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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 2-4, 18 octobre 2023, n° 18/20434

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 18/20434

18 octobre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 OCTOBRE 2023

N° 2023/143

Rôle N° RG 18/20434 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRK4

[Y] [J]

C/

[M] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Florence MASSA

Me Philippe KAIGL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 26 Novembre 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/02097.

APPELANT

Monsieur [Y] [J]

né le 01 Mai 1960 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] / FRANCE

représenté par Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [M] [S]

née le 25 Novembre 1966 à [Localité 7] (06), demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Philippe KAIGL, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Pascale BOYER, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2023,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Monsieur [J] et Madame [S] se sont mariés à [Localité 4] le 6 septembre 1997 après avoir établi un contrat de mariage de séparation de biens par acte notarié du 3 septembre 1997. Ils ont un enfant commun.

Le 18 janvier 2005, ils ont acquis en indivision, à raison de la moitié chacun, un bien situé à [Localité 5] moyennant un prix de 145.000 euros outre 9729,34 euros au titre des frais d'acquisition.

Sur saisine de Monsieur [J], le juge aux affaires familiales de GRASSE a rendu, le 28 février 2011, une ordonnance de non conciliation dans laquelle il a notamment:

- autorisé la résidence séparée des époux ,

- attribué la jouissance du bien indivis à Monsieur [J] à charge pour lui de régler les charges, dépenses et impositions y afférents avec droit à récompense lors de la liquidation,

- désigné Maître [G], notaire à [Localité 7], pour établir les documents nécessaires à la liquidation du régime matrimonial.

- condamné Monsieur [J] à verser à son épouse une pension alimentaire de 200 euros par mois et a dit que l'époux devrait assurer le règlement des crédits à la consommation pendant la procédure de divorce.

Le 20 avril 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de GRASSE a:

- prononcé le divorce entre les époux

- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux.

- débouté Monsieur [J] de sa demande d'homologation du projet d'acte de liquidation établi par Maître [G] le 17 mai 2013 et de sa demande de dommages-intérêts.

- rejeté la demande de prestation compensatoire de Madame [S],

- fixé la date des effets du divorce entre les époux au 28 février 2011.

Le 28 avril 2017, Monsieur [J] a fait assigner son ex-épouse en partage judiciaire.

Par jugement du 26 novembre 2018, le juge aux affaires familiales de GRASSE a :

- ordonné l'ouverture des opérations de comptes liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux,

- rejeté la demande de Monsieur [J] visant à reconnaitre l'existence d'une créance envers Madame [S] d'une somme de 144.750 euros au titre du financement du terrain,

- rejeté la demande de Monsieur [J] visant à reconnaître l'existence d'une créance envers l'indivision d'une somme de 117.250 euros au titre du financement de la construction,

- dit que Monsieur [J] est créancier envers l'indivision d'une somme de 76.947,46 euros au titre du financement de l'emprunt immobilier après l'ordonnance de non conciliation, somme à parfaire en fonction de la date de jouissance divise,

- dit que Monsieur [J] est redevable d'une indemnité d'occupation de 1216 euors par mois à compter du mois de mars 2011 jusqu'à la date de jouissance divise,

- fixé la valeur du bien indivis à 500.000 euros,

- attribué à Monsieur [J] le bien situé sur la commune de [Localité 5] à charge pour lui de régler à Madame [S] une soulte dont le montant sera à fixer sur la base du dispositif du jugement

- désigné Maître [G] notaire à [Localité 7] pour mener les opérations de partage,

- rejeté la demande de dommages-intérêts de Monsieur [J], et sa demande au titre des frais irrépétibles de procédure,

- partagé les dépens par moitié,

- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration transmise par voie électronique le 26 décembre 2018, Monsieur [J] a formé appel du jugement aux fins de le voir réformé ou annulé sur plusieurs points.

Le jugement a été signifié le 15 janvier 2019 à Monsieur [J] par Madame [S].

Dans ses premières conclusions notifiées le 26 mars 2019, Monsieur [J] a demandé à la Cour de :

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de [Y] [J] et [M] [S]

- dit que Monsieur [Y] [J] est créancier de l'indivision de la somme de 76.947,46 euros au titre du remboursement des échéances des emprunts immobiliers pour la période postérieure à l'ordonnance de non conciliation jusqu'au mois d'avril 2018, somme à parfaire en fonction de la date de jouissance divise

- dit que [Y] [J] est redevable à l'indivision d'une indemnité d'occupation de 1216 euros par mois à compter du mois de mars 2011 jusqu'à la date de jouissance divise

- attribué à [Y] [J] le bien immobilier indivis sur la commune de [Localité 5]

[Localité 5], [Adresse 1], à charge de verser à [M] [S] une soulte

déterminable en fonction des éléments ci-dessus tranchés et de la date de jouissance divise

- désigné Maître [L] [G], Notaire à [Localité 7], pour procéder aux opérations de

liquidation partage et établir l'acte de partage conformément à ce qui a été tranché par la décision contestée et aux fins de dresser l'acte de partage conforme ;

- dit qu'en cas d'empêchement, le notaire pourra être remplacé par simple ordonnance rendue sur requête, laquelle ne sera susceptible ni d'opposition ni d'appel ;

- Dit qu'en cas de refus par une partie de signer l'acte de partage établi conformément au présent jugement, toute partie pourra saisir le juge aux fins d'homologation et que dans ce cas les frais de la procédure pourront être mis à la charge de 1'opposant ou du défaillant ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il :

- rejeté sa demande visant à ce qu'il soit dit qu'il est créancier à l'encontre de [M] [S] de la somme de 144.750,00 euros au titre du financement de 1' acquisition du terrain ;

- rejeté sa demande visant à ce qu'il soit dit qu'il est créancier à l'encontre de l'indivision de la somme de 117.250,00 euros au titre du financement de la

construction ;

- fixé la valeur du bien indivis à 500.000,00 euros ;

- chargé Monsieur [J] de verser à [M] [S] une soulte déterminable en fonction des éléments ci-dessus tranchés et de la date de jouissance divise ;

- rejeté sa demande de dommages et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles ;

- condamné les parties à un partage des dépens exposés à ce jour par moitié dont

distraction au profit de Maitre Anik Kaigl-Angelozzi de la SCP Kaigl-Angelozzi ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage ;

ET, STATUANT A NOUVEAU , il a demandé à la cour de :

- FIXER la valeur du terrain à la somme de 480.000 euros ;

- DIRE ET JUGER que Monsieur [J] est créancier de l'indivision de la somme de

130.650,00 euros au titre du règlement des travaux de construction sur ses deniers

personnels ;

- DIRE ET JUGER que Monsieur [J] est créancier de l'indivision de la somme de

93.186,78 euros au titre du remboursement des emprunts pour la période postérieure à l'ordonnance de non-conciliation à parfaire en fonction de la date de jouissance divise;

- DIRE ET JUGER que Monsieur [J] est créancier à l'encontre de Madame [S] de la somme de 144.750,00 euros au titre du profit subsistant sur le financement du terrain sis à [Localité 5] ;

- ATTRIBUER le bien indivis sis à [Localité 5] à Monsieur [J] à charge pour Madame [S] de lui verser une soulte de 432,69 euros.

- CONDAMNER Madame [S] à verser à Monsieur [J] la somme de

5000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction faite au profit de Maître Florence MASSA, Avocat au Barreau de GRASSE.

Par ses dernières conclusions communiquées le 7 février 2022, Monsieur [J] maintient les prétentions exprimées dans ses premières conclusions.

Il ajoute une prétention qui porte sur la fixation de la date de jouissance divise à la date du prononcé de la décision.

Il actualise la demande de fixer une créance au titre du remboursement des emprunts à la somme de 111.045,26 euros et le montant de soulte à verser par Madame [S] à la somme de 31318,77 euros après compensation entre la soulte dont il est débiteur et le montant de sa créance au titre du financement du terrain indivis.

Par ses premières conclusions d'intimée communiquées le 25 juin 2019 Madame [S] demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement critiqué en ce qu'il a :

- ordonné l'ouverture des opérations de comptes liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux,

- rejeté la demande de Monsieur [J] visant à reconnaitre l'existence d'une créance envers l'indivision d'une somme de 144750 euros au titre du financement du terrain,

- rejeté la demande de Monsieur [J] visant à reconnaitre l'existence d'une créance envers l'indivision d'une somme de 117250 euros au titre du financement de la construction,

- attribué à Monsieur [J] le bien situé sur la commune de [Localité 5] à charge pour lui de régler à Madame [S] une soulte dont le montant sera à fixer

- rejeté la demande de dommages-intérêts de Monsieur [J], et sa demande au titre des frais irrépétibles de procédure.

Elle demande que le montant de la soulte soit déterminé en fonction des éléments jugés par la cour d'appel.

Elle a formé un appel incident contre le jugement du 26 novembre 2018 en ce qu'il a:

- décidé que Monsieur [J] serait créancier de l'indivision à conclurrence de la somme de 76947,46 euros pour la période postérieure à l'ordonnance de conciliation jusqu'au mois d'avril 2018 à parfaire au jour de la jouissance divise et

- fixé la valeur du bien indivis à 500.000 euros

- dit que Monsieur [J] est redevable d'une indemnité d'occupation de 1216 euros par mois à compter du mois de mars 2011 jusqu'à la date de jouissance divise.

Elle demande à la cour STATUANT À NOUVEAU :

- de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la créance reconnue à Monsieur [Y] [J] au titre du remboursement des échéances des emprunts

immobiliers pour la période postérieure à l'ordonnance de non-conciliation ;

- de fixer la valeur du bien indivis à 520.000 euros, subsidiairement à 500.000 euros - de dire et juger que Monsieur [Y] [J] est redevable à l'indivision d'une indemnité d'occupation de 1.800 euros à compter du mois de mars 2011 jusqu'à la date de la jouissance divise ;

- de condamner Monsieur [Y] [J] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [Y] [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Me Philippe KAIGL, du Barreau de GRASSE, membre de la société ivile professionnelle d'avocats KAIGL-ANGELOZZI.

Dans ses dernières conclusions communiquées le 12 juin 2023, Madame [S] maintient ses demandes et son appel incident.

Elle ajoute une demande subsidiaire, pour le cas où la cour ordonnerait un compte entre les ex-époux [J]-[S] au titre de leurs contributions respectives aux charges du mariage. Dans ce cas, elle sollicite qu'il soit dit que ce compte intégrera également les dépenses qu'elle a faites.

Le 4 octobre 2022, le conseil de Monsieur [J] a répondu au magistrat chargé de la mise en état concernant l'avancement de la procédure en application de l'exécution provisoire que Maître [G] avait établi un projet d'acte de partage en 2013, lequel n'a pas été accepté par les parties et a fait l'objet d'un refus d'homologation par le juge de première instance.

Le 19 octobre 2022, les parties ont été enjointes de rencontrer un médiateur. Elles ne se sont pas engagées dans un processus de médiation.

Le 7 février 2023, le conseiller de la mise en état a demandé aux parties de s'expliquer sur l'absence d'objet de l'appel. En réponse, le conseil de Monsieur [J] a indiqué que les chefs du jugement critiqués ont été mentionnés dans le RPVA dans la partie concernant l'objet de l'appel qui est réservé à cet effet.

Par message électronique du 11 mai 2023, les parties ont été averties de la date de fixation à l'audience du 20 septembre 2023 et de la date de la clôture de la procédure fixée au 28 juin 2023.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions dans la mesure où il s'agit de véritable prétention au sens de l'article 4 du même code. Elle doit se prononcer selon les moyens énoncés à l'appui de ces prétentions.

Les demandes de "donner acte" sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "donner acte" ou encore à "prendre acte" de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

Les chefs de dispositif non dévolus à la cour sont devenus définitifs. Il s'agit en l'espèce de l'ouverture des opérations de partage judiciaire

Sur la question de l'effet dévolutif de l'appel principal

En application des articles 901 et 562 du code de procédure civile l'acte d'appel doit viser à obtenir la réformation ou l'annulation des chefs de la décision de première instance qui doivent y être visés expressément. L'acte d'appel peut être complété par un document annexe ou régularisé en cas de cause de nullité, par une nouvelle déclaration d'appel.

En l'espèce, la déclaration d'appel formée le 26 décembre 2018 à 16 h 14 contient outre les autres indications exigées par l'article 901 du code de procédure civile, dans l'encadré concernant l'objet de l'appel la mention "appel limité aux chefs du jugement expressément critiqués" accompagnée des références du jugement, et de l'expression "tendant à obtenir l'annulation ou la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle a " suivie de la liste des chefs critiqués.

Cet acte répond aux exigences fixées par les textes suscités et emporte en conséquence dévolution à la cour des chefs de jugement critiqués.

Sur la question de la créance revendiquée par Monsieur [J] au titre du financement du terrain

La demande de ce chef a été écartée par le tribunal de grande instance de GRASSE au motif que Monsieur [J] ne rapportait pas la preuve de la participation invoquée.

Monsieur [J] sollicite que cette créance soit reconnue sur le fondement des dispositions de l'article 815-13 du code civil. Il soutient qu'il est en droit d'obtenir la moitié de la valeur vénale actuelle du terrain fixée à 289.500 euros par un expert.

Il soutient que le prix du terrain acquis en indivision a été pris de ses deniers personnels, ce que Madame [S] n'a pas contesté dans le cadre de la procédure de liquidation amiable.

Il réplique que le contrat de mariage ne contient qu'une présomption simple au titre des contributions aux charges du mariage et que les sommes concernées dépassent le montant de cette contribution. Il se prévaut d'une faible différence de revenus entre les ex-époux pendant le mariage, de sorte que le financement intégral du terrain et des travaux de construction par ses seuls deniers dépasse la part dont il était tenu à ce titre. Il ajoute que pendant la vie commune, il prenait en charge seul plusieurs des charges courantes du ménage alors que Madame [S] ne justifie que d'une très faible contribution.

L'Intimée demande confirmation de ce chef du jugement.

Madame [S] réplique que le contrat de mariage institue une présomption irréfragable de contribution par chaque époux aux charges du mariage en fonction de ses facultés. Elle rappelle que le financement et l'amélioration du bien servant au logement de la famille constitue l'exécution de cette obligation. Elle soutient que cette clause ne peut être contournée en se prévalant des dispositions de l'article 815-13 du code civil. Subsidiairement, elle soutient qu'elle a participé également aux charges du mariage.

Il appartient à Monsieur [J] qui se prévaut d'une créance de prouver l'existence d'un mouvement de valeur . L'acte notarié indique que le prix de 145.000 euros a été payé comptant par la comptabilité du notaire. Il ne contient aucune mention de l'origine des fonds ou déclaration des parties à ce sujet.

Dans ses écritures Madame [S] ne reconnaît pas expressément que le prix d'achat du bien provient exclusivement du patrimoine personnel de Monsieur [J].

Toutefois, le décompte du notaire mentionne qu'il a reçu de monsieur [J] la somme de 14500 euros à titre d'acompte sur le prix d'achat, puis les sommes de 130500 euros au titre du solde du prix et de 10150 euros au titre du montant des frais par chèques de banque tirés de la Caisse d'Epargne.

Le compte personnel de Monsieur [J] ouvert auprès de la Caisse d'Epargne porte mention du versement de 14500 euros et de deux versements en faveur du notaire à une date concomitante avec l'achat portant sur les montants de 120.650 et 10000 euros.

Il ressort de ces éléments que les sommes issues des comptes personnels de Monsieur [J] ont servi au règlement du prix d'achat de l'immeuble indivis acquis à raison de la moitié pour chacun des ex-époux.

Il appartient ensuite à Monsieur [J] d'établir que la somme qu'il a versé donne lieu à une créance à son profit dont serait débitrice Madame [S]. A ce sujet il convient de requalifier la prétention de Monsieur [J] en ce qu'elle porte sur une créance entre époux et non d'une indemnité prévue par l'article 815-13 qui serait due par l'indivision. La preuve de l'obligation de remboursement relève du droit commun.

Pour s'y opposer l'intimée se prévaut de la qualification de contribution aux charges du mariage et de l'interdiction conventionnelle d'en solliciter le paiement.

En effet, selon les articles 214 et 1537 du code civil, les époux sont tenus quel que soit le régime matrimonial adopté, de participer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives ou selon les prévisions des conventions matrimoniales.

En l'espèce, le contrat de mariage conclu par les parties prévoit dans l'article 3 intitulé "CONTRIBUTIONS AUX CHARGES DU MARIAGE" que : "(...) Chacun d'eux [les époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour, sa part contributive en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet , et qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature.

Toutes dépenses de la vie commune qui se trouveront dues ou engagées au moment de la dissolution du mariage incomberont aux époux , à raison de moitié indivise chacun."

La clause dont se prévaut Monsieur [J] selon laquelle les présomptions instituées dans le contrat ne produiront effet qu'à défaut de preuve contraire figure uniquement dans l'article concernant les "PRESOMPTIONS DE PROPRIETE". Elle n'a donc pas vocation à s'appliquer à l'ensemble des clauses du contrat. Une telle précision ne figure pas dans l'article 3 réglant la question de la contribution des époux aux charges du mariage.

En outre, la présomption que la part contributive est proportionnelle aux facultés des époux est répétée sous deux formes et elle contient la précision de l'absence de recours. Il convient d'en déduire que cette clause institue une présomption irréfragable et que les époux ne sont pas recevables à se prévaloir lors de la dissolution du mariage, d'une contribution excédant leur faculté contributive.

Les prétentions de Monsieur [J] portent sur des dépenses réalisées pour acquérir un terrain sur lequel les époux avaient prévu d'établir leur logement et sur lequel ils ont fait construire une maison afin d'y demeurer. Elles font donc partie des contributions aux charges du mariage relevant de la présomption instituée par l'article du contrat de mariage analysée plus haut. En application de cette clause, Monsieur [J] ne peut se prévaloir d'aucune créance envers Madame [S] ou envers l'indivision du fait du financement du terrain.

La décision critiquée sera donc confirmée sur ce point.

Sur la question de la créance de Monsieur [J] au titre du financement de la construction

La demande de ce chef a été écartée par le premier juge faute de preuve du montant des travaux et de la participation invoquée par Monsieur [J].

Monsieur [J] soutient qu'il a utilisé une partie de ses économies pour acquérir le terrain et qu'il a utilisé le solde pour financer en partie la construction de la maison. Il ajoute qu'elle a été financée aussi à l'aide de deux prêts de 120000 euros et de 10000 euros, pour un montant total de 213347,24 euros dont les échéances ont été prélevées sur son compte personnel.

Pour le surplus, les parties exposent, en ce qui concerne cette prétention, les mêmes moyens que ceux concernant la participation invoquée à l'acquisition du terrain.

Les pièces produites par Monsieur [J] ne permettent pas de prouver qu'il a utilisé un capital personnel pour financer une partie des travaux de construction de la maison. Le libellé des factures produites ne comportent pas les coordonnées du compte dont aurait issus les fonds ayant servi à les régler. Il n'est pas établi que les sommes retirées en espèces du compte personnel de Monsieur [J] ont servi à régler les travaux réalisés sur le terrain.

En tout état de cause et en ce qui concerne aussi le remboursement d'emprunts réalisés pour permettre la construction d'une maison destinée à assurer le logement de la famille sur un terrain indivis, il s'agit de contribution aux charges du mariage. Or, l'article 3 du contrat de mariage analysé plus haut interdit aux ex-époux de se prévaloir d'un excès de contribution.

Il convient en conséquence de confirmer la décision critiquée sur ce point.

Sur la question de la valeur du bien

Monsieur [J] a formé appel de ce chef.

Dans le dispositif de ses conclusions, il demande la fixation de la valeur du "terrain" à 480.000 euros. Il ressort toutefois des motifs exposés dans la discussion et des éléments du litige qu'il s'agit d'une erreur matérielle et que la demande porte sur la valeur de l'entier bien indivis.

Il sollicite la fixation à une valeur moyenne entre les estimations qu'il a faites réaliser en 2016 et en 2017. Il soutient que la mention de la valeur de 520.000 euros dans les motifs du jugement de divorce ne lie pas le juge et que ce montant ressortait d'une projet de partage de 2013 non accepté par les parties.

Madame [S] se prévaut d'une valeur de 520.000 euros telle que mentionnée dans le jugement de divorce et, subsidiairement, de 500.000 euros.

Le juge de première instance a fixé la valeur du bien à une valeur moyenne entre les deux évaluations fournies par Monsieur [J] en 2017 et la valeur retenue dans le jugement de divorce. A l'appui de sa demande, Monsieur [J] ne produit devant la cour aucun élément nouveau. Il ressort d'une évaluation du 15 mars 2017 par un professionnel de l'immobilier une valeur de 509.000 euros tenant compte de l'absence de finition à l'intérieur et à l'extérieur et notamment l'absence de clôture. Madame [S] n'apporte aucune pièce afin de justifier de la hausse réclamée. La valeur retenue par le notaire dans le projet d'état liquidatif de 2013 peut être retenu comme un élément dans l'estimation du bien dans la mesure où il entre dans ses attributions d'évaluer le bien, même si elle n'a pas été acceptée par les parties.

En conséquence, le juge de première instance a justement fixé la valeur du bien indivis à 500.000 euros et sa décision sera confirmée sur ce point.

Sur la question de l'attribution du bien et de la soulte à verser à Madame [S]

L'acte d'appel vise le chef du jugement selon lequel l'immeuble indivis a été attribué à Monsieur [J] sous réserve du paiement d'une soulte.

Le principe de l'attribution qui avait été sollicitée par Monsieur [J] n'est toutefois pas contesté par Monsieur [J] dans ses conclusions d'appel.

Madame [S] sollicite la confirmation de la décision de première instance de ce chef.

Il convient donc de confirmer la décision de première instance ayant fait droit à la demande d'attribution du bien indivis à Monsieur [J].

Il ressort des écritures de Monsieur [J] que sa contestation porte sur la mention du jugement selon laquelle le montant de la soulte devait être fixé selon les décisions contenues dans le jugement critiqué et sur le montant de celle-ci. Il sollicite dans le dernier état de ses écritures sa fixation à 31.318,77 euros.

Cette somme a été obtenue en tenant compte des créances admises par le premier juge mais aussi de celles dont il se prévalait et qui n'ont pas été reconnues par la cour. Cette somme ne peut donc être retenue pour fixer la somme due à Madame [S] pour la remplir de ses droits.

En revanche il sera ajouté à la décision de première instance que le montant de la soulte sera déterminé en fonction des décisions définitives résultant du jugement de première instance et de l'arrêt.

Sur la créance au titre des emprunts immobiliers remboursés après l'ordonnance de non conciliation

Ce chef du jugement est dévolu à la cour par l'appel incident de Madame [S].

Monsieur [J] sollicite la confirmation de ce chef et une actualisation du montant de la créance pour y ajouter les échéances réglées depuis le jugement.

Madame [S] dans ses conclusions, s'en rapporte à justice sur ce point.

Le financement des prêts immobiliers faisait partie pendant la vie conjugale de la contribution aux charges du mariage. Toutefois, cette contribution a été assurée par Monsieur [J] après l'ordonnance de non conciliation par le versement à son épouse d'une pension alimentaire. Il a cependant continué à régler les échéances des prêts immobiliers et des charges afférentes au bien immobilier indivis.

Il s'agit donc de dépenses ne relevant pas des charges du mariage mais des dépenses exposées pour la conservation du bien indivis visée par les articles 815-8 et 815-13 du code civil. Elles donnent lieu à la naissance d'une créance de l'indivisaire envers l'indivision.

Compte tenu des relevés de comptes produits, cette créance sera fixée au mois de février 2022 à la somme de 111.045,26 euros.

Sur la question de l'indemnité d'occupation

L'article 815-9 du code civil prévoit que l'indivisaire qui occupe privativement le bien indivis est redevable d'une indemnité à ce titre.

Ce chef est dévolu à la cour par l'appel incident formé par Madame [S] qui sollicite que le montant de l'indemnité soit portée à 1800 euros.

Elle soutient que les défauts du bien ne sont pas prouvés et proviennent d'un défaut d'entretien incombant à monsieur [J].

Elle ajoute que l'abattement de précarité ne doit pas être appliqué dans la mesure où Monsieur [J] a toujours réclamé l'attribution du bien à son seul profit au cours de la procédure de divorce.

Monsieur [J] sollicite la confirmation de la décision de ce chef. Il soutient que la valeur retenue par le juge aux affaires familiales de GRASSE doit être retenue car elle correspond à la valeur moyenne des deux estimations établies, minorée en raison de l'absence de nombreuses finitions extérieures et intérieures.

Il est constant que Monsieur [J] occupe privativement le bien indivis depuis le 28 février 2011. Les deux parties admettent que cette occupation doit donner lieu à une indemnité d'occupation au profit de l'indivision. Compte tenu des avis de valeur locative produits aux débats par les parties, qui sont identiques à ceux soumis au premier juge, il convient de retenir la valeur de 1216 euros obtenue par le juge de première instance après avoir réalisé une moyenne entre les deux estimations réalisées par des experts immobiliers et l'avoir affectée d'un coefficient de précarité de 20 %.

La décision sera donc confirmée sur ce point.

Sur la question des dommages-intérêts pour comportement dilatoire

Monsieur [J] demande la réformation du jugement sur le chef de la décision ayant rejeté sa prétention sur ce fondement.

Cependant, il ne formule dans ses conclusions aucune prétention de ce chef et aucun moyen à l'appui de sa demande de réformation.

Il convient dès lors de confirmer la décision de première instance de ce chef.

Sur la date de fixation de la jouissance divise

L'article 910-4 du code de procédure civile prévoit que : "A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait."

Monsieur [J] demande que la cour fixe la date de la jouissance divise.

Toutefois cette prétention n'était pas formulée dans le dispositif des premières conclusions. Elle ne constitue pas une réplique aux conclusions ou pièces adverses, ne concerne pas une question née postérieurement ni de la survenance d'un événement extérieur.

En application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, cette prétention sera déclarée iirrecevable.

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles de procédure et les dépens de première instance et l'exécution provisoire

Monsieur [J] a critiqué ces chefs de jugement dans l'acte d'appel et sollicité dans ses conclusions l'infirmation de la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles de procédure et ordonné un partage des dépens et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage.

Cependant, il ne fait état d'aucun moyen de droit et ne sollicite pas de la cour qu'elle statue à nouveau sur ces points, sollicitant uniquement une somme de 5000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.

Sur les frais irrépétibles et les dépens relatifs à la procédure d'appel.

Monsieur [J], appelant succombant, en toutes ses prétentions sera condamné à supporter la totalité des dépens d'appel qui seront recouvrés directement par l'avocat de l'intimée qui en aura fait l'avance sans recevoir de provision.

Il sera condamné à verser à Madame [S] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris,

Actualisant le montant de la créance de Monsieur [J] :

Fixe le montant de la créance de Monsieur [J] envers l'indivision au titre des échéances des prêts immobiliers réglées depuis l'ordonnance de non-conciliation jusqu'au mois de février 2022 à la somme de 111.045,26 euros ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de Monsieur [J] de fixer le montant de la soulte à 31318,77 euros ;

Dit que le montant de la soulte sera déterminé en tenant compte des créances admises par le juge aux affaires familiales de Grasse le 26 novembre 2018 et par la cour de ce siège par le présent arrêt ;

Déclare irrecevable la demande de fixation de la date de jouissance divise :

Condamne Monsieur [Y] [J] aux dépens d'appel et Dit qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître Florence MASSA et Me Philippe KAIGL membre de la SCP KAIGL ANGELOZZI , avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [Y] [J] à verser à Madame [M] [S] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure relative à l'instance d'appel ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente et par Madame Fabienne NIETO, greffière auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente