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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 26 octobre 2023, n° 20/10474

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/10474

26 octobre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 26 OCTOBRE 2023

N°2023/

NL/FP-D

Rôle N° RG 20/10474 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGOJZ

[L] [F]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Copie exécutoire délivrée

le :

26 OCTOBRE 2023

à :

Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE

Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 08 Octobre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00465.

APPELANT

Monsieur [L] [F], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE,

et par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, et Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2023.

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée, la société BNP Paribas (la société) a engagé M. [F] (le salarié) en qualité de collaborateur en formation, statut cadre, à compter du 11 septembre 2000.

La relation de travail été soumise à la convention collective nationale de la banque.

Suivant avenant du 2 août 2004, une convention de forfait en jours (211 jours) a été convenue.

En dernier lieu, le salarié a occupé des fonctions de directeur d'entité jusqu'au 1er novembre 2018 puis de directeur de territoire, et il a perçu une rémunération mensuelle brute de 5 168.47 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 novembre 2018, la société a convoqué le salarié le 24 novembre 2018 en vue d'un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 décembre 2018, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Monsieur,

(...)

Nous vous reprochons les faits ci-après que vous avez commis dans le cadre de vos fonctions de Directeur d'entité.

Nous vous confirmons qu'un client de la banque privée de la Banque a fait part auprès du Directeur du groupe d'agences de [Localité 3] d'une situation qui porte préjudice à l'image de BNP Paribas.

En effet, cette relation a indiqué avoir découvert que, en parallèle de vos fonctions salariées chez BNP Paribas, vous étiez le président de la société " Auto Passion " avec laquelle son fils, également client de BNP Paribas, est en litige suite à l'achat d'un véhicule d'occasion.

Ce dernier envisage de porter plainte contre la société que vous présidez.

Notre client s'étonne de votre statut au sein de cette société et de la réponse que vous lui avez personnellement faite en indiquant ne pas pouvoir intervenir au motif que vous ne seriez pas le dirigeant opérationnel de cette structure.

Or, vous aviez déclaré par écrit le 25 septembre 2014, à votre responsable de la conformité que vous déteniez un mandat social dans la SAS Auto Passion, mais vous n'aviez pas précisé que vous en déteniez 500/0 et que vous en exerciez la présidence.

Vous aviez précisé à votre responsable de la conformité ne pas exercer de fonction clé. Pourtant, les statuts de la société indiquent que le président a les pouvoirs les plus étendus.

Vous n'avez pas été en mesure de contester cela au cours de l'entretien préalable. Vous avez confirmé votre position de président, laquelle est clairement mentionnée dans les statuts. A aucun moment, vous n'aviez porté à la connaissance de votre employeur la position que vous teniez au sein de cette société.

De plus, cette société dont vous êtes le président propose des solutions de financement aux particuliers. En effet, les annonces figurant sur le site " le bon coin " mentionnent des offres de financement (total ou partiel) de 12 à 72 mois.

Or, l'accompagnement de la vente des véhicules par la proposition de crédits permettant leur acquisition pose clairement un problème de concurrence déloyale et est incompatible avec l'exercice de votre métier de commercial chez BNP Paribas.

Par ailleurs, vous avez déclaré à la Direction de la Région Sud Est que cette société rapportait un chiffre d'affaires annuel de 6 millions d'euros par an et vous avez indiqué que vous bénéficiez de l'usage régulier d'un véhicule de prestige de marque Maserati.

Cette situation a été confirmée au cours de l'entretien préalable : plutôt que d'acheter directement ce véhicule, vous avez effectué un apport en compte courant de 60 K€ dans cette société et depuis vous l'utilisez à des fins personnelles.

Cette pratique pour le moins surprenante montre que vous bénéficiez d'un élément de rémunération en nature de cette société, non déclaré selon vos dires.

Par ailleurs, vous n'avez pas été en mesure d'apporter toutes les justifications économiques des flux importants enregistrés sur votre compte BNP Paribas en relation avec plusieurs banques.

Votre manque de transparence et l'insuffisance de vos explications posent la aussi un problème majeur à l'égard, de surcroit, des responsabilités importantes que vous occupez et de celles qui devaient vous être confiées en tant que Directeur de territoire.

En effet, l'exercice de ces postes de Directeur d'entité et de Directeur de territoire, suppose, dans le métier de banquier, une loyauté sans faille et un devoir d'exemplarité dans son comportement.

Enfin, il a été constaté que vous aviez consulté via les outils professionnels et à 4 reprises, vos comptes ainsi que différents comptes de collaborateurs BNP Paribas sans aucun lien avec votre activité commerciale. Ce faisant, vous n'avez pas respecté les instructions internes relatives à la consultation des comptes.

Vous avez indiqué que vous ne vous en souveniez pas, ce qui est particulièrement surprenant : à titre d'exemple, vous avez consulté les données relatives à l'ex responsable ressources humaines de la Région Rhône-Alpes Auvergne.

Compte tenu de ce qui précède, nous nous trouvons dans l'obligation de mettre un terme à votre collaboration.

(...)'.

Le 9 mai 2015, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nice en sollicitant la nullité du licenciement et le paiement de diverses sommes.

Par jugement rendu le 8 octobre 2020, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

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La cour est saisie de l'appel formé le 29 octobre 2020 par le salarié.

Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 20 juillet 2023 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:

PRONONCER la nullité du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nice en date du 8 octobre 2020.

INFIRMER ledit jugement.

DIRE et JUGER nul le licenciement de Monsieur [L] [F].

CONDAMNER la BNP Paribas à payer à Monsieur [L] [F] les sommes suivantes :

- indemnité de licenciement : 60 905.10 €

- indemnité compensatrice de préavis : 25 923.69 €

- indemnité de congés payés sur préavis : 2 592.37 €

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 311 076 €

- dommages-intérêts du fait des circonstances vexatoires du licenciement : 20 000 €

- attribution au titre du plan d'intéressement GSIS 2016 : 3 000 €

- dommages-intérêts pour violation du droit au repos : 15 000 €

- dommages-intérêts pour violation de la vie privée : 20 000 €

- indemnité pour travail dissimulé : 51 847.38 €.

CONDAMNER la BNP Paribas à rembourser à Pôle Emploi les allocations perçues par Monsieur [L] [F],

DÉBOUTER la BNP Paribas de ses prétentions.

CONDAMNER la BNP Paribas à payer à Monsieur [L] [F] la somme de 6.000 € titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 8 mars 2022 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nice du 8 octobre 2020,

En conséquence

Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] est parfaitement fondé et régulier,

Débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner Monsieur [F] à verser à la SA BNP Paribas la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Monsieur [F] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 août 2023.

MOTIFS

1 - Sur la nullité du jugement

La nullité du jugement peut être prononcée en cas d'excès de pouvoir et d'atteinte aux droits fondamentaux.

En l'espèce, force est de constater que le salarié n'articule aucun moyen à l'appui de sa demande de nullité du jugement qui est donc rejetée.

2 - Sur le licenciement nul

Un licenciement ne peut être annulé que si la loi le prévoit expressément ou en cas de violation d'une liberté fondamentale.

La violation d'une liberté fondamentale ne peut pas être imputée à l'employeur lorsque ce dernier notifie un licenciement fondé sur des motifs tirés de la vie privée du salarié.

Le motif tiré de la vie personnelle du salarié justifie un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

En l'espèce, le salarié fait valoir au soutien de sa demande de nullité du licenciement que la société a délibérément violé sa vie privée d'une part en consultant sans motifs ses comptes personnels, et d'autre part en invoquant à son encontre une activité qui est légale, outre l'usage à titre privé d'une marque de véhicule et des flux entre ses comptes bancaires personnels.

La cour dit que le salarié énonce un moyen qui n'est pas de nature à fonder sa demande de nullité du licenciement dès lors qu'il se prévaut d'une atteinte à sa vie privée.

En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de licenciement nul et en ce qu'il a rejeté les demandes financières au titre d'un licenciement nul.

Et il convient de constater que pour le cas où la demande de licenciement nul serait rejetée, le salarié n'a présenté aucune demande tendant à voir juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que:

- le dispositif des écritures du salarié se borne à énoncer une demande de licenciement nul sans qu'elle soit qualifiée de demande principale assortie d'une demande subsidiaire de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse énoncée au dispositif des écritures du salarié est entachée d'une erreur purement matérielle en ce qu'elle s'analyse en réalité en une demande de dommages et intérêts pour licenciement nul; en effet, il ressort de l'analyse de la discussion desdites écritures, dans sa partie dédiée à cette réclamation, que le salarié a entendu voir écartée l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L.1235-3 dite 'barème Macron' au profit de l'indemnisation pour licenciement nul prévue par l'article L.1235-3-1 (improprement désigné 'article L.1235-3' par le conseil du salarié) en cas de violation d'une liberté fondamentale.

En conséquence, la cour n'est saisie d'aucune demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur laquelle elle n'a donc pas à statuer.

3 - Sur le préjudice distinct

Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le salarié est en droit d'obtenir réparation du préjudice résultant du comportement fautif de l'employeur dans les circonstances entourant la rupture, distinct de celui résultant de la perte de son emploi.

En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande de dommages et intérêts que son licenciement est vexatoire en ce qu'il a toujours consciencieusement rempli ses fonctions.

La cour ne peut que constater que le salarié ne se prévaut d'aucune circonstance entourant la rupture qui caractériserait un comportement fautif de la société.

En conséquence, la cour dit que la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

4 - Sur la prime GSIS 2016

Une prime non contractualisée est un élément du salaire normal et permanent qui est obligatoire pour l'employeur lorsqu'elle est établie:

- soit par un usage, c'est-à-dire que son versement revêt au sein de l'entreprise un caractère de généralité, de fixité et de constance, que ce soit dans le montant ou dans le mode de calcul (le critère de généralité est rempli lorsque l'avantage est versé à l'unique représentant d'une catégorie de personnel);

- soit par un engagement unilatéral de l'employeur résultant d'une décision qui précise les conditions de versement de la prime, peu importe son caractère variable.

L'usage et l'engagement unilatéral de l'employeur doivent être dénoncés par employeur lorsque celui-ci veut y mettre fin et donc cesser de verser la prime, cette dénonciation s'opérant par une information adressée aux institutions représentatives du personnel d'une part et au salarié de manière individuelle d'autre part. A défaut d'accomplir ces formalités, l'employeur reste tenu de respecter ses engagements.

En-dehors des cas d'usage et d'engagement unilatéral, la prime non contractualisée peut cesser d'être versée à tout moment par l'employeur sans aucune formalité. Il s'agit alors d'une gratification bénévole à la discrétion de l'employeur.

En l'espèce, le salarié sollicite le paiement d'une prime au titre du plan d'intéressement GSIS 2016.

La société s'oppose à la demande en soutenant que le salarié n'a pas droit à la prime sollicitée en ce qu'il a quitté les effectifs de l'entreprise avant la date du versement.

La cour relève après analyse des pièces du dossier que la prime en cause est non contractualisée dès lors que c'est par courrier du 1er avril 2016 que la société a informé le salarié qu'il était éligible à une prime d'un montant de 3 000 euros au titre du plan d'intéressement GSIS 2016 payable au 30 juin 2019, date d'échéance du plan.

En outre, cette prime résulte d'un engagement unilatéral de la société.

Or, force est de constater que la société n'a pas dénoncé son engagement unilatéral dès lors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cet employeur a informé les institutions représentatives du personnel et le salarié qu'il renonçait au versement de la prime en cause.

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que la société est tenue au versement de la prime au titre de son engagement unilatéral.

En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre de la prime GSIS 2016.

5 - Sur la durée du temps de travail

Il résulte des articles L.3121-43 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige compte tenu de la date de conclusion de la convention de forfait, que les salariés qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure pour la durée de leur travail une convention individuelle de forfait en jours sur l'année prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Plus précisément, les dispositions de l'article L.3121-46 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoient qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année; que cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

La méconnaissance des dispositions précitées rend la convention individuelle de forfait inopposable au salarié à qui le régime des heures supplémentaires est alors applicable.

Il résulte de l'article L.3121-34 que la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures.

En vertu de l'article L.3131-1, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives.

L'article L.3121-35 du code du travail prévoit que la durée du travail hebdomadaire ne peut pas dépasser 48 heures.

Selon les articles L. 3132-1 et L. 3132-2, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, et le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives.

En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande de dommages et intérêts que la société a méconnu les règles applicables:

- au forfait en jours en ce qu'aucun entretien n'a été organisé et que la société s'est abstenue de faire un suivi de sa charge de travail;

- au repos quotidien, au repos hebdomadaire, au droit à la déconnexion, au respect de sa vie familiale et au droit aux heures supplémentaires.

Il ajoute que ces manquements ont détérioré sa santé.

La société s'oppose à la demande en soutenant que le temps de travail du salarié a fait l'objet d'un suivi régulier et que le salarié a régulièrement pris les jours de repos et les congés payés auxquels il avait droit.

La cour dit d'abord que les manquements tirés de la méconnaissance du droit au repos quotidien, au repos hebdomadaire et au droit à la déconnexion ne sont pas établis dès lors que le salarié se borne à se prévaloir d'un non-respect en termes généraux et qu'il n'énonce aucune donnée factuelle ni aucun exemple précis. Or, de son côté, la société verse aux débats en pièce n°31 un récapitulatif des jours de congés, des jours de RTT du salarié de 2014 à 2018 que le salarié n'a d'ailleurs pas discuté dans ses écritures.

Sur le manquement tiré de la méconnaissance des règles applicable au temps de travail soumis à un forfait en jours, du droit à la déconnexion, du droit au respect de sa vie familiale et du droit aux heures supplémentaires, la cour dit d'abord que la société ne justifie par aucun élément qu'elle a organisé chaque année avec le salarié un entretien portant sur sa charge de travail, l'organisation de son travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération, ce dont il résulte que le manquement est établi.

Pour autant, la cour relève que le salarié:

- ne demande pas à la cour de juger que la convention de forfait lui est inopposable;

- ne demande pas plus le paiement d'heures supplémentaires;

- n'énonce aucune donnée factuelle s'agissant du droit à la déconnexion et au respect de sa vie familiale;

- ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier que la pathologie dont il souffre, et dont il n'y a pas lieu de discuter la réalité au vu des pièces médicales produites, résulterait de manière directe et certaine de la méconnaissance des règles du forfait en jours, du droit à la déconnexion, du droit au respect de sa vie familiale et du droit aux heures supplémentaires.

Il y a donc lieu de dire que n'est pas rapportée la preuve d'un préjudice né du manquement tiré de méconnaissance des règles du forfait jours, du droit à la déconnexion, du droit au respect de sa vie familiale et du droit aux heures supplémentaires.

En conséquence, la cour dit que la demande à titre de dommages et intérêts n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

6 - Sur le travail dissimulé

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

- de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche,

- de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli,

- de se soustraire intentionnellement à l'obligation de délivrer un bulletin de paie,

- de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande au titre d'un travail dissimulé:

- qu'il a réalisé des heures supplémentaires qui ont été masquées par le dispositif du forfait en jours;

- que l'avantage en nature constitué par un logement de fonction n'a pas été mentionné dans les bulletins de paie.

La cour relève d'abord que dans l'énoncé de sa demande en page 32, le salarié n'explique pas dans quelle mesure il a été amené à accomplir des heures supplémentaires, étant précisé qu'il était soumis à un forfait en jours dont il ne demande pas à la cour de remettre ici en cause la validité, et qu'il était donc non éligible à des heures supplémentaires, et qu'au surplus aucune demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires n'est présentée.

Ensuite, il est constant que le salarié a disposé d'un logement de fonction pour lequel il s'est acquitté d'une redevance.

Mais force est de constater que le salarié allègue sans le justifier par aucune pièce que cet appartement de fonction constitue un avantage en nature dès lors qu'il se borne à indiquer à la cour que le montant de la redevance est 'manifestement' inférieure à la valeur locative du bien.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'élément matériel du travail dissimulé n'est pas établi.

En conséquence, la cour dit que la demande d'indemnité pour travail dissimulé n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

7 - Sur le droit à la vie privée

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En l'espèce, le salarié fait valoir à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts que son employeur a surveillé les flux de son compte bancaire, la marque de sa voiture et ses activités personnelles, dans le but de trouver des éléments susceptibles de justifier son licenciement.

La cour dit qu'en supposant que le comportement fautif allégué est établi, il y a lieu de constater que le salarié ne verse aux débats aucun élément susceptible de justifier de la réalité du préjudice moral allégué.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

8 - Sur les demandes accessoires

La société est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

REJETTE la demande de nullité du jugement,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a:

- rejeté la demande de paiement de la prime GSIS 2016,

- condamné M. [F] aux dépens,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société BNP Paribas à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros au titre de la prime GSIS 2016,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

CONDAMNE la société BNP Paribas aux dépens,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

Y AJOUTANT,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel,

CONDAMNE la société BNP Paribas aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT