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Décisions

CA Chambéry, 3e ch., 5 septembre 2023, n° 21/02036

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 21/02036

5 septembre 2023

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

3ème Chambre

Arrêt du Mardi 05 Septembre 2023

N° RG 21/02036 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2KF

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 26 Août 2021, RG 19/01097

Appelante

Mme [H] [D]

née le 03 Mai 1955 à [Localité 4] (ESPAGNE), demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Odile PELLET, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimé

M. [J] [I]

né le 24 Septembre 1960 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Daniel CATALDI de la SELARL CABINET D'AVOCATS DANIEL CATALDI, avocat au barreau de CHAMBERY

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COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 06 juin 2023 par Mme Catherine LEGER, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'Appel de CHAMBERY, qui a entendu les plaidoiries en présence de Madame Esther BISSONNIER, Conseiller avec l'assistance de Madame Laurence VIOLET, Greffier

Et lors du délibéré, par :

- Mme Catherine LEGER, Conseiller faisant fonction de Président qui a rendu compte des plaidoiries,

- Madame Esther BISSONNIER, Conseiller

- Madame Hélène SOULAS, Vice-Présidente placée.

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FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [J] [I], né le 24 septembre 1960 à [Localité 3] (73) et Mme [H] [D], née le 3 mai 1955 à [Localité 4] (Espagne), ont vécu en concubinage de décembre 2010 à décembre 2018.

Par un acte en date du 4 juillet 2019, M. [J] [I] a fait assigner Mme [H] [D] devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Chambéry en paiement d'une indemnité au titre de l'enrichissement sans cause.

Par un jugement en date du 26 août 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Chambéry a :

- condamné Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 273947,31 euros au titre de l'indemnité prévue dans le cadre d'un enrichissement injustifié,

- dit que la somme de 273 947,31 euros que Mme [H] [D] a été condamnée à payer à M. [J] [I] sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, et avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, et condamné Mme [H] [D] au paiement de ces intérêts ,

- condamné Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Mme [H] [D] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par une déclaration en date du 11 octobre 2021, Mme [H] [D] a relevé appel de ce jugement en visant l'intégralité du dispositif.

Par une ordonnance en date du 7 mars 2023, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry a suspendu l'exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 mai 2023, Mme [H] [D] demande à la cour de:

- infirmer le jugement le jugement rendu le 26 août 2021 par le tribunal judiciaire de Chambéry en ce qu'il a :

- condamné Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 273 947,31 euros au titre de l'indemnité prévue dans le cadre d'un enrichissement injustifié,

- dit que la somme de 273 947,31 euros que Mme [H] [D] a été condamnée à payer à M. [J] [I] sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision et avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière

- condamné Mme [H] [D] au paiement de ces intérêts,

- condamné Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 2 000€ au titre des frais irrépétibles,

- condamné Mme [H] [D] aux dépens, ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- le réformer,

- débouter M. [J] [I] de l'intégralité de ses demandes en raison de l'absence d'enrichissement sans cause de Mme [H] [D], les travaux payés par M. [J] [I] constituant sa contribution aux dépenses de la vie courante,

- condamner M. [J] [I] à payer à Mme [H] [D] la somme de 157 500,00 € au titre de l'indemnité d'occupation,

- condamner M. [J] [I] à payer à Mme [H] [D] la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner aux entiers dépens M. [J] [I] de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Odile Pellet, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, Mme [H] [D] expose que le couple s'est rencontré en fin d'année 2009 ; que M. [J] [I] s'est installé chez elle en avril 2010 ; qu'il n'a eu, jusqu'à la séparation en décembre 2018, aucune charge courante à supporter ; que les travaux qu'il a financé relevaient de la contribution aux dépenses de la vie courante et doivent rester à sa charge ; que les relevés de compte qu'il produit montrent exclusivement des dépenses personnelles ou non identifiables ; qu'en réalité il a supporté 308 euros par mois. Elle indique encore que M. [J] [I] a installé sa propre mère dépendante à son domicile d'octobre 2014 à mars 2015 compte tenu de son lourd handicap ; qu'elle a assuré gratuitement les soins en qualité d'infirmière ; qu'elle a assumé financièrement sa belle-mère.

Subsidiairement, Mme [H] [D] souligne que M. [J] [I] ne produit aucun devis signé par elle, qu'il a donc engagé ces frais de son propre chef. Elle affirme qu'il ne justifie pas de l'intégralité des sommes réclamées, qui ne cessent de varier. Elle discute chacune des factures produites, contestant que certaines dépenses aient été assumées par M. [J] [I].

Concernant l'indemnité d'occupation, Mme [H] [D] sollicite la condamnation de M. [J] [I] à ce titre compte tenu de la présence de ce dernier à son domicile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2022, M. [J] [I] demande à la cour de :

- débouter Mme [H] [D] de l'intégralité de ses demandes en raison de son enrichissement injustifié et de l'absence de toute compensation avec les travaux financés pour l'amélioration de ses immeubles par M. [J] [I],

- juger irrecevable et non fondée la demande de Mme [H] [D] relative à l'indemnité d'occupation présentée pour la première fois en cause d'appel,

- débouter Mme [H] [D] de ses demandes aux titres des frais irrépétibles et des dépens,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme [H] [D] payer à M. [J] [I] la somme de 273 947,31 euros au titre de l'indemnité prévue dans le cadre d'un enrichissement injustifié,

- juger recevable l'appel incident interjeté par M. [J] [I],

- réformer le jugement déféré du 26 août 2021 en ce qu'il a débouté M. [J] [I] de sa demande de paiement de 326 507,91 euros en la limitant à 273 947,31 euros,

- ajouter à la condamnation prononcée par le jugement déféré, soit 273 947,31 euros, celle de 49 560,60 euros,

En conséquence :

- condamner Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme totale de 323 507,91 euros au titre de l'indemnité prévue dans le cadre d'un enrichissement injustifié,

- juger que la somme de 323 507,91 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement déféré, et avec capitalisation des intérêts, et condamner Mme [H] [D] au payement de ces intérêts,

- condamner Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner Mme [H] [D] aux dépens.

A l'appui de ses demandes, M. [J] [I] expose que le couple s'est formé en avril 2010, qu'il s'est installé chez Mme [H] [D] à la fin de l'année 2011, que de janvier 2013 à décembre 2015, il s'est acquitté de la somme de 326 507,91 euros pour des travaux de rénovation effectués dans les deux propriétés de Mme [H] [D], qu'il justifie de tous les paiements effectués, que cela a permis à Mme [H] [D] d'améliorer son patrimoine et de jouir de revenus fonciers. Il reconnaît que la relation a pris fin en décembre 2018, qu'il a du se reloger alors qu'il avait investi toutes ses économies pour rénover les biens de sa compagne, qu'il a tenté en vain de recouvrer les sommes amiablement.

Il estime que le premier juge a écarté indûment certaines factures, soit une différence de 52 560 euros, il détaille les règlements effectués. Il soutient qu'il est indéniable qu'il s'est appauvri au profit de Mme [H] [D], qui n'a pas payé les travaux en cause sans motif légitime. Il affirme que chacun des concubins a participé aux dépenses du quotidien, qu'il n'avait pas d'intention libérale, que Mme [H] [D] a été payée par la CPAM pour les soins prodigués à sa mère. Il répond aux contestations élevées par Mme [H] [D] relatives à certaines factures, réfutant que ces dépenses aient été excessives. Il soulève l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées en appel par Mme [H] [D] au titre de l'indemnité d'occupation.

La clôture est intervenue par ordonnance en date du 5 mai 2023.

SUR QUOI, LA COUR :

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

L'appel principal et l' appel incident ayant été formés selon les formes et dans les délais prévus par la loi, ils seront déclarés recevables.

Sur l'enrichissement sans cause

Il résulte des articles 1303 et suivants du code civil qu'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement. L'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri, ni de son intention libérale. Il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel. L'indemnisation peut être modérée par le juge si l'appauvrissement procède d'une faute de l'appauvri. L'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription. L'appauvrissement constaté au jour de la dépense, et l'enrichissement tel qu'il subsiste au jour de la demande, sont évalués au jour du jugement. En cas de mauvaise foi de l'enrichi, l'indemnité due est égale à la plus forte de ces deux valeurs.

En l'espèce, il est constant que Mme [H] [D] est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3] ; que divers travaux ont été réalisés dans ce bien à compter de janvier 2013 et jusqu'en décembre 2015. M. [J] [I] réclame à ce titre la somme de 323 507,91 euros au titre de l'enrichissement injustifié, affirmant avoir financé lesdits travaux en s'appauvrissant au profit de Mme [H] [D]. Le premier juge a retenu la somme de 273 947,31 euros.

Concernant le montant des factures acquittées par M. [J] [I], il y lieu de relever que Mme [H] [D] ne conteste pas que M. [J] [I] ait payé les factures suivantes :

- 44 033,46 euros le 3 janvier 2013 au profit de la SARL BROVELLI BATIMENT (travaux de maçonnerie)

- 10 000 euros le 3 février 2014 au profit de la SARL BROVELLI BATIMENT,

- 10 000 euros le 28 février 2014 au profit de la SARL BROVELLI BATIMENT,

- 11 109,34 euros le 21 janvier 2014 au profit de la SARL BROVELLI BATIMENT,

- 22 574,18 euros le 9 avril 2014 au profit de la SARL BROVELLI BATIMENT,

- 10 102,16 euros le 23 mars 2015 au profit de LES FILS D'EUGENE PERROUX,

- 7 508,93 euros le 25 juin 2014 au profit de [F] [C],

- 12 804 euros le 31 janvier 2015 au profit de la SARL TOCHON,

- 15 497,71 euros le 1er septembre 2014 au profit de la société SMC2,

- 3 509 euros le 12 juin 2014 au profit de la société JEANTON,

- 6 293,10 euros et 3859,10 euros le 31 juillet 2014 au profit de la société JEANTON,

- 14 227,64 euros le 11 février 2014 au profit de la société L'AUTRE FENETRE,

- 6 697,37 euros et 1829 euros au profit de la société L'AUTRE FENETRE,

- 4 200 euros le 31 mars 2014 au profit de la société TRANSPORTS FONTAINE,

- 17 614,85 euros le 15 novembre 2014 au profit de l'entreprise FREITAS BARREIRA JOAQIOM,

- 3 045,49 euros le 30 avril 2014 au profit d'[E] [S],

- 4 479,94 euros le 22 mai 2014 au profit d'[E] [S],

- 2 287,20 euros le 20 décembre 2014 au profit d'[E] [S],

- 261,76 euros le 16 juin 2015 au profit d'[E] [S].

Mme [H] [D] conteste cependant le montant total des factures payées par M. [J] [I] au profit de la SARL BROVELLI BATIMENT, faisant valoir que le devis initial s'élevait à la somme de 71 841,04 euros, alors que les factures produites en première instance s'élèvent à 87 716,98 euros et que M. [J] [I] réclame en cause d'appel la somme de 113 417,80 euros. Il faut noter que l'ensemble des factures produites par M. [J] [I] à hauteur de 87 716,98 euros et émanant de l'entreprise BROVELLI mentionnent bien l'adresse du bien immobilier appartenant à Mme [H] [D], laquelle ne produit aucun élément de preuve au soutien de ses affirmations selon lesquelles des travaux auraient pu être réalisés sur un autre bien que le sien. Par ailleurs, M. [J] [I] sollicite aussi la prise en compte d'un chèque n°0030448 de 15 198,46 euros encaissé le 29 mai 2014, affirmant qu'il a été émis au profit de la même entreprise mais il ne verse à l'appui de ses dires qu'un récapitulatif manuscrit, sans en-tête de la société, ce qui n'est pas suffisant pour établir l'identité du bénéficiaire dudit chèque. Le premier jugement qui a écarté cette somme sera donc confirmé.

Concernant le paiement par chèque le 18 juillet 2014 de la somme de 15 000 euros au profit de GAUTHEY TERRASSEMENT, Mme [H] [D] en conteste la prise en compte au profit de M. [J] [I], qui produit au soutien de sa demande son relevé de compte attestant de l'émission du chèque sans cependant que l'on ne puisse en connaître le bénéficiaire, outre un devis du 23 juin 2014 pour un montant total de 61 451,18 euros, avec mention 'acompte 50%' mais sans reçu ou facture correspondant au versement de 15 000 euros, la simple mention manuscrite apposée par M. [J] [I] sur le devis n'étant pas suffisante pour établir le bien fondé de sa prétention. Cette somme ne sera donc pas retenue et le premier jugement infirmé sur ce point.

Concernant les sommes revendiquées au titre de travaux réalisés par ARTS ET FERMETURES, Mme [H] [D] les conteste en faisant valoir que le devis produit en date du 29 septembre 2015 n'est pas signé et que la facture produite est tronquée et erronée puisque les montants ne correspondent pas au devis, relevant encore que le paiement de 11 100 euros effectué par chèque le 4 janvier 2013 ne peut correspondre à un devis établi deux ans après. Pourtant M. [J] [I] produit ses relevés de compte faisant apparaître un chèque n°0030498 d'un montant de 3 000 euros le 6 octobre 2015 et d'un autre n°0030501 d'un montant de 11 100 euros le 4 janvier 2016, avec pour ce dernier chèque production de la copie faisant apparaître le bénéficiaire, soit ARTS ET FERMETURES. En cause d'appel, M. [J] [I] produit en outre une facture détaillant les montants versés, en ce compris la somme de 3 000 euros par chèque le 12 octobre 2015. Il y a donc lieu d'infirmer le premier jugement et de retenir les sommes de 3 000 euros et 11 100 euros.

Concernant la facture de RUSHITI FACADES, M. [J] [I] produit une facture du 28 juillet 2013 d'un montant de 15 002,36 euros et revendique le paiement de la somme de 12 000 euros, ce que conteste Mme [H] [D]. M. [J] [I] produit son relevé de compte faisant apparaître un virement bancaire le 20 juin 2013 pour un montant de 12 000 euros au profit de RUSHITI FACADES ce qui, quand bien même le devis officiel a été établi à la date du 28 juillet 2013, suffit à établir le bien fondé de sa revendication à ce titre, Mme [H] [D] ne contestant pas que lesdits travaux aient bien été réalisés sur son bien personnel.

Concernant les factures établies par la SARL GERARD LEYMARIE, Mme [H] [D] soutient que M. [J] [I] ne justifie que du règlement de la somme de 21930,96 euros tandis que M. [J] [I] affirme avoir versé 23 920 euros puis deux fois 15 000 euros par chèques n°0030443 et 0030444, sans éléments sur le bénéficiaire. Il verse un relevé de compte bancaire faisant apparaître le 20 juin 2013 un virement bancaire de 23 920 euros au profit de la SARL GERARD LEYMARIE, l'ensemble des factures dont l'une datée du 24 mars 2014 adressée à Mme [D], d'un montant de 30 000 euros avec la mention acquittée, mais sans que le détail des règlements intervenus ne soit précisé, ce qui ne permet pas d'établir la réalité du paiement par M. [J] [I] seul. Le premier jugement, qui n'a retenu que la somme de 23 920 euros, sera donc confirmé.

Concernant le paiement de la société CARRELAGE DESIGN, le premier juge a rejeté la demande formée par M. [J] [I] à hauteur de 1 362,14 euros (paiements successifs de 450 euros, 500 euros et 412,14 euros) au motif que l'adresse de livraison et de facturation n'apparaissaient pas sur les documents produits. M. [J] [I] produit les relevés de compte bancaire établissant la réalité des paiements évoqués outre le verso des factures établies par l'entreprise avec au dos la mention manuscrite de l'adresse des travaux, ce qui cependant n'est pas suffisant; le premier jugement sera donc confirmé.

Il y a lieu en conséquence de considérer que M. [J] [I] a financé à l'aide de fonds personnels des travaux réalisés sur le bien immobilier appartenant à Mme [H] [D] pour un montant total de 261 954,23 euros.

Comme relevé justement par le premier juge, il ne peut être contesté que M. [J] [I] s'est appauvri au profit de Mme [H] [D] qui a économisé le coût des travaux ainsi financés, ce qui n'a pu qu'augmenter la valeur de son bien au vu de leur ampleur, étant observé d'ailleurs que Mme [H] [D] ne soutient pas le contraire, s'abstenant ainsi de produire la moindre évaluation immobilière.

Mme [H] [D], qui affirme que certaines dépenses seraient somptuaires, ne verse aucune pièce à l'appui de ses affirmations, autres que les devis et factures en cause.

En l'absence de tout autre élément d'appréciation, l'enrichissement est dès lors égal au montant de l'appauvrissement soit la somme de 261 954,23 euros.

Concernant l'absence de cause, il est relevé que Mme [H] [D] ne fait pas valoir l'existence d'une intention libérale de M. [J] [I] à son profit. En revanche, elle soutient que le financement des travaux par M. [J] [I] était la contrepartie de son hébergement à titre gratuit durant plusieurs années.

Il découle d'un courrier de M. [J] [I] adressé à Mme [H] [D] et daté du 19 novembre 2018 que ce dernier reconnaissait avoir vécu en couple avec cette dernière à compter de 2010 même si le changement officiel d'adresse n'est intervenu qu'en 2012. Mme [H] [D] produit en outre une attestation de Mme [G] [W], très circonstanciée, qui confirme que M. [J] [I] a vécu au domicile de sa concubine à compter de mars 2010. Ces éléments permettent de considérer que M. [J] [I] a vécu de manière habituelle au domicile de Mme [H] [D] à compter de cette date, bien que le changement d'adresse n'ait été effectué auprès de la Poste que le 29 décembre 2011 et que l'attestation d'hébergement établie par Mme [H] [D] au profit de M. [J] [I] ne mentionne que janvier 2012. Il n'est pas contesté que le couple s'est séparé en novembre 2018. Il est dès lors établi que M. [J] [I] a résidé au domicile de Mme [H] [D] durant 105 mois ; qu'il a également hébergé durant plusieurs mois au domicile de sa concubine, sa propre mère dépendante.

Pour démontrer que le financement des travaux ne trouverait pas sa cause dans la participation aux charges du ménage, lequel entre concubins n'est régi par aucun texte, M. [J] [I] justifie de ce qu'il a contribué financièrement aux courses alimentaires ce qu'il établit par la production de ses relevés bancaires de janvier 2012 à novembre 2018, montrant des règlements réguliers au profit de diverses grandes surfaces, avec une moyenne des dépenses selon ses calculs de 308,60 euros par mois, ce qui est contesté par la partie adverse qui estime qu'ont été incluses dans ces dépenses des frais relatifs à la mère de M. [J] [I] ou des achats non alimentaires (essence, outillage, etc.) sans toutefois le démontrer autrement que par ses seules affirmations. Il démontre également que les soins prodigués à sa mère dépendante ont été pris en charge par l'assurance-maladie, et non gracieusement par Mme [H] [D]. Il estime dès lors que le financement des travaux, soit une moyenne de 2 494,80 (261 954,23/105) euros par mois excède une participation normale aux charges.

Au vu de ces éléments, Mme [H] [D] ne produisant aucun autre élément relatif au partage des charges de la vie courantes entre les concubins, pas plus qu'elle ne justifie de leurs revenus respectifs ou de la valeur locative de son logement, le montant des travaux dans le bien de Mme [H] [D] financés par M. [J] [I] apparaît particulièrement important et ne peut dès lors être considéré comme une contrepartie à son hébergement, compte tenu de son caractère disproportionné. Il est par conséquent dépourvu de cause.

Il découle de l'ensemble de ces développements qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur le principe de l'indemnité due mais de l'infirmer quant à son montant, et de condamner Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 261 954,23 euros au titre de l'enrichissement injustifié.

Sur l'indemnité d'occupation

Mme [H] [D] forme pour la première fois en cause d'appel une demande au titre de l'indemnité d'occupation dont serait redevable M. [J] [I]. Celui-ci soulève l'irrecevabilité de cette demande sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il est constant que Mme [H] [D] n'avait pas formé cette demande devant le premier juge mais il doit être rappelé que cette nouvelle prétention est néanmoins recevable en appel puisqu'en matière de partage, toute demande ou défense doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

En l'espèce, le bien ayant constitué le domicile du couple était un bien propre de Mme [H] [D], dès lors les dispositions de l'article 815-9 du code civil ne sont pas applicables.

Mme [H] [D] ne fait valoir aucun fondement légal à sa demande, étant observé que la jouissance des lieux par M. [J] [I] n'a jamais été à son seul profit, puisqu'il vivait avec Mme [H] [D], laquelle hébergeait de son plein gré son compagnon, ce dernier n'étant dès lors nullement un occupant sans droit ni titre.

La demande ainsi formée par Mme [H] [D] ne pourra qu'être rejetée.

Sur les intérêts et leur capitalisation

Il y a lieu de dire, compte tenu de la réformation partielle de la décision déférée, que la condamnation de Mme [H] [D] au paiement de la somme de 261 954,23 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code de procédure civile. Il est également justifié de faire droit à la demande de M. [J] [I] aux fins de capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code.

Sur l'exécution provisoire

L'appel des dispositions du premier jugement ayant ordonné l'exécution provisoire est devenu sans objet.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.

Mme [H] [D] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond,

Constate que l'appel relatif à l'exécution provisoire est devenu sans objet,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry en ses dispositions relatives à la condamnation de Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 273 947,31 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation par années entières et aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [H] [D] à payer à M. [J] [I] la somme de 261 954,23 euros au titre de l'indemnité dans le cadre de l'enrichissement injustifié,

Dit que la somme de 261 954,23 euros portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision et avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière et condamne Mme [H] [D] au paiement de ces intérêts,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y ajoutant,

Rejette la demande formée par Mme [H] [D] au titre de l'indemnité d'occupation,

Condamne Mme [H] [D] aux entiers dépens de l'appel.

Ainsi rendu le 05 septembre 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par MmeEsther BISSONNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Laurence VIOLET, Greffier.

La Greffière La Présidente