Décisions
CA Versailles, 4e ch. expropriations, 20 septembre 2023, n° 21/04219
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 SEPTEMBRE 2023
N° RG 21/04219 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTSH
AFFAIRE :
[Y] [T]
et autres
C/
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFI F)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2021 par le juge de l'expropriation de NANTERRE
RG n° : 19/00058
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Nicolas PILLON,
Me Frédéric LEVY
Mme [B] [D] (Commissaire du gouvernement) + les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [N] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [O] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [K] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [U] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
APPELANTS
****************
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Frédéric LEVY de la SELAS DS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T07
INTIMÉ
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Mme [B] [D], direction départementale des finances publiques.
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Michèle LAURET, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE
La SCI d'Orsel est propriétaire d'un ensemble immobilier composé d'un local commercial à usage de restaurant au rez-de-chaussée, en angle de l'avenue d'Argenteuil et de l'avenue des Chambards (113m²) et, accolé, d'un immeuble à usage d'habitation (93m²), le tout édifié sur la parcelle cadastrée F[Cadastre 2] d'une surface de 101m² situé [Adresse 3].
Un projet de requalification urbaine de l'avenue d'[Localité 10] a été engagé par la commune de [Localité 12] auprès l'Etablissement Public Foncier des Hauts-de-Seine (ci-après EPF 92) le 31 juillet 2013, aux droits duquel est venu l'Etablissement Public Foncier d'Ile-de-France (ci-après EPFIF).
La commune de [Localité 12] a chargé l'EPF 92 des acquisitions foncières et des travaux nécessaires à la revente des biens acquis par convention-cadre du 1er septembre 2007 et renouvelée en 2013.
Le projet de requalification urbaine de l'avenue d'[Localité 10] à [Localité 12] a été déclarée d'utilité publique au profit de l'EPF 92 suivant arrêté préfectoral du 25 mai 2011.
Par arrêté du 24 septembre 2018, le Préfet des Hauts-de-Seine a déclaré immédiatement cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet au profit de l'EPFIF.
Le transfert de propriété du bien au profit de l'EPFIF a été prononcé suivant ordonnance du 10 décembre 2018.
A défaut d'accord intervenu entre les parties, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation par requête du 7 octobre 2020 reçue au greffe le 10 octobre 2020 aux fins de fixation de l'indemnité de dépossession.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
-Fixé à 975.380 euros, en valeur libre et terrain intégré, l'indemnité totale à revenir à la SCI D'ORSEL pour l'expropriation de son bien immobilier sis [Adresse 3]), sur une parcelle de 101 m² cadastrée F179, se décomposant comme suit:
*885.800 euros au titre de l''indemnité principale,
*89.580 euros indemnité de remploi,
-Surseoit à statuer sur la demande au titre de l'indemnité de déménagement dans l'attente de la production d'une facture et trois devis comparatifs,
-Rejeté le surplus des demandes,
-Condamné l'EPFIF à payer à la SCI D'ORSEL la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-Rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation.
La SCI d'Orsel, expropriée et les consorts [T] repris en entête de l'arrêt, intervenants volontaires ont interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 1er juillet 2021 à l'encontre de l'EPFIF.
Ils demandent à la cour, par conclusions reçues au greffe de la cour le 1er octobre 2021 notifiées à l'expropriant (AR non revenu) et au commissaire du gouvernement (AR non revenu), de :
- Juger recevable l'appel formé par la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL et les consorts [T],
- Infirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le Juge de l'expropriation du Tribunal judiciaire de NANTERRE (RG : 19/00058), en ce qu'il a :
* « Fix(é) à 975.380 euros, en valeur libre et terrain intégré, l'indemnité totale à revenir à la SCI D'ORSEL pour l'expropriation de son bien immobilier sis [Adresse 3]), sur une parcelle de 101 m2 cadastrée FI [Cadastre 8], se décomposant comme suit :
-885.800 euros au titre de l'indemnité principale,
-89.580 euros indemnité de remploi »
* « Surs(is) in statuer sur la demande au titre de l'indemnité de déménagement dans l'attente de la production d'une facture et trois devis comparatifs »
* « Rejet(é) le surplus des demandes »
- Et, statuant à nouveau,
1/
- Fixer à la somme de 1.179.500 € (hors droits) l'indemnité principale que l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF) doit payer à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » pour la dépossession de l'ensemble immobilier situé sur le territoire de la commune de [Adresse 3] (cadastré à la section F N°[Cadastre 2])
- Fixer à la somme de 118.950 € l'indemnité dc remploi due à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL »
- Juger que l'indemnité due à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » à titre de frais de déménagement sera déterminée par la production d'une facture et trois devis comparatifs
- Fixer l'indemnité due à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » pour la perte de ses loyers, à 3.000 € par mois HT HC, sur la période comprise entre la libération des lieux par le dernier locataire, soit, le 20 octobre 2018, et le paiement de l'indemnité de dépossession
2/
- Si l'indemnité principale de dépossession revenant à la SCI D'ORSEL concernant la partie à usage d'habitation devait être calculée sur la valeur d'un immeuble occupé, alors, juger que :
- Monsieur [Y] [T] et ses enfants, Madame [N] [T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T] bénéficient donc d'un droit de priorité :
- soit pour le relogement en qualité de locataires dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré ou dans un local dont le loyer n'excède pas celui d'un local construit en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré de même consistance,
- soit pour leur accession à la propriété au titre de la législation applicable en matière d'habitation à loyer modéré ainsi que pour l'octroi, le cas échéant, des prêts correspondants,
- ce droit de priorité s'exercera sur un local de type analogue situé dans la même commune ou dans une commune limitrophe,
- Juger que l'indemnité due à Monsieur [Y] [T] et ses enfants, Madame [N]
[T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T] à titre de frais de déménagement sera déterminée par la production d'une facture et trois devis comparatifs,
3/
- Fixer à la somme de 10.000 € l'indemnité due à Monsieur [Y] [T] et ses enfants, Madame [N] [T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T] à pour privation de jouissance et pour les préjudices matériels résultant d'un trouble apporté par l'expropriation aux conditions de vie,
4/
- Condamner l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF) à payer à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » une somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel
- Condamner l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF) aux dépens
L'EPFIF, expropriant, par conclusions reçues au greffe de la cour le 30 décembre 2021 notifiées à l'exproprié (AR signé le 4/01/22) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 4/01/22), demande à la cour de :
1/De dire et juger la SCI d'Orsel, appelante, ainsi que Monsieur [Y] [T], Madame [N] [T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T], intervenants volontaires, mal fondés en leur appel ;
En conséquence, de débouter ces derniers de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
2/De dire et juger l'EPFIF recevable et bien fondé en son appel incident partiel du jugement prononcé le 31 mai 2021 (RG n°19/00058) ;
En conséquence, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de fixer comme suit le montant de l'indemnité principale, de l'indemnité de remploi et de l'indemnité de déménagement consécutivement à l'expropriation de l'immeuble de rapport sis à [Adresse 3], édifié sur la parcelle cadastrée section F n°[Cadastre 2] :
Indemnité principale : (méthode globale-terrain intégré) :
206m² x 3.800 = 782.800 en valeur libre
Frais de remploi :
20% sur 5.000 euros = 1.000 euros
15% sur 10.000 euros = 1.500 euros
10% sur 767.800 euros= 76.780 euros
Total remploi : 79.280 euros
Frais de déménagement : 3.000 euros
3/De confirmer le jugement prononcé le 31 mai 2021 en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes tendant à l'allocation d'indemnités pour perte de loyers ainsi que pour privation de jouissance et troubles apportés aux conditions de vie.
Le commissaire du gouvernement, par conclusions reçues au greffe de la cour le 28 décembre 2021, notifiées à l'exproprié (AR signé le 7/01/22) et à l'expropriant (AR signé le 29/12/21), sollicite la fixation de l'indemnité principale à la somme de 891.000 euros et à la somme de 90.100 euros au titre des frais de remploi, soit un total de 981.100 euros.
Les appelants, par conclusions n°2 reçues au greffe le 1er juin 2023 et notifiées au commissaire du gouvernement (AR signé le 7 juin 2023) et à l'EPFIF (AR signé le 7 juin 2023) répondent à ce dernier, produisent les pièces nouvelles 11 à 14 et modifient comme suit leurs demandes :
- indemnité de dépossession principale : 1.218.281 €;
- indemnité de remploi : 122828 €;
- indemnité de déménagement : 17.000 €;
- indemnité pour perte de loyers : 150.000 €.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Conformément à l'article 954, alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions et n'examine les moyens que s'ils sont invoqués dans la discussion de celles-ci, à l'exclusion des 'dire et juger' et des 'constater' qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens au soutien de celles-ci.
1 - Sur la procédure
Les consorts [T] repris en entête de l'arrêt ne fondent ni en droit ni en fait leur demande tendant à la recevabilité de leur intervention volontaire. Elle ne peut donc être accueillie.
Vu l'article 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
La cour a sollicité à l'audience les observations des parties sur la recevabilité des conclusions n°2 précitées et des pièces nouvelles qui les accompagnent, au visa de cet article.
L'EPFIF a invoqué l'irrecevabilité des demandes nouvelles des appelants augmentant l'indemnité de dépossession et de leurs pièces nouvelles, à l'exception de la pièce 13, par note reçue au greffe le 26 juin 2023 par courrier et notifiée par lettres AR du 30 juin 2023 aux appelants et au commissaire du gouvernement.
L'appelante a admis l'irrecevabilité de ses demandes concernant l'indemnité de dépossession et l'indemnité de remploi mais soutenu la recevabilité de leurs autres demandes et celles de ses pièces, par note reçue au greffe les 26 et 28 juin 2023 et notifiée par courriers et lettres AR le 30 juin 2023 à l'EFIP et au commissaire du gouvernement. Elle sollicite un sursis à statuer sur l'indemnité de déménagement.
Le commissaire du gouvernement n'a pas répondu.
La cour retient ce qui suit.
Il est constant que le délai prévu à l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation s'applique non seulement au dépôt des conclusions, mais aussi à la production de documents et autres éléments de preuve, sauf à ce que leur production ait été rendue nécessaire par les écritures de l'intimé ou du commissaire du gouvernement ou que cette production n'ait pas été matériellement possible avant, pour une raison indépendante de la volonté de l'appelant.
Par suite, doivent être déclarées irrecevables les pièces nouvelles 9 à 12 et 14 de l' appelante, aucun élément en débat ne justifiant la production de ces compléments de pièce hors du délai de l'article en visa, ainsi que les demandes nouvelles en augmentation de celles formées dans leurs premières conclusions au titre de l'indemnité de dépossession principale et de l'indemnité de remploi, ainsi que celle relative à l'indemnité de déménagement, la précédente n'étant ni déterminée ni déterminable.
Quant à l'indemnité de déménagement, il n'y a pas lieu de sursoir à statuer jusqu'à production de devis et facture,l'appelante ne justifiant pas qu'elle n 'a pas eu le temps d'obtenir les devis nécessaires dans les délais de l'article en visa. Il sera toutefois, donné acte à l'EPFIF de son offre forfaitaire à hauteur de 3.000 euros.
En revanche, la demande chiffrée au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs est recevable, l'inconnue liée à la date de paiement de l'indemnité de dépossession, soit le 20 janvier 2023 (pièce 13 appelante), étant postérieure aux délais de l'appelante pour conclure une première fois.
Enfin, la déclaration d'appel de la SCI d'Orsel et le surplus des conclusions et pièces des parties sont recevables, ce qui n'est pas contesté.
2 - Sur l'indemnité de dépossession principale
L'appelante demande :
- une valeur unitaire de 6.000 €/m² pour la partie à usage d'habitation du bien exproprié, sur la base de 9 termes de comparaison relatifs à des biens à usage d'habitation à [Localité 11] ou [Adresse 3], soutenant que la partie de l'immeuble affecté à l'usage d'habitation n'est pas un immeuble de rapport
- et une valeur de 5.500 €/m² pour la partie à usage commercial du bien exproprié soit une indemnité principale de 621.500 € pour 113 m², sur la base de 17 termes de comparaison.
L'EPFIF fonde son appel incident sur le caractère excessif d'une valorisation à 4.300 €/m² du bien de rapport exproprié, au regard des 6 termes de comparaison qu'il propose, à Bois Colombes, dans un secteur proche, pour une moyenne de 3.194 €/m² en valeur libre ou 4.198 €/m² en valeur occupée, soit une valeur médiane de 3.800 €/m² et une indemnité de 782.800 euros pour 206 m2. Il conteste :
- pour le local commercial les 17 termes de comparaison adverses comme sans référence de publication ou sans pertinence quant à la surface ou l'état
- et pour la partie à usage d'habitation, les références de l'appelante quant à la nature sans comparaison possible des biens en cause, affectés à la seule habitation, à leur importance (surface, nombre de pièces) et à leur distance du bien exproprié.
Le commissaire du gouvernement propose une valeur unitaire de 4.324 €/m² soit une indemnité arrondie à 891.000 €/m², compte tenu du bon emplacement géographique, en bordure de route passante, du bien exproprié. Il se fonde sur 5 termes de comparaison d'immeuble de rapport à [Localité 12] qu'il n'explicite pas.
La cour retient ce qui suit.
Le jugement entrepris retient pertinemment une évaluation de l'ensemble du bien exproprié en valeur libre, les occupants de la partie habitation ne disposant d'aucun titre.
Il écarte exactement l'ensemble des termes de comparaison portant sur des biens à usage d'habitation uniquement, compte tenu de l'usage mixte, d'habitation et commercial, du bien exproprié. Ce d'autant qu'au vu des photos produites par l'expropriant, la plupart des références de biens à usage d'habitation de l'appelante portent sur des biens qui ne sont manifestement pas comparables ou sont loin du bien exproprié, sur une autre commune.
Il écarte également à bon droit les annonces, qui ne sont pas des transactions effectives, ce qui d'ailleurs n'est pas contesté en appel.
Le jugement entrepris retient ainsi une valeur unitaire de 4.300 €/m² sur la base des trois termes de comparaison du commissaire du gouvernement qu'il cite (arrêt p.10), que ni ce dernier ni l'appelante ne conteste et dont deux sont implicitement repris par l'expropriant (conclusions EPFIP p. 28).
Il convient d'y ajouter les 4 autres références en appel de l'expropriant , concernant des immeubles de rapport libres ou occupé (conclusions EPFIP p. 28), que l'appelante ne conteste pas utilement en se bornant à énoncer qu' 'elles ne sont pas pertinentes et concernent essentiellement des appartements (et non des maisons alors que la valeur des maisons est plus élevée', étant observé que le commissaire du gouvernement ne s'explique sur aucun des termes de comparaison adverses.
Il convient également d'y ajouter la première référence en appel de l'appelante, qui concerne la vente au prix unitaire de 3.774 euros, le 17 septembre 2020, d'un local commercial libre d'occupation comme le bien exproprié, de 61 m², situé [Adresse 1] et que l'expropriant ne critique pas utilement quant à son caractère plus récent, qu'une photo non datée ne suffit pas à établir.
Les 16 autres termes de comparaison de l'appelante comme le troisième terme de comparaison du commissaire du gouvernement doivent en revanche être écartés comme relatifs à une superfie non pertinente de moins de 60 m² ou de plus de 300 m² ou correspondant à un immeuble hausmannien manifestement non comparable, situé [Adresse 5], ainsi qu'en atteste la photo reproduite en page 23 des conclusions d'expropriant. Enfin, le premier terme de comparaison du commissaire du gouvernement ne peut être retenu, faute de commentaire pertinent suffisant à son sujet de la part de ce dernier, alors qu'aucune des parties ne reprend cette référence à son compte.
La valeur unitaire s'élève donc à 3.879,40 arrondie à 3.880 €/m² et l'indemnité de dépossession principale à 799.280 euros (3.880 € X 206 m²).
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
3 - Sur l'indemnité de remploi
La méthode de calcul de l'indemnité de remploi n'étant pas contestée, celle-ci s'établit comme suit :
20% sur 5.000 € : 1.000 €
15% sur 10.000 € : 1.500 €
10 % sur le surplus ( soit 10% de 799.280 -15.000 ) = 78.428 €
soit un total de : 80.928 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
4 - Sur l'indemnité pour perte de loyers
Vu l'article R321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ,
L'appelante invoque une perte de chance de percevoir des revenus locatifs entre la libération des lieux par le dernier locataire et la date de paiement de l'indemnité de dépossession, sur la base d'une valeur locative théorique de 3.000 euros par mois sur 51 mois.
Toutefois, le départ le 20 octobre 2018 du dernier locataire, sans motif dûment justifié, est antérieur à l'ordonnance d'expropriation datée du 10 décembre 2018. Au demeurant, l'appelante ne démontre pas avoir vainement cherché à relouer la partie du bien exproprié concernée.
Le jugement entrepris qui a rejeté cette demande doit donc être confirmé de ce chef.
5 - Sur l'indemnité pour préjudice matériel et de jouissance
Vu l'article R321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ,
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, faute pour l'appelante de justifier d'un préjudice accessoire à l'expropriation indemnisable à ce titre.
6 - Sur le droit de priorité
Le sens de l'arrêt rend cette demande sans objet, en ce qu'elle est formulée en cas d'évaluation en valeur occupée de la partie habitation du bien exproprié.
7- Sur les demandes accessoires
S'agissant des demandes accessoires, le jugement entrepris a mis les dépens de première instance à la charge de l'expropriante conformément à l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civilede ce premier code.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
La SCI d'Orsel et les consorts [T] repris en entête de l'arrêt dont le recours échoue doivent, conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile auquel renvoie l'article R.311-29 précité, supporter in solidum les dépens d'appel sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l'intervention volontaire des consorts [T] ;
Déclare irrecevables les conclusions n° 2 de la SCI d'Orsel en ce qu'elles contiennent des demandes nouvelles au titre de l'indemnité de dépossession principale, de l'indemnité de remploi et de l'indemnité de déménagement, ainsi que ses pièces 9 à 12 et 14 ;
Infirme le jugement entrepris sauf des chefs :
- de l'indemnité pour perte de revenus locatifs ;
- de l'indemnité pour perte de jouissance et préjudice matériels ;
- des dépens ;
- et de l'indemnité de procédure ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Fixe à 880.208 euros, en valeur libre et terrain intégré, l'indemnité totale à revenir à la SCI D'ORSEL pour l'expropriation de son bien immobilier situé [Adresse 3]), sur une parcelle de 101 m² cadastrée F179, laquelle se décompose comme suit:
* 799.280 euros au titre de l''indemnité principale,
* 80.928 euros au titre de l'indemnité de remploi,
Donne acte à l'Établissement Public Foncier d'Ile de France de son offre d'indemnité de déménagement, forfaitaire, à hauteur de 3.000 euros;
Condamne in solidum la SCI d'Orsel et les consorts [T] repris en entête du présent arrêt aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, et par Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 SEPTEMBRE 2023
N° RG 21/04219 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTSH
AFFAIRE :
[Y] [T]
et autres
C/
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFI F)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2021 par le juge de l'expropriation de NANTERRE
RG n° : 19/00058
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Nicolas PILLON,
Me Frédéric LEVY
Mme [B] [D] (Commissaire du gouvernement) + les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [N] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [O] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [K] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
Madame [U] [T]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentant : Me Nicolas PILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0683
APPELANTS
****************
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Frédéric LEVY de la SELAS DS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T07
INTIMÉ
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Mme [B] [D], direction départementale des finances publiques.
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Michèle LAURET, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE
La SCI d'Orsel est propriétaire d'un ensemble immobilier composé d'un local commercial à usage de restaurant au rez-de-chaussée, en angle de l'avenue d'Argenteuil et de l'avenue des Chambards (113m²) et, accolé, d'un immeuble à usage d'habitation (93m²), le tout édifié sur la parcelle cadastrée F[Cadastre 2] d'une surface de 101m² situé [Adresse 3].
Un projet de requalification urbaine de l'avenue d'[Localité 10] a été engagé par la commune de [Localité 12] auprès l'Etablissement Public Foncier des Hauts-de-Seine (ci-après EPF 92) le 31 juillet 2013, aux droits duquel est venu l'Etablissement Public Foncier d'Ile-de-France (ci-après EPFIF).
La commune de [Localité 12] a chargé l'EPF 92 des acquisitions foncières et des travaux nécessaires à la revente des biens acquis par convention-cadre du 1er septembre 2007 et renouvelée en 2013.
Le projet de requalification urbaine de l'avenue d'[Localité 10] à [Localité 12] a été déclarée d'utilité publique au profit de l'EPF 92 suivant arrêté préfectoral du 25 mai 2011.
Par arrêté du 24 septembre 2018, le Préfet des Hauts-de-Seine a déclaré immédiatement cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet au profit de l'EPFIF.
Le transfert de propriété du bien au profit de l'EPFIF a été prononcé suivant ordonnance du 10 décembre 2018.
A défaut d'accord intervenu entre les parties, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation par requête du 7 octobre 2020 reçue au greffe le 10 octobre 2020 aux fins de fixation de l'indemnité de dépossession.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
-Fixé à 975.380 euros, en valeur libre et terrain intégré, l'indemnité totale à revenir à la SCI D'ORSEL pour l'expropriation de son bien immobilier sis [Adresse 3]), sur une parcelle de 101 m² cadastrée F179, se décomposant comme suit:
*885.800 euros au titre de l''indemnité principale,
*89.580 euros indemnité de remploi,
-Surseoit à statuer sur la demande au titre de l'indemnité de déménagement dans l'attente de la production d'une facture et trois devis comparatifs,
-Rejeté le surplus des demandes,
-Condamné l'EPFIF à payer à la SCI D'ORSEL la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-Rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation.
La SCI d'Orsel, expropriée et les consorts [T] repris en entête de l'arrêt, intervenants volontaires ont interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 1er juillet 2021 à l'encontre de l'EPFIF.
Ils demandent à la cour, par conclusions reçues au greffe de la cour le 1er octobre 2021 notifiées à l'expropriant (AR non revenu) et au commissaire du gouvernement (AR non revenu), de :
- Juger recevable l'appel formé par la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL et les consorts [T],
- Infirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le Juge de l'expropriation du Tribunal judiciaire de NANTERRE (RG : 19/00058), en ce qu'il a :
* « Fix(é) à 975.380 euros, en valeur libre et terrain intégré, l'indemnité totale à revenir à la SCI D'ORSEL pour l'expropriation de son bien immobilier sis [Adresse 3]), sur une parcelle de 101 m2 cadastrée FI [Cadastre 8], se décomposant comme suit :
-885.800 euros au titre de l'indemnité principale,
-89.580 euros indemnité de remploi »
* « Surs(is) in statuer sur la demande au titre de l'indemnité de déménagement dans l'attente de la production d'une facture et trois devis comparatifs »
* « Rejet(é) le surplus des demandes »
- Et, statuant à nouveau,
1/
- Fixer à la somme de 1.179.500 € (hors droits) l'indemnité principale que l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF) doit payer à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » pour la dépossession de l'ensemble immobilier situé sur le territoire de la commune de [Adresse 3] (cadastré à la section F N°[Cadastre 2])
- Fixer à la somme de 118.950 € l'indemnité dc remploi due à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL »
- Juger que l'indemnité due à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » à titre de frais de déménagement sera déterminée par la production d'une facture et trois devis comparatifs
- Fixer l'indemnité due à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » pour la perte de ses loyers, à 3.000 € par mois HT HC, sur la période comprise entre la libération des lieux par le dernier locataire, soit, le 20 octobre 2018, et le paiement de l'indemnité de dépossession
2/
- Si l'indemnité principale de dépossession revenant à la SCI D'ORSEL concernant la partie à usage d'habitation devait être calculée sur la valeur d'un immeuble occupé, alors, juger que :
- Monsieur [Y] [T] et ses enfants, Madame [N] [T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T] bénéficient donc d'un droit de priorité :
- soit pour le relogement en qualité de locataires dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré ou dans un local dont le loyer n'excède pas celui d'un local construit en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré de même consistance,
- soit pour leur accession à la propriété au titre de la législation applicable en matière d'habitation à loyer modéré ainsi que pour l'octroi, le cas échéant, des prêts correspondants,
- ce droit de priorité s'exercera sur un local de type analogue situé dans la même commune ou dans une commune limitrophe,
- Juger que l'indemnité due à Monsieur [Y] [T] et ses enfants, Madame [N]
[T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T] à titre de frais de déménagement sera déterminée par la production d'une facture et trois devis comparatifs,
3/
- Fixer à la somme de 10.000 € l'indemnité due à Monsieur [Y] [T] et ses enfants, Madame [N] [T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T] à pour privation de jouissance et pour les préjudices matériels résultant d'un trouble apporté par l'expropriation aux conditions de vie,
4/
- Condamner l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF) à payer à la société « SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE D'ORSEL » une somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel
- Condamner l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF) aux dépens
L'EPFIF, expropriant, par conclusions reçues au greffe de la cour le 30 décembre 2021 notifiées à l'exproprié (AR signé le 4/01/22) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 4/01/22), demande à la cour de :
1/De dire et juger la SCI d'Orsel, appelante, ainsi que Monsieur [Y] [T], Madame [N] [T], Madame [O] [T], Madame [K] [T] et Madame [U] [T], intervenants volontaires, mal fondés en leur appel ;
En conséquence, de débouter ces derniers de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
2/De dire et juger l'EPFIF recevable et bien fondé en son appel incident partiel du jugement prononcé le 31 mai 2021 (RG n°19/00058) ;
En conséquence, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de fixer comme suit le montant de l'indemnité principale, de l'indemnité de remploi et de l'indemnité de déménagement consécutivement à l'expropriation de l'immeuble de rapport sis à [Adresse 3], édifié sur la parcelle cadastrée section F n°[Cadastre 2] :
Indemnité principale : (méthode globale-terrain intégré) :
206m² x 3.800 = 782.800 en valeur libre
Frais de remploi :
20% sur 5.000 euros = 1.000 euros
15% sur 10.000 euros = 1.500 euros
10% sur 767.800 euros= 76.780 euros
Total remploi : 79.280 euros
Frais de déménagement : 3.000 euros
3/De confirmer le jugement prononcé le 31 mai 2021 en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes tendant à l'allocation d'indemnités pour perte de loyers ainsi que pour privation de jouissance et troubles apportés aux conditions de vie.
Le commissaire du gouvernement, par conclusions reçues au greffe de la cour le 28 décembre 2021, notifiées à l'exproprié (AR signé le 7/01/22) et à l'expropriant (AR signé le 29/12/21), sollicite la fixation de l'indemnité principale à la somme de 891.000 euros et à la somme de 90.100 euros au titre des frais de remploi, soit un total de 981.100 euros.
Les appelants, par conclusions n°2 reçues au greffe le 1er juin 2023 et notifiées au commissaire du gouvernement (AR signé le 7 juin 2023) et à l'EPFIF (AR signé le 7 juin 2023) répondent à ce dernier, produisent les pièces nouvelles 11 à 14 et modifient comme suit leurs demandes :
- indemnité de dépossession principale : 1.218.281 €;
- indemnité de remploi : 122828 €;
- indemnité de déménagement : 17.000 €;
- indemnité pour perte de loyers : 150.000 €.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Conformément à l'article 954, alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions et n'examine les moyens que s'ils sont invoqués dans la discussion de celles-ci, à l'exclusion des 'dire et juger' et des 'constater' qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens au soutien de celles-ci.
1 - Sur la procédure
Les consorts [T] repris en entête de l'arrêt ne fondent ni en droit ni en fait leur demande tendant à la recevabilité de leur intervention volontaire. Elle ne peut donc être accueillie.
Vu l'article 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
La cour a sollicité à l'audience les observations des parties sur la recevabilité des conclusions n°2 précitées et des pièces nouvelles qui les accompagnent, au visa de cet article.
L'EPFIF a invoqué l'irrecevabilité des demandes nouvelles des appelants augmentant l'indemnité de dépossession et de leurs pièces nouvelles, à l'exception de la pièce 13, par note reçue au greffe le 26 juin 2023 par courrier et notifiée par lettres AR du 30 juin 2023 aux appelants et au commissaire du gouvernement.
L'appelante a admis l'irrecevabilité de ses demandes concernant l'indemnité de dépossession et l'indemnité de remploi mais soutenu la recevabilité de leurs autres demandes et celles de ses pièces, par note reçue au greffe les 26 et 28 juin 2023 et notifiée par courriers et lettres AR le 30 juin 2023 à l'EFIP et au commissaire du gouvernement. Elle sollicite un sursis à statuer sur l'indemnité de déménagement.
Le commissaire du gouvernement n'a pas répondu.
La cour retient ce qui suit.
Il est constant que le délai prévu à l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation s'applique non seulement au dépôt des conclusions, mais aussi à la production de documents et autres éléments de preuve, sauf à ce que leur production ait été rendue nécessaire par les écritures de l'intimé ou du commissaire du gouvernement ou que cette production n'ait pas été matériellement possible avant, pour une raison indépendante de la volonté de l'appelant.
Par suite, doivent être déclarées irrecevables les pièces nouvelles 9 à 12 et 14 de l' appelante, aucun élément en débat ne justifiant la production de ces compléments de pièce hors du délai de l'article en visa, ainsi que les demandes nouvelles en augmentation de celles formées dans leurs premières conclusions au titre de l'indemnité de dépossession principale et de l'indemnité de remploi, ainsi que celle relative à l'indemnité de déménagement, la précédente n'étant ni déterminée ni déterminable.
Quant à l'indemnité de déménagement, il n'y a pas lieu de sursoir à statuer jusqu'à production de devis et facture,l'appelante ne justifiant pas qu'elle n 'a pas eu le temps d'obtenir les devis nécessaires dans les délais de l'article en visa. Il sera toutefois, donné acte à l'EPFIF de son offre forfaitaire à hauteur de 3.000 euros.
En revanche, la demande chiffrée au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs est recevable, l'inconnue liée à la date de paiement de l'indemnité de dépossession, soit le 20 janvier 2023 (pièce 13 appelante), étant postérieure aux délais de l'appelante pour conclure une première fois.
Enfin, la déclaration d'appel de la SCI d'Orsel et le surplus des conclusions et pièces des parties sont recevables, ce qui n'est pas contesté.
2 - Sur l'indemnité de dépossession principale
L'appelante demande :
- une valeur unitaire de 6.000 €/m² pour la partie à usage d'habitation du bien exproprié, sur la base de 9 termes de comparaison relatifs à des biens à usage d'habitation à [Localité 11] ou [Adresse 3], soutenant que la partie de l'immeuble affecté à l'usage d'habitation n'est pas un immeuble de rapport
- et une valeur de 5.500 €/m² pour la partie à usage commercial du bien exproprié soit une indemnité principale de 621.500 € pour 113 m², sur la base de 17 termes de comparaison.
L'EPFIF fonde son appel incident sur le caractère excessif d'une valorisation à 4.300 €/m² du bien de rapport exproprié, au regard des 6 termes de comparaison qu'il propose, à Bois Colombes, dans un secteur proche, pour une moyenne de 3.194 €/m² en valeur libre ou 4.198 €/m² en valeur occupée, soit une valeur médiane de 3.800 €/m² et une indemnité de 782.800 euros pour 206 m2. Il conteste :
- pour le local commercial les 17 termes de comparaison adverses comme sans référence de publication ou sans pertinence quant à la surface ou l'état
- et pour la partie à usage d'habitation, les références de l'appelante quant à la nature sans comparaison possible des biens en cause, affectés à la seule habitation, à leur importance (surface, nombre de pièces) et à leur distance du bien exproprié.
Le commissaire du gouvernement propose une valeur unitaire de 4.324 €/m² soit une indemnité arrondie à 891.000 €/m², compte tenu du bon emplacement géographique, en bordure de route passante, du bien exproprié. Il se fonde sur 5 termes de comparaison d'immeuble de rapport à [Localité 12] qu'il n'explicite pas.
La cour retient ce qui suit.
Le jugement entrepris retient pertinemment une évaluation de l'ensemble du bien exproprié en valeur libre, les occupants de la partie habitation ne disposant d'aucun titre.
Il écarte exactement l'ensemble des termes de comparaison portant sur des biens à usage d'habitation uniquement, compte tenu de l'usage mixte, d'habitation et commercial, du bien exproprié. Ce d'autant qu'au vu des photos produites par l'expropriant, la plupart des références de biens à usage d'habitation de l'appelante portent sur des biens qui ne sont manifestement pas comparables ou sont loin du bien exproprié, sur une autre commune.
Il écarte également à bon droit les annonces, qui ne sont pas des transactions effectives, ce qui d'ailleurs n'est pas contesté en appel.
Le jugement entrepris retient ainsi une valeur unitaire de 4.300 €/m² sur la base des trois termes de comparaison du commissaire du gouvernement qu'il cite (arrêt p.10), que ni ce dernier ni l'appelante ne conteste et dont deux sont implicitement repris par l'expropriant (conclusions EPFIP p. 28).
Il convient d'y ajouter les 4 autres références en appel de l'expropriant , concernant des immeubles de rapport libres ou occupé (conclusions EPFIP p. 28), que l'appelante ne conteste pas utilement en se bornant à énoncer qu' 'elles ne sont pas pertinentes et concernent essentiellement des appartements (et non des maisons alors que la valeur des maisons est plus élevée', étant observé que le commissaire du gouvernement ne s'explique sur aucun des termes de comparaison adverses.
Il convient également d'y ajouter la première référence en appel de l'appelante, qui concerne la vente au prix unitaire de 3.774 euros, le 17 septembre 2020, d'un local commercial libre d'occupation comme le bien exproprié, de 61 m², situé [Adresse 1] et que l'expropriant ne critique pas utilement quant à son caractère plus récent, qu'une photo non datée ne suffit pas à établir.
Les 16 autres termes de comparaison de l'appelante comme le troisième terme de comparaison du commissaire du gouvernement doivent en revanche être écartés comme relatifs à une superfie non pertinente de moins de 60 m² ou de plus de 300 m² ou correspondant à un immeuble hausmannien manifestement non comparable, situé [Adresse 5], ainsi qu'en atteste la photo reproduite en page 23 des conclusions d'expropriant. Enfin, le premier terme de comparaison du commissaire du gouvernement ne peut être retenu, faute de commentaire pertinent suffisant à son sujet de la part de ce dernier, alors qu'aucune des parties ne reprend cette référence à son compte.
La valeur unitaire s'élève donc à 3.879,40 arrondie à 3.880 €/m² et l'indemnité de dépossession principale à 799.280 euros (3.880 € X 206 m²).
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
3 - Sur l'indemnité de remploi
La méthode de calcul de l'indemnité de remploi n'étant pas contestée, celle-ci s'établit comme suit :
20% sur 5.000 € : 1.000 €
15% sur 10.000 € : 1.500 €
10 % sur le surplus ( soit 10% de 799.280 -15.000 ) = 78.428 €
soit un total de : 80.928 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
4 - Sur l'indemnité pour perte de loyers
Vu l'article R321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ,
L'appelante invoque une perte de chance de percevoir des revenus locatifs entre la libération des lieux par le dernier locataire et la date de paiement de l'indemnité de dépossession, sur la base d'une valeur locative théorique de 3.000 euros par mois sur 51 mois.
Toutefois, le départ le 20 octobre 2018 du dernier locataire, sans motif dûment justifié, est antérieur à l'ordonnance d'expropriation datée du 10 décembre 2018. Au demeurant, l'appelante ne démontre pas avoir vainement cherché à relouer la partie du bien exproprié concernée.
Le jugement entrepris qui a rejeté cette demande doit donc être confirmé de ce chef.
5 - Sur l'indemnité pour préjudice matériel et de jouissance
Vu l'article R321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ,
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, faute pour l'appelante de justifier d'un préjudice accessoire à l'expropriation indemnisable à ce titre.
6 - Sur le droit de priorité
Le sens de l'arrêt rend cette demande sans objet, en ce qu'elle est formulée en cas d'évaluation en valeur occupée de la partie habitation du bien exproprié.
7- Sur les demandes accessoires
S'agissant des demandes accessoires, le jugement entrepris a mis les dépens de première instance à la charge de l'expropriante conformément à l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civilede ce premier code.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
La SCI d'Orsel et les consorts [T] repris en entête de l'arrêt dont le recours échoue doivent, conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile auquel renvoie l'article R.311-29 précité, supporter in solidum les dépens d'appel sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l'intervention volontaire des consorts [T] ;
Déclare irrecevables les conclusions n° 2 de la SCI d'Orsel en ce qu'elles contiennent des demandes nouvelles au titre de l'indemnité de dépossession principale, de l'indemnité de remploi et de l'indemnité de déménagement, ainsi que ses pièces 9 à 12 et 14 ;
Infirme le jugement entrepris sauf des chefs :
- de l'indemnité pour perte de revenus locatifs ;
- de l'indemnité pour perte de jouissance et préjudice matériels ;
- des dépens ;
- et de l'indemnité de procédure ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Fixe à 880.208 euros, en valeur libre et terrain intégré, l'indemnité totale à revenir à la SCI D'ORSEL pour l'expropriation de son bien immobilier situé [Adresse 3]), sur une parcelle de 101 m² cadastrée F179, laquelle se décompose comme suit:
* 799.280 euros au titre de l''indemnité principale,
* 80.928 euros au titre de l'indemnité de remploi,
Donne acte à l'Établissement Public Foncier d'Ile de France de son offre d'indemnité de déménagement, forfaitaire, à hauteur de 3.000 euros;
Condamne in solidum la SCI d'Orsel et les consorts [T] repris en entête du présent arrêt aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, et par Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,