locative devait être fixée pour les locaux bruts de béton ;
La jurisprudence considérait de manière constante que les travaux d'aménagement qui permettaient une meilleure adaptation des locaux à l'activité, constituaient des améliorations.
Par dernières écritures en date du 23 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société La Halle, les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB et les liquidateurs judiciaires, les sociétés BTSG² et Axyme sollicitaient de la cour :
- Infirmer le jugement du 15 décembre 2020 en ce qu'il fixait le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016, dont bénéficie la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 140 170 euros sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8].
Statuant de nouveau,
- Mettre hors de cause les sociétés AJRS et FHB dont il était mis fin à leur mission d'administrateurs judiciaires de la société La Halle par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 octobre 2020 ;
- Déclarer recevable la société La Halle et les sociétés BTSG² et Axyme, en leur qualités de mandataires liquidateurs, recevables à agir en fixation du loyer du bail renouvelé à effet du 7 août 2016 ;
- Fixer à 137 792 euros l'an en principal le loyer du bail renouvelé au 7 août 2016 dont bénéficiait la société La Halle depuis le 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8] ;
- Débouter la SCI Alban de ses demandes, fins et conclusions ;
- Dire que la SCI Alban devait rembourser entre les mains des mandataires liquidateurs de la société La Halle, la société BSTG² et la société AXYME la somme totale de 301 696,79 euros correspondant aux trop-versés de loyers, de TVA et de dépôt de garantie, en principal et intérêts capitalisés depuis la date du renouvellement du 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 ;
- Condamner la SCI Alban au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SCI Alban aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise et autoriser, si besoin, Me Julien Betemps, avocat, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société La Halle, les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB et les liquidateurs judiciaires, les sociétés BTSG² et AXYME faisaient valoir notamment que :
En application des dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce lorsque la valeur locative est inférieure au plafond, le loyer doit être fixé à la valeur locative inférieure au plafond légale ;
Le loyer plafonné s'établissait à 193 151,53 euros l'an, or, la valeur locative, estimée par l'expert à 186 900 euros l'an avant déduction de l'impôt foncier et abattement était inférieure à ce montant ;
S'agissant de la valeur locative, la jurisprudence considérait que la valeur locative d'un local devait être diminuée à raison des charges exorbitantes de droit commun sans pouvoir invoquer le fait que les baux de comparaison supportaient les mêmes charges et il convenait donc de déduire le montant de l'impôt foncier de la valeur locative ;
Le loyer du bail renouvelé au 7 août 2016 devait donc être fixé à la valeur locative inférieure au plafond légal ;
Par application des dispositions de l'article R.145-8 du code de commerce, il fallait appliquer l'abattement de 20 % préconisé par l'expert sur la valeur locative.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 18 avril 2023 clôturait l'instruction de la procédure. L'affaire était plaidée à l'audience du 9 mai 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
I - Sur la procédure
Les administrateurs judiciaires, les sociétés AJRS et FHB seront mis hors de cause compte tenu de la fin de leur mission intervenue le 30 octobre 2020 par le jugement du tribunal de commerce de Paris.
Les société BTSG² et Axyme sont déclarées recevables à agir en leur qualité de mandataires liquidateurs.
II - Sur le fond
Il s'agit en l'espèce de fixer le montant du loyer du bail renouvelé entre les parties au 7 août 2016 à la valeur locative. Les parties s'accordent sur la valeur locative retenue par l'expert avant la prise en considération du critère lié aux obligations des parties, soit 140 euros par m² de surface pondérée, avec un total de 186 900 euros pour le local considéré et sont, comme l'a relevé le premier juge, en désaccord sur deux facteurs éventuels de pondération : la taxe foncière et les travaux d'aménagement effectués par la preneuse,
1 - Sur la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative
' sur la déduction de la taxe foncière
La Sci Alban estime que la taxe foncière ne doit pas être soustraite de la valeur locative retenue. Selon elle, elle s'ajoute aux loyers réglés et il importe d'effectuer des comparaisons à l'identique avec les loyers pratiqués par le voisinage, et ce sans qu'il soit envisagé l'existence d'une contrepartie. Selon elle, les travaux de l'expert ont démontré que la preneuse règlait un loyer inférieur à la valeur locative.
Les intimées font valoir que selon une jurisprudence constante, la prise en charge de la taxe foncière par le preneur constitue un facteur de diminution de la valeur locative et il est nécessaire de prendre en compte les prix pratiqués dans le voisinage sans tenir compte des charges réglées par les autres preneurs.
Aux termes de l'article L145-33 al 1 du code de commerce, 'le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage'
Les articles R.145-3 à R145-8 du code de commerce précisent les conditions dans lesquelles s'apprécient les facteurs de la valeur locative mentionnés aux 1 à 5° de l'article précité.
S'agissant des prix couramment pratiqués dans le voisinage, l'article R 147 prévoit 'Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation'.
S'agissant des obligations respectives des parties, l'article R 145-8 du même code précise ' Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé'.
Les critères d'équivalence pour les baux de comparaison auquel l'article R.145-7 renvoie expressément sont ceux prévus par les articles R. 145-3 à R. 145-6, c'est-à-dire les caractéristiques des locaux (articles R. 145-3 et R. 145-4), la destination des lieux (R 145-5) et les facteurs locaux de commercialité (R.145-5), mais pas les obligations respectives des parties (R145-8).
Selon la jurisprudence de la cour de cassation (nota cass civ 11 octobre 2011 pourvoi 10-21.389), lorsque la taxe foncière, qui doit normalement être supportée par le bailleur, est mise à la charge du preneur par le bail, cela constitue une charge exorbitante de droit commun qui doit se traduire par une minoration de la valeur locative, sauf si ce transfert de charge a une contrepartie. La jurisprudence récente (3e civ 8 avril 2021 pourvoi n°19-23.183 ; 3°civ, 24 novembre 2021 pourvoi n° 20-21.570) a confirmé que les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire, constituent un facteur de diminution de la valeur locative, sans avoir à rechercher si les baux de comparaison prévoyaient également le remboursement par le preneur de cette charge exorbitante.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la taxe foncière incombant au bailleur est prise en charge par la preneuse. Par ailleurs, comme l'a relevé le premier juge, la bailleresse n'a pas justifié d'une contrepartie à la prise en charge de cette taxe foncière par la preneuse qui aurait pu conduire à ne pas défalquer celle-ci de la valeur locative visée ci-dessus.
Les intimées sollicitent que le montant de la taxe foncière à déduire soit de 14 660,46 euros montant réglé en 2016. Toutefois, comme l'a précisé l'experte, il y a lieu de déduire la taxe d'ordures ménagères de ce montant représentant un peu plus de 20 % du montant total de la taxe foncière, cette taxe d'ordures ménagères étant due par la preneuse. Par ailleurs, l'experte a calculé la part de l'impôt foncier à la charge de la preneuse en prenant en compte la surface du local étudié (1 501/14496 m²), ce calcul cohérent et justifié aboutit à retenir un montant de 11 690 euros HT.
Cette somme sera, comme en première instance, déduite de la valeur locative retenue avant prise en considération du critère des obligations des parties soit 186 900 euros.
' sur les travaux d'aménagement
La société La Halle a pris possession du local commercial en état brut et en attente de fluides. Elle a procédé à des travaux d'aménagement (sol en parquet et en carrelage, rangées de néons, climatisation réversible, cloisonnement, sanitaires) qu'elle a financés. Contrairement à ce que soutient la bailleresse, ces travaux sont des améliorations, même s'il s'agit de prestations courantes pour ce type de local commercial. Le bail prévoit une accession des travaux d'amélioration en fin de bail par la bailleresse sans indemnité (article 7 du bail) et il est de principe que la bailleresse pourra solliciter la prise en compte de ces aménagements comme facteur d'augmentation de la valeur locative.
En l'espèce, tel n'est pas le cas, puisqu'au contraire, c'est la preneuse qui invoque ces travaux pour exiger une diminution de la valeur locative de 186 900 euros. Mais elle part du postulat selon lequel la valeur locative fixée par l'experte à 186 900 euros tient compte des améliorations, de sorte que selon elle, il faut les défalquer, les locaux loués initialement ayant été livrés bruts. Par ailleurs, la preneuse les valorise, par affirmation, au pourcentage de 20 %.
Or, l'experte a pu indiquer qu'elle avait étudié le local tel que livré : 'il ne convient pas d'exclure de l'estimation les travaux à proprement parler mais bien de considérer le local étudié au regard de temers de référence comparables et pris à bail dans le même état, à savoir brut et en attente de fluides'. L'experte a précisé que pour trois références de comparaison, les locaux étaient aussi livré dans un état brut avec des fluides en attente et a ajouté : ' la moyenne de ces trois références n'a toutefois pas permis d'observer une quelconque diminution de leur valeur locative au regard des autres références identifiées pour lesquelles nous n'avons pas de précision sur leur état au moment de la prise à bail', concluant que selon elle, il n'y avait pas appliquer d'abattement sur la valeur locative au regard des travaux d'aménagement effectués. Il ne résulte pas de ce rapport d'expertise que la valeur locative proposée de 140 euros in fine ait été calculée sur la valeur locative du local dans son état actuel, mais au contraire qu'elle a été calculée sur un local dans son état initial.
Les locaux de référence livrés dans le même état (références 5 à 7) ont un loyer au m² Sup respectif de 146 euros, 160 euros et 165 euros soit une moyenne de 157 euros, sachant que l'experte a retenue une valeur initiale de 155 euros de laquelle elle a ensuite défalqué 10 % en raison d'un emplacement moins favorable du local dont s'agit, par rapport à la majorité des locaux de comparaison.
Par ailleurs, l'experte n'a pas préconisé le taux de 20 % mais a indiqué que, si le tribunal estimait que son évaluation n'avait pas tenu compte de l'état du local étudié, il conviendrait d'appliquer l'abattement de 20 % proposé, étant ajouté qu'elle avait pu, à un dire de l'avocat des intimées que 'de surcroît, le quantum de 20 % invoqué en déduction de la valeur locative dans le dire de Me [O] n'est pas justifié'. Les dépenses d'aménagement n'ont pas non plus été justifiées en cause d'appel.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déduit de la valeur locative 'initiale' un pourcentage de 20 % pour tenir compte des travaux d'aménagement.
Dès lors, le montant du loyer du bail commercial renouvelé le 7 août 2016 dont bénéficie la société Pegase depuis le 15 juillet 2020 sera fixé à la somme de 175 210 euros (186 900 euros HT moins 11 690 euros).
2 ) Sur la demande de remboursement des trop-versés
La demande des mandataires liquidateurs de la société La Halle de verser la somme totale de 301 696,79 euros correspondant aux trop versés de loyers, de TVA et de dépôt de garantie, en principal et intérêts capitalisés depuis la date de renouvellement du bail jusqu'au 14 juillet 2020, ne peut être accueillie en tant que telle dès lors que cette somme a été calculée sur un montant de loyer de bail renouvelé de 137 792 euros. Par ailleurs, la société Pegase sollicite la confirmation du jugement qui a dit que la Sci Alban serait tenu de rembourser les trop perçus de loyers avec intérêts au taux légal.
Il conviendra donc de condamner la Sci Alban a remboursé le montant des trop perçus de loyers depuis le 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 aux mandataires liquidateurs de la société La Halle calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros, au 7 août 2016 ainsi que des trop perçus de TVA et de dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2016 puis à compter de chaque échéance trimestrielle, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Il convient de préciser qu'au-delà de la date du 15 juillet 2020, la Sci Alban sera tenue de rembourser à la société Pegase le montant des trop perçus de loyers depuis le 15 juillet 2020 calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros au 7 août 2016, ainsi que des trop perçus de TVA, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020 puis à compter de chaque échéance trimestrielle.
3) Sur les mesures accessoires
La décision entreprise sera confirmée s'agissant des mesures accessoires, puisqu'il a été fait droit au principe de la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative et non en fonction du montant du loyer indexé.
En revanche, compte tenu de la succombance partielle de chacune des parties en cause d'appel, chacune d'elle conservera la charge de ses dépens et l'équité commande de débouter chacune d'elle de sa demande d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Met hors de cause les sociétés AJRS et FHB en leur qualité d'administrateur judiciaire dont la mission a pris fin le 30 octobre 2020,
Déclare recevables à agir les sociétés BTSG² et Axyme en qualité de liquidatrices de la société La Halle,
Infirme la décision entreprise sauf sur les mesures accessoires (dépens et indemnité procédurale),
Fixe le montant du loyer du bail commercial renouvelé au 7 août 2016, dont bénéfice la société Pegase depuis le 15 juillet 2020, à la somme de 175 210 euros, sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 8],
Condamne la Sci Alban à rembourser le montant des trop perçus de loyers depuis le 7 août 2016 jusqu'au 14 juillet 2020 aux mandataires liquidateurs de la société La Halle calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros, au 7 août 2016, ainsi que les trop perçus de TVA et de dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2016 puis à compter de chaque échéance trimestrielle, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Condamne la Sci Alban à rembourser à la société Pegase le montant des trop perçus de loyers depuis le 15 juillet 2020 calculés à partir d'une base d'un loyer du bail renouvelé fixée à 175 210 euros au 7 août 2016, ainsi que des trop perçus de TVA, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020 puis à compter de chaque échéance trimestrielle,
Déboute les parties de leur demande d'indemnité procédurale et du surplus de leurs prétentions,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 12 septembre 2023
à
Me Michel FILLARD
la SELARL CORDEL BETEMPS
la SELARL DUBY DELANNOY JANICK
Copie exécutoire délivrée le 12 septembre 2023
à
Me Michel FILLARD
la SELARL CORDEL BETEMPS
la SELARL DUBY DELANNOY JANICK