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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 7 septembre 2023, n° 14/05454

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 14/05454

7 septembre 2023

ARRET



Société COMMUNE DE [Localité 13]

C/

[U]

[U]

SCI PARADOU

SARL ARMURERIE [V] PERE ET FILS

PM/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU SEPT SEPTEMBRE

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 14/05454 - N° Portalis DBV4-V-B66-FYUP

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS DU DIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

PARTIES EN CAUSE :

COMMUNE DE [Localité 13] prise en la personne de son Maire M. [W] [P]

[Adresse 5]

[Localité 13]

Représentée par Me Jérôme LE ROY, avocat au barreau D'AMIENS

Plaidant Me FLYE avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANTE

ET

Monsieur [O] [U]

né le 02 Juin 1969 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 13]

Monsieur [V] [U]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 8]

SCI PARADOU, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

SARL ARMURERIE [V] PERE ET FILS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentés par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D'AMIENS

Plaidant par Me SAUVIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 01 juin 2023 devant la cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Madame Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M.Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistées de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière et de Mme [R] [E], greffière stagiaire.

Sur le rapport de M. [K] [B] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 septembre 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 07 septembre 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

*

* *

DECISION :

La commune de [Localité 13] est propriétaire au lieu-dit [Adresse 11] d'une parcelle de terrain cadastrée section A n°[Cadastre 1] d'une contenance de 1080 m² et d'un chemin rural dénommé ' [Adresse 10]' qui longe les parcelles cadastrées A n° [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 6], [Cadastre 9].

M. [V] [U] est propriétaire des parcelles n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 9]. Le 14 juin 2011, il a fait donation de la parcelle A[Cadastre 4] à son fils M. [O] [U].

Les parcelles n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] sont la propriété de la SCI Paradou dont le gérant est M. [O] [U].

Une activité de ball-trap était exercée sur ces parcelles, au cours de laquelle, la SCI Paradou et M. [V] [U] ont empiété sur la parcelle de terre cadastrée section A n°[Cadastre 1] et sur le chemin rural permettant d'accéder à la route départementale n°115.

Par arrêt du 26 mai 2016, la cour d'appel d'Amiens a débouté M. [O] [U], M. [V] [U], la SCI Paradou et la SARL Armurerie [V] Père et Fils de leur demande de revendication de la propriété par l'effet de la prescription acquisitive de la parcelle cadastrée A[Cadastre 1] et d'une partie du chemin rural dit '[Adresse 10]' appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 13] et ordonné la libération des lieux sous astreinte. Saisie d'une demande de la commune en indemnisation de son préjudice, la cour a sursis à statuer sur la liquidation du préjudice et a ordonné une mesure d'expertise aux fins notamment de déterminer l'existence d'une pollution des parcelles litigieuses et avoisinantes situées en zone Natura 2000 et de chiffrer le coût de la dépollution de celle-ci.

L'expert a déposé son rapport le 30 août 2017.

Par arrêt du 29 novembre 2018, la cour d'appel d'Amiens a prononcé la nullité du rapport d'expertise et a ordonné une nouvelle mesure d'expertise afin de déterminer l'existence d'une pollution des parcelles litigieuses et avoisinantes situées en zone Natura 2000 et de rechercher l'éventuel impact de la pollution des sols sur la qualité des eaux potables délivrées à la commune de [Localité 13], de chiffrer le coût de la dépollution de celle-ci tout en donnant tout élément technique de fait et de droit pour imputer éventuellement la responsabilité de celle-ci à l'un ou l'autre des défendeurs

M. [H] a déposé son rapport le 17 octobre 2022.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 23 mai 2023, la commune de [Localité 13] demande à la cour de :

1/ Condamner in solidum, M. [O] [U], M. [V] [U], la SARL Armurerie [V] Père et Fils et la SCI Paradou à lui payer les sommes suivantes :

- 51 728,24 euros TTC correspondant au coût de dépollution des parcelles avec actualisation en fonction de l'indice INSEE entre la date du dépôt du rapport d'expertise et celle de la décision à intervenir,

- 5 347,54 euros au titre de l'indemnité d'occupation,

- 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et préjudice moral ;

2/ Débouter M. [O] [U], M. [V] [U], la SARL Armurerie [V] Père et Fils et la SCI Paradou de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;

3/ Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamner les mêmes in solidum à lui payer la somme de 55 000 euros à titre d'indemnité de procédure,

4/ Condamner les divers intimés aux entiers dépens comprenant les frais de référé, de première instance et d'appels ainsi que le coût des procès-verbaux d'huissiers et des frais d'expertises.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 18 avril 2023, M. [O] [U], M. [V] [U], la SARL Armurerie [V] Père et Fils et la SCI Paradou demandent à la cour de :

A titre principal,

- Débouter la commune de [Localité 13] de sa demande indemnitaire correspondant au coût de la dépollution des parcelles objet du présent litige ;

- Débouter la commune de [Localité 13] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

- Débouter la commune de [Localité 13] de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

- Rapporter la demande d'indemnité d'occupation à une moindre et plus juste mesure ;

- Condamner la commune de [Localité 13] à leur verser la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 24 mai 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 1er juin 2023.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur le rapport d'expertise de M. [H] du 17 octobre 2022 :

L'expert judiciaire a réalisé plusieurs sondages, prélevant 8 échantillons sur la parcelle A[Cadastre 1], sous les bois et 5 sur des parcelles voisines, toutes situées dans la zone Natura 2000.

Des analyses de ces échantillons, il résulte « des concentrations élevées en plomb comprises entre 350 et 21 000 milligrammes/kilo ».

L'expert a précisé que « cinq échantillons SG8, SG9, FG1, FG2 et FG3 ont été prélevés à des distances assez peu élevées par rapport au ball trap mais apparemment dans le sens des tirs qui ont eu lieu autrefois. Dans tous les cas, nous avons mis en évidence des concentrations largement supérieures au fond géochimique national qui varie entre 9 et 50 mg/kg ».

S'agissant des analyses d'eau du captage, M. [H] a conclu à un seuil de portabilité normal sans aucune anomalie particulière constatée. Il n'a pas mis en évidence de risque de pollution de la nappe phréatique.

Il a expliqué que, de par sa nature physico-chimique, le plomb est caractérisé par un potentiel de fixation et de stabilisation en surface. Il n'est pas caractérisé par des phénomènes de migration et de dispersion dans les profondeurs.

Il a ajouté que l'absence de grenaille dans le sol des parcelles litigieuses prouve que le plomb est digéré depuis des années à la surface du sol en raison notamment de son PH acide.

L'expert a précisé que la dépollution suppose l'abattage et l'évacuation des végétaux recouvrant les parcelles, le dé-souchage des arbres et l'évacuation des souches, l'enlèvement des terres polluées et la remise en état avec apport de terre inerte.

Il a ajouté que le poids des terres polluées s'élève à 704 tonnes représentant le contenu de 26 camions.

Il a chiffré le coût total de la dépollution à la somme de 151 728,24 euros TTC.

En réponse à un dire des intimés, l'expert a indiqué : «je ne pense pas que le projet et le budget de dépollution du site soit disproportionné lorsque j'observe toutes les quantités de plomb et ses congénères reconnues dans le sol de la parcelle.

La dépollution du site va détruire la totalité de la végétation sur le site (....). La parcelle peut être refaite et la végétation remise en état dans des conditions certainement meilleures sans le plomb dans le sol. C'est toujours positif d'enlever des polluants du milieu naturel contaminé. La biodiversité en profite fortement. ».

L'expert a également précisé que dès lors que le plomb est dissout dans le sol il n'est pas possible de le relier à chaque période d'exploitation par chacun des intimés.

Sur la question relative au coût de l'occupation des parcelles, M. [S], sapiteur sollicité par M. [H], a notamment relevé que la parcelle D[Cadastre 1] litigieuse est une parcelle étroite de faible surface, coincée entre un stand de tir et une route départementale qui ne présente pas beaucoup d'attrait pour la location. Il a précisé en outre que cette surface est accidentée et à l'état de taillis. Il a estimé que le chemin en cause ne présente pas non plus beaucoup d'attrait pour la location.

Il a fixé la valeur locative annuelle de la parcelle D[Cadastre 1] de 1080 m² à 13,39 euros par an soit 1,12 euros par mois, celle du chemin dans sa globalité, soit 955m² à 11,84 euros par an, soit 0,99 euros par mois et celle de la portion de 553 m² du chemin mitoyenne de la parcelle D[Cadastre 1] à 6,61 euros par an soit 0,55 euros par mois.

Sur la responsabilité des intimés

Selon l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, les sondages effectués par l'expert ont révélé que les terres litigieuses présentent une teneur en plomb 7 fois plus élevée que celui généralement admise, la circonstance que l'échantillon SG8 présentant le taux le plus élevé se trouve à près de 200 m des anciens pas de tir du ball-trap ne permet pas de déduire que la teneur élevée en plomb n'est pas due à l'activité de ball-trap. La commune justifie en effet par un document émanant de l'union française de chasse que les tirs de ball-trap ont une portée moyenne de 160 à 200 m² selon la grosseur du plomb utilisé.

Il n'est pas démontré par les intimés que la teneur en plomb retrouvée dans des parcelles litigieuses serait en rapport avec les activités de chasse. Une telle activité était en effet exclue puisque les chasseurs ne pouvaient pénétrer dans cette zone durant les périodes d'activité du ball trap pour des raisons de sécurité et que le bruit généré était de nature à éloigner de cette zone le gibier et partant les chasseurs.

La teneur élevée en plomb et la pollution des sols sont donc en lien direct et certain avec l'activité de ball-trap qui a exposé la zone litigieuse à des tirs intensifs.

En exploitant une activité de ball trap incluant les parcelles appartenant à la commune de [Localité 13] et générant une pollution du sol de ces parcelles, les intimés ont causé un trouble anormal de voisinage dont ils doivent réparation à cette commune.

Sur la réparation du préjudice

La méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués éditée par le ministère de la transition écologique, indique qu'« en vertu des principes de l'économie circulaire, l'évacuation doit être considérée comme une solution de dernier recours » et définit « des seuils de coupures » et des « objectifs de réhabilitation »:

« L'objectif de ces méthodes est de déterminer un seuil de coupure « théorique », au-dessus duquel il serait intrinsèquement intéressant de traiter ces sols en retirant un maximum de la masse de polluant, tout en ne traitant qu'un volume de sol limité. Ces seuils de coupure sont évalués indépendamment :

. De la mobilité des polluants ;

. Des techniques de dépollution disponibles ;

. Des usages du site, des aménagements actuels et futurs ;

. Des objectifs de qualité des milieux ;

. Des risques sanitaires ;

. Des aspects financiers. »

Ce sont les objectifs de réhabilitation qui doivent tenir compte « des seuils de coupure et des éléments suivants :

. De la mobilité des polluants ;

. Des techniques de dépollution disponibles ;

. Des usages du site, des aménagements actuels et futurs ;

. Des objectifs de qualité des milieux ;

. Des risques sanitaires ;

. Des aspects financiers. ».

Selon cette méthodologie, afin de valider que les seuils de coupure définis sont bien les objectifs de réhabilitation, les conditions suivantes doivent être respectées sur l'ensemble du site d'étude :

« Compte tenu des usages actuels ou futurs du site et des éventuelles restrictions mises en œuvre, les pollutions résiduelles laissées en place dans les sols permettent le respect des objectifs de qualité des milieux ou conduisent à des Analyses des Risques Résiduels (ARR) prédictives acceptables ;

. L'absence de capacité de relargage des sols au droit du site entraînant une dégradation significative de la qualité des eaux souterraines ;

. Une qualité des eaux comparable entre l'amont et l'aval pour les substances liées à l'activité actuelle ou historique menée sur le site ;

. Le traitement des volumes limités de sol présentant la masse de polluant la plus importante (c'est-à-dire les sols dont les concentrations sont supérieures au seuil de coupure théorique) est financièrement acceptable au regard du bilan coût-avantage. »

En l'espèce, si, comme le souligne l'expert, enlever les polluants d'un milieu contaminé ne peut que profiter à la biodiversité, il résulte de l'expertise que les eaux du captage ne sont pas atteintes, que les grenailles de plomb ont disparu de la surface du sol, qu'elles ont été digérées par le sol sans risque de migration vers la nappe phréatique. Tout risque sanitaire est donc exclu.

Par ailleurs, les parcelles litigieuses sont constituées d'une partie d'un chemin rural et d'une parcelle étroite et accidentée située entre un stand tir et une route départementale qui, par leur configuration, ne font pas et ne pourront jamais faire l'objet d'un quelconque projet d'aménagement et ce d'autant qu'elles se situent dans une zone protégée classée Natura 2000 ayant vocation à rester naturelle.

Enfin il ressort du rapport d'expertise que les parcelles litigieuses, dont le sous sol est pollué par le plomb, sont recouvertes d'arbres et de végétaux dont il n'est pas démontré qu'ils aient été affectés par la présence du plomb.

Dès lors dépolluer le site reviendrait à détruire sur cet espace l'ensemble de la flore et de la faune pour le transformer en un terrain, certes dépollué, mais totalement dévégétalisé. De plus, cette dépollution nécessitera une rotation de 26 camions pour l'enlèvement des terres et 26 camions pour l'apport de nouvelles terres entraînant alors une nouvelle pollution.

Générer une pollution pour supprimer une pollution dépourvue de risque sanitaire dans une zone qui ne fait l'objet d'aucun projet d'aménagement en remplaçant un espace arboré par un terrain vague est un non-sens écologique et constitue une mesure manifestement disproportionnée par rapport au résultat escompté. La dépollution du site telle que préconisée par l'expert doit donc être écartée.

Néanmoins, le fait pour la commune de [Localité 13] de se retrouver, par la faute des intimés, propriétaire de parcelles, dans une zone classée Natura 2000 dont le sol est anormalement pollué par le plomb lui cause un préjudice certain qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Chacun des intimés ayant par leurs activités conjointes ou successives participé à la pollution du site, il convient donc de les condamner in solidum à payer à la commune de [Localité 13] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'indemnité d'occupation :

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon les articles 2241 et l'article 2242 du code civil, la demande en justice, même en référé interrompt la prescription jusqu'à l'extinction de l'instance.

En l'espèce, la commune de [Localité 13] ne démontre pas avoir eu connaissance de l'occupation illicite avant le 11 juillet 2016 date de l'assignation en référé dans laquelle elle s'est prévalue de l'occupation par les intimés des parcelles litigieuses. Elle est donc fondée à réclamer une indemnité d'occupation à compter du 11 juillet 2011.

L'assignation en référé du 11 juillet 2016 ayant interrompu la prescription et l'occupation illicite ayant cessé suite au prononcé de l'arrêt du 26 mai 2016, la commune est fondée à réclamer une indemnité d'occupation pour la période du 11 juillet 2011 au 26 mai 2016, soit 53 mois.

L'indemnité d'occupation ne saurait être équivalente à la valeur locative du bien en raison notamment du caractère précaire de l'occupation par rapport à la location.

La commune réclame la somme de 5 347,54 euros à titre d'indemnité d'occupation, ce qui représente une indemnité d'occupation mensuelle de 100,89 euros durant 53 mois.

Il n'est fourni par les parties aucun élément permettant de fixer la valeur locative des parcelles litigieuses et le sapiteur mandaté par l'expert judiciaire après avoir constaté notamment que la parcelle D[Cadastre 1] est une parcelle à l'état de taillis et accidentée et après étude d'un ensemble de références de vente similaires et locales a fixé la valeur locative annuelle de la parcelle D[Cadastre 1] de 1080 m² à 13,39 euros par an soit 1,12 euros par mois, celle du chemin dans sa globalité, soit 955m² à 11,84 euros par an, soit 0,99 euros par mois et celle de la portion de 553 m² du chemin mitoyenne de la parcelle D[Cadastre 1] à 6,61 euros par an soit 0,55 euros par mois.

Les intimés n'ayant pas occupé la totalité du chemin de 955 m² mais uniquement la partie de ce chemin mitoyen jouxtant la parcelle D[Cadastre 1], soit 553 m², il convient de fixer la valeur locative des parcelles occupées illicitement à 1,67 euros par mois (1,12 euros +0,55 euros).

Pour tenir compte du caractère précaire de l'occupation par rapport à la location, il convient de fixer l'indemnité d'occupation à 1 euros par mois et de condamner in solidum les intimés à payer à la commune pour les 53 mois d'occupation illicite indemnisable la somme globale de 53 euros.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral :

La question essentielle qui se posait en la cause était de savoir si l'usage par les intimés des parcelles litigieuses pendant plusieurs décennies leur permettait ou non de faire valoir qu'ils avaient acquis la propriété des parcelles en cause par l'effet de la prescription acquisitive .

Cette question était tellement complexe qu'elle a généré un contentieux entre les parties et qu'il a fallu plusieurs années pour la trancher.

Une fois résolue cette difficulté, il a fallu pas moins de deux expertises pour déterminer les conséquences de cette occupation sur le site.

On ne peut dès lors considérer dans un tel contexte que les intimés en s'opposant aux demandes de la commune de [Localité 13] ont résisté abusivement et de manière injustifiée aux demandes de cette commune de [Localité 13] et lui ont causé un préjudice en raison de la longueur de la procédure et de leur refus de restituer les parcelles spontanément.

Par ailleurs, la commune ne fondant sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral que sur le refus des intimés de restituer spontanément les parcelles litigieuses et la longueur de la procédure alors qu'encore une fois la complexité de la situation ne permet pas d'imputer aux intimés le refus de restitution spontanée des parcelles et la longueur de la procédure, il convient de débouter la commune de [Localité 13] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les intimés succombant, il convient :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 13] aux dépens de première instance ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 13] à payer aux intimés la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- de condamner les intimés in solidum aux dépens de référé, de première instance et d'appel en ce compris les frais de constat d'huissier et des deux expertises judiciaires mais à l'exception de ceux relatifs à l'instance interprétative ayant conduit à l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 4 avril 2019.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient d'allouer de ce chef à la commune de [Localité 13] la somme de 10 000 euros

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Vu l'arrêt du 26 mai 2016 ;

Vu l'arrêt du 29 novembre 2018 ;

Vu l'arrêt rectificatif de 14 décembre 2018 ;

Vu l'arrêt du 4 avril 2019 ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum M. [O] [U], M. [V] [U], la SARL Armurerie [V] Père et Fils et la SCI Paradou à payer à la commune de [Localité 13] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 53 euros à titre d'indemnité d'occupation ;

Condamne in solidum M. [O] [U], M. [V] [U], la SARL Armurerie [V] Père et Fils et la SCI Paradou à payer à la commune de [Localité 13] la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne in solidum M. [O] [U], M. [V] [U], la SARL Armurerie [V] Père et Fils et la SCI Paradou aux dépens de référé, de première instance et d'appel en ce compris les frais de constat d'huissier et des deux expertises judiciaires mais à l'exception de ceux relatifs à l'instance interprétative ayant conduit à l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 4 avril 2019.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE