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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 2, 14 septembre 2023, n° 20/02952

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 20/02952

14 septembre 2023

14/09/2023

ARRÊT N°23/536

N° RG 20/02952 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NZHR

SC - VM

Décision déférée du 22 Octobre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Castres - 19/00215

M. SEVILLA

[D] [S]

C/

[R] [S] épouse [L]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE :

Madame [D] [S]

[Localité 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean christophe LAURENT de la SCP SCPI SALVAIRE LABADIE BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES

INTIMÉE :

Madame [R] [S] épouse [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent GALINIE de la SCP D'AVOCATS BORDES-GOUGH-GALINIE-LAPORTE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. DUCHAC, présidente

V. MICK, conseiller

M.C. CALVET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [J] [B] veuve [S] est décédée le 6 février 2017 laissant pour lui succéder ses deux filles :

- Mme [R] [S] épouse [L] ;

- Mme [D] [S].

Aux termes d'un acte reçu devant notaire en date du 27 juin 1997, Mme [B] et son époux ont fait donation en avancement de part successorale de la nue-propriété sous l'usufruit viager du survivant des donateurs d'une maison d'habitation sise à [Localité 4], à leurs deux filles, la part de chacune étant valorisée à hauteur de 30 490 € (200 000 F) au jour de l'acte et à 68 500 € au jour du décès.

L'actif net de la succession s'est élevé à 96 646,13 €.

Les parties ont initié une conciliation judiciaire devant le tribunal d'instance de Castres en juillet 2017 qui a finalement achoppé.

Aucun partage amiable de la succession n'a pu aboutir entre les parties.

Par acte d'huissier en date du 31 janvier 2019, Mme [R] [S] épouse [L] a fait citer Mme [D] [S] devant le tribunal de grande instance de Castres en liquidation et partage de la succession de leur mère.

Par ordonnance en date du 17 avril 2019, le juge de la mise en état a enjoint les parties à rencontrer un médiateur.

Par ordonnance en date du 19 juin 2019, le juge de la mise en état a constaté l'accord des parties en vue d'une médiation, et a désigné Oc'médiation en qualité de médiateur.

Aucun accord n'a finalement été trouvé.

Par jugement contradictoire en date du 22 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Castres a :

- ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [B] ;

- désigné Me [Y] [N] [G], notaire sis [Adresse 5], initialement en charge de la succession, pour y procéder ;

- donné acte aux parties de leur accord sur l'attribution préférentielle de l'immeuble situé à [Localité 4], à Mme [D] [S];

- fixé la valeur de l'immeuble à 177 000 euros ;

- fixé l'indemnité d'occupation due par Mme [D] [S] à la somme mensuelle de 700 euros ;

- dit qu'une somme de 2 400 euros a d'ores et déjà été payée par [D] [S] à [R] [S] à titre d'indemnité d'occupation ;

- dit que Mme [D] [S] est créancière de la succession à hauteur de 12 181, 88 euros au titre des taxes foncières et des cotisations d'assurance pour les années 2012 à 2018 ;

- débouté Mme [D] [S] de sa demande de fixation de créance sur l'indivision à concurrence du montant des travaux revendiqués pour un montant de 46 398,68 euros ;

- débouté Mme [R] [S] de sa demande de fixation de créance relative aux travaux réalisés par M. [L] ;

- débouté Mme [D] [S] de sa demande au titre du préjudice financier et au titre des paiements des pénalités dues au trésor public ;

- débouté Mme [D] [S] de sa demande tendant à voir déduire la somme de 31200 euros de la soulte ;

- dit que la somme de 3121,76 euros correspondant au coût de réparation des chenaux de l'immeuble fait partie intégrante du passif de l'indivision ;

- dit que le coût des futurs travaux d'étanchéité du garage rendus nécessaires en raison d'un dégât des eaux fait partie intégrante du passif de l'indivision ;

- rejeté la demande tendant à voir condamner Mme [D] [S] à payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

- dit que les dépens seront supportés par moitié entre les parties et qu'ils passeront en frais généraux de partage, avec distraction au profit de la Scp Bordes Gouch Galinier Laporte, avocats associés au barreau de Toulouse conformément à l'article 699 du CPC ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du CPC ;

- rejeté les autres demandes des parties ;

- renvoyé les parties devant le notaire liquidateur Me [G] [Adresse 5] ;

- désigné Mme Sevilla ou tout autre juge du tribunal judiciaire de Castres en qualité de juge commis.

Par déclaration électronique en date du 2 novembre 2020, Mme [D] [S] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- fixé la valeur de l'immeuble à 177 000 € et l'indemnité d'occupation mensuelle à 700 euros ;

- débouté [D] [S] de sa demande de fixation de créance pour le montant des travaux de 46 398,68 € ;

- débouté [D] [S] de ses demandes au titre du préjudice financier et des paiements des pénalités dues au Trésor Public et de sa demande de déduction de la somme de 31 200 € de la soulte, fixée à la somme de 3 121,76 € le coût de réparation des chenaux de l'immeuble comme faisant partie intégrante du passif de l'indivision ;

- rejeté la demande présentée par [D] [S] au tire de l'article 700 du CPC.

Dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 29 août 2022, Mme [D] [S] demande à la cour de bien vouloir :

- réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Castres le 22 octobre 2020 , et ce faisant :

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à ouverture des opérations de liquidation de la succession de Mme [B],

- ordonner par contre l'ouverture des opérations de liquidation de l'indivision existant sur l'immeuble situé à [Localité 4],

- donner acte aux parties de leur accord pour la liquidation de l'indivision [S], et pour que dans ce cadre, l'immeuble situé [Localité 4] soit attribué en pleine propriété à Mme [D] [S], moyennant le versement d'une soulte à sa s'ur,

- fixer la valeur de l'immeuble, après travaux, à la somme de 177 000 €,

- dire et juger que Mme [D] [S] est créancière de l'indivision [S] à concurrence du montant des travaux qu'elle a effectués et financés seule, pour une somme de 46 398.68 €,

- à titre subsidiaire, sur le montant des travaux financés par Mme [D] [S], ordonner une expertise judiciaire pour en fixer l'évaluation,

- dire et juger qu'il convient de déduire du montant de la soulte dont sera bénéficiaire Mme [R] [S], la somme de 31 200 € correspondant aux acomptes versés par sa s'ur [D] à compter du mois de juin 2008 jusqu'au mois de janvier 2017 par des versements mensuels de 300 €,

- à titre subsidiaire sur ce point, dans l'hypothèse où la cour qualifierait les sommes versées par [D] [S] de loyers ou d'indemnités d'occupation, dire et juger que l'indivision successorale est créancière de [R] [S] à concurrence de la somme de 31 200 €,

- dire et juger que la somme de 5 370 € correspondant au coût moyen de réparation des chenaux de l'immeuble fait partie intégrante du passif de l'indivision,

- fixer l'indemnité d'occupation due à l'indivision par Mme [D] [S], à compter du mois de février 2017 à la somme mensuelle de 600 €,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que Mme [D] [S] est créancière de l'indivision [S] à concurrence du montant des cotisations d'assurance et taxes d'habitation et foncières qu'elle a payées à compter de 2012 pour les taxes foncières et d'habitation et de 2013 pour les cotisations d'assurance, à concurrence d'un montant global de 12 714,98 €,

- dit et jugé qu'une somme de 2400 € a d'ores et déjà été payée par [D] [S] à [R] [S] au titre des droits de celle-ci sur l'indemnité d'occupation,

- dit et jugé que le coût des travaux d'étanchéité du garage rendus nécessaires en raison d'un dégât des eaux fait partie intégrante du passif de l'indivision, et y ajoutant, fixer la créance de Mme [D] [S], à ce titre à la somme de 759 €,

- débouté Mme [R] [S] de sa demande de fixation de créance relative aux travaux qui auraient été réalisés par M. [L],

- dire et juger complémentairement que la somme de 1 503,31€ représentant le coût de remplacement de la porte du garage fait partie intégrante du passif de l'indivision,

- condamner Mme [R] [S] à payer à Mme [D] [S] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyer les parties devant le notaire liquidateur Maître [G] [Y] [N] [Adresse 5],

- dire et juger que les dépens seront passés en frais privilégiés de partage.

Dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 7 septembre 2021, contenant appel incident, Mme [R] [S] demande à la cour de bien vouloir:

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision [S], et désigné Maître [C] [G], notaire sis [Adresse 5], initialement en charge de la succession, et juge pour y procéder,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'une somme de 2 400 € a d'ores et déjà été payée par [D] [S] à [R] [S] à titre d'indemnité d'occupation,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [D] [S] de sa créance sur l'indivision à concurrence du montant des travaux revendiqués pour un montant de 46 398,68 €,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la même de sa demande au titre de des sommes versées à sa s'ur [R],

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir condamner Mme [D] [S] à payer une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage, avec distraction au profit de la Scp Bordes Gough Galinier Laporte, avocats associés au barreau de Toulouse conformément à l'article 699 du CPC,

- réformer le jugement et en conséquence,

- fixer la valeur de l'immeuble à 185 000 €,

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [D] [S] à la somme mensuelle de 794 € à compter du 7 février 2017,

- ordonner si nécessaire une consultation écrite à tel expert qu'il plaira à l'effet d'évaluer le bien immeuble et l'indemnité d'occupation, étant précisé que cette consultation restera à la charge de Mme [D] [S],

- fixer les impenses dues par Mme [R] [S] à compter du 7 février 2017,

- dire que Mme [D] [S] est créancière de la succession à hauteur de 5 157,08 € au titre des taxes foncières, d'habitation et cotisations d'assurance,

- fixer à 1 620 € les travaux de réparation des chenaux qui seront inscrits au passif de la succession,

- débouter Mme [D] [S] de sa demande de remplacement au titre de la porte du garage,

- condamner Mme [D] [S] au versement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 12 mai 2023 et l'audience de plaidoiries fixée le 6 juin 2023 à 14 heures.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'étendue et la portée de l'appel

S'agissant de l'étendue de l'appel et, donc, l'effet dévolutif, aux termes des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La cour n'est donc saisie que par les chefs critiqués dans l'acte d'appel ou par voie d'appel incident.

En l'espèce, aucun appel de quiconque n'a été relevé du chef de dispositif portant sur l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [J] [B] veuve [S], celui du 'donner acte' de l'attribution préférentielle de l'immeuble sis [Localité 4] à Mme [D] [S], celui de rejet de la demande de créance de Mme [R] [S] au titre des travaux réalisés par M. [L], de la déduction d'une somme de 2 400 € de l'indemnité d'occupation à régler par Mme [D] [S] ou de l'intégration au passif successoral des travaux d'étanchéité du garage dont nul au demeurant ne conteste le montant de 759 €.

Il n'y a pas lieu en conséquence de confirmer ou réformer le jugement de ces chefs et toute prétention distincte, ou identique d'ailleurs, formulée à ce titre est irrecevable.

S'agissant de la portée de l'appel, si Mme [D] [S] a frappé d'appel les chefs de dispositif portant sur le rejet de ses demandes au titre du préjudice financier et du règlement des pénalités dues au Trésor Public, elle n'en dit plus mot dans ses dernières écritures de sorte que ces chefs de dispositif seront confirmés.

Sur la demande d'ouverture des 'opérations de liquidation de l'indivision' sur l'immeuble sis [Localité 4] (81)

L'appelante fait valoir que le litige ne porte pas sur la succession de Mme [J] [B] veuve [S], sa mère, dont les opérations de compte, liquidation et partage ont pourtant été ouvertes par le premier juge dès lors que celles-ci ont en réalité été clôturées depuis le 8 février 2019 suivant courrier du notaire.

Elle expose que le litige porte en réalité sur l'indivision née des suites du décès de cette dernière par extinction de l'usufruit viager et réunion sur la tête des parties des droits démembrés.

L'intimée n'y rétorque rien et demande confirmation du chef de dispositif ayant ouvert les opérations successorales, chef de dispositif non attaqué.

Comme soulevé par l'appelante, il est exact, en réalité, que l'entier litige ne dépend, comme le laissait entendre d'ailleurs l'assignation initiale, que de l'indivision sur le bien dont n'ont pas hérité les parties mais en étaient définitivement alloties à la suite du décès de la donataire usufruitière, de sorte que ledit bien était nécessairement exclu des opérations successorales ce qui explique qu'il ne figure d'ailleurs pas logiquement à l'actif successoral tout comme le fait que les opérations successorales ont été encore logiquement clôturées par le notaire en charge.

Dans ces conditions, nul ne pouvant être contraint à demeurer en indivision, la demande visant à ouvrir les opérations de liquidation, et plus exactement, comptes, liquidation et partage de l'indivision portant sur le bien immobilier sis [Localité 4] sera accueillie et il y sera ajouté en ce sens au présent arrêt.

Sur la valeur vénale du bien indivis sis [Localité 4]

Mme [D] [S] demande réformation de ce chef de dispositif mais formule une prétention identique à ce qui a été tranché par le premier juge, soit la consécration d'une valeur vénale de 177 000 €. Sa position est donc logiquement celle de la confirmation.

Mme [R] [S] revendique réformation et valorisation du bien à hauteur de 185 000 €. Elle se prévaut de l'expertise privée qu'elle a diligentée en février 2020 le valorisant à cette hauteur. Elle indique que le marché immobilier dans l'ancien 'à la fin du mois de juillet 2019" était très dynamique avec +7% par an. Elle estime qu'une consultation écrite peut être ordonnée en tant que de besoin si la cour n'était pas suffisamment éclairée.

Le premier juge a opté pour une valeur médiane entre les deux expertises privées produits par les parties en première instance à hauteur de 170 000 euros pour l'appelante, 185 000 euros pour l'intimée.

En réalité, cinq évaluations (deux avis de valeur, trois expertises privées) sont fournies par les parties, l'une de 170 000 € de mars 2017, l'autre de 180 000 € de mai 2017, la suivante dans l'ordre chronologique de 170 000 € de juillet 2019, la dernière de 185 000 € en février 2020. La différence de 15 000 € entre les deux dernières évaluations, sachant que l'évaluation à hauteur de 185 000 € issue d'un rapport d'expertise privée est déjà une moyenne du résultat de trois méthodes d'évaluation, n'est reliée à aucun élément particulier ou spécifique quant aux qualités ou défauts du bien en comparaison avec les autres avis de valeurs produits.

Précision faite que l'article 829 du code civil édicte que les biens sont estimés à leur valeur à la date de jouissance divise telle que fixée par l'acte de partage, date qu'aucune partie ne revendique incidemment de fixer, de sorte que la pertinence du débat autour de cette valeur est à démontrer, par adoption de motifs, le chef de dispositif déféré sera confirmé, aucun élément en cause d'appel ne venant combattre les appréciations du premier juge de sorte qu'aucune mesure d'instruction n'est plus encore nécessaire, tenant la carence de la partie demanderesse dans l'administration d'une preuve conduisant à réhaussement.

Sur l'indemnité d'occupation due par Mme [D] [S]

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

La jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour le co-indivisaire de jouir de la chose même en l'absence d'occupation effective des lieux par l'indivisaire occupant.

Il incombe, enfin, à la partie qui prétend que l'indivision est créancière d'une indemnité d'occupation de prouver la jouissance exclusive du bien par tout moyen.

Ayant pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère, elle doit dès lors notamment être déterminée au regard de la valeur locative du bien.

Mme [R] [S], par voie d'infirmation, revendique réhaussement du montant de l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge au débit de Mme [D] [S] de 700 € à 794 €. Elle s'appuie en cela sur son expertise privée qui concluait à un tel montant, contestant tant sur le principe, que tenant les conditions d'occupation en question, tout abattement forfaitaire par ailleurs. Elle souligne néanmoins qu'en considération du versement par l'intimée entre février et septembre 2017 d'une somme de 2 400 € à ce titre (300 € mensuels), l'indemnité d'occupation globale doit être fixée à hauteur de : (53x794) - 2400 = 39 692 €.

Mme [D] [S] revendique également infirmation mais réduction de son indemnité à hauteur de 600 €. Elle souligne que son occupation des lieux n'est pas réellement privative dès lors que l'intimée n'hésite pas à s'y introduire pendant ses absences. Elle ajoute que Mme [R] [S] avait d'ailleurs accepté ce montant en recevant pendant huit mois 300 € dans les suites du décès de la de cujus. Elle considère en toutes hypothèses que la somme de 2 400 € ainsi versée ne doit pas être déduite de l'indemnité d'occupation globale mais de la seule part de l'intimée. Elle ajoute que sa demande de rétroactivité du montant n'est pas acceptable dès lors que la valeur locative est distincte entre 2017 et 2020.

S'agissant liminairement de la critique portant sur l'imputation de la somme de 2 400 € déjà versée par Mme [D] [S], outre que ce chef de dispositif n'a été attaqué de personne et que Mme [D] [S] n'en tire de plus aucune conséquence à son dispositif pour demander confirmation, ledit chef de dispositif se borne à 'dire qu'une somme de 2 400 € a déjà été payée [...] à titre d'indemnité d'occupation' de sorte qu'il n'a pas été question de dire que Mme [D] [S] avait nécessairement une créance contre l'indivision et non contre sa soeur, précision faite qu'un tel débat est stérile puisque Mme [D] [S] a réglé la moitié de la somme qu'elle estimait devoir.

Pour le reste, les parties sont donc en accord sur le principe et la date de début d'occupation privative de Mme [D] [S], nonobstant certaines scories de Mme [D] [S] sur le principe dont il n'est ou ne peut être tiré aucune conséquence en droit tenant les écritures dispositives de chacun, soit à compter du mois de février 2017.

Elles sont également en accord sur la déduction de ce qui a déjà été réglé à ce titre, chef de dispositif d'ailleurs non frappé d'appel, seule la date de jouissance divise arrêtant les comptes en toutes hypothèses.

Elles s'opposent en revanche sur le montant, l'appelante faisant valoir un accord intervenu sur un montant de 600 € des suites du règlement accepté d'une somme de 300 € mensuels pendant huit mois juste après le décès de la de cujus par l'intimée.

Le fait que Mme [R] [S] ait accepté l'encaissement pendant une période de huit mois d'une somme de 300 € par Mme [D] [S] ne qualifie pas, par voie déductive, son accord pour un montant de 600 €. Il qualifie simplement la reconnaissance par cette dernière du bien-fondé d'une indemnité d'occupation à valoir de ce montant minimal. Tout au contraire d'ailleurs, Mme [R] [S] revendiquait dans ses courriers à sa soeur et au notaire en charge dès avril-mai 2018 une indemnité de 350 € au débit de sa soeur soit une indemnité globale de 700 €. Mme [D] [S], de son côté, dans un courrier non daté au conseil de sa soeur mais vraisemblablement en septembre 2018, exposait qu''actuellement elle payait les 350 € de loyer' que 'sa soeur lui avait demandé depuis le décès de [leur] mère'.

Il y a donc lieu de considérer l'existence d'un accord sur le montant de l'indemnité d'occupation à hauteur de 700 € mensuels à cette époque entre les parties nonobstant le versement d'une somme inférieure de fait.

Tenant ces éléments, il y a lieu de confirmer le chef de dispositif déféré, le débat sur la réfection d'un tel montant tenant la précarité des lieux, à le supposer pertinent tenant les conditions d'occupation anciennes et en réalité jamais contestées, n'ayant pas lieu d'être au vu de l'accord découlant du règlement pré-cité, rien ne permettant de mieux évaluer ce montant à ce jour par ailleurs faute de pièces nouvelles produites par les parties.

Sur la demande de créance contre l'indivision à hauteur de 12 181,88 euros de Mme [D] [S] au titre du règlement des taxes et assurances portant sur le bien indivis :

L'intimée demande réformation de ce chef de dispositif ayant consacré une créance contre l'indivision au profit de l'appelante à hauteur de 12 181,88 € au titre des taxes foncières et cotisations d'assurance réglées entre les années 2012 à 2018. Elle fait valoir que la de cujus étant décédée le 6 février 2017, en sa qualité d'usufruitière du bien, elle devait supporter les charges ordinaires selon l'article 608 du code civil de sorte que rien n'est du au titre de cette période. Elle demande donc la fixation d'une créance contre la succession à hauteur de 5 157,08 € correspondant uniquement au règlement des taxes foncières des années 2017 et 2018 ainsi que des taxes d'habitation 2017 à 2019 et assurance de 2017 à 2021.

L'appelante demande confirmation. Elle fait valoir que l'intimée a exigé que sa soeur règle les taxes foncières et d'habitation depuis 2012 ainsi que l'assurance habitation depuis 2013 afin que leur mère ne supporte pas ces dépenses alors qu'elle était en maison de retraite. Elle se prévaut à ce titre d'un aveu de sa part, tenant la teneur d'un courrier adressé au notaire indiquant qu'elle confirmait accepter de payer les taxes en question depuis 2012. Elle conclut avoir réglé ces taxes et assurance non en qualité d'héritière mais de co-indivisaire tenant l'indivision née de la donation-partage.

Les parties ne discutent pas l'existence d'une créance au profit de Mme [D] [S] au titre des taxes foncières, d'habitation et cotisations d'assurance réglées pour le bien indivis à compter du décès de la de cujus soit l'année 2017 correspondant à l'ouverture de l'indivision successorale soit la somme minimale de 5 157,08 €, conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil.

Pour la période antérieure, à juste titre, l'intimée fait valoir que tenant la donation-partage intervenue en date du 27 juin 1997, la défunte, de son vivant, en sa qualité d'usufruitière, devait supporter ses charges ordinaires en application de l'article 608 du code civil, incluant celles revendiquées sans contestation possible.

Mme [D] [S] rétorque donc à tort que sa créance reste, nonobstant, fondée en raison de l'indivision portant sur la nue-propriété qui y est totalement indifférente.

En revanche, elle argue concomittament, bien que de façon contradictoire avec son premier argument, que sa soeur avait exigé d'elle le règlement de ces taxes et cotisations afin de ne pas les faire supporter à leur mère placée en maison de retraite, y ajoutant qu'elle avait ensuite accepté, dans le cadre des pourparlers postérieurs à l'ouverture de la succession, plus précisément dans des courriers en date du 3 avril et du 2 mai 2018 finalement de régler la moitié du tout de cette période.

Il n'est pas discuté qu'à la date correspondante au début du règlement des charges querellées, soit l'année 2012, Mme [D] [S] initiait une occupation privative du bien en question au seul sens où sa mère venait de le quitter pour s'installer en maison de retraite. Les courriers dont elle se prévaut pour fonder une créance, non contre l'indivision dès lors, mais en réalité directement contre sa soeur, en s'appuyant sur sa reconnaissance de dette, ne sont en réalité pas probants puisque si dans les deux courriers en question, Mme [R] [S] se reconnaît certes effectivement débitrice à hauteur de moitié du tout, aux termes de ses calculs, Mme [D] [S] dans un courrier de sa main en date du 31 octobre 2018 explique elle-même que cette reconnaissance était en réalité conditionnée à sa propre reconnaissance du caractère de loyers d'une somme de 15 600 € sur les 31 200 € versés. Or, Mme [D] [S] conteste aujourd'hui une telle qualification comme elle l'a contestée à l'époque de sorte que l'aveu de la partie adverse était en réalité conditionnel et au final caduc. Pour le reste, Mme [D] [S] indique par ailleurs qu'elle avait accepté de régler ses charges pour éviter des dépenses à sa mère, manifestant une intention libérale à son intention.

Dans ces conditions, le chef de dispositif sera infirmé en ce sens que seule la somme de 5 157,08 € constituera une créance de Mme [D] [S] contre l'indivision successorale, le surplus soit 7 024,80 € demeurant à sa charge, précision faite qu'en qualité de preneuse de fait du bien indivis, faute de déterminer la part d'assurance résultant de son occupation, une demande portant sur cette dépense était vouée à l'échec.

Sur la demande de créance de Mme [D] [S] au titre de travaux sur le biens indivis à hauteur de 46 398,68 €

L'appelante demande réformation du chef de dispositif l'ayant déboutée de sa demande de consécration de créance 'contre l'indivision [S]'. Elle fait valoir d'une part que le bien indivis a été estimé après la réalisation desdits travaux de sorte qu'en ne prenant pas en compte cette créance, elle les règlerait 'deux fois'.

Elle ajoute produire l'ensemble des tickets de caisse et factures d'achats, ses relevés de compte bancaire ainsi que des photographies, suffisamment probants de la réalisation desdits travaux, au demeurant non contestés en leur matérialité par la partie adverse. Elle conclut sur le fait qu'il ne s'agit par ailleurs pas de simples travaux d'entretien.

L'intimée demande confirmation. Elle explique que l'appelante ne détaille pas la nature des travaux alors qu'aucune pièce ne permet de prouver que celle-ci ait réglé personnellement les factures, lesdites factures étant pour la plupart au nom de son compagnon, M. [Z], et correspondant ponctuellement à des débits sur le seul compte-joint du couple. Elle y ajoute qu'il s'agit de dépenses d'entretien en lien avec sa jouissance privative insusceptible de fonder une créance contre l'indivision.

L'intimée demande la consécration d'une créance contre 'l'indivision [S]' non sans avoir rappelé et soutenu au titre de l'exposé de ses moyens, et en tirant toutes conséquences dans son dispositif, que la succession de sa mère était clôturée. Il y a donc lieu d'appréhender sa demande de créance formulée 'contre l'indivision [S]' comme une demande formée non contre sa mère, partant comme une dette de la succession mais contre l'indivision avec sa soeur à la suite de l'extinction de l'usufruit viager, indivision dont il a été demandé et obtenu l'ouverture des opérations.

Dans ces conditions, et logiquement, seuls les travaux réalisés postérieurement au décès de sa mère réglés totalement ou partiellement par l'intéressée sont susceptibles de fonder une créance suivant les prescriptions et règles posées par l'article 815-13 du code civil, les impenses d'amélioration et de conservation effectuées sur un bien par un indivisaire futur, de plus fort dans l'hypothèse où celui-ci est nu-propriétaire preneur, sont exclues du périmètre d'application de l'article 815-13 du code civil.

Ceci étant dit, à l'examen des pièces produites par l'appelante, subsistent dès lors, tenant les conditions précitées : la facture en date du 28 février 2017 émanant de la société 'ATS électronique' portant sur l'acquisition et la pose d'une alarme. Or, cette facture est au nom de M. [Z], partenaire pacsé de Mme [S] et il ne résulte pas des relevés bancaires produits un règlement sur le compte joint du couple de ladite facture ; les factures, encore au nom de M. [Z] en date des 4 et 5 juillet 2017, de 'Revel bois et matériaux' pour un montant global de 83,33 € portant sur du mortier, du PVC, un coude, du ciment et des agglos. Ces dépenses constituent en toutes hypothèses des dépenses de faible valeur insusceptibles de fonder toute créance et enfin celles, cette fois au nom de Mme [S] en date des 30 avril, 31 juillet, 31 août et 30 septembre 2017 de 'France Peinture' pour un montant global d'environ 435 € portant sur de la peinture et des bacs de peinture, lesquelles constituent encore in fine des dépenses de faible valeur insusceptibles de fonder toute créance.

Le chef de dispositif ayant conclu au débouté de la demande de créance sera confirmé.

Sur la qualification de la somme de 31 200 € versée par Mme [D] [S] à Mme [R] [S]

Mme [D] [S] demande réformation du chef de dispositif l'ayant déboutée de cette demande. Elle expose qu'il n'est pas discuté qu'entre le mois de juin 2008 et le mois de janvier 2017, elle a versé 300 € mensuellement directement à sa soeur soit une somme finale de 31 200 €.

Elle soutient que la cause de ces versements reposait sur un accord portant sur le fait que Mme [R] [S] vendrait in fine sa part sur le bien de sorte qu'afin d'éviter un versement en capital trop important le jour du décès de leur mère, il avait été opté pour un étalement des acomptes. Elle affirme que ce n'est qu'à compter de novembre 2012, correspondant à la date d'entrée de leur mère en maison de retraite, que la qualification de loyer a été abordée par sa soeur ce à quoi elle a refusé de donner suite arguant qu'un loyer ne devait être du qu'à leur mère usufruitière sur conseil du notaire familial. Elle ajoute que leur mère refusait la perception d'un tel loyer tenant les précédents avantages consentis à sa soeur, laquelle déclinait également cette option faisant valoir qu'un tel versement aboutirait à augmenter ses ressources et réduire son aide personnalisé finançant la maison de retraite. Dès lors, elle indique que Mme [R] [S] avait souhaité continuer de percevoir cette somme non comme loyer mais toujours comme une avance sur le rachat de sa part. Elle précise d'ailleurs qu'aucune quittance de loyer n'a jamais été confectionnée, que sa soeur ne démontre par ailleurs pas avoir déclaré aux impôts ces prétendus loyers et qu'elle n'a par ailleurs occupé la maison qu'en novembre 2012. Elle ajoute en toutes hypothèses que les versements intervenus antérieurement au décès de la de cujus ne pouvaient s'analyser comme une indemnité d'occupation dès lors que seule la de cujus était usufruitière. Elle insiste sur le fait que la mention du terme loyer sur les relevés bancaires à compter de novembre 2013 procède d'une initiative de la banque et à une erreur d'appréciation de sa part qui n'a aucune valeur probante. Elle conclut sur le fait que la qualification qu'elle propose à ses versements ne tombe pas sous le coup de l'interdiction d'un pacte sur succession future, évoquée par le premier juge, dès lors qu'il s'agissait des suites de la donation-partage mais également que le premier juge a fait une mauvaise appréciation de sa lettre du 31 octobre 1998 dans laquelle elle évoquait un loyer, notion qui n'avait été adoptée que dans un esprit de concessions et pourparlers alors en cours. A titre subsidiaire, en cas de confirmation de la qualification de loyer ou indemnité d'occupation, elle revendique l'inscription de sa créance au passif successoral.

Mme [R] [S] demande confirmation de la qualification d'indemnité d'occupation ou loyer conférée à ces versements mensuels. Elle fait valoir que sa soeur a occupé la maison non à compter de novembre 2012, date du départ en maison de retraite de leur mère, mais dès mars 2008. Elle en déduit le caractère logique, sur le plan de la chronologie, du règlement d'un loyer à compter de juin 2008 correspondant à son emménagement, précisant que dès le mois d'octobre 2013, la mention de 'loyer' figurait d'ailleurs sur le virement correspondant à cette somme sur les relevés de comptes bancaires produits par l'appelante. Elle se prévaut ensuite au soutien d'une telle qualification d'un courrier en date du 31 octobre 2018 dans lequel l'appelante avait reconnu une telle qualification. Elle soutient qu'aucune qualification d'acompte en versement de la soulte ne peut être accueillie tenant l'interdiction des pactes sur succession future, la défunte n'ayant par ailleurs prévu aucun legs particulier de la maison au profit de Mme [D] [S].

Le versement d'une somme de 300 € mensuelle par Mme [D] [S] à Mme [R] [S] entre le mois de juin 2008 et celui de janvier 2017 pour un montant global de 31 200 € n'est pas discuté.

Demeure la question de son fondement. Mme [D] [S] la justifie par un acompte sur sa soulte à venir dans le cadre d'un projet de rachat de la part de Mme [R] [S] au décès de sa mère.

Mme [R] [S] la justifie par une indemnité d'occupation ou loyer du par Mme [D] [S] à compter de son emménagement qu'elle fixe à mars 2008, Mme [D] [S] contestant cette date pour le fixer à novembre 2012, date de départ en maison de retraite de leur mère.

Il est établi que Mme [D] [S] a saisi, en fin d'année 2012 début d'année 2013, un notaire afin d'obtenir une consultation juridique sur le bien-fondé de la demande formulée par Mme [R] [S] d'un loyer ou d'une indemnité d'occupation au titre de son occupation de la maison familiale, et, en particulier à la suite du départ en maison de retraite de leur mère, non discutée de quiconque, à compter de novembre 2012.

Le notaire a, par courrier en date du 2 février 2013, fait savoir à Mme [D] [S] qu'elle n'était redevable d'aucune indemnité à sa soeur tenant sa simple qualité de nu-propriétaire indivis, une éventuelle indemnité ne pouvant être revendiquée que de leur mère, en qualité d'usufruitière. Elle y ajoutait, pertinemment mais sans en dire plus sur ce qui était avancé par Mme [D] [S] s'agissant de la cause des versements passés que : 'concernant les sommes versées entre juin 2008 et janvier 2013 à votre soeur, il serait plus prudent que vous constatiez toutes les deux ces versements par écrit, les mouvements bancaires du versement sont un élément de preuve mais un écrit reste préférable'.

Magré ce courrier dénué d'ambiguïté, il est un fait que les versements de 300 € mensuels auxquels procédait Mme [D] [S] en faveur de sa soeur depuis juin 2008 se sont poursuivis, et ce jusqu'au décès en réalité de Mme [B] veuve [S], cessant ensuite.

Dans de telles conditions, ces versements ne pouvaient être fondés sur le règlement d'une quelconque indemnité ou loyer au titre d'une occupation de Mme [D] [S], au moins sur le plan légal et Mme [D] [S] ne l'ignorait pas. De la sorte, sauf à démontrer un accord entre les parties sur l'existence d'un tel versement au-delà de ce que prescrivait alors la loi, ce que Mme [R] [S] n'établit pas, et ce que, en toutes hypothèses, le contexte de tension manifeste sur cette demande entre les parties, pour ne pas dire d'opposition de Mme [D] [S] rend très improbable, aucune autre cause que celle d'une avance sur une soulte à venir n'existe.

Ceci est d'autant plus vrai que 'l'évidence' dont se prévaut dans ses écritures Mme [R] [S] pour demander confirmation de la qualification de 'loyer' ou d'indemnité d'occupation au sujet du versement d'une telle somme, qualification finalement choisie par le premier juge, ne l'est au contraire pas, notamment à la lumière des éléments de preuve qu'elle soumet à cette fin.

Ainsi, la seule mention, tardive pour dater d'octobre 2013 qui ne correspond par ailleurs à aucun évènement particulier, de l'intitulé 'loyer' sur les relevés de compte bancaire informatiques de Mme [D] [S] ne dit rien de leur cause effective, pour pouvoir parfaitement résulter d'une catégorisation informatique automatique de l'établissement bancaire, sans aucune intervention du titulaire du compte. De même, lorsque Mme [D] [S] évoque dans son courrier en date du 31 octobre 2018 adressé au conseil de soeur 'les loyers versés' correspondant à cette somme, que la partie adverse analyse comme un aveu, une lecture attentive du document démontre que c'est tout au contraire pour préciser, dans le même paragraphe, qu'elle a accepté cette qualification devant le conciliateur de justice afin 'd'en finir', sachant qu'il ne s'agissait point de cela, revendiquant dès l'incipit de ce même courrier la qualification pour ces sommes d''avances de trésorerie', ce qu'elle soutient donc toujours.

Ceci est encore plus vrai lorsqu'il n'est pas discuté par Mme [R] [S] le fait qu'elle s'était manifestement depuis l'origine, tenant l'occupation ancienne de sa soeur depuis mars 2008, comme elle le soutient, ce qui résulte suffisamment d'un courrier de Mme [D] [S] en date du 3 avril 2018, toujours positionné en faveur du rachat de sa part par sa soeur, indiquant elle-même dans un de ces courriers 'toujours respecter ses promesses'.

Ensuite et enfin, si Mme [D] [S] a requis consultation d'un notaire à cette date afin d'apprécier le bien-fondé juridique de la demande d'indemnité ou loyer formulée par Mme [R] [S] en suite de l'occupation privative du bien, en toute logique, c'est donc qu'aucune demande de cette nature n'avait été formulée par le passé.

Au final, aucune autre cause que celle d'une avance sur sa soulte à venir n'existe pour justifier les versements auxquels il a été procédé durant près de neuf années par Mme [D] [S], d'ailleurs jusqu'au décès de la mère des parties, aucun motif libéral n'étant avancé, non plus qu'un quelconque enrichissement sans cause.

Le premier juge de son côté, après avoir écarté cette qualification faute de preuve et s'être rangé du côté de celle de loyer, avait par ailleurs évoqué à titre incident et surabondant la possibilité d'un pacte sur succession future prohibé, tenant le mécanisme décrit.

Mme [R] [S] évoque également ce moyen dans sa discussion mais sans en tirer de conséquence à titre subsidiaire dans ses écritures dispositives.

Mme [D] [S] récuse une telle qualification en affirmant que le procédé institué ne relevait pas de la liquidation d'une succession mais des suites de la donation-partage en date du 27 juin 1997.

L'interdiction du pacte de succession future non autorisé par la loi s'inscrivant dans l'ordre public familial, le juge a l'obligation de soulever d'office ce moyen et en tirer toute conséquence en terme de nullité absolue, sanction qui est attachée à l'action.

Au cas d'espèce, en organisant le versement d'une soulte à venir dans le cadre du rachat d'une part d'un bien dépendant seulement d'une donation-partage, les parties n'ont créé aucun droit privatif en violation des dispositions de l'article 722 du code civil dès lors que la réunion des droits démembrés résultait de la seule extinction de l'usufruit viager dont bénéficiait la donataire, le bien échappant ainsi à l'actif successoral.

Le chef de dispositif déféré sera dès lors infirmé et il sera dit que la somme de 31 200 € versée constitue une avance sur la soulte à valoir par Mme [D] [S] à Mme [R] [S], alors par ailleurs qu'il a été donné acte de l'attribution préférentielle du bien par le premier juge.

Sur la demande d'intégration au passif de la succession par Mme [D] [S] d'une somme de 5 370 € au titre de travaux à prévoir sur les chenaux sur le bien indivis

Mme [D] [S] demande infirmation du chef de dispositif ayant dit que la somme de 3 121,70 € correspondant au coût de réparation des chenaux sur le bien ferait partie intégrante du passif de l'indivision. Elle demande ainsi que le devis à accueillir soit celui d'un montant de 5 370 €, critiquant celui produit par l'intimé d'un montant de 1 620 € mais également celui retenu par le premier juge qu'elle avait elle-même soumis, en suite de celui produit par la partie adverse. Elle signale que le devis produit par sa soeur n'intègre pas tous les travaux à réaliser outre le fait que le montant du devis retenu par le premier juge, médian, correspond en réalité à un montant hors taxe, de sorte que le véritable montant TTC serait en réalité de 5 946,70 €. Elle indique que ces travaux sont nécessaires pour assurer l'étanchéïté qui affectent les chenaux depuis l'été 2019 afin d'éviter des dégâts sur l'immeuble.

Mme [R] [S] demande également infirmation, revendiquant que seul son devis pour un montant de 1 620 € soit retenu. Elle afffirme que l'artisan a considéré qu'il n'y avait pas matière à remplacer les chenaux en intégralité, les gouttières étant réparables.

Il est acquis que les travaux querellés entre les parties n'ont pas été exécutés et que le débat s'est donc engagé sur une demande d'autorisation judiciaire à y procéder suivant un coût plus ou moins important. Il ne saurait donc être intégré au passif une dette inexistante en l'état.

Relevant dès lors d'une querelle sur la gestion de l'indivision entre les parties, à supposer que l'ensemble ne relève pas en réalité uniquement de l'application des dispositions de l'article 815-2 du code civil autorisant tout indivisaire à prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, une telle demande doit être rejetée, par voie d'infirmation, pour ne pas relever des opérations de compte, liquidation et partage.

Sur la demande d'intégration au passif de la succession par Mme [D] [S] d'une somme de 1 503,31 € au titre du remplacement de la porte du garage sur le bien indivis

Mme [D] [S] fait valoir que suite à des problèmes de motorisation, elle a du changer la porte du garage du bien indivis pour un montant de 1 503,31 € en avril 2021. Elle explique qu'elle n'a pu faire réparer ladite porte tenant son ancienneté, celle-ci menaçant de tomber. Elle soutient que sa soeur n'a jamais répondu aux différents devis qu'elle lui avait adressés à cette fin. Elle demande que cette somme fasse partie du passif de l'indivision.

Mme [R] [S] s'y oppose indiquant que l'appelante n'apporte aucune preuve d'une défectuosité de ladite porte et qu'il s'agit en toutes hypothèses d'une dépense d'entretien du bien occupé de longue date par sa soeur.

Constitutive d'une dépense d'entretien, à rapprocher de l'occupation privative de Mme [D] [S] désormais de longue date, cette demande sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel sans qu'il soit nécessaire de modifier la charge de ceux de première instance.

L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

statuant dans les limites de sa saisine,

- déclare irrecevables les prétentions formulées au titre de l'ouverture des opérations de liquidation et succession de Mme [B] et du 'donner acte' de l'attribution de l'immeuble,

- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- dit que la somme de 3 121,76 euros correspondant au coût de réparation des chenaux de l'immeuble fait partie intégrante du passif de l'indivision ;

- débouté Mme [D] [S] de sa demande tendant à voir déduire la somme de 31 200 euros de la soulte ;

- dit que Mme [D] [S] est créancière de la succession à hauteur de 12 181, 88 euros au titre des taxes foncières et des cotisations d'assurance pour les années 2012 à 2018 ;

statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés :

- dit n'y avoir lieu à intégrer la somme de 3 121,76 € au passif successoral

- dit que Mme [D] [S] dispose d'une créance contre l'indivision successorale à hauteur de 5 157,08 (cinq mille cent cinquante sept euros et huit centimes) € au titre des taxes foncières et cotisations d'assurance ;

- dit que Mme [D] [S] a réglé une somme à titre d'acomptes de 31 200 (trente et un mille deux cents) € à déduire du montant de la soulte dont sera bénéficiaire Mme [R] [S] dans le cadre du partage du bien indivis et rachat de sa part et qu'à défaut d'un tel règlement dans ce cadre, Mme [R] [S] est condamnée à payer ce montant à Mme [D] [S] ;

y ajoutant,

- ordonne l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant sur l'immeuble sis [Localité 4]) ;

- désigne Me [C] [G], notaire, à cette fin et le président du tribunal judiciaire de Castres en qualité de juge commis ;

- confirme le jugement attaqué pour le surplus ;

- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

M. TACHON C. DUCHAC