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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 12 octobre 2023, n° 23/02451

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/02451

12 octobre 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/02451 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHB7G

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 janvier 2023 -Juge de la mise en état de Paris (18ème chambre, 1ère section) - RG n° 21/07856

APPELANTE

S.A.S. SL MAP THREE

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 849 810 072

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de Paris, toque : K0065

Assistée de Me Christophe DENIZOT du cabinet NICOLAS & DENIZOT associés, avocat au barreau de Paris, toque B119, substitué par son collaborateur Me Jules CORMERAIS

INTIMEE

S.C.M. QUATRE VINGT ET UN

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 423 356 286

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-David ZERDOUN, avocat au barreau de Paris, toque : E0298

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Emmanuelle Lebée, magistrate à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Emmanuelle Lebée, magistrate honoraire, dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 24 mai 1999, la société Egefic, aux droits de laquelle est venue la société Terreis, a donné à bail commercial, renouvelé le 16 avril 2009, à la société civile de moyens Quatre Vingt et Un des locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 4], pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 1999, bail renouvelé pour la même durée à compter du 1er juin 2008.

Le 26 octobre 2016, la société Terreis a fait signifier à la société civile de moyens Quatre Vingt et Un un congé avec offre de renouvellement du bail commercial à compter du 31 mai 2017. Les parties au contrat ne sont pas parvenues à un accord sur le prix du bail renouvelé.

Par acte du 28 mai 2019, la société SL Map Three a acquis les locaux, objets du bail commercial.

Le 29 mai 2019, la société SL Map Three a fait signifier à la société civile de moyens Quatre Vingt et Un un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction pour défaut d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés. L'acte portait, en tant que de besoin, refus de renouvellement par l'exercice du droit d'option prévu à l'article L. 145-57 du code de commerce.

Le tribunal judiciaire de Paris a, par jugement du 14 septembre 2021, débouté la société SL Map Three de ses demandes, formées par assignation en date du 31 mai 2019, aux fins de voir juger que la société civile de moyens Quatre Vingt et Un n'avait pas le droit au renouvellement en raison de son défaut d'immatriculation pour l'activité autorisée à la date de signification du congé et à la date d'effet dudit congé.

Par acte du 28 mai 2021, la société civile de moyens Quatre Vingt et Un a fait assigner la société SL Map Three devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir juger que celle-ci n'avait pas valablement exercé son droit d'option tel que prévu à l'article L. 145-57, alinéa 2, du code de commerce.

Soutenant que la demande de la société SL Map Three en paiement d'une indemnité d'occupation formée pour la première fois par conclusions notifiées le 9 novembre 2021 était prescrite et comme telle, irrecevable, la société civile de moyens Quatre Vingt et Un a saisi le juge de la mise en état d'un incident tiré de la fin de non-recevoir pour prescription.

Par ordonnance en date du 17 janvier 2023 le juge de la mise en état a, en substance, déclaré la demande de la société SL Map Three en paiement d'une indemnité d'occupation et a réservé les dépens.

La société SL Map Three a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 25 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS EN CAUSE D'APPEL

Pour leur exposé complet, il est fait renvoi aux écritures visées ci-dessous :

Vu les conclusions récapitulatives de la société SL Map Three, en date du 4 mai 2023, tendant à voir la cour infirmer l'ordonnance entreprise, statuer à nouveau, déclarer recevable sa demande de condamnation de la société civile de moyens Quatre Vingt et Un au paiement d'une indemnité d'occupation fixée à compter du 1er juin 2017 à la somme annuelle de 150 000 euros hors taxes et hors charges, la condamner en conséquence à compter du 1er juin 2017 à verser la somme annuelle hors taxes et hors charges de 150 000 euros, la débouter de ses demandes, subsidiairement, désigner un expert avec la mission de rechercher, tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'occupation, réserver les dépens, condamner la société civile de moyens Quatre Vingt et Un aux entiers dépens et à verser aux bailleurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont la distraction est demandée ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société civile de moyens Quatre Vingt et Un, en date du 1er juin 2023, tendant à voir la cour dire que les demandes tendant à voir déclarer recevable la demande de condamnation à son encontre au paiement d'une indemnité d'occupation fixée à compter du 1er juin 2017 à la somme annuelle de 150 000 euros hors taxes et hors charges », de condamnation à compter du 1er juin 2017 à verser la somme annuelle hors taxes et hors charges de 150 000 euros et de désignation d'un expert constituent des prétentions nouvelles et les juger, comme telles, irrecevables, dire que le dispositif des conclusions de la société SL Map Three ne répond pas aux prescriptions requises en ce qu'il ne comporte aucune prétention sur la compétence et sur la prescription de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation, à titre subsidiaire, dire la société SL Map Three mal fondée en son appel, en conséquence, confirmer l'ordonnance, débouter la société SL Map Three de ses demandes, en tout état de cause, la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

DISCUSSION

Sur la compétence du juge de la mise en état :

Par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, en l'absence de prétention au dispositif, il n'y a pas lieu, ainsi que le relève l'intimée, de statuer sur l'exception d'incompétence soulevée dans les écritures de l'appelante.

Sur la recevabilité de certaines demandes :

Aux termes de ses conclusions de premières instance telles qu'énoncées par le jugement entrepris, l'appelante n'avait soumis au juge de la mise en état aucune demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation ni de désignation d'un expert.

Comme le soulève à bon droit l'intimée, ces demandes de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation et de désignation sont irrecevables par application de l'article 964 du code de procédure civile.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, la demande du bailleur tendant à voir juger recevables ses demandes en paiement d'une indemnité d'occupation s'analyse bien comme une prétention dont est régulièrement saisie la cour, l'absence de prescription de cette demande constituant le moyen de défense à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par le preneur.

Sur la prescription :

L'action en fixation de l'indemnité d'occupation statutaire est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce. Elle court, en cas de contestation du droit à indemnité d'éviction, à compter du jour où est consacré définitivement, dans son principe, le droit du locataire au bénéfice d'une indemnité d'éviction et en cas d'exercice du droit d'option, à compter de la date de notification de l'option.

À l'appui de sa demande, le bailleur soutient que le point de départ de la prescription biennale est la date du prononcé du jugement du 14 septembre 2021 qui a définitivement tranché la question de savoir si le preneur était bénéficiaire du droit au renouvellement, qu'en effet le délai de prescription de l'action en paiement d'une indemnité d'occupation visée à l'article L. 145-28 ne saurait courir avant la reconnaissance par la dite décision du droit du preneur à bénéficier du statut des baux commerciaux, condition nécessaire du droit au paiement d'une indemnité d'éviction.

Le bailleur ajoute qu'il ne pouvait en même temps dénier au preneur le bénéfice du statut des baux commerciaux et réclamer le paiement d'une indemnité qui trouve son fondement unique dans le statut dont l'application est précisément déniée.

À titre subsidiaire, il soutient, que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'assignation du 31 mai 2019 a nécessairement interrompu la prescription, puisqu'elle tendait, tout comme ses conclusions du 9 novembre 2021, à un seul et même but et ayant une seule et même cause, à savoir le paiement d'une indemnité d'occupation résultant d'une même cause, l'occupation des lieux après le terme du bail.

Cependant, comme l'a relevé le premier juge et le soutient l'intimée, contrairement aux allégations du bailleur, le jugement du 14 septembre 2021 n'a nullement reconnu un quelconque droit à indemnité d'éviction au bénéfice du preneur, le tribunal n'ayant été saisi par le bailleur que d'une demande tendant à juger que le preneur était sans droit ni titre par suite de la dénégation au bénéfice du statut des baux commerciaux, ce dont le bailleur a été débouté, ainsi que de ses demandes subséquentes en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun. Par voie de conséquence, le délai de prescription biennal ne court pas à compter du jugement du 14 septembre 2021, mais à compter de l'exercice du droit d'option.

En l'occurrence, de première part, le bailleur a exercé son droit d'option le 29 mai 2019 par acte signifié au preneur. Il a demandé par conclusions du 9 novembre 2021 la condamnation de ce dernier au paiement d'une indemnité d'occupation statutaire à compter du 1er juin 2017 au motif que le preneur était redevable d'une telle indemnité en raison de l'exercice du droit d'option. Cette demande du bailleur était donc prescrite au 9 novembre 2021.

De seconde part, le bailleur invoque vainement l'effet interruptif de son assignation en date du 31 mai 2019 sur le délai de prescription. Cet acte tendant à dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux, la demande de paiement d'une indemnité d'occupation qu'il contenait portait sur l'indemnité de droit commun et non sur celle d'occupation statutaire prévue à l'article L. 145-28 du code de commerce.

Contrairement à ce qu'il soutient, ces indemnités n'ont pas la même cause, l'indemnité d'occupation de droit commun étant fondée sur une occupation sans droit ni titre, l'indemnité statutaire ayant pour fondement légal l'article L. 145-28 du code de commerce, ni la même fin, la première ayant un caractère compensatoire et indemnitaire, la seconde correspondant à la valeur locative, étant ajouté que l'une est exclusive de l'autre de sorte que la demande de l'une n'est virtuellement pas comprise dans l'autre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à l'intimée, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Déclare irrecevables les demandes en paiement d'une indemnité d'occupation et en désignation d'un expert ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Condamne la société SL Map Three à payer à la société civile de moyens Quatre Vingt et Un la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE