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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 23 août 2023, n° 22/00991

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 22/00991

23 août 2023

MINUTE N° 376/23

Copie exécutoire à

- Me Dominique HARNIST

- Me Raphaël REINS

Le 23.08.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 23 Août 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/00991 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZGW

Décision déférée à la Cour : 09 Février 2022 par le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A. BNP PARIBAS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me PAULHAC, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.C.I. PHOTIMMO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me VIOLIN, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 9 février 2022,

Vu la déclaration d'appel de la SA BNP Paribas effectuée le 9 mars 2022 par voie électronique,

Vu la constitution d'intimée de la SCI Photimmo effectuée le 23 mars 2022 par voie électronique,

Vu les dernières conclusions de la SA BNP Paribas du 20 février 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de la SCI Photimmo du 17 décembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 12 avril 2023,

Vu l'audience du 22 mai 2023 à laquelle l'affaire a été appelée,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par acte du 19 mai 2008, la SCI Photimmo a donné à bail à la société BNP Paribas des locaux à usage commercial situés [Adresse 1] à [Localité 4].

A son échéance contractuelle de 9 ans, le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.

Le 31 mai 2017, la société BNP Paribas a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2017.

Le 30 août 2017, la SCI Photimmo a accepté le principe du renouvellement du bail, à condition qu'en sus du loyer et des charges contractuelles, le preneur s'acquitte du règlement des taxes foncières, comprenant la taxe d'ordures ménagères, qui pour 2016 s'élevait à la somme de 6 451 euros, frais de gestion de la fiscalité directe locale en sus.

Par lettre du 22 mai 2019, la société BNP Paribas a notifié son mémoire préalable, demandant la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2017 à la somme de 28 000 euros par an en principal, hors charges et hors taxes, puis, aucun accord n'étant intervenu, elle a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Par jugement du 14 octobre 2020, une expertise a été ordonnée.

L'expert a déposé son rapport le 29 juillet 2021.

Par jugement du 9 février 2022, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- débouté la SCI Photimmo de sa demande de reconnaissance des lieux en locaux monovalents,

- fixé le loyer renouvelé au 1er juillet 2017 à la somme de 58 804,37 euros hors charges et hors taxes,

- condamné la SA BNP Paribas aux dépens et à payer à la SCI Photimmo la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

1°) Sur la recevabilité de l'appel principal :

La SCI Photimmo demande à la cour de déclarer l'appel principal irrecevable, mais ne présente aucune fin de non-recevoir contre cet appel, qui est recevable.

2°) Sur les chefs non critiqués du jugement :

La cour constate qu'aucune des parties ne demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Photimmo de sa demande de reconnaissance des lieux en locaux monovalents, qui sera dès lors confirmé de ce chef.

3°) Sur certaines des demandes de la SCI Photimmo :

La SCI Photimmo demande, dans le dispositif de ses conclusions, à la cour, sur l'appel principal, de confirmer le jugement en 'ce qu'il a fixé le montant du loyer commercial dû au 1er juillet 2017 à la somme de 63 811,20 euros', et sur son appel incident, de confirmer 'l'application du loyer contractuel, soit 63 168 euros HT et hors charges par an au 1er juillet 2017, du fait de la clause du bail de localisation des locaux dans un centre commercial'.

Or, comme le soutient la société BNP Paribas, le jugement n'a pas fixé le montant du loyer à une telle somme, ni statué ainsi.

En outre, la SCI Photimmo demande à la cour, à défaut de confirmation sur son appel incident, de 'maintenir le loyer des locaux loués au loyer contractuel, soit à la somme annuelle de 63 178 euros HT arrêtée au 1er juillet 2017'.

Mais, elle ne forme aucune demande d'infirmation.

Comme le soutient la société BNP Paribas, la saisine de la cour est, par l'effet dévolutif, limitée à la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2017, à l'exclusion de toute demande de maintien.

4°) Sur le chef du jugement fixant le loyer renouvelé au 1er juillet 2017 à la somme de 58 804,37 euros hors charges et hors taxes :

La société BNP Paribas demande à la cour d'infirmer ce chef de dispositif, et, statuant à nouveau, de :

- juger que le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2017 doit être fixé à la valeur locative,

- fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2017 à la somme annuelle en principal de 22 690 euros HT et HC,

- juger que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal, de plein droit à compter de chaque échéance, et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du même code),

- condamner la SCI Photimmo à payer à la société BNP Paribas la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Photimmo aux dépens de première instance, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire,

Très subsidiairement :

- juger que faute pour la bailleresse de rapporter la preuve d'un facteur de déplafonnement, si la valeur locative s'avérait supérieure, ne saurait excéder le montant du loyer plafond, calculé conformément aux prévisions de l'article L.145-34 du code de commerce, soit la somme annuelle de 62 272 euros HT et HC au 1er juillet 2017

En toute hypothèse,

- débouter la SCI Photimmo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la SCI Photimmo à payer à la société BNP Paribas la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles au titre de la procédure d'appel par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

En soutenant, en substance, que :

- les locaux sont compris dans un ensemble immobilier démodé, en marge de quartiers à plus fort potentiel commercial, et qui ne peut recevoir la qualification de centre commercial,

- les parties ont manifesté leur volonté de soumettre la fixation du loyer du bail renouvelé aux dispositions de l'article L.145-34 du code de commerce, de sorte que le loyer doit être fixé à la valeur locative, dès lors qu'elle est inférieure au loyer contractuel de 63 178,48 euros, et sous réserve du droit de la preneuse de revendiquer le plafonnement dans l'hypothèse où la valeur locative serait fixée à un montant supérieur au montant plafonné ; selon l'article L.145-33 du code de commerce, le loyer de renouvellement ne peut excéder la valeur locative,

- le bailleur soutient qu'il convient de vérifier si les facteurs locaux de commercialité se sont dégradés, alors qu'il ajoute à la loi ; il ne s'agit pas de savoir s'il existe ou non une modification des facteurs locaux de commercialité, car le preneur n'a pas à rapporter la preuve d'un motif de déplafonnement visé aux 1° à 4° de l'article L.145-33 du code de commerce lorsqu'il s'agit de prétendre, comme en l'espèce, à une valeur locative inférieure au loyer contractuel ou inférieure au montant du loyer plafonné ; dans ce cas, la valeur locative s'applique obligatoirement,

- sur la pondération de la surface louée : alors que l'expert a procédé, à juste titre, à un découpage des locaux par zone, ce qui est conforme à la Charte de l'expertise en évaluation immobilière, et ce qui correspondait à une demande des deux parties, le juge a fait abstraction du découpage par zone, et parvient à une surface pondérée de 187,68 m2 B, qui excède celle revendiquée par le bailleur de 163,99 m2 B ; le juge a statué ultra petita en retenant une surface supérieure à 163,99 m2 B ; la société Photimmo ne peut indiquer devant la cour qu'elle acquiesce à l'évaluation de 187,68 m2 B ;

- cette surface de 187,68 m2 est excessive, car les agences bancaires situées en pied d'immeuble qualifiées de 'bureaux boutiques' doivent faire l'objet d'une pondération, puisqu'à défaut, aucune comparaison avec les éléments de référence, qui eux-mêmes ont fait l'objet d'une pondération, n'est possible,

- les coefficients suivants sont demandés, ce qui conduit à un total de 133 m2 B : 0,30 pour la mezzanine, qui a une faible hauteur sous plafond, au lieu du coefficient 0,40 ; 0,20 pour les annexes diverses reliées comme il a été retenu ; 0,15 pour le sous-sol au lieu de 0,20 ; S'agissant du rez-de-chaussée : un coefficient de 1 pour la première zone de 26,87 m2 ; 0,80 pour la deuxième zone de 47,67 m2 réels dans laquelle se trouve l'accueil imposant aux clients de franchir l'espace libre-service avant d'y accéder, outre une zone manquant de lumière naturelle, étant rappelé que la bailleresse a accepté le coefficient de 0,90 retenu par l'expert ; 0,40 pour la troisième zone de 49,88 m2, les bureaux au fond ne bénéficiant quasiment pas de lumière naturelle, étant rappelé que la bailleresse a accepté le coefficient de 0,50 retenu par l'expert ; 0,20 pour les annexes diverses au lieu de 0,30.

- sur la valeur locative et les éléments de comparaison : pour déterminer la valeur locative actuelle à 342,03 euros/m2 B, l'expert a retenu une moyenne, affectée de coefficients d'ajustement, de trois prix de marché et d'un renouvellement amiable, soit aucun prix fixé judiciairement, alors que le prix issu de nouvelles locations et de renouvellement amiable est plus élevé qu'un prix fixé judiciairement ; la méthode de la moyenne est contestable en soi, et d'autant plus lorsque les superficies ne sont pas comparables et lorsque l'écart de valeurs est important ; l'application de coefficients d'ajustement est peu compatible avec les règles de détermination de la valeur locative ; les éléments postérieurs à la date d'effet du bail renouvelé, en l'espèce le 1er juillet 2017, ne peuvent être pris en compte, c'est-à-dire la référence 1, et cette règle prohibe la recherche de la valeur locative actuelle, pour ensuite reconstituer la valeur locative au 1er juillet 2017, a fortiori en prenant en compte, de manière rétroactive, les indices ILC, ce qui revient à opérer un plafonnement, ce qui est contraire aux dispositions de l'article L.145-33 du code de commerce ; en outre, le prix de 340 euros correspond à un prix à la date de la réalisation du rapport d'expertise en 2021, l'expert précisant que le prix de 327 euros correspond à la valeur locative au 1er juillet 2017 ; les éléments de référence recensés par l'expert qu'elle a missionné, M. [M] n'ont pas été pris en compte ;

- le prix unitaire au 1er juillet 2017 ne peut excéder 245 euros/m2 B, soit pour une surface pondérée de 133 m2 B, une valeur annuelle de 32 585 euros HT et HC

- sur les facteurs de minoration de la valeur locative : en application de l'article R.145-8 du code de commerce, l'existence de clauses exorbitantes du droit commun justifie une minoration de la valeur locative ;

- l'accession au profit du bailleur des travaux réalisés par le locataire interviendra au départ du locataire, de sorte qu'il convient de faire abstraction des travaux pour apprécier la valeur locative, ce qui justifie un abattement de 10 %, et ce même si la clause est habituelle ;

- le bail transfère au preneur les travaux de mise en conformité prescrits par l'administration, justifiant un abattement de 5 %, étant précisé qu'il ne s'agit pas d'une clause habituelle et surtout qu'elle est exorbitante du droit commun,

- le bail transfère au preneur la charge de l'impôt foncier, ce qui correspond à une clause exorbitante du droit commun, justifiant une minoration par déduction au réel, soit 5 006,83 euros HT en 2017

- après abattement et déduction au réel, le loyer de renouvellement ne peut excéder, au 1er juillet 2017, la somme de 22 690 euros HT et HC

- à titre subsidiaire, si la valeur locative s'avérait supérieure à ses revendications, le montant du loyer de renouvellement ne peut excéder le montant du loyer plafond résultant du calcul de la variation indiciaire intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, faute pour la bailleresse de se prévaloir d'un facteur de déplafonnement lui permettant d'obtenir une fixation du loyer à la valeur locative, à la hausse, soit 62 272 euros.

La SCI Photimmo demande de rejeter et débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en soutenant, en substance que :

- les locaux loués sont situés dans un centre commercial à l'ancienne ; en se fondant sur la désignation contractuelle de la localisation des locaux loués dans un centre commercial, et l'application de la pondération alors applicable, on arrive à 263,51 m2 pondérés, soit, en maintenant le prix fixé par le tribunal, une somme supérieure au loyer contractuel, de sorte qu'on peut confirmer l'application du loyer contractuel ; c'est en ce sens qu'en cas d'infirmation de la décision par la cour, la bailleresse conclut, sur appel incident, au maintien du loyer contractuel de 63 178 euros par an,

- sur la pondération des surfaces : elle conteste avoir demandé de retenir une surface pondérée de 163,99 m2 et soutient avoir toujours demandé, à titre principal, l'application du loyer contractuel, et, subsidiairement, l'application d'une surface pondérée recalculée par elle ; le juge n'a pas statué ultra petita et était libre d'apprécier ; elle acquiesce à la surface pondérée retenue par le juge de 187,68 m2,

- à titre subsidiaire, elle accepte les pondérations appliquées par l'expert, sauf pour la surface figurant au 1er étage intitulée 'zone de vente (hors effet bandeau) 60,06 m2' pour lequel elle demande l'application d'un coefficient de 0,50 au lieu de 0,35, s'agissant de bureaux dont certains sont partiellement éclairés par la vitrine, et sont similaires à la 3ème zone de vente du rez-de-chaussée ; la surface pondérée serait alors de 163,99 m2.

- sur la valeur locative : les critiques contre le rapport d'expertise ne sont pas justifiées ; la référence 2 est un local d'une surface relativement similaire, mais le commerce est totalement différent ; pour rester dans la norme et dans des locaux comparables, il paraît plus logique de prendre en compte la moyenne arithmétique, soit 397,78 euros par m2 par an, se référant, en outre au loyer d'un autre établissement bancaire situé à proximité.

- la description des facteurs de commercialité figure dans la mission de l'expert et elle doit servir à la fixation de la valeur locative ; le preneur part d'un postulat erroné selon lequel la valeur locative serait inférieure au loyer plafonné, le premier juge ayant retenu un loyer supérieur au loyer plafonné ; selon R.145-6 du code de commerce, il faut vérifier si les facteurs de commercialité étaient dégradés, ce qui n'est pas le cas, pour justifier la baisse du loyer contractuel,

Sur ce,

Il convient, tout d'abord, de rappeler qu'aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, 'le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2° La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage (...)'.

L'article R. 145-3 du code précité dispose que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Il résulte encore des articles suivants, et en particulier de l'article R. 145-7 dudit code, que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, ainsi que des éléments extrinsèques susceptibles d'affecter les caractéristiques propres du local, ou encore la destination des lieux telle que résultant du bail et de ses avenants. À défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Selon l'article R. 145-8 du code précité, les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 145-34 du même code que le loyer du bail renouvelé est, en principe, plafonné à la variation de l'indice du coût de la construction ou de l'indice des loyers commerciaux, le cas échéant s'il a été choisi par les parties, sauf modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 précité.

En l'espèce, il convient, d'abord, de constater que les locaux loués sont situés dans un centre commercial, et qu'en tout état de cause, les parties l'ont contractuellement prévu ainsi, puisque le contrat de bail indique porter sur des locaux à usage de commerce, compris dans un ensemble immobilier dépendant du centre Commercial L'Horizon.

S'agissant de la surface pondérée des locaux, l'expert judiciaire a émis l'avis de pondérer les surfaces selon différentes zones pour chacun des niveaux du local, en indiquant la méthode de référence utilisée et en répondant de manière précise et suffisamment circonstanciée aux dires des parties.

Sur le principe de la pondération, le bailleur ne présente aucun moyen permettant d'écarter l'application du principe, énoncé par l'expert notamment pour les centres commerciaux, d'une pondération des surfaces en fonction de leur intérêt. D'ailleurs, pour s'opposer à une pondération à la baisse, le bailleur indique lui-même, et de manière contradictoire, que 'si on excepte les magasins situés dans les centres commerciaux (...), les surfaces de vente au rez-de-chaussée (sauf annexes) doivent toutes être évaluées au coefficient 1.', et ce alors pourtant qu'il soutient que le local est situé dans un centre commercial.

Les observations des parties sur la configuration, l'usage et l'intérêt des différentes zones du local, ainsi que le rapport de M. [M], qui indique seulement les coefficients qu'il retient 'conformément à la Charte (de l'expertise en évaluation immobilière)', mais sans explication sur son avis, ne permettent pas de remettre en cause l'avis précis et pertinent de l'expert sur les divers coefficients proposés et qui permettent de tenir compte des particularités des différentes zones du local.

S'agissant en particulier de la mezzanine de vente (hors effet bandeau), l'expert a justement appliqué un coefficient de 0,35, ce qui correspond à la moyenne des coefficients de la méthode sur laquelle il s'est appuyé, la cour relevant que le rapport de M. [M] indique 'conformément à la Charte (de l'expertise en évaluation immobilière), nous avons retenu la pondération suivante : (...) la mezzanine (palier et bureaux) à 0,3', mais sans préciser la raison pour laquelle il a retenu ce coefficient, et que le bailleur ne justifie pas que puisse être retenu le même coefficient de 0,50 que celui retenu pour la troisième zone de vente, dès lors que les zones ne sont pas similaires, la mezzanine étant située au niveau supérieur.

La surface pondérée du local sera dès lors retenue à hauteur de 154,99 m2 P.

S'agissant de la valeur locative de référence, l'expert a mentionné dans son rapport diverses références de loyer actuel, hors charges et hors taxes, pondéré par m2, pour des locaux voisins, de surfaces et pour des activités différentes de celle du local de l'espèce, et précisé qu'ils s'échelonnent entre 190,43 et 538,32 euros/m2 P/an, soit une moyenne de 397,78 euros/m2 P/an.

Il résulte des fiches jointes au rapport d'expertise que les références 1 et 4 sont relatives à des baux renouvelés, dont l'un renouvelé en 2019, et les références 2 et 3 à des nouveaux baux.

L'expert a considéré que la référence 2 (190,43 euros/m2 P/an) est particulièrement pertinente, dans la mesure où elle jouxte le local avec des surfaces et une configuration assez voisine. Toutefois, il a expliqué qu'il s'agit d'un loyer qui avait été négocié de façon à sécuriser la pérennité de l'enseigne. Il a aussi pris en considération les références 1 et 3, qui ont des surfaces moindres que celle du local loué, ainsi que la référence 4 qui a une surface supérieure. Il a retenu le loyer de la boulangerie située à proximité avec un coefficient 1, et affecté les autres loyers d'un coefficient, majoré pour la référence 2, est justifié eu égard aux circonstances précitées, et minoré pour les autres références. Ces loyers affectés de ces coefficients s'échelonnent entre 209,48 euros et 538,32 euros m2 P/an, et leur moyenne s'élève à 342,03 euros m2 P/an. Retenant une telle valeur, il a considéré que la valeur locative actuelle s'élève à 53 000 euros. Ayant ensuite rappelé qu'il lui est demandé de rechercher la valeur locative au 1er juillet 2017, il a reconstitué la valeur locative à cette date en lui appliquant la variation de l'indice ILC entre le 3ème trimestre 2017 et le 3ème trimestre 2020, et propose ainsi une valeur locative au 1er juillet 2017 de 50 700 euros.

De leur côté, les parties ne produisent pas de références pertinentes. Les éléments de référence relevés par M. [M] ne sont pas situés dans le voisinage, comme l'indique d'ailleurs l'expert judiciaire en réponse à un dire, et la référence d'un loyer payé par une agence bancaire située à proximité, citée par le bailleur, n'est pas justifiée, aucune pièce n'étant produite à cet égard.

Dès lors, bien que la méthode suivie par l'expert ne soit pas exempte de toute critique, il convient de tenir compte, en l'absence d'autres éléments pertinents, des références trouvées par l'expert judiciaire, puis d'évaluer la valeur locative au 1er juillet 2017 du local de l'espèce à 340 euros m2 P/an.

S'agissant des clauses particulières du bail :

Le contrat de bail prévoit une clause d'accession qui prévoit que, lors de la sortie du locataire, tous les travaux, embellissements, améliorations, installations et constructions faits par le locataire deviendront par accession la propriété du bailleur sans indemnité.

La société BNP Paribas invoque les travaux réalisés pour rendre les locaux conformes à leur destination d'agence bancaire et qui était précédemment exploités par l'enseigne Phox (photo-vidéo numérique) et soutient qu'il convient de déterminer la valeur locative sans prendre en compte lesdits travaux, ce qui justifie un abattement de 10 %.

Cependant, il convient de préciser que la cour a fixé la valeur locative précitée sans tenir compte des travaux effectués par le preneur. Il n'y a donc pas lieu à pratiquer un abattement.

D'autre part, il n'est pas contesté que comme l'invoque le preneur, le contrat transfère au preneur les travaux de mise en conformité prescrits par l'administration. Une telle clause exorbitante du droit commun justifie l'application d'un abattement de 5 %.

Enfin, il convient de déduire du montant du loyer le montant de la taxe foncière, que doit supporter le preneur selon le contrat de bail, soit la somme de 5 006,83 euros correspondant au montant de la taxe payée en 2017.

S'agissant des autres critères à prendre en compte, et notamment les facteurs locaux de commercialité, l'expert indique, sans que cela soit contesté, qu'ils n'ont pas été modifiés au cours du bail expiré.

Il convient de rappeler que le bail renouvelé étant un nouveau bail, la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative, lorsque celle-ci est inférieure au loyer en cours, n'est pas subordonnée, à la différence de la fixation du loyer révisé, à la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité (3ème Civ., 6 mai 2021, pourvoi n° 20-15.179).

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que le montant annuel du loyer du bail au 1er juillet 2017 s'élève à la somme de :

154,99 m2 P x 340 euros /m² P = 52 696,60 euros

- abattement de 5 % = 2 634,83 euros

- 5 006,83 euros

= 45 054,94 euros HT et HC.

Les parties conviennent que le loyer en cours au moment du renouvellement s'élevait à 63 178 euros.

Dès lors que la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafond résultant du calcul de la variation indiciaire, il convient d'appliquer la valeur locative.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé au 1er juillet 2017 à la somme de 58 804,37 euros hors charges et hors taxes et, statuant à nouveau, de fixer le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2017 à la somme annuelle de 45 054,94 euros hors taxes et hors charges.

En outre, il convient de faire droit à la demande du preneur et de dire que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal, de plein droit à compter de chaque échéance, et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du même code).

5°) Sur les frais et dépens :

Il résulte de ce qui précède qu'il convient de condamner la SCI Photimmo à supporter les dépens de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef, et d'appel.

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a statué sur l'article 700 du code de procédure civile. La SCI Photimmo sera condamnée à payer à la SA BNP PARIBAS, au titre de ces dispositions, la somme de 1 500 euros pour la première instance, et la somme de 1 500 euros pour l'instance d'appel, tandis que ses demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevable l'appel de la SA BNP PARIBAS,

Confirme le jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg du 9 février 2022, mais seulement en ce qu'il déboute la SCI PHOTIMMO de sa demande de reconnaissance des lieux en locaux monovalents,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2017 à la somme annuelle de 45 054,94 euros hors taxes et hors charges,

Dit que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal, de plein droit à compter de chaque échéance, et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du même code),

Condamne la SCI PHOTIMMO à supporter les dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SCI PHOTIMMO à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

Condamne la SCI PHOTIMMO à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

Rejette les demandes de la SCI PHOTIMMO au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :